Ian Campbell, le guitariste chanteur du groupe de Black Metal canadien Harrow, ne se contente pas dans sa vie de musicien de poser uniquement des nappes de saturations morbides sur des cris rauques et désespérés. Depuis quelques temps déjà, il laisse ses appétits de folk/ambiants lui dicter ses menus en alimentant son projet CROOKED MOUTH d'étranges morceaux aux paroles pour le moins nébuleuses.
Après une démo et un live autorpoduit, c'est aujourd'hui un premier album qui sort donc via Presposterous Créations, ce "Crooked Mouth" reprenant des chansons déjà publiées mais réenregistrées dans de meilleures conditions.

"...the likely source (of the name) is the "Caimbeul", an Early Modern Irish or Gaelic name meaning wry or crooked mouth.".
C'est avec ces seuls mots que Mister Campbell explicite l'étrange nom de son projet, le musicien préférant largement laisser parler les curieuses sonorités de ses chansons et ses visuels fantasmagoriques.
Je ne sais pas trop pourquoi j'imaginais de la part de Campbell un projet plus dur et barré que ce que j'ai découvert avec "Crooked Mouth". On retrouve dans ce projet beaucoup d'influences celtiques, des harmonies semblant venir de temps immémoriaux et des "cordes" dont on a parfois des difficultés à déterminer la provenance.
En fait, la personnalité de cet album ne vient pas du tout d'où j'aurais pu croire. Malgré quelques expérimentations ambiantes, le gros du travail de Campbell se fait autour du duo guitare/voix.
Sur un morceau comme "Moontrance", le musicien arrive à poser un climat particulièrement envoûtant avec trois fois rien de son... et pratiquement aucun effet de style. Juste son timbre éthéré et sa guitare mélancolique. Il faut quelques écoutes pour percer les premiers secrets de "Croocked mouth", les premières écoutes de cet album révélant surtout plusieurs chansons particulièrement évanescentes, et la voix cristalline et planante de Campbell.
Au fur et à mesure qu'on prend mesure du talent du bonhomme, on découvre une véritable fourmilière onirique où les envolées vocales ne donnent jamais dans la démonstration de force et se rapprochent par moments des chœurs liturgiques, certaines harmonisations (complétées par une réverb) donnent l'impression d'avoir été interprétées dans une église.
Ne croyez pas cependant que Campbell soit un compositeur conventionnel, l'étrangeté de ses lyrics donnant une bonne raison de croire que son inspiration est nébuleuse et torturée (Pêle mêle il fait référence au "Trône de Fer", à des contes cruels parlant d’étranges serpents, à des corbeaux...).
La guitare acoustique a ici une place de luxe et Campbell alterne avec brio les rythmiques folk musclées aux arpèges feutrés. Mixé assez en avant dès lors qu'elle revêt un caractère plus rythmique, le son de la six cordes se fait plus ténu dès lors que les accords se font plus intimistes et discrets.
La variation d'intensité sonore qui en résulte permet à l'album de prendre du relief et le font même s'oublier de nos oreilles pendant parfois plusieurs secondes.
Passant des 2'04 de "Crow's Song" aux 12'35 de "Stawamus", les morceaux prennent des chemins très diversifiés, certains allant droit au but quand d'autres ne cessent de s'égarer sur leur chemin. Plutôt homogène, l'album marque ses spécificités sur l'incroyable "Cruachan" (une sorte d'incroyable hymne épique coincé quelque part entre HORSEBACK et Sergio Leone) ou la délicate et inquiétante "Sister of Wyrd" (qui semble étouffer ses propres mélodies dans un chuchotement mystique et énigmatique).

Bref, un premier album intriguant, trippant et bien interprété qui devrait ravir les fans de Folk/ambiant de qualité. Bravo Mister Campbell.


Rédigé par : Pamalach | 14,5/20 | Nb de lectures : 11856