Charles Provost - LA BALEINE par VSGREG - 3680 lectures



Peux-tu brièvement te présenter ainsi que tes fonctions au sein de La Baleine ?
Je suis Charles PROVOST et j'ai 26 ans. J'ai rejoint La Baleine Distribution en 2006 où j'occupe un poste de responsable développement ce qui veut dire que je m'occupe de la promotion et du marketing de toutes nos sorties (tous styles confondus, métal et non métal) et je suis label manager des labels de Métal uniquement. Je m'occupe de les signer et d'assurer leur bon développement.


Peux-tu en dire plus de façon succincte sur ton parcours qui t'a mené à ce poste ?
J'ai commencé mon expérience dans l'univers de la musique lorsque j'animais une émission Métal de radio à Tours. Je suis ensuite parti à Londres dans le cadre de mes études où j'ai par la suite travaillé pour Century Media et Detonator TV. C'est aussi là-bas que je me suis associé pour créer un label (Anticulture records) dont je me suis séparé en 2008. Après cette escapade, j'ai rejoint La Baleine distribution et j'ai également créé en parallèle mon entreprise H.I.M. MEDIA où j'offre mes services en terme de promotion et de marketing à certains labels (tous types de musique), où je manage un groupe (non métal) et où je gère en tant qu'éditeur le magazine "Metal Obs" depuis octobre 2008.


Je te propose de prendre un exemple pour présenter ton domaine d'activité et le mode de fonctionnement de la distribution au sein de La Baleine.
Je suis le leader de mon one-man band de black metal et je viens tout juste de presser mon premier CD Digipack à 666 exemplaires, maintenant je veux le vendre pour devenir riche et célèbre et… c'est là que je te contacte ! Quels sont les critères qui vont faire que tu acceptes ou refuses de distribuer mon disque ?

Concernant notre mode de fonctionnement au sein de La Baleine, nous commencerons par étudier le projet en observant son aspect professionnel. Nous sommes de plus en plus réticents à signer en distribution des projets qui débutent, sans réelle promotion et où tout reste à développer. Le marché est saturé et nous essayons de sélectionner les projets en fonction de leur potentiel musical et en fonction de ce qu'ils dégagent en terme d'image. Il est certain que nous sommes toujours plus attirés par un groupe qui a su emmener son projet à un certain niveau ou qui a su créer un engouement autour de sa formation.

Même si nous signons bien plus de contrats de distribution avec des labels, il nous arrive de travailler en direct avec un groupe et d'endosser plus un rôle de label que de distributeur.


Comment fonctionne la distribution au sein de La Baleine? Comment faites-vous pour que mon disque se retrouve en bacs chez des disquaires ?
Dans un premier temps nous signons un contrat de distribution avec le label ou l'artiste.

Ensuite nous demandons les CD promos 3 mois avant la date de sortie du disque pour travailler en amont.

En parallèle nous créons une feuille info du produit que nous rajoutons à notre référencement. Le référencement a lieu tous les mercredis et c'est là que nous sélectionnons les disques qui sortent 6 semaines plus tard. La période de 6 semaines correspond au temps dont disposent les représentants en magasin pour prendre leurs précommandes. Nous travaillons aussi en centralisation avec les magasins sur certains produits.

Pendant ces 6 semaines, les résultats promos commencent à tomber ce qui permet aux représentant d'accentuer les commandes.

Enfin, les précommandes sur le disque sont envoyées une semaine et demie avant la sortie auprès des différentes chaînes de distribution.


Avec quel type de disquaires travaillez-vous ? Les indés/ Fnacs-Virgin/La grande distribution (super/hyper) ? Fonctionnez-vous de la même façon avec tous ces acteurs ?
Nous travaillons avec la Fnac, Virgin, Leclerc Culture, Cultura, les magasins indépendants et la grande distribution mais que pour certains produits qui ont le profil (pas pour le métal par exemple).

Les conditions pour tous ses clients sont différentes. C'est notre chef des ventes qui travaille en relation avec eux et qui négocie les remises accordées ainsi que tous les autres détails. Notre démarche et relation s'adaptent en fonction du magasin mais la présence de nos représentants nous permet de garder une bonne proximité avec l'ensemble des magasins.


Combien de temps mon disque va-t-il rester en bacs chez ces disquaires ?
Tout cela dépend de ses ventes par semaine. Si un disque vend, les retours ne seront pas immédiats. C'est pour ça que le disque a besoin de vivre sur la longueur avec une forte promotion avant, pendant et après sa mise en bac et aussi avec des dates de concert régulières.
Si les mises en place du disque ont été fortes mais qu'il ne vend pas du tout, nous avons des demandes de retour sous 3 mois, c'est le temps minimum pour un disque en bac aujourd'hui.

Pour les projets qui se vendent, il n'y a pas de pression pour les retours. Cependant, chaque magasin demande parfois une autorisation de retour au représentant de La Baleine avec qui il travaille mais cela n'arrive pas fréquemment. Donc un disque peut rester en bacs très longtemps même si quelques petites quantités peuvent revenir chaque mois.


Quelle est la suite des aventures de mon digipack s’il est acheté ... et s'il reste en bacs ?
Tous les mois le label ou l'artiste reçoit un état des ventes de ses ou son produit avec la quantité en stock chez nous et celle envoyée dans les magasins. Au bout du second mois, le label ou distributeur commencera à être payé. Ensuite, chaque mois, le relevé est envoyé avec la somme que l'on doit, le nombre de disques qui est chez nous, le nombre de disques qui est parti en magasin pour le mois en cours.


Et qu'est-ce qui se passe ensuite à ton niveau si tout est vendu ou si tu as plein de retours ?
Si l'on voit que le stock part vite on recommandera auprès de l'artiste ou du label pour ne pas être manquant auprès des magasins. Si nous avons plein de retour, nous déduisons la somme corresponde aux retours des magasins à ce que nous devons au label ou artiste chaque mois. Pour éviter cette situation, on applique tous les mois sur le relevé des ventes une provision sur retour pour ne pas se retrouver dans le cas où c'est le label qui nous doit de l'argent suite à un retour des magasins. Car lorsque l'on accepte un disque en retour nous créditons le magasin concerné.


Parlons money si tu le veux bien, combien gagne La Baleine sur la vente d'un disque une fois qu’on enlève tous les frais ?
Au minimum 3 euros mais notre marge change en fonction de notre prix d'achat. Chaque disque est différent.


Au sein de La Baleine, quels sont les labels que vous distribuez ?
Nous ne distribuons pas uniquement du métal et La Baleine avec ses 11 ans d'existence a un fort catalogue et de gros labels dans beaucoup de style différent (électro, techno, soul, funk, rock indé...) . Nous n'avons ouvert le catalogue Métal que depuis mon arrivée il y a 2 ans et demi. Nous distribuons par exemple pour le métal: Prosthetic, Rise Abose, Ferret, Visible Noise, Trustkill, Wacken Records, Magic Circle, Hydra Head, SPV (certain label), Blaze Bayley record, Vic records, Limb music, Deathwish, Axe Killer...


Sur quels critères décides-tu de prendre un nouveau label en distribution ? Il y a-t-il des discussions au cas par cas sur les conditions avec chaque label ?
On choisit de travailler un label en France lorsque l'on souhaite vraiment le représenter dans notre pays. Nous essayons de fonctionner en sorte que La Baleine puisse être considéré comme le bureau français du label, c'est d'ailleurs pour cela que nous avons monté une agence promo au sein de La Baleine. Il y a bien sûr des négociations sur les conditions pour chaque signature mais dans l'ensemble le contrat de distribution type que l'on appelle le contrat de "dépôt" n'est pas très complexe. Après il existe d'autres types de contrats de distribution avec avance de pressage... et c'est une autre négociation qui se met en place.


Cela fait maintenant 7/8 ans que le marché du disque est en crise. Comment vivez-vous face à cela ?
Me concernant et je pense que c'est la même chose pour mes collègues, nous n'avons travaillé dans cette industrie qu'en période de crise. Je pense que ça a du bon dans le sens où on n'a aucune nostalgie du passé. Tous les jours nous mettons des choses en oeuvre pour se surpasser et être réactif au maximum en sachant que tout est difficile. Les ventes de disque chutent mais nous parvenons tout de même à réaliser de beaux scores et de belles opérations sur pas mal de projets. De nouveaux moyens permettent de maîtriser la crise et nous apprenons à vendre un disque de manière différente en montant des opérations avec des acteurs différents de ceux du disque. De plus, nous concernant, nous essayons de filtrer les projets et les labels et de ne travailler que ce qui nous paraît utile sur le marché. Nous réduisons l'offre pour essayer de ne proposer que l'essentiel, je dis pas qu'on y arrive tout le temps mais c'est ce qu'on essaye de faire au maximum.


Pour relancer les ventes, les labels ont lancé des packagings spéciaux, des éditions spéciales avec DVD etc. Est-ce que ça fonctionne ? Si oui quel gadget est-il le plus efficace ?
Oui cela fonctionne car lorsque tu dépenses 18€ pour un disque tu préféreras toujours avoir une version digipack 18 volets plutôt qu'un boîtier plastique. Je pense que le bonus DVD et le bonus CD live sont de bons "plus produit" effectivement. J'ai tendance à penser que le pack CD + Tee shirt reste le plus efficace, principalement dans le Métal.

Les ventes digitales sur ITUNES marchent de plus en plus également et le fait de proposer du contenu exclusif en téléchargement pour un album acheté est assez attrayant je trouve. Enfin je pense que si l'on reste sur un format classique, il faut proposer un prix de plus en plus attrayant.


Combien de sorties différentes distribuez-vous par mois ? Penses-tu que cela puisse avoir un impact sur la baisse des ventes ?
Chaque semaine nous référençons environ 20 à 25 disques et nous avons décidé depuis 2 ans et demi d'enlever 5 à 10 disques par semaine pour en arriver à ce nombre et pour justement trier et sélectionner les produits essentiels comme je le disais plus tôt. Notre taux de retour diminue réellement depuis plus d'un an et demi et nos chiffres d'affaires augmentent, donc pour le moment ça fonctionne.


Quel est le disque que vous avez distribué qui s'est le mieux vendu en 2008 ?
Boys Noize (électro - 12 000 passages caisse - www.myspace.com/boysnoizemusic) et Of Montreal (rock indé - 9 000 passages caisse - www.myspace.com/ofmontreal). Nous avons deux sorties métal dans notre top 15 en 2008: 36 Crazyfists et Bring Me The Horizon.


Quel est le style musical (au sein du métal) qui se vend encore le mieux chez vous ?
Le True black et le pagan. Nan je déconne :) Le Métal Core et le Heavy. Quoique qu'en Death metal les chiffres ne sont pas mauvais non plus.


De nombreux groupes affirment vendre plus lors des concerts qu'avec une distribution en magasin. Ta réaction ?
Je pense que ces groupes sont certains de cela car ils ont le sentiment de voir d'avantage leur recette arriver dans leur poches (ce qui est une bonne chose). Il y a plein de possibilités pour un groupe de vendre ses produits en 2009 sans passer par les acteurs du marché. Le passage par le distributeur n'est plus une étape indispensable pour vendre sa musique. L'offre et les moyens de consommation sont plus nombreux et le choix de consommation devient différent tout simplement. On peut donc passer par la Fnac/Virgin... ou par Itunes, ou par le groupe en direct via son myspace ou faire les trois en même temps. C'est un choix de développement dorénavant.


Sur quels albums places-tu beaucoup d'espoirs pour 2009 ?
Pas mal de gros projets vont sortir à La Baleine mais dans des styles non-métal et pour ce qui concerne le métal vous serez informé tout au long de l'année sur VS :)


En tant que fan de métal qu’écoutes-tu en ce moment ?
Je pense que je suis à la bourre mais je m'aperçois que Lamb Of God est un très bon groupe et en ce moment j'écoute aussi pas mal Raised Fist, Akercocke, Malefice, Cattle decapitation, Cynic, Criminal Element, Bring Me The Horizon, Underoath et Otargos.


Cela fait des années qu'on nous annonce la mort du CD et de l'industrie du disque, n'est-il pas trop difficile de travailler dans ce contexte ?
Nous n'avons jamais autant vendu de vinyle que depuis ces 3 dernières années... et pourtant ce support est censé être mort depuis l'arrivée du CD. C'est vrai que nous avons parfois le sentiment de travailler au jour le jour mais la principale inquiétude vient surtout des déclarations de certaines chaînes de distribution par rapport à leur volonté d'arrêter de vendre du disque dans quelques années... C'est pour cela que nous essayons de trouver de nouveaux clients et moyens de vendre nos produits pour ne pas être dépendants d'une ou plusieurs chaînes de distribution. En Angleterre, il ne reste plus qu'une seule chaîne de magasin (HMV), sachant que Virgin (puis ensuite renommé ZAVVI l'année dernière) vient de fermer ses portes. Espérons que cela n'arrive pas chez nous.


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