Apologiste du goregrind qui tache. Disciple acharné du métal médico-légal, HAEMORRHAGE poursuit sa route parsemée de membres fraîchement débités, d’erreurs médicales et de décibels. Petit entretien avec le guitariste, chirurgien à ses heures, Luisma.

Pour commencer cet entretien, je tenais à te dire que cela avait été un réel plaisir de vous voir sur la scène de Party San cet été. Je dois dire que je ne me doutais pas du succès que vous pouviez avoir en Allemagne. A quoi doit-on ce lien particulier
qu'HAEMORRHAGE entretient avec les « pathologistes » teutons ?
Oui, c'est vrai. Nous avons beaucoup de fans en Allemagne mais ce n'est pas si surprenant que ça, vu que nous avons sorti la majeure partie de nos albums sur Morbid Records, un label allemand. Nous avons donné notre premier concert hors d'Espagne en 1996 et c'était en Allemagne. Depuis nous avons donné quelque chose comme 35/40 concerts là-bas et comme nous y venons presque tous les ans c'est un peu comme si nous étions à la maison. C'est vrai également qu'il existe une sorte de connexion entre nous et nos fans teutons mais c'est difficile pour moi de te dire exactement ce qu'il en ait vu que je n'ai aucune explication à fournir sur le sujet.

Ok je vois. C’est une vieille histoire que vous entretenez avec le public allemand mais quant est-il du reste de l’Europe ? Votre dernière tournée en compagnie de CRYPTOPSY remonte déjà à quelques années. J’ai été désagréablement surpris en constatant que
vous n'aviez pas fait de tournée pour soutenir « Apology for Pathology » votre dernier album en date. Est-ce qu'une tournée est en prévision pour les mois à venir ?
Non, pas vraiment en fait. Pour tout te dire, nous avons décidé de ne plus faire de tournée ou tout du moins de longue tournée comme celle que nous avions faite avec CRYPTOPSY. Nous préférons de loin faire des apparitions lors de Festivals. Faire des tournées c'est bien sympa mais il faut pour ça quitter nos familles, nos boulot pour un mois ou plus. Ce n'est plus aussi simple qu'avant pour nous. Lors d'un festival, tu peux toucher en une seule fois, le public que tu aurais rassemblé sur l'ensemble d'une tournée. Le choix est vite fait et d'un point de vue économique c'est la même chose. Je crois donc qu'on va continuer dans ce sens et jouer exclusivement lors de festivals ou sur des petites tournées d'une semaine comme celle que nous avons faite au Japon dernièrement.

Je comprends même si je déplore votre absence du circuit des tournées. En parlant de festival vous avez été confirmés pour participer au United Sickness Fest qui aura lieu à Strasbourg en février. Ça va être votre grand retour dans l’hexagone et en tête
d'affiche en plus. Avant ça il y aura le fameux Arnhem Metal Meeting aux Pays-Bas. Quelle est la prochaine étape pour répandre votre gangrène ? Wacken ?
Ouais, on est super contents de revenir en France. Nous avons beaucoup de fans et d'amis par chez vous et nous sommes heureux de revenir jouer pour eux. Pour Arnhem, je crois que ça va être également un super concert. Je me suis laissé dire que ça se déroulait dans une espèce de vieux théâtre ou quelque chose du genre. Quant à Wacken, nous aurions pu y jouer plusieurs fois vu que notre label nous l'avait demandé. Le truc, c'est que le cachet réservé aux petits groupes est ridicule. C'est pourquoi nous préférons jouer dans des festivals comme le Party-San ou le Brutal Assault où nous sommes davantage pris au sérieux. Je sais qu'il y a de nombreux groupes espagnols qui seraient prêts à payer les organisateurs du Wacken pour jouer là-bas. Ils pensent sans doute que ça leur permettrait de devenir célèbre ou que sais-je… ça les regarde mais ce n'est pas notre façon de voir les choses ni l'attitude que nous voulons avoir.

Oui, vous ne seriez pas prêts à vendre votre âme pour un peu de popularité. C’est une démarche qui se respecte. Pour passer à autre chose, je voudrais qu’on parle un peu de vos deux dernières sorties, à commencer par « Haemathology, the singles
collection ». La plupart du temps ce genre de disque sort à titre posthume. Comment vous est venue l'idée de réunir vos singles sur un seul et même album ?
Tout simplement parce que nous recevons souvent des messages de personnes nous demandant encore et encore nos vieux enregistrements. La plupart de nos EP étaient sold-out depuis longtemps. Les seules façons de se les procurer étaient de claquer son fric sur ebay ou de les télécharger avec une qualité merdique. On a donc tout naturellement pensé qu'il serait intéressant de réunir tout ça sur un seul et même disque avec un son de bonne qualité, les artworks originaux, des photos, des bonus et des infos sur ces mêmes 45tours. On est satisfait à 100% du résultat final. En fait, c'est même mieux que ce que nous avions escompté. Il y a de fortes chances pour qu'un « Haemathology part 2 » voit le jour dans les années à venir.

Vu sous cet angle, cette compilation semblait nécessaire mais je dois quand même dire que j’ai été surpris de constater la faible teneur en inédits de tous ces 45tours réunis. C’est plutôt inhabituelle pour un groupe de goregrind. Doit-on en conclure que
vous favorisez la qualité au détriment de la quantité ou alors que vous n'êtes pas très productifs ? Après tout, il vous a fallu plusieurs années avant de revenir avec « Apology for pathology »…
Effectivement nous enregistrons la majeure partie de ce que nous composons. Je sais bien que la plupart des groupes composent leurs morceaux en répét mais ce n'est pas le cas d'HAEMORRHAGE. En général, Ana et moi composons les titres à la maison et lorsqu'ils sont presque terminés nous les présentons aux reste du groupe. Ensemble nous séparons les bons titres des plus anecdotiques. Nous retravaillons les meilleures chansons et si nous ne sommes pas totalement satisfaits on vire tout et on passe au morceau suivant. Pour « Apology… » ça a été un peu différent vu que j'ai tout écrit seul à la maison. J'ai même été jusqu'à enregistrer sur mon ordinateur des maquettes de chacun des titres avec tous les instruments. Je crois que j'ai composé une trentaine de titres mais quinze seulement ont été enregistrés pour l'album. Les autres traînent encore quelque part sur mon PC avec des titres à la con genre « Cannibalism », « Vomited » ou encore « Agathocles » (rires)…

Cette nouvelle façon de travailler a-t-elle été convaincante au point de se reproduire à l’avenir ? D’un autre côté, ça limite l’investissement des autres membres du groupe et peut s’avérer frustrant à la longue. Quant à ces titres supplémentaires, ne
pourraient-ils pas être utilisés sur des faces B ou sur des splits EP ?
Je ne pense vraiment pas que ces chansons seront utilisées pour une sortie future. Si ces titres n'étaient pas assez bons pour « Apology… », comment pourraient-ils l'être pour une sortie future ? Nous sommes du genre à aller de l'avant, à ne jamais regarder en arrière. Maintenant pour cette nouvelle méthode de travail j'avoue que j'en suis plutôt satisfait. C'est d'ailleurs suivant le même procédé que je suis en train de bosser sur de nouveaux morceaux. Quant à savoir si cette façon de faire est frustrante, je peux te garantir que ce n'est pas le cas. Les autres sont toujours libres d'énoncer leur sentence, de choisir ce qui leur plaît et ensuite d'y ajouter leurs idées. En fait ce système nous permet d'avancer plus vite parce qu'ils peuvent écouter une approche assez avancée du titre final pas comme à l'époque où j'arrivais avec mes riffs en local de répet. Le truc marrant c'est que certaines versions sur l'album ne diffèrent pas beaucoup de celles des démos alors que d'autres sont totalement différentes au point d'être méconnaissables. Faudra que je sorte un truc avec mes démos à la con un de ces jours. Histoire de rigoler.

Ça pourrait être une idée mais tu devrais garder ça pour le coffret HAEMORRHAGE qui fêtera les 30 ans du groupe. Ça devrait te laisser un peu de temps. Maintenant j’aimerais qu’on parle un peu d’une sortie plus récente. J’imagine que les « Kill sessions »
ont été conçues comme une offrande à vos fans mais également comme un vieux rêve. Comment vous est venue cette idée directement inspirée par les sessions de John Peel ?
Oui c'est un vieux fantasme. On était fans des vieilles Peel Sessions des NAPALM DEATH, CARCASS et BOLT THROWER. On s'était toujours dit qu'on ferait un truc comme ça un jour où l'autre. Depuis le décès de John Peel, c'était virtuellement impossible. Nous avons donc repris l'idée en sachant les difficultés que nous allions rencontrer. Ce n'est pas si facile d'enregistrer les instruments live en studio. De nos jours l'espace dans les studios est restreint et il nous fallait impérativement quatre cabines d'enregistrement pour que chaque instrument soit isolé et que le son des guitares ne passe pas par les micros de batterie. Finalement nous avons eu la possibilité d'entrer au CATA studio de Madrid. C'est un très grand studio où enregistrent habituellement des orchestres classiques, des groupes de jazz. Ils font même des bandes originales de films. Nous avons donc pu mener ce projet à terme et le sortir sur Emetic records le label de notre vieil Steve Rarik. On ne peut donc qu'être satisfaits.

Vous avez dû vous sentir perdus dans un studio aussi immense. Crois-tu que ce mode de travail vous a permis de capter quelque chose de différent par rapport à vos enregistrements habituels ?
C'est clair que l'endroit était spacieux. Il y avait un piano dans un coin de la pièce où nous travaillions. On aurait dit une sorte de fourmi géante. La cabine principale devait faire quelque chose comme 100m² au bas mot. On avait fait aménager nos cabines dans un coin pour rester assez proche les uns des autres. Je crois qu'on a obtenu un résultat assez proche de ce que nous produisons en répétition et assez éloigné de nos prestations en public.

Raconte nous un comment vous avez sélectionné les titres devant figurer sur ces « Kill sessions » ?
On a fait ça par le biais de notre page myspace trois jours avant d'entrer en studio. Nous avons tout simplement demandé à nos fans quels titres ils aimeraient entendre sur cette compilation un peu particulière. Nous aurions pu faire cette sélection nous-mêmes mais nous voulions quelque chose de spécial qui soit réellement dédié à nos fans. Internet nous permettait de mettre en place cette consultation des fans et on ne s'est pas privé. Maintenant je dois t'avouer que dans les premières heures j'ai pensé que nous avions eu une mauvaise idée. On nous demandait des titres dont nous ne nous souvenions plus très bien et je te laisse imaginer le stress de devoir retrouver les riffs exacts trois jours avant d'entrer en studio. (rires). Finalement les votes ont fini par s'orienter naturellement vers des titres que nous aurions choisis et le morceaux le plus demandé a été « I'm a Pathologist » tel que nous nous y attendions avant de démarrer les votes.

Je ne suis pas trop surpris que ce soit ce titre qui soit sorti en tête du vote. S’il y a un bien un classique d’HAEMORRHAGE, c’est bien celui là. Pour passer à un sujet plus sérieux, j’ai entendu dire que vous avez encore eu maille à partir avec les
autorités allemandes avec la sortie d'« Apology for Pathology ». Ce n'est pas la première fois. C'est même presque devenu un gage de qualité pour HAEMORRHAGE. J'aimerais connaître ton sentiment sur la question. Tu vois ça comme une vaste blague ou est-ce que tu te sens frustré par le fait que la censure allemande est stupide au point de prendre vos textes au premier degré ?
C'est totalement frustrant pour nous. Nous ne demandons pas à ces gens de comprendre nos textes mais ils pourraient au minimum nous témoigner un peu de respect car ce que nous faisons n'est rien d'autre qu'une forme d'expression artistique. Leurs motifs sont tout à fait stupides. Ok nos photos à l'intérieur sont peut-être un peu trop gore mais c'est dans le livret et ça ne peut choquer personne à part ceux qui l'achètent mais le plus grotesque concerne nos paroles qui sont jugées dangereuses pour la jeunesse et pouvant incité à la violence, aux meurtres et à d'autres bêtises du genre. Ils ont fait traduire l'intégralité de nos textes en allemand et ont surligné tous les passages jugés violents... Le plus comique, c'est que la plupart de ces fameux passages soi-disant choquants sont en fait des termes de médecine légale. Des mots comme putrefaction, necrotomy, etc sont dans chaque dictionnaire et ils voudraient nous sanctionner pour ça. C'est tout simplement ridicule. Enfin, on ne va pas se plaindre. On aurait pu se retrouver classé dans la liste A et nos disques seraient donc considérés comme un criminel (NDT : comme c'est le cas pour MORTICIAN). Nous avons donc été classé en liste B ce qui signifie que nos disques sont interdits de vente aux mineurs. Cette décision a été prise par un comité de censure regroupant une douzaine de personnes avec parmi elles, des représentants des autorités allemandes, de membres de la communauté religieuse, de profs, etc… Le spectacle de ces bâtards en train de décortiquer notre disque devait être pathétique. Enfin on avait déjà eu de gros problèmes avec notre DVD « Visions from the Morgue » qui avait tout simplement interdit en Allemagne. Les avocats de Morbid records nous avaient même dit que le DVD serait également banni d'Autriche et d'Angleterre. Je sais que CANNIBAL CORSPE ne peut jouer aucun titre de ses premiers albums lorsqu'ils sont sur le sol allemand et puis il y a cette histoire avec MORTICIAN. Je crois qu'il faudra qu'on fasse attention pour nos prochains albums.

Hé bien on va croiser les doigts en espérant que vous pourrez encore longtemps jouer « I’m a Pathologist » sur scène avant les cons ne changent d’avis. Puisque nous parlons de groupes censurés, j’aimerais connaître tes impressions au sujet du retour de
CARCASS. C'est une de vos influences majeures. Vous devez donc vous sentir un peu concernés par ce retour inattendu. Entre les fans frétillants et ceux qui pensent que c'est la fin d'une légende et le début d'une histoire de business, pour quel camp penchez-vous ?
Oui, j'avais entendu les rumeurs mais pour être honnête, je m'en cogne un peu. A ma connaissance, ce come-back ne sera pas concentré sur les premiers albums qui restent ceux que je préfère alors ça ne va rien changer à ma vie et surtout ça n'apportera rien aux scènes goregrind ou death metal. J'imagine qu'ils vont jouer dans quelques grands festivals, boire des bières, prendre un peu de pognon et que ça n'ira pas plus loin. Je ne pense pas qu'ils soient prêts à retourner dans le train train quotidien de la vie d'un groupe. Dans cet ordre d'idée, le retour d'IMPETIGO m'a vraiment botté. Les musiciens étaient encore connectés au style qu'ils jouaient. Leur réunion avait une démarche honnête. C'était cool aussi de revoir ASPHYX lors du Party-San mais je reste mitigé quant à cette mode des concerts de reformation et je sais que le reste d'HAMORRAHGE partage ce sentiment avec moi.

Je comprends ton point de vue. Une reformation se doit d’être sincère et honnête pour être réussie ; même s’il y a de l’argent à la clé. Bon avant de nous quitter, quels sont les projets immédiats pour HAEMORRHAGE ? Quelques nouvelles sorties pour 2008 ?
Oui, nous composons en ce moment de nouveaux titres pour un split album que nous allons partagé avec les grindeux allemands de DEAD. On va enregistrer ça en fin d'année en espérant que ça sorte début 2008. Il y a aussi quelques split EP en chantier mais on ne sait pas encore si tout se fera l'année prochaine.

OK Luisma, je ne vais pas t’ennuyer plus longtemps avec mes questions à la con. Un p’tit message pour tes fans français ?
Merci pour l'interview. Tes questions sont toujours les bienvenues. J'espère qu'on se croisera à nouveau autour d'un plat de macaronis pourris (NDT : les affres du catering du Party-San –soupir). Quant à nos fans français, ouais, j'ai quelque chose à leur dire. On espère vous voir nombreux pour le concert à Strasbourg le 23 février. STAY SICK !!!

Liens en relation :

http://www.haemorrhage.es/
http://myspace.com/haemorrhage
http://www.morbidrecords.de/bands/haemorrhage/english.htm