Daniel Mongrain - MARTYR par TONTON - 2533 lectures
« J’aime le fait qu’un artiste puisse s’exprimer au travers d’un médium qui lui permet d’aller chercher les nuances d’expressions et les subtilités ». Et c’est bien de nuances et de subtilités dont il est question dans cet entretien exclusif que Daniel Mongrain a bien voulu nous accorder. Après un statu quo interminable, MARTYR nous est revenu l’automne dernier pour « Feeding the Abscess » un troisième album plus inspiré que jamais. L’occasion de poser quelques questions plus ou moins pertinentes.


VS – Pour commencer, j’aimerais qu’on parle un peu de cette attente interminable qu’il y a eu entre les deux derniers albums. La sortie de « Warp Zone » remonte à plus de six ans. Que s’est-il passé pendant ce laps de temps ?
Daniel – En fait, après « Warp zone » on a beaucoup joué partout au Canada et par la suite Pier-Luc Lampron, l'autre guitariste, a été remplacé par Martin Carbonneau. Nous avons continué de donner des spectacles. A la même époque, j'ai été contacté par GORGUTS pour enregistrer un album avec eux puis partir en tournée. En 2003, j'ai rejoint le groupe de Jason Suecof pour enregistrer le deuxième album de CARPHANAUM avec Matt Heafy (TRIVIUM).
De plus chacun d'entre nous a une vie assez chargée tant sur le plan professionnel que familial. Pour ma part, je suis musicien pigiste et j'étudie le jazz à l'université de Montréal et je vais d'ailleurs finir cette année. Martin Carbonneau est professeur que guitare à plein temps. Patrice Hamelin, notre batteur a sa propre compagnie d'isolation. Quant à mon frère, François, il est étudiant en kinésiologie. A l'approche de la trentaine, avec toutes nos activités et nos obligations, il est devenu plus difficile de joindre les deux bouts et de trouver du temps pour composer et pratiquer ensemble. Et puis, il faut également dire qu'après « Warp Zone » entre 2001 et 2003, l'ambiance n'était pas au beau fixe. On s'est même posé la question de savoir si nous allions continuer ou tout arrêter. Et puis finalement, on s'est remis sérieusement au travail en 2004 et 2005 pour finalement revenir avec « Feedind the Abscess ».


VS – On peut donc dire que MARTYR est redevenu une priorité pour toi et les autres…
Daniel – Ça a toujours été une priorité mais, comme partout ailleurs, c'est très difficile ici de pouvoir vivre de la musique quand on évolue dans un registre métal underground. De mon côté, je suis obligé de jouer avec plusieurs artistes différents et j'enseigne la guitare jazz dans un collège. J'ai donc de nombreuses activités pour pouvoir subvenir à mes besoins. C'est pour toutes ces raisons que MARTYR a subi cette pause.


VS – Au jour d’aujourd’hui, tu es investi dans d’autres projets métalliques que MARTYR ?
Daniel – Je suis uniquement guitariste pour certains artistes populaires au Québec. J'ai participé à une comédie musicale avec des anciennes vedettes de « Notre Dame de Paris » et puis j'ai fait quelques shows télévisés, enregistré quelques albums tout en continuant à aller à l'Université et en enseignant la guitare au Cegep. Les propositions étant de plus en plus nombreuses, il faut faire des choix pas toujours faciles.


VS – Pour continuer sur les six années qui séparent « Warp zone » de « Feeding the Abscess » vous aviez enregistré une démo deux titres en 2003 qui était visiblement destinée à l’attention des labels.
Daniel – Oui, on avait enregistré « Perpetual Healing » et « Wreck » qui est devenu « Silent science » sur l'album. On a eu quelques réponses intéressantes de labels notamment Relapse et Century Media. Mais à l'époque on n'était pas prêt pour enregistrer un album complet. On n'avait pas assez de titres terminés. On a négocié quelques mois avec Relapse et finalement notre ami Eric Galy nous a fait une offre intéressante que nous avons préférée à celle de Relapse.


VS – Pourtant la perspective d’une signature avec Relapse présentait des possibilités plus vastes que celle que Galy records…
Daniel – Effectivement, c'était une belle opportunité. Mais plutôt que de prendre uniquement en compte le prestige d'une maison de disque, nous avons regardé le côté pratique, financier et surtout la confiance que nous avons en Eric. Il fait du super travail ici. On le connaît depuis plus de quinze ans donc ça nous a paru normal de signer avec lui.


VS – En fait vous avez préféré être un gros groupe sur un label moins imposant plutôt qu’un petit groupe sur un très gros label.
Daniel – Oui, et puis étant très connus au Québec, j'espère que nous allons aider Galy records tout comme il nous a aidés quand nous en avions besoin. C'est plus un échange qu'une affaire de business.


VS – C’était quand même un pari risqué que de revenir après une si longue absence. On peut dire que le nom de MARTYR était tombé dans l’oubli et que vous êtes repartis à zéro.
Daniel – En fait ça dépend de la façon dont on voit les choses. Moi, j'ai toujours fait de la musique pour mon plaisir, pour m'exprimer, point final. Je déteste l'industrie du disque. Je n'aime pas le business qu'elle draine. Je n'aime pas la compétition. J'aime le fait qu'un artiste puisse s'exprimer au travers d'un médium qui lui permet d'aller chercher les nuances d'expressions et les subtilités. Pour nous, la musique métal, la musique fusionnée est un travail et à mon sens il n'existe aucune loi, aucun règlement qui régisse le temps qu'un artiste pourra prendre pour sortir un album. Si l'envie nous prenait de refaire un disque à 55 ans, y'a rien qui nous en empêcherait. C'est sûr que pour le côté business d'un label ça peut faire peur mais au niveau de MARTYR la seule chose qui compte c'est de faire de la musique, de s'amuser et de s'exprimer.


VS – Hum ça se discute, parce qu’ il y a bien une chose qui pourrait t’empêcher de refaire un disque à 55 ans : l’arthrose dans les doigts ! (rires). Bon, on va quand même parler de ce nouvel album encore plus technique que les précédents mais qui laisse
Daniel – En fait, au début on était un petit peu perdu au niveau de la direction musicale à prendre. Avec le temps et les idées de chacun les pièces se sont construites un peu à l'aveuglette dans le sens où nous n'avions pas de ligne directrice. On ne se mettait pas de limite dans notre façon de sonner. On voulait seulement coucher nos idées, les travailler et en faire des pièces. Il est vrai qu'il y a des nouvelles couleurs plus jazzy dans l'album mais on a conservé des couleurs plus classiques thrash métal, de même que nous avons voulu un côté plus dissonant à la VOIVOD. Paradoxalement, c'est sans nul doute notre disque le plus influencé mais également le plus authentique. Dans le sens où nous avons trouvé notre son en incorporant nos influences pour construire notre propre style.


VS – C’est vrai qu’en survolant le disque on a un peu le sentiment de retrouver un certain aspect conceptuel comme c’était le cas des albums de VOIVOD à la fin des années 80.
Daniel – Oui et puis, je dois dire que VOIVOD a été une influence majeure pour moi mais aussi pour le groupe. Aussi bien du point de vue conceptuel que musical. Et puis Piggy a toujours été mon guitariste métal préféré. Le tout premier concert que j'ai vu c'était VOIVOD de même que le premier album que j'ai acheté. Maintenant, il est vrai qu'on n'avait pas vraiment idée de ce que ça allait donner au final. On y est allé selon notre feeling du moment et on est très fier du résultat.


VS – D’ailleurs en parlant de VOIVOD vous avez voulu rendre hommage à Denis D’amour sur cet album avec cette reprise de « Brain Scan ». Blacky apparaît même en guest sur le titre...
Daniel – En fait j'avais rencontré Blacky fin 2002. On avait fait un concert pour fêter les vingt ans du métal au Québec avec Flo Mounier (CRYPTOPSY), Pierre Remillard (OBLIVEON) et Pat Mireault (GHOULUNATICS), Marc Vaillancourt (B.A.R.F) et donc Blacky (note de Tonton : ce projet s'appelait BLACK CLOUD). C'est à cette occasion que je lui avais proposé de faire une reprise de VOIVOD sur le prochain album de MARTYR. Et il avait accepté. Entre temps Piggy est décédé et ça n'en a que renforcé notre désir de faire cette reprise.


VS – Pour continuer avec le nouvel album, tout le monde a remarqué l’apparition de violons sur certains titres. Est-ce que vous avez fait ce choix dans le but donner un certain côté lyrique à votre musique ?
Daniel – En fait, on avait des lignes composées pour violon depuis quelques années et puis Martin (Carbonneau) connaît Antoine Bareil qui est un virtuose du violon qui se produit un peu partout dans le monde dans des orchestres symphoniques et il se trouve qu'Antoine est fan de MARTYR. Donc, lorsqu'on l'a appelé pour participer à l'enregistrement, il était très content. Ça a été un vrai plaisir de travailler avec lui et je pense qu'il a apporté une nuance supplémentaire à l'album. Au début il ne devait apparaître que sur la mélodie finale de « Havoc ». Puis on a décidé d'improviser un peu sur « Shellshocked » la dernière partie de « Dead Horizon ». Pour finir, on a ajouté du violon sur les parties dans « Lost in Sanity » qui comporte des cymbales d'orchestre tirées du premier Star Wars et doublées par Antoine Bareil.


VS – En parlant de « Dead horizon ». Y a-t-il un concept particulier derrière ce morceau en quatre parties ?
Daniel – C'est notre ami Philippe Papirakis co-auteur de la plupart des textes sur l'album qui a écrit cette pièce là. L'idée de départ étant une espèce de cauchemar psychotique qui a lui-même vécu voilà quelques années. Il avait décidé d'arrêter de dormir pendant quelques semaines. Il en est tombé malade et a eu des hallucinations. C'est ces sensations qu'il a voulu décrire dans les textes de « Dead horizon ». Donc on peut effectivement parler d'un concept autour de la maladie mentale et les quatre parties en retracent les étapes. C'est très imagé et ça laisse une assez grande liberté d'interprétation à ceux qui l'écoutent. Je trouvais que le sujet était bon et qu'il convenait parfaitement à la musique de MARTYR.


VS – Justement puisqu’on parle des textes, j’ai remarqué qu’il y a une seule et unique phrase en français dans tout l’album. Explique-moi ça.
Daniel – Hé hé oui effectivement mais ça s'explique assez facilement. Il faut savoir que moi et François, nous couchons nos idées et écrivons surtout les textes en français. Pour les albums précédents on faisait tout traduire par une amie et ensuite on adaptait ensemble. Mais pour cet album là, on a écrit les idées en français puis Philippe Papirakis nous a proposé d'écrire les textes en se basant sur nos idées sans en faire une traduction. Ainsi nous n'étions pas prisonniers d'une quelconque adaptation et je pense que nous avons pris la bonne décision à ce niveau. Pour la phrase en français en question, on n'arrivait pas à trouver d'équivalent satisfaisant donc ça nous a paru naturel de garder cette unique phrase dans sa langue d'origine.


VS – Pour passer à autre chose, voilà une question difficile : que manque t-il à MARTYR pour percer à l’échelle internationale ?
Daniel – De l'argent (rires). A mon avis, c'est pas une question de musique ou de talent mais juste une question de moyens. Avec de l'argent tu peux faire marcher un groupe sans talent et créer un buzz autour de l'artiste. Il faut juste un bon gérant (note de Tonton : manager) et une solide promotion. Mais vu qu'avec MARTYR, on n'a pas d'argent (rires) on va se concentrer sur notre talent et puis on verra (rires). Farce à part, mon but avec MARTYR, c'est de jouer dans le plus d'endroits possibles, d'aller en Europe, de tourner aux Etats Unis, d'aller au Japon et de prendre du plaisir sur scène avec les gars du groupe en partageant notre musique. On est très réaliste face aux possibilités d'un succès commercial. Avec la musique que nous jouons, c'est impossible.


VS – Si tu veux savoir le fond de ma pensée, j’ai un peu le sentiment que vous avez peur de réussir. Si vous n’avez pas peur d’être avalés tout cru par la machine et d’être digérés…
Daniel – Hum, je ne pense pas. A l'époque de « Warp zone » on était remonté à bloc. On était très motivé. Aujourd'hui nos ambitions sont différentes. On veut continuer à faire de la musique. On veut continuer les concerts et aller jouer en Europe. Si une opportunité nous permettant de passer à une étape supérieure se présente, nous la prendrons certainement mais pas à n'importe quel prix. Je n''ai pas soif d'être populaire. Je n'ai pas soif de succès. J'ai juste soif de pouvoir m'exprimer à travers le médium qu'est MARTYR. Je ne suis pas du tout prêt à vendre mon âme. C'est pour ça que je respecte des groupes comme VOIVOD. Si le succès est au rendez-vous, tant mieux ! Mais ce n'est la première raison pour laquelle on a commencé à faire de la musique. On voulait créer et exprimer les idées les plus farfelues ou les plus bizarres. On fait de la musique complexe mais en fait ça n'a jamais été notre but en tant que groupe. Ça a toujours été simplement un moyen d'exprimer certains feelings qu'on n'est pas capable d'exprimer autrement. La vie est complexe. L'être humain est complexe. Pourquoi la musique ne le serait-elle pas ? C'est juste un reflet de ce qu'est la vie. La vie elle-même nous influence dans notre musique.


VS – ... et j'espère qu'elle continuera de vous influencer encore longtemps. Je crois qu’on a bien fait le tour. Un petit mot pour la fin…
Daniel – Hé bien on espère venir vous voir en tournée très prochainement avec cet album là. Et que vous serez au rendez-vous. A très bientôt.


Liens en relations :

http://www.martyr-canada.com/

http://www.myspace.com/martyrcanada

http://www.galyrecords.com/index.html

http://www.myspace.com/galyrecords


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