Avec "Emissaries", un dernier album époustouflant qui avait séduit la totalité de l'intelligentsia métallique, MELECHESH s'inscrit dans le cercle fermé des groupes à fort potentiel qui marqueront cette décennie et probablement la suivante. Nous en avons donc décidé d’en apprendre d’avantage sur les fondements du métal Mésopotamien et ses instigateurs.
Petit entretien avec Moloch (guitare)

1- VS – Salut Moloch, merci de prendre un peu de temps sur tes vacances pour répondre à mes questions. On va rentrer directement dans le vif du sujet. A commencer par votre principale caractéristique, celle de faire du métal mésopotamien. Alors, il est vr
Moloch - Filiations ? Je ne sais pas mais il est exact que, Jérusalem, la ville où nous avons grandis, a eu un effet considérable sur nos aspirations musicales. De part nos origines assyriennes, nous étions passionnés par la civilisation mésopotamienne et puis, enfin, nous avions le désir de trouver quelque chose de neuf, quelque chose qui nous serait personnel.

2- VS – Et j’imagine que c’est un tout. Le côté mystique de Jérusalem conjugué à vos origines, à votre culture…
Moloch – Oui, voilà. Jérusalem est un endroit magique, un haut lieu du mysticisme qui inspire de nombreuses façons, menant les hommes à la paix, à la guerre, à la folie ou à la spiritualité. Et Ashmedi et moi, nous avons grandi au milieu de tout ça.

3- VS – Forcément, il y a de quoi être inspiré. En parlant de ça, je me demandais s’il était plus facile de composer du métal mésopotamien à Jérusalem au milieu de cette ambiance si particulière ou si, au contraire, vous trouviez dans l’ « exil », une ins
Moloch – L'inspiration, tu voyages avec. Si les gens sont un peu plus froids aux Pays-Bas, je ne pense pas que ça change grand chose. Maintenant Ashmedi et moi, nous revenons régulièrement à Jérusalem voir nos familles et on amène toujours nos grattes avec nous. En général il en sort toujours de bonnes choses. Ashmedi venait souvent me voir à Lille quand j'y habitais encore. On s'enfermait pendant le week-end pour bosser. Tu lui en parleras la prochaine fois que tu le verras mais il a toujours été très inspiré lorsqu'il venait à Lille. (rires)

4- VS - Parlons donc un peu de ce nouvel album « Emissaries » sorti cet automne. Les évolutions ont toujours été significatives entre les albums de MELECHESH même si celle de « Sphynx » annonçait une ère nouvelle pour vous vu que vous aviez réellement tro
Moloch – En fait, ce qui est super quand tu es musicien, c'est que tu ne sais jamais s'il y a une limite. Déjà de « Djinn » à « Sphynx » on ne savait pas qu'on pourrait pousser notre style aussi loin. J'imagine que certains de nos fans pensaient que nous allions présenter une évolution aussi spectaculaire avec «Emissaries » alors que nous avons plutôt cherché à affiner notre musique plutôt qu'à la redéfinir.
Maintenant, je ne pense pas qu'il existe de limite. Notre grande réussite, c'est d'avoir une musique qui soit très reconnaissable car très personnelle donc il va de soit que les gens reconnaîtront de plus en plus facilement notre style et la surprise sera sans doute moins grande. Je pense que nous allons continuer à chercher des moyens de poursuivre sur notre lancée en trouvant toujours de nouveaux éléments pour peaufiner la musique de MELECHESH.
Ça sera un challenge mais, nous aimons bien les challenges.

5- VS – En fait l’une des grandes chances de MELECHESH c’est de présenter une musique assez personnelle pour que quiconque, en découvrant un morceau pour la première fois, puisse se dire sans hésitation « voilà ! ça, c’est du MELECHESH »… C’est peu fréque
Moloch – Oui, c'est notre force. On peut être fier de cette réussite mais nous sommes conscients du fait qu'il ne faudra jamais nous reposer sur nos lauriers. C'est pour ça qu'entre chaque album, nous prenons notre temps pour être certain de ne pas faire d'erreur. Il est encore très tôt pour parler du successeur d' « Emissaries » mais je pense que nous tenterons davantage de choses, que nous irons encore plus loin.

6- VS – Oui, d’ailleurs j’ai lu dans une interview récente, que tu te verrais bien enregistrer un album juste avec des instruments traditionnels du Moyen-Orient comme vous avez fait pour « Scribes of Kur»…
Moloch – Alors sans doute pas pour un nouvel album de MELECHESH mais il est vrai que c'est une idée qui trotte dans notre tête depuis quelque temps. Celle de reprendre sur un disque des morceaux de MELECHESH en version instrumental et accompagné d'un orchestre traditionnel acoustique. C'est vraiment une dimension que nous aimerions bien explorer. Il faut que nous nous en donnions le temps et les moyens.

7- VS – Même si ça ne se fait pas sous le nom de MELECHESH, ça serait sans doute une belle aventure.
Moloch – Mais c'est exactement pour ça que nous faisons de la musique : pour l'aventure (rires)

8- VS – Pour continuer, nous allons évoquer rapidement votre changement de batteur avec Xul qui a définitivement pris la place de Proscriptor. Alors, on ne peut pas lui enlever le fait qu’il a fait un super boulot pour « Emissaries » mais est-ce qu’il n’y
Moloch – C'était logique que Xul nous rejoigne vu qu'il jouait avec nous depuis déjà une paire d'années. Maintenant pour répondre à la seconde partie de ta question, notre premier batteur était Arménien et il est vrai que lorsque tu nais avec ces rythmes orientaux dans la tête, l'interprétation dispose d'un petit plus, d'une sorte de groove naturel. Ceci dit, Xul a fait un travail d'adaptation irréprochable et il n'y a rien à redire là-dessus.

VS – Oui, c’est vrai qu’il a assuré méchamment…
Moloch – Oui enfin, on l'a bien maté aussi à la base (rires)

VS – Il est vrai que, sans connaître vraiment Ashmedi, il donne l’image d’un musicien aussi exigeant avec les autres qu’il peut l’être avec lui-même…
Moloch – Oui, absolument. J'aurais même tendance à dire perfectionniste. Mais je pense aussi que si le groupe en est là aujourd'hui, c'est à sa rigueur que nous le devons.

VS – Alors Proscriptor n’est plus votre batteur mais il fait quand même une apparition au chant sur l’album. J’ai le sentiment que c’était important pour vous et que vous avez quand même voulu rattaché Proscriptor d’une façon ou d’une autre à « Emissarie
Moloch – Oui exactement. Si ça n'a pas continué avec lui c'est que la distance rendait les choses difficiles pour MELECHESH mais il fait toujours partie de la famille comme tu dis. J'ai participé à des albums d'EQUIMANTHORN, Ashmedi a fait des guest sur le dernier ABSU et il en fera sûrement encore pour le prochain. M'enfin, les nouvelles d'ABSU n'étant pas très claires…

VS – Oui mais vu qu’il a dû quitter le groupe du fait de la distance et que tu vis maintenant aux Etats Unis, est-ce que tu n’as pas peur d’être le prochain à dégager ?
Moloch – (Rires) Ah oui mais non…Moi c'est pas pareil. J'étais quand même là un peu dès le début. (rires) Et puis c'est toujours plus simple de travailler à distance avec un guitariste qu'avec un batteur. Après personne ne peut dire de quoi sera fait demain. Fort heureusement, le poste que j'ai aux Etats-Unis me permet d'être assez disponible et de voyager.

VS – C’est vrai qu’une tournée, de même que quelques festivals ne seraient pas un luxe. Va falloir y aller les gars ? Va falloir en bouffer du bitume.
Moloch – (rires) on va faire en sorte que ça soit le cas. Une tournée est en train de se préparer et on va jouer au Party-San l'été prochain.

VS – Parlons un peu de votre façon de travailler. J’ai lu un peu partout qu’Ashmedi composait et écrivait la quasi-totalité des albums. C’est presque du despotisme
Moloch – (rires) En musique, je crois qu'il faut être un peu despote. Pas seulement dans le métal mais dans tous les types de musique. Il faut être despote sinon ça ne marche pas (rires). Plus sérieusement, c'est rare qu'un groupe soit un forum d'expression libre pour tous les membres ou alors il faut bien se comprendre et se connaître. Ce qui est le cas pour Ashmedi et moi.

VS – Revenons un peu sur « Emissaries » et parle moi de cette sale histoire en studio. Il s’est passé quoi au Woodhouse avec le mix ? Attie Bauw vous a fait sonner comme SCORPIONS ou quoi ?
Moloch – (Rires) Non, non. C'est juste que le mixage qu'il avait fait était tout simplement nul. Quand tu arrive avec une musique personnelle que tu as travaillé méticuleusement, tu te rends compte tout de suite quand ça ne va pas. Pourtant on pensait qu'il apporterait quelque chose de plus à notre musique. Au lieu de ça il a fait un travail d'une nullité désolante allant même jusqu'à changer des parties de batterie. Il peut avoir une super notoriété, enregistré Halford et avoir un Grammy Award, je m'en fous, son boulot était nul. Nous avons fait écouter le résultat à d'autres pros qui ont tous été unanimes sur le désastre. Quand tu penses à l'argent qu'une maison de disque met dans un enregistrement, au temps que tu passe à enregistrer, je pense qu'on a le droit d'être exigent. C'est Denis Koehne qui était ingénieur au Woodhouse qui a fini par faire le mix chez lui dans son home studio et le résultat est très satisfaisant.

VS – Oui mais j’ai quand même le sentiment que dans la musique de MELECHESH, tout repose sur les détails…
Moloch – Oui oui oui, c'est certain. Tu verrais le nombre de pistes qui ont été enregistrées. C'est du délire. Sur certains morceaux, on avait une centaine de piste au total. On avait trois options de chant, quatre options de guitares sans parler des arrangements.

VS – Je vois… Un véritable souci de perfection… J’ai également le sentiment que les textes ont une importance particulière à vos yeux. Vous avez même été jusqu’à engager un linguiste pour traduire des textes sumériens… Il y a un souci d’authenticité quand
Moloch – Pas une authenticité scientifique. Ce qui faisait le charme et la magie de cette traduction, c'est que nous savions qu'elle était authentique. Mais d'un autre côté on ne cherche pas à avoir des textes trop explicites. Il y a de multiples interprétations possibles qui démontre leur flexibilité et leur adaptation possible à un âge comme celui que nous vivons.

VS – Quelle est la part de recherche lorsque vous écrivez les textes de MELECHESH ? Est-ce que votre travail s’apparente à la théologie ?
Moloch – Théologie, c'est un mot un peu fort. Lorsqu'on compose de nouveaux titres la musique vient toujours en premier et les textes font partie de la phase finale. Pour te dire la vérité les textes d' « Emissaries » sont arrivés au studio même. On n'avait aucun texte en arrivant pour enregistrer. Mais les idées étaient là. Les titres étaient déjà trouvés et on savait plus ou de quoi on voulait parler dans chacune des chansons. C'est une fois en studio qu'Ashmedi et moi avons ramené toute notre bibliothèque traitant de la mythologie. On a planché à fond et je crois qu'Ashmedi s'est vraiment surpassé dans l'écriture des textes pour cet album. Cette musique traînait dans nos têtes depuis tellement longtemps que les idées étaient véritablement tangibles. Ensuite chaque morceau avait son histoire comme par exemple celui dont on parlait à l'instant et dans lequel nous avons utilisé un texte vieux de 4 ou 5 mille ans. Ashmedi avait une idée assez précise du sujet, la trame d'un rêve, et c'est en faisant des recherches qu'on est tombé sur un texte qui collait parfaitement à la chanson. On était sidéré de découvrir à quel point ça collait à l'idée de départ. Mais ça change d'un titre à l'autre en fait. Parfois il y a un travail de recherche et d'autres fois, l'écriture devient instinctive et purement émotionnelle. Comme pour « Leper Jerusalem » où nous voulions vraiment écrire un texte sur Jérusalem.

VS – On va parler également de cette reprise de Tea Party « Gyroscope » tiré de l’album « Transgression ». Alors ça ne m’a pas plus surpris que ça vu que je connaissais parfaitement les affinités de TEA PARTY pour les sonorités orientales. Mais c’est plut
Moloch – Oui, en fait, je me souviens parfaitement de cette soirée où nous avons choisi ce titre. On avait tous les albums de TEA PARTY avec les morceaux qui nous plaisaient mais on a surtout recherché celui qui se prêtait le mieux à un travail d'adaptation plus personnelle.

VS – C’est vrai qu’on ne peut pas trop parler de reprise mais plutôt d’adaptation vu que vous avez fait de « Gyroscope » un titre de MELECHESH. J’imagine que c’était un travail intéressant que de « détourner » une chanson pour vous l’approprier ?
Moloch – Oui absolument. Faire des covers sans rien en changer, ça n'a rien de motivant alors que retravailler un titre, et qui plus est un titre emprunté à un groupe extérieur à la scène métal ça permet un véritable travail artistique. Et c'est pour cette raison que nous avons voulu ce morceau au milieu de l'album.

VS – Ils ont réagi comment la première fois qu’ils ont entendu cette adaptation ?
Moloch – Ils ont vachement aimé. Le batteur de TEA PARTY nous a même envoyé un message sur notre page myspace du genre « Enfin du groove dans le métal extrême » (rires). C'est un peu exagéré que de dire que nous sommes les seuls à « groover » mais ça fait toujours plaisir et je crois qu'ils ont sincèrement apprécié. Dommage qu'ils n'existent plus en tant que groupe mais espérons que ce stand by ne sera que temporaire.

VS – En même temps, j’ai toujours eu le sentiment que les influences orientales de TEA PARTY n’étaient pas directes mais qu’ils étaient plutôt inspirés par une certaine vision de la musique orientale que l’Occident peut avoir de l’Orient. Je les sens plus
Moloch – Il paraît qu'ils ont étudié les instruments orientaux au Canada. Même si tu as parfaitement raison sur ce regard très occidentalisé, ça reste très bien fichu et musicalement, ils ont vraiment réussi leur coup. Tu sais, le dosage entre orient et occident est difficile à trouver et cette règle s'applique également à MELECHESH. Je joue sur un buzuk et j'expérimente parfois des trucs qui fonctionnent plus ou moins bien.

VS - En restant dans les groupes canadiens j’ai appris que vous avez joué en septembre dernier avec SACRIFICE pour leur concert de reformation ? C’est énorme ce truc !!! Bon, personne à part quelques vieux comme moi qui radotent s’en souviendront mais SAC
Moloch - J'avoue que ça été terrible. Ça s'est passé dans leur ville natale de Toronto et ça a été un grand honneur que de jouer sur le même plateau. Surtout qu'ils voulaient que ça soit MELECHESH qui ouvre pour ce concert. Ils ont été super sympas, nous disant qu'ils étaient fans de notre musique. Je ne sais pas si t'imagines le truc. L'ambiance était super et cette expérience est difficile à expliquer en quelques mots.

VS – Puisqu’on parle de concert et pour terminer, j’aimerais savoir quelles seraient pour toi les conditions scéniques idylliques pour un concert de MELECHESH ? Je verrais bien un show en plein air sur des vestiges sumériens avec un orchestre traditionne
Moloch – Ca serait énormissime tu veux dire oui ! Je vois ça d'ici mais imagine un peu l'argent qu'il faudrait pour mettre ça sur pied. Je vois très bien l'orchestre mais également des expériences que nous faisons entre nous et qui restent dans le domaine de nos répétitions comme l'improvisation ou des plans purement acoustiques. Pouvoir varier les plaisirs, venir faire des jams sessions et ne pas nous contenter de venir et de balancer nos titres.

VS – Oh ça, vous pourrez le faire quand vous serez en tête d’affiche…
Moloch – Oui, quant à cette idée de concert parfait, je verrai bien ça sur au milieu de ruines en Iraq mais ça serait sans doute un peu trop chaud. Mais faut dire qu'en Iran ça serait délicat aussi.

VS – Bah, je ne suis pas certain des capacités touristiques de ces deux pays à l’heure actuelle (rires). Plus sérieusement, j’espère qu’on aura la chance de vous voir sur une scène française prochainement.
Moloch – On espère aussi. On ne s'avance pas trop mais on planche sur une tournée qui aura probablement lieu en mai. (ndt : les dates de la tournée avec MARDUK, ENSLAVED et KEEP OF KALESSIN viennent de tombées)

27 - VS – Hé bien, je te remercie vraiment d’ avoir pris un peu de temps sur tes vacances pour répondre à mes questions.
Moloch – Mais c'est moi qui te remercie et j'espère que nos fans français viendront nous voir si cette tournée se concrétise.


Liens en rapport :

http://www.melechesh.com/
http://www.myspace.com/melechesh
http://www.osmoseproductions.com/