El Worm (guitare/chant) - WORMFOOD par PRINCE DE LU - 2943 lectures
"France" ayant débarqué sur les platines, VS se devait d'envoyer un mail bourré de questions au sémillant El Worm, guitariste/chanteur d'un frenchy combo atypique.
Sempiternelle question, assez simple à poser, pour débuter ce chemin de croix promotionnel: peux-tu nous présenter l'histoire de Wormfood et les compagnons de galère qui t'accompagnent ?
Wormfood existe maintenant depuis cinq ans, et a été fondé par Romain (basse) et moi-même, après les splits des groupes de black metal dans lesquels nous jouions à l'époque. Libérés de toute contrainte, nous avons réalisé notre première démo 5 titres en mai 2001, puis intégré Alexis à la batterie en 2002, ce qui a conduit à un premier album éponyme en 2003, dans lequel nous avons commencé à développer notre style… Ce premier album a reçu un accueil assez positif, et contribué à nous forger une réputation en France. Par la suite, Tim nous a rejoint aux claviers, amenant avec lui de nouvelles perspectives mélodiques et orchestrales, et nous avons finalement enregistré nos « Jeux d'Enfants », mixés par Axel Wursthorn (Carnival in Coal) au Walnut Groove studio. Cette autoproduction -initialement destinée à démarcher les labels- a connu un réel succès, et le label italien avantgardiste Code666 nous a signé en mars 2005, nous offrant l'opportunité d'une distribution et d'une promotion internationale. Nous avons alors choisi de réenregistrer, remixer, compléter avec de nouveaux morceaux, et reconceptualiser « Jeux d'Enfants », toujours en compagnie d'Axel, promu cette fois producteur du disque. Il nous semblait en effet important d'adapter nos intentions artistiques à un public étranger, tout en restant fidèles à notre identité francophone. Ajoutons à cela l'arrivée dans le groupe de Fred (Ataraxie, Funeralium), au poste de deuxième guitariste, et nous obtenons maintenant « France », un disque tout nouveau, qui dresse le bilan musical complet de nos cinq années d'existence.
Quelles sont tes références musicales personnelles ? J'imagine que vous brassez un grand nombre de points de repère au sein du groupe pour aboutir à vos compositions ? J'exige l'absence de jeu de mots graveleux concernant "brasser" et "sein".
Nous sommes effectivement très éclectiques dans nos goûts musicaux. Pour ma part, cela va de Type O Negative (bien évidemment !) à Django Reinhardt, en passant par Carnivore, Totenmond, Notre Dame, Laibach, les groupes de visual kei comme Moi dix Mois ou Dir en Grey, Serge Gainsbourg, Stephan Eicher, les Rita Mitsouko, Katerine, David Bowie, Christian Death, And Also the Trees, The Divine Comedy, et pourquoi pas, à l'occasion, Johnny Cash, Aretha Franklin ou Stevie Wonder. Et le pire, c'est que finalement, je crois que tout cela se ressent plus ou moins dans ce que nous faisons.
Les thèmes abordés par le groupe sont toujours décalés, avec un côté malsain fréquent. Est-ce que les textes mènent à la musique ou mettez-vous d'abord en place les riffs ? Comment procédez-vous pour composer la bande-son de votre cirque ambulant ?
Aaaah, l'éternelle question de la poule et de l'œuf ! En règle générale, on part de la musique et un thème ou des fragments de paroles se dégagent naturellement de l'ambiance obtenue, puis réorientent la musique dans un sens ou un autre, parfois jusqu'au bout du processus d'enregistrement. Il peut arriver que l'on tâtonne davantage, et les auditeurs seraient très surpris si ils savaient, par exemple, qu'à l'origine, « Vieux Pédophile » a failli être un morceau sur les mésaventures d'un apprenti taxidermiste ! Les textes et la musique sont donc étroitement liés dans Wormfood et ne cessent jamais de s'influencer mutuellement. A l'avenir peut-être essaiera-t-on de partir des paroles, mais il est un peu tôt pour le savoir…
Au travers des albums du groupe, on assiste à une permanente mutation de votre univers sonore. Ne risquez-vous pas l'éparpillement et un manque d'adhésion des kids, ce qui pourrait vous coûter un NRJ award ?
Si on composait de la musique pour plaire aux gens, ça se saurait, et on n'officierait pas dans le style qui est le nôtre ! A vrai dire, on se pose même souvent la question : et maintenant, qu'est-ce qu'on pourrait faire de frustrant et de déroutant pour l'auditeur ? La fin de Ω = Ø en est une bonne illustration. Curieusement, ça a eu exactement l'effet inverse, et j'ai l'impression que les auditeurs qui aiment nos morceaux sont finalement un peu masochistes ! Quant à la question de l'éparpillement, peut-être est-on allés effectivement au bout de la démarche, en terme de structures éclatées. Le prochain disque sera peut-être plus homogène à ce niveau… ou peut-être pas, après tout ! On ne sait jamais ce qui peut arriver dans ce groupe.
Qui peut accrocher à la musique de Wormfoood, en dehors des amateurs de métal bourrés ? Je te précise que ma grand-mère n'aime pas.
En dépit du fait que nous officions dans un genre avant-gardiste et extrême, il semblerait qu'on a réussi à toucher un public relativement large, qui n'est pas cantonné aux seuls métalleux francophones. Par ailleurs, l'expérience nous a montré que des gens qui n'étaient pas amateurs de metal pouvait tout aussi bien adhérer à l'aspect théâtral, décalé, ou orchestral de Wormfood... Et puis, je suis très chanceux, car ma grand-mère apprécie ma musique. Mais il faut préciser qu'elle collectionne les ossements humains et qu'elle danse nue les soirs de pleine lune, en invoquant le Diable. Sacré mamie.
L'aspect le plus visible de l'iceberg Wormfood est le côté provocateur des textes. Ne craignez-vous pas une réduction du groupe à cette facette, certes marrante et revendiquée mais assez limitative ? (Je m'aperçois que cette question est sérieuse, c'est u
Très sincèrement, je ne trouve pas que la provocation chez Wormfood soit « marrante ». Je crois qu'il y a là un malentendu, car nous ne sommes pas du tout un groupe de « joke metal ». Sauf si la mort, la maladie, la misère ou la pédophilie sont des sujets désopilants pour certains, bien sûr ! Plus sérieusement, on essaie de ne pas faire de provocation gratuite, et lorsque on met en oeuvre l'humour, c'est pour mettre à distance des thèmes trop graves ou cruels. C'est une forme de pudeur, en y réfléchissant bien.
La provocation gagne du terrain d'album en album. Peut-on faire pire dans le mauvais goût tout en restant intéressant ? Gronibard a-t-il du souci à se faire ?
Je respecte tout à fait le travail de Gronibard et des groupes qui pratiquent la dérision tout azimuts, mais je ne suis pas persuadé qu'on s'inscrive dans les mêmes perspectives musicales. On partage assurément l'envie de malmener sérieusement les convictions du petit monde du metal, chacun à notre façon. Le prochain album de Wormfood sera peut-être plus sérieux et intimiste, justement... Ce serait une des façons possibles de se renouveler.
La référence pédophile de la pochette de "Jeux d'Enfants" a disparu avec le nouvel artwork de "France". Qu'est-ce qui a motivé ce changement radical dans l'imagerie de votre ré-enregistrement ?
Cette pochette a été un bon coup de pub pour le groupe, à un moment où nous devions affirmer notre existence et nous faire remarquer... Mais avec le recul, si l'effet promo était réussi, c'était finalement très réducteur, et ça risquait de nous faire basculer, dans l'esprit des gens qui ne connaissait pas notre musique, dans la catégorie des groupes de grindcore rigolos. Par ailleurs, le fameux titre « Vieux Pédophile » était tout sauf une glorification de la pédophilie, et il y avait là une ambiguité gênante, pas pour nous (nos intentions étant claires), mais encore une fois dans la perception que les gens pouvaient avoir de notre démarche. De surcroît, la version réenregistrée et complétée du disque prenait une tonalité nettement plus sombre et désespérée qui justifiait, une « reconceptualisation » totale, d'autant plus qu'il s'agissait maintenant de s'adresser au public international. Cela dit, on retrouve la fameuse image Disney quelque part dans le nouvel artwork...
Relates-nous votre rencontre avec Axel Wursthorn et les enregistrements au Walnut Groove Studio. Il paraît que depuis votre dernier passage, il a incendié le studio et est parti élever des chèvres en Afghanistan.
La première fois que j'ai rencontré Axel, j'avais des palpitations, les mains moites, et lorsqu'il est apparu grâcieusement dans l'encadrure de la porte du Walnut Groove, je me suis agenouillé et prosterné devant lui, en bon fan de Carnival in Coal. On s'est vite aperçu qu'il s'agissait finalement d'un être humain normal (en dépit d'une musculature qui n'est pas sans rappeler celle de Hulk Hogan), et qui plus est, une personne formidable avec qui nous avions énormément de choses en commun. Et puis... la vie et les phéromones ont fait le reste, ce qui a conduit d'abord au mixage de « Jeux d'Enfants », qui était, avec le recul, un jeu d'enfant (ah ah ah, désolé, je n'ai pas pu m'en empêcher) à côté du travail déployé pendant plus d'un mois uniquement sur le mixage de « France ». Ca a en effet constitué une somme de travail colossale, et heureusement qu'Axel a su garder la tête froide face à ces centaines de pistes à mixer... Je crois qu'il est très fier d'avoir réussi à surmonter cette folie, et la sortie de ce disque prouve désormais à la face du monde qu'il est un peu « l'ingénieur du son de l'impossible » ! Ca n'a vraiment pas été une partie de plaisir, mais tout ce qui ne te tue pas te rend plus fort, n'est-ce pas ?
Comment la star internationale qu'est Corbier s'est-il retrouvé à cachetonner sur votre album ?
Le plus simplement du monde, on a authentiquement sympathisé après avoir participé à une émission de radio ensemble à Rouen, et je crois que ça l'a amusé de faire quelque chose d'aussi politiquement incorrect en notre compagnie. François Corbier est vraiment un type généreux, un musicien et parolier accompli, et tout le contraire d'une « star sur le retour pathétique » comme certains se plaisent à le croire. Que ceux qui ont encore des doutes là-dessus se penchent sur son dernier album sorti en novembre, qui est un vrai petit bijou d'ironie désabusée.
Peut-on encore se procurer votre premier ouvrage autoproduit "Wormfood", dont sont issus deux titres du dernier album ? Qu'est-ce qui a motivé la recomposition, parfois intégrale, de ces titres ?
A ma connaissance, l'album éponyme, tiré à environ 250 exemplaires, n'est plus disponible nulle part. On a vraiment eu envie de faire avec « France » un album-bilan de nos cinq premières années d'existence, ce qui a motivé d'une part nos covers de Type O Negative et Gainsbourg, ainsi que la recomposition totale de ces deux titres anciens, avec les moyens et le line-up dont nous disposions aujourd'hui. Le résultat n'a vraiment plus rien à voir avec les ébauches originales, d'ailleurs... et tant mieux !
Parlons des concerts. Vous en avez peu à votre actif. Est-dû à la difficulté de la mise en place, à un manque d'opportunités ou à une fainéantise sans pareille durant vos débuts ?
Nous avons attendu d'avoir un line-up et des moyens qui nous permettaient de reproduire nos morceaux en live avant de nous lancer dans l'aventure. A ce jour, nous avons dû donner cinq concerts, et le dernier était en compagnie de Debauchery, Born from Pain et Six Feet Under, ce qui n'était déjà pas si mal ! Nous jouerons avec Ultra Vomit le 7 janvier à Rouen, nous donnerons ensuite une soirée-concert spéciale à Paris pour la sortie de l'album (certainement le 2 février à La Cantada), puis nous partirons dans la foulée en Hollande avec nos collègues d'Ataraxie, où nous rejoindrons In Age and Sadness et Officium Triste à Tilburg, puis Haarlem (24 et 25 février). Nous sommes par ailleurs en train de rechercher activement un tourneur, et envisageons de jouer avec ces grands malades de The Axis of Perdition en 2006. Ajoutons à cela qu'on essaye de s'immiscer vicieusement sur quelques gros festivals d'été, plus un autre projet -très surprenant- dont je ne dirai rien pour l'instant... Donc, préparez-vous à nous voir passer près de chez vous bientôt !
Quand peut-on espérer vous voir sur scène pour promouvoir "France" (notamment dans le nord, rien que pour Sheb) ? Le public réclame des postures équivoques et un spectacle pyrotechnique digne de Venom.
Je te renvoie à ma précédente réponse ? (Sheb : il se pourrait bien qu'on passe par Lille bientôt d'ailleurs, on attend confirmation...)
Sentez-vous un début de reconnaissance pour le groupe, via la presse ou les autres médias ? Les kroniks affluent-elles, toutes aussi mauvaises ?
Les chroniques sont très enthousiastes, y compris à l'étranger. J'attends maintenant de recevoir des sous-vêtements féminins sur scène ou de dédicacer des seins, pour me prononcer sur le seuil de notoriété réel du groupe.
Quel est le bilan après 5 années et quelles sont les objectifs du groupe ? Allez-vous enfin détrôner Kyo dans le cœur des djeuns ?
Le bilan ? Je dirais que faire de la musique c'est 95% de travail et d'obstination, 1% de chance... et 4% de moments de satisfaction intense, qui valent bien qu'on passe tout l'été enfermé dans un studio à s'arracher les cheveux ... Les objectifs ? Jouer dans un maximum de pays, signer des autographes sur des seins, recevoir des sous-vêtements féminins sur scène, composer un nouvel album qui déroute à nouveau tout le monde, apprendre et progresser en tant que musiciens ; mais, même si l'aventure s'arrêtait maintenant (ce qui n'est vraiment pas du tout à l'ordre du jour), je m'estimerais déjà immensément privilégié d'avoir pu voir Wormfood aller jusque là.
J'imagine que vous êtes contents de la signature chez Code666 ? Penses-tu que le label italien pourra vous soutenir efficacement depuis l'étranger (attention, ils nous lisent probablement, même s'ils ne comprennent rien) ?
Bien sûr que nous sommes enchantés de travailler avec Code666 ! Du point de vue de la ligne artistique, on ne pouvait pas rêver d'un label plus approprié qu'eux. Ils font du très bon boulot pour la fabrication de disques soignés en digipack, et garantissent une bonne distribution et promotion au niveau international. Bien sûr, on pourrait toujours se plaindre de la situation actuelle des maisons de disques qui n'ont plus autant d'argent à mettre à disposition de leurs groupes qu'autrefois, mais encore une fois, estimons nous heureux de ce que nous avons.
La dernière question, concernant les fondements de Wormfood: slip ou caleçon ?
String. Ca met mes fesses en valeur. Pour les autres membres du groupe, je ne sais pas, habituellement, on compose habillés.
Cette interview n'a que trop duré. Merci pour tes réponses. Au plaisir de te voir hurler tes insanités sur un podium de kermesse.
Tu ne me demandes même pas si j'ai un mot de la fin, ou un message à faire passer ?
Non, je m’en fous.
Dommage je voulais te demander si tu avais un mot de la fin pour conclure ton interview.