TOMAS HAAKE - MESHUGGAH par [EMP] - 1525 lectures
A quelques semaines du passage de MESHUGGAH en France VS fait le point sur "Catch 33" et interview un Tomas Haake quelque peu fatigué, en cette fin de journée promo, mais très abordable malgré tout.


Salut Tomas comment vas-tu ? Pas trop fatigué ?
Tomas Haake (finissant une bière) : Ca va très bien merci ! J'étais un peu fatigué il y a de ça une heure... mais c'est reparti !


Vous n'êtes venus que deux fois en France en l'espace de quatre ans et vous apprêtez à y faire quelques dates durant le mois de Mai. Quels souvenirs gardes-tu de vos précédents passages ?
Sincèrement, nous gardons d'excellents souvenirs quant aux différents concerts que nous avons pu donner en France. Pour je ne sais quelle raison nous avons toujours eu un bon following sur Paris et cela ne date pas d'hier. En 1996 quand nous avons joué dans cette toute petite salle (Tomas fait référence à leur prestation de mars 1996 à l'Araphao – ndr) l'accueil était très bon. Certes il y a eu cette date en 2000 (Divan du Monde – ndr ) qui est restée, pour je ne sais quelle raison, assez confidentielle et où l'affluence n'était pas énorme mais pour le reste nous avons toujours été bien reçus. Je me rappelle également de ce concert un peu fantaisiste dans une ville à l'ouest de Paris (au Prisme d'Elancourt en 2000 avec Fragment, Nihil, Deportivo et Kaizen – ndr) où le public s'était montré particulièrement réceptif. De manières générale nous n'avons que de bons souvenirs de nos passages en France.


Quelques mois après son enregistrement quel regard portes-tu sur ce cinquième album ?
Nous sommes tous très satisfaits du résultat. C'est toujours difficile, tu sais, quand tu enregistres, d'arriver à prendre de la distance vis à vis de ce qui tu es en train de créer et il est difficile d'avoir une impression objective et durable à ce moment là. L'expérience "Catch 33" a véritablement été différente des précédentes pour nous car il est question d'un seul et unique morceau de trois quarts d'heure que nous voyons plus comme une bande originale plutôt qu'un album typiquement métal. Mais aujourd'hui, avec le recul, nous sommes vraiment contents et fiers de ce qui a été fait.


Avec "Catch 33" votre musique est plus complexe qu'elle n'a jamais été. Ce nouvel album, bien que plus aéré que les précédents, est probablement le moins "easy-listening" de votre discographie. Considérez-vous "Catch 33" comme un album pour fans ? Ne pens
Je ne trouve pas "Catch 33" plus difficile d'accès que "Nothing" par exemple. Quant au fait de faire un album pour fan et l'approche qu'auront les personnes qui l'écouteront, ce sont deux choses différentes à mes yeux.
Peu de temps après que les promos aient été pressés et distribués nous avions déjà des retours de notre fanbase la plus dure – chose qui nous a plutôt bluffé – et ils étaient très positifs. Je suis d'accord pour dire que d'un certain côté "Catch 33" est un peu plus difficile d'accès que nos précédents albums. Le fait qu'il n'y ait pas de morceaux à proprement parler rend l'album plus difficile à appréhender dans son intégralité. Mais d'un autre côté si tu prend la ligne rythmique tu n'as qu'à la suivre et te laisser guider le long de l'album. Elle est beaucoup plus homogène que par le passé où il n'était pas à la portée de tout le monde de suivre tout ce qui se passait rythmiquement dans nos morceaux. De fait une personne n'étant pas familiarisée avec ce côté un peu cérébral de notre musique peut parfaitement rentrer dans "Catch 33" sans être trop désorientée.


J'ai récemment entendu des propos du genre : "Avec Catch 33, Meshuggah ne nous amène rien de frais, ils tournent en rond !" que t'inspire ce genre de réaction ?
On a toujours entendu ce genre de chose... A chaque nouvelle release de Meshuggah pour être précis ! Dans un sens je trouve ça un peu stupide car "Catch 33" est à la fois une manière pour nous de continuer d'explorer ce que nous avons toujours fait tout en faisant un écart qui consiste en une sorte de "vibe" continue parcourant l'ensemble de l'album au lieu de se concentrer sur la recherce de structures rythmiques toujours plus complexe. Si les personnes qui tiennent ces propos ont déjà apprécié la musique de Meshuggah par le passé alors ils ont aimé notre musique pour des raisons que nous n'arriverons jamais à comprendre. Il est certain que ceux qui apprécient Meshuggah en pensant que plus nos structures sont complexes mieux c'est n'apprécieront pas "Catch 33". Quoi qu'il soit nous avons toujours voulu faire quelque chose d'à la fois nouveau et unique sur chaque album et je pense que nous y sommes parvenus.



Dans une interview qu'a donné Marten (guitare) celui-ci donnait le sens de l'expression "Catch 33". Il parlait d'une sorte d'expression "philosophique". Quelque chose comme "Quoi que tu fasses de manière intentionnelle au profit d'une chose, tu perdras be
Ok, je vais creuser un peu plus le concept. A la base l'expression "Catch 22" tirée du livre de Jospeh Heller définie une situation dont tu ne peux te tirer. Prenons un exemple très concret et terre à terre pour illustrer : "J'ai besoin de travailler. Pour avoir un boulot il me faut une voiture. Mais je n'ai pas les moyens de m'acheter une voiture à moins d'avoir un boulot". Les textes de "Catch 33" sont principalement basés sur les notions de paradoxes et de contradictions que nous sommes amenés à rencontrer au quotidien. Maintenant, tu me diras, pourquoi avoir appelé notre album "Catch 33" et non "Catch 22" ? Cela vient juste du fait que ce chiffre nous hantent depuis des années pour des raisons que j'ignore... C'est parti de Frederik à l'époque et ça a gagné le groupe entier ! Au départ j'avais déjà une partie des textes de cet album et ils étaient axés sur les paradoxes. Lorsque Marten les a lu il m'a dit "Hé mais ça ressemble au concept de Catch 22 !", et moi de lui répondre "Hum oui c'est vrai ça y ressemble... Catch 22 ? Fuck ! Catch 33 !" (rires).


Une fois de plus tu as réalisé l'artwork, sur celui-ci figurent trois serpents se mordant respectivement la queue comme une sorte d'Oroboros. Quel message as-tu voulu faire passer au travers de cet artwork ? Que tout est vain ? Une sorte de balbutiement p
Oui c'est exactement ça ! J'ai vraiment mis du temps à faire l'artwork. Au départ on a essayé de photographier de véritables serpents, Marten en avait pas mal à l'époque et on a passé des heures à les disposer comme je l'imaginais mais ça n'a rien donné de bon. Je voulais que la tête des serpents soit vraiment grosse et impressionnante lorsqu'ils auraient la bouche grand ouverte, prêts à mordre. Finalement j'ai tout recommencé "from scratch" et fait ça sous Photoshop pour arriver, au final, à quelque chose de très satisfaisant.


Sur cet album, et pour la première fois, vous avez eu recours à une boite à rythme ou plus précisément une batterie midi. Peux-tu nous expliquer pourquoi ?
En fait il y pas mal de raisons, mais la principale est que compte-tenu de la manière dont nous avons composé et enregistré cet album c'était la seule possibilité. Nous avions presque deux heures de riffs avec des arrangements de batterie avant l'enregistrement et lorsque nous avons commencé à assembler les parties les possibilités étaient infinies ! Ca n'arretait pas de changer et il fallait sans cesse réapprendre les parties, les enregistrer puis les réapprendre autrement pour les réenregistrer et éventuellement tout jeter à la fin de la journée. Cela nous aurait pris des mois de faire tout l'enregistrement ainsi. La seconde raison est que lorsque nous avons commencé à programmer la batterie on s'est dit, "put*** mais ça le fait !". La batterie sonnait super froide mais en même temps l'illusion d'une véritable batterie était là puisqu'il s'agit de samples réels. Ce ne sont pas des parties de batterie typique de Meshuggah mais ça colle super bien à l'ambiance de l'album et nous étions tellement satisfait du résultat que nous nous somme dit, pourquoi ne pas garder ces parties telles quelles ? Peu importe ce qui se dira. Tu sais, c'est une sorte de tabou dans le milieu métal que de procéder de la sorte mais nous n'avons rien à prouver à personne, et si le résultat le fait artistiquement parlant alors pourquoi chercher à faire différement ?


Tu viens de faire allusion au processus de composition de "Catch 33", comment cela s'est-il passé ? Avez-vous procédé de la même manière que pour les albums précédents ?
Non, d'habitude nous écrivons séparément et finissons par nous retrouver tous ensemble à conjuguer ce que chacun a écrit. Cette fois nous sommes partis de zéro et avons tous composé dans une même pièce avec un ordinateur à disposition pour enregistrer. Nous n'avons pas réellement fait de travail de studio, toutes les parties de guitares ont été directement enregistrées sur pc. C'est un album composé intégralement par l'ensemble du groupe, tout le monde a été impliqué dans chaque riff, dans chaque plan de batterie chose qui n'a jamais été par le passé. C'était, du coup, très spontané car les rôles étaient quelque peu mélangés. Jens (chant), par exemple, a enregistré certaines parties de guitare et de basse. Le travail de studio n'a consisté qu'à enregistrer le chant – Jens pour le chant principal et moi même pour les "spoken vocals" – et à mixer le tout.


J'ai entendu dire que vous ne répétiez jamais. Est-ce vrai ?
Ce n'est pas tout à fait faux puisque, en dehors des répétitions qui précèdent une tournée ou l'enregistrement d'un album, nous ne répétons que très rarement. Pour ma part j'ai toujours un set de batterie à ma disposition mais je ne dois m'assoir devant que 5 minutes par semaine, peut être même seulement 10 minutes par mois à tout casser ! Donc oui, aussi étrange que cela puisse paraître, nous ne répétons que très rarement en tant que groupe. Ca n'a pas toujours été le cas, bien entendu, au début des 90's nous répétions en permanence. Nous devrions le faire, je pense, ne serait-ce que pour garder la forme, mais en même temps c'est une démarche assez intéressante car lorsque tu restes distant de ton instrument pendant un certain temps et que tu recommences à jouer, ton approche a légèrement changé et cela peut se révéler très intéressant d'un point de vue inspiration. Je pense que le fait de jouer en permanence peut être néfaste pour un musicien car il y a toujours le risque de s'enfermer et de passer à côté de beaucoup de choses.


A quel type de setlist doit-on s'attendre pour votre passage à Paris le 25 Mai prochain ?
Nous aurons sûrement une setlist qui comprendra des versions raccourcies de "I" et de "Catch 33" mais aussi des morceaux venant des autres albums. Nous essaierons d'avoir une setlist très variée qui se basera sur toute notre discographie, y compris "None", et à laquelle nous incorporerons des passages de "I" et de "Catch 33" mais à l'heure ou je te parle nous n'avons pas encore commencé à répéter ces inclusions. Chose que nous ferons dès la semaine prochaine.


Jouerez-vous un jours "Catch 33" dans son intégralité ?
Non cela ne me semble pas réalisable sur le plan technique : il y a beaucoup de sample et de séquences enregistrées. De plus il nous faudrait beaucoup de temps pour apprendre par coeur toutes les parties de guitares et de batterie avec toutes les subtilités qu'elles peuvent avoir. Nous n'avons pas composé cet album dans l'optique de le jouer live.


Pour finir parlons un peu de l'influence que MESHUGGAH peut avoir sur la scène métal. D'album en album vous avez eu une influence croissante. Que regard portes-tu sur cet état de fait ?
On s'en fout un peu en fait. C'est plutôt flatteur de constater que tu as eu une influence sur la scene et même si des groupes jouent une musique fortement influencée par Meshuggah j'ai envie de te dire "Pourquoi pas ? Si c'est ça leur trip, il n'y a pas de mal !".


Un petit mot pour finir ?
Nahhh je ne suis pas doué pour ce genre de choses, donc merci à toi et bonne continuation à votre webzine !


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