La venue d'EXTOL à Paris pour leur premier concert dans la capitale était le moment rêver pour en apprendre d'avantage sur ce singulier groupe norvégien qui cultive sa différence album après album. L'occasion, également, de faire le point sur leur dernier disque, "Blueprint", sorti ces derniers jours...

VS : C’est la première fois que vous venez jouer ici je crois
Jon Robert : Oui, effectivement

VS : Comment expliques-tu qu’après avoir sorti quatre albums vous en soyez encore à jouer les débutants en assurant l’ouverture de cette tournée ? Vous devriez jouer en tête d’affiche, non ?
Jon Robert : Hé bien tout d'abord je pense que nous ne sommes pas encore populaires parce que nous n'avons encore jamais fait de vraie tournée Européenne. Mais les choses vont changer puisque nous avons décidé, depuis quelques temps, de passer plus de temps sur les routes.

VS : Est-ce que cela n’est pas dû à votre ancien label qui n’avait pas beaucoup promu le groupe ou est-ce plutôt le côté « chrétien » de votre groupe qui vous ferme des portes plus qu’il ne vous en ouvre ?
Jon Robert : Peut être un peu des deux mais c'était surtout valable dans le passé vu qu'avant de rejoindre Century Media nous étions sur un label qui était géré par une seule personne. Je crois qu'il faisait tout ce qui était dans ses possibilités. Nos premiers disques ont quand même été distribués partout en Europe, ainsi qu'USA et au Japon. C'est vrai que le label n'avait pas les moyens de nous offrir des tournées comme peuvent le faire les gros labels. Et puis il y avait aussi des problèmes d'emploi du temps respectif avec le travail ou l'université ce qui limitait notre disponibilité. Désormais, ça sera plus simple vu que tous les membres du groupe ont abandonné leurs boulots ou leurs études pour se consacrer uniquement à EXTOL. Donc vous allez nous voir beaucoup plus sur les routes à l'avenir.

VS : Ces problèmes de disponibilité ont-ils quelque chose à voir avec les départs de Christer et Øle quelques temps après la sortie de « Synergy » ? Jusque là, EXTOL était une affaire de famille avec les frères Espevoll et leur cousin David Husvik…
Jon Robert : Oui, c'est vrai que le groupe évoluait dans un contexte très familial avec Peter, Christer et David qui se connaissaient depuis toujours. Ça n'a pas été une mince affaire quand Christer et Øle ont quitté le groupe vu qu'ils étaient les principaux compositeurs. En fait, cette séparation n'a rien eu de vraiment dramatique, après « Synergy » nous nous sommes tous retrouvés pour travailler sur le nouvel album et très rapidement, il est apparu que l'investissement personnel des membres du groupe devait prendre de l'ampleur. Il fallait consacrer plus de temps, plus d'énergie au groupe mais aussi assurer des tournées et plus de productivité. Avec les boulots à plein temps, nous ne pouvions tourner qu'un mois et demi en prenant sur nos vacances et ça ne suffisait pas. Christer et Øle ne pouvaient pas s'impliquer d'avantage et ils ont préféré quitter EXTOL. C'était une résolution difficile à prendre mais je crois que c'était la meilleure possible pour le groupe. Nous sommes toujours très amis et d'ailleurs ils jouent dans un projet parallèle avec certains membres d'EXTOL.

VS : Tu dis que Christer et Øle ont commencé, tous deux à travailler sur « Blueprint » mais ont-ils effectivement composé quelques morceaux de ce nouveau disque ?
Jon Robert : En fait, nous étions en phase préparative et nous n'avions commencé à travailler que sur un seul titre. Tout le monde était motivé et optimiste. Nous savions exactement ce que nous voulions faire pour ce quatrième album.

VS : Cette fracture au sein du groupe n’a donc strictement rien à voir avec une éventuelle divergence musicale… ?
Jon Robert : Tout à fait, nous avions déjà décidé de revenir à une musique plus directe et moins expérimentale…

VS : Il y a quand même toujours ce côté progressif qui permet de reconnaître EXTOL sur chacun de ses albums même quand ils sont radicalement différents…
Jon : Oui c'est vrai, nous avons conservé cette ligne conductrice qui reste la marque de fabrique d'EXTOL

VS : Considères-tu toujours EXTOL comme un groupe extrême ou est-ce que c’est une question que tu ne te poses pas vraiment ?
Jon Robert : Je crois que nous sommes extrêmes à notre façon même si certains titres sont vraiment accessibles…

9- VS : Le côté extrême de « Blueprint » réside surtout dans un chant parfois très agressif…
Jon Robert : Oui, c'est vrai que Peter a voulu travailler dans ce sens. Il passait son temps à hurler tant et plus dans le studio (rires).

VS : Il y a aussi un côté assez HxC dans le chant…
Jon Robert : Oui mais nous voulions un mélange de voix hurlées et de chant clair rien de plus. Tout comme nous avons combiné des parties rapides et lentes dans la plupart de nos derniers titres.

VS : C’est vrai que les passages rapides sont moins présents que dans les précédents albums mais en revanche, le son est plus lourd…
Jon Robert : Oui, c'est principalement dû au son. Il y a plus de basse dans « Blueprint »…

VS : Cela a-t-il un rapport avec le fait d’avoir mixé ce disque chez Tue Madsen à l’Antfarm studio ?
Jon Robert : Oui, absolument… Il a fait un excellent travail. Nous lui avons dit ce que nous voulions et cela s'est déroulé comme nous l'escomptions. Il a travaillé sur le dernier THE HAUNTED (et pas mal d'autres sorties récentes). Il a une façon de travailler très instinctive et n'aime pas suivre les tendances. C'est de lui qu'est venue cette idée de mettre la basse plus en avant dans le mixage pour alourdir notre son.

VS : C’est un peu nouveau pour EXTOL de travailler avec un producteur, le groupe a toujours eu un côté indépendant pour ne pas dire « Do it yourself »…
Jon Robert : Ce choix a été logique. Nous voulions enrichir notre musique et notre expérience du studio en travaillant avec un producteur. Nous avions besoin d'un point de vue extérieur et objectif sur la direction à prendre du côté du mixage.

VS : Pour en revenir à l’album, il y a toujours dans EXTOL une approche très artistique de sa musique comme dans l’esthétisme des artworks…
Jon Robert : Oui, il y a toujours une symbolique

VS : Et puis il y a ce titre…
Jon Robert : Oui, à l'origine le titre complet devait être « The Blueprint dives » mais il a été raccourci à « Blueprint » pour plus de commodités. En fait il y a un concept derrière notre album bien que les titres soient plutôt différents. Nous avons vu ce disque comme une série d' interprétations expérimentales aussi bien au niveau des textes que de la musique. C'est en cela que résident nos plongeons (dives : plongeons, piqués) dans le négatif (blueprint : négatif au sens photographique). Nous avons représenté dans un coin de la pochette une sorte de plan d'immeuble pour symboliser les délimitations de chaque chose, les vérités absolues, les choses incontournables et ces titres sont nos plongeons dans ce plan négatif. Bon, je sais que ça peut paraître totalement abstrait (rires)…

VS : Oui, plutôt, mais j’ai le sentiment que ce côté abstrait fait partie intégrante du groupe. C’est sans doute pour ça, et pour le côté techniquement décalé, que j’ai été plutôt surpris de découvrir qu’EXTOL était un groupe chrétien… Même dans les texte
Jon Robert : En fait nous ne nous reconnaissons pas trop dans cette catégorie. Même si tous les membres du groupe sont chrétiens, nous vivons notre vie comme bon nous semble sans suivre les dictats religieux. Nous n'avons pas envie d'être cantonnés à une scène parallèle mais plutôt de faire notre truc et d'évoluer dans la scène métal sans être marqués par une différence quelconque.

17- VS : Il y a aussi tous les clichés que le métal chrétien trimballe comme autant de casseroles comme STRYPER et leur « Yellow and black attack »…
Jon Robert : Oui mais STRYPER étaient tellement célèbres qu'ils pouvaient jouer ce qu'ils voulaient sans trop se préoccuper des réactions que cela susciterait. David (Husvik) est un grand fan. Il est allé aux USA il y a trois ans, juste pour assister à un concert de réunion du groupe. Enfin tout ça est une question de goût avant tout. (ndt : tu vois Shaka tu n'es pas seul !)

VS : Oui cela va de soit. Pour passer à autre chose, j’ai remarqué, alors que je préparais cette interview, que le nom d’OPETH revient souvent dans les articles qui vous sont consacrés. Est-ce que tu trouves que cette comparaison est justifiée ?
Jon Robert : Nous avons fait une tournée en Scandinavie avec OPETH il y a un an et demi, c'est sans doute pour cela que leur nom revient. Je crois que nous avons des choses en commun

VS : …ce côté assez progressif…
Jon Robert : Oui et puis ils jouent un death métal technique avec des parts de chant clair etc… Je vois tout à fait le parallèle qui peut être fait entre nos deux groupes mais leur style reste unique…

VS : Qu’est-ce que tu as pensé de leur choix de rendre hommage à leurs influences progressives avec « Damnation » ? Est-ce que c’est une démarche qu’EXTOL pourrait entreprendre ?
Jon Robert : Hum, nous avons fait un peu la même chose avec « Synergy ». C'était un disque résolument tourné vers le thrash. Il n'y avait aucune limite à nos possibilités techniques et expérimentales mais nous avons pensé ce disque comme un hommage à des groupes comme CYNIC, ATHEIST ou AT THE GATES. Enfin le principal reste de se faire plaisir…

VS : Comment vois-tu l’avenir d’EXTOL ? Serait-il possible que le groupe revienne au death métal ou au thrash ?
Jon Robert : Hum, je ne sais pas vraiment. Il y a eu déjà beaucoup de changements depuis le début et il serait peut être temps pour nous de nous focaliser sur un style défini. Et puis, c'est un peu trop tôt pour en parler. Nous allons tourner pendant les six prochains mois et beaucoup de choses peuvent arriver pendant ce laps de temps. L'été prochain nous verrons où nous en sommes et nous aurons assez de recul par rapport à « Blueprint ».

VS : Je crois que nous avons fait le tour, merci d’avoir répondu à mes questions… bon concert…
Jon Robert : Merci et à la prochaine.