Alors qu’un nouveau album s’apprête à dévaster nos platines, nous avons profité du passage à Paris de NAPALM DEATH lors du X-mass, pour poser quelques questions au prolixe Shane Embury.

VS : Alors Shane comment s’annonce ce concert parisien ?
Shane : On est un peu nerveux…

VS : Nerveux ? Après toutes ces années ? C’est plutôt une bonne chose que la routine ne se soit pas installée et que vous soyez encore nerveux…
Shane : Je suis toujours stressé avant un concert. Là, nous sommes sur le début de la tournée et la pression est d'autant plus grande…

VS : Bon, avant de parler du nouvel album j’aimerai revenir sur la sortie du « Leaders not followers part 2 » sorti l’été dernier. J’ai l’impression qu’il y avait comme un besoin pour vous de revenir à vos racines et de les exprimer au travers de reprises
Shane : Je ne sais pas trop. Pour tout te dire, je n'ai pas trop réfléchi à cela. Nous avons ressenti que nous n'en avions pas fini avec les reprises. Pour le premier mini cd il avait fallu faire un choix parmi tant de morceaux auxquels nous voulions rendre hommage. Un chose est certaine, c'est une l'expérience phonique. Quand tu te replonges dans ces vieux titres, cela modifie ta façon de percevoir ta propre musique car ces titres ont tous été composés par de jeunes musiciens sans formation musicale pour la plupart. Il n'y avait aucune règle, aucune ligne conductrice. Cela se ressent dans la façon dont elles ont été composées. Et quand tu parles de nos racines, c'est exact, car tous ces groupes représentent l'essence même de nos origines. Cela a pas mal joué dans la composition de notre nouvel album, avec une utilisation des guitares un peu différente de nos habitudes.

VS : Vous n’avez pas choisi d’ajouter des reprises de SxOxB…
Shane : Nous en avions déjà fait trois pour la seconde Peel sessions, ça nous paraissait suffisant. Pour l'édition japonaise du nouveau NAPALM nous avons enregistré une reprise de GAUZE.

VS : Encore un groupe culte japonais…
Shane : Oh, tu sais, c'est le genre dont nous sommes toujours fans et puis le nouveau NAPALM est un peu dans l'esprit très rapide de ces groupes. C'est vrai que nous sommes revenus à nos origines d'un côté, mais nous avons également voulu expérimenter de nouveaux horizons. Nous n'avons pas refait un « Scum ». C'est très rapide mais différent.

VS : plutôt brut et furieux…
Shane : Exactement

VS : Est-ce que cette nouvelle génération de groupes grind n’est pas également une source d’inspiration ou de motivation pour un groupe d’anciens comme vous ?
Shane : Oui, parfois. Quand tu commences à t'encroûter gentiment dans ton truc et que tu rencontres des types enthousiastes comme Mieszko (NASUM) ou Nick Barker (ex-DIMMU BORGIR, ex-CRADLE OF FILTH, BRUJERIA, LOCK UP et j'en passe), ça te remonte à bloc. Quand nous avons tourné avec NASUM, ça a été très enrichissant. Bien sûr, ils ont été bercés par NAPALM, CARCASS et ENTOMBED mais lorsque j'ai entendu leur premier album, ça m'a bien botté le cul. Il est clair que nous les avons sans doute influencés mais ils ont une façon bien à eux et un style qui leur est propre. Des groupes comme eux sont bons et enrichissants.

VS : Pour revenir à l’actualité de NAPALM DEATH, je dois dire que j’ai été très surpris quand j’ai appris que vous aviez signé chez Century Media. N’y-a-t-il pas une sorte de non-sens à conclure un deal avec un gros label comme celui-ci, alors qu’on a enr
Shane : Oui c'est clair que dans ce cas de figure, ça devient délicat d'avoir un album avec un titre pareil. Je l'ai dit aux autres à l'époque « Vous êtes certains de vouloir appeler le disque comme ça ? Parce qu'on risque de se retrouver un jour face à une contradiction. Tout ça nous expose à des critiques et je le savais parfaitement. Pour être honnête, nous aurions bien voulu créer notre propre label mais nous n'avons pas assez de temps pour ça. Avec VENOMOUS CONCEPT ça va être différent, nous allons sortir un split ep en 2005 et prendre les deux prochaines années pour étudier tranquillement l'éthique du label. Pour être honnête, notre expérience du management pendant ces deux dernières années ne nous a pas franchement satisfaits. Donc nous avions le choix entre rester tels que nous étions, avec certaines facettes du management mal appréhendées, ou alors de redevenir juste un groupe en signant avec un gros label. Si tu veux savoir mon opinion, notre dernier album en date (« Order of The leech ») n'a pas bénéficié d'une couverture promotionnelle assez importante et si nous voulions que l'aventure NAPALM DEATH continue, il nous fallait signer chez Century Media. Nous étions conscients du non-sens que cela représentait même si beaucoup pensent que nous devrions être sur une major.

VS : La promotion et le management sont des boulots à temps complet…
Shane : Pour le moment nous nous occupons nous même du management. Nous avons viré notre manager. C'est la deuxième fois que cela arrive et c'est désormais Barney et moi qui nous occupons du groupe. C'est un boulot difficile qui prend un temps énorme. Ce n'est pas évident de s'occuper du groupe et de jouer avec en même temps, tant les rôles sont différents. Nous revenons tout juste de notre tournée US avec CANNIBAL CORPSE. C'était terrible mais ça a été très stressant également. Mais pour en revenir à Century Media, ce contrat aurait pu déjà se conclure quelques années auparavant car ils nous avaient déjà fait une offre…

VS : J’imagine que cette proposition ne collait pas avec vos aspirations de l’époque… Pour changer de sujet, je voudrais aborder les soucis internes du groupe : NAPALM DEATH est resté bien silencieux au sujet de Jesse Pintado ces derniers mois. Qu’en est-
Shane : Non, il n'est pas là. Maintenant pour répondre à ta question ; je ne sais pas. J'ai entendu dire qu'il était parti en Floride pour enregistrer le deuxième album de TERRORIZER. J'espère que cela va se faire car il a vraiment besoin d'être à nouveau enthousiaste. Il a passé pas mal de temps en famille et j'espère que ça ira mieux pour lui. Mais c'est un sujet que je ne souhaite pas approfondir parce qu'il n'est pas là pour se défendre et que je n'ai pas envie de médire d'une façon ou d'une autre. Il a juste besoin de temps pour savoir ce qu'il veut vraiment.

VS : Justement, quelle est ton opinion sur le retour de TERRORIZER ? Est-ce que tu ne crois pas que certaines légendes devraient rester dans leurs caveaux glorieux plutôt que de revenir ternir leur blason ?
Shane : Peut-être… J'aime bien l'album de TERRORIZER mais je préférais tout de même les démos. Jesse a également reformé NAUSEA. Nous verrons bien ce que cela donnera. Je sais qu'ils vont reprendre d'anciens titres mais il faut laisser les choses se faire avant d'y porter un jugement. Ce n'est pas à moi de dire s'ils devraient rester morts ou continuer…

VS : Sage réponse… Maintenant, parlons un peu de cet album à venir, est-ce que nous devons nous attendre à un album engagé de votre part ?
Shane : C'est Barney qui s'est occupé des textes et c'est vrai qu'il a écrit sur pas mal de sujets plutôt politiques. Ce nouvel album sera donc très politique. Personnellement je ne m'occupe pas trop de ça, mon truc c'est la musique.

VS : Même le titre de l’album est politique puisqu’il fait référence au code d’alerte maximale des USA…
Shane : Oui, aux USA, le code rouge est le nom de l'alerte nationale.

VS : En fait ce type de code existe partout j’imagine mais avec des noms différents. En France on peut voir des militaires dans les gares… On vit une époque basée sur la peur…
Shane : Oui, mais les Etats Unis détiennent quand même le pompon en matière de parano. Quand tu vas là-bas, tes empreintes digitales sont relevées et ils vont même jusqu'à scanner tes yeux. On est vraiment chez Big Brother…

VS : Vraiment ?
Shane : Oui, c'est du délire.

VS : Pour revenir à « The Code is red… », j’ai lu quelque part des détails plutôt inattendus comme cette influence des SWANS…
Shane : Oui, sur le dernier titre… On a toujours été fan des SWANS. Les gens ont beau penser que nous ne sommes qu'un groupe de grindcore mais à nos débuts Micky et moi nous aimions faire des titres un peu expérimentaux et surtout plus lents. Le dernier titre de « The code.. » est très lent avec des voix plus sombres. Enfin c'est difficile d'en parler, il faudrait que tu l'entendes. Ce morceau fait entre 5 et 6 minutes et c'est assez différent du NAPALM classique. Cela faisait longtemps que nous n'avions pas composé un titre de ce genre mais nous voulions surtout terminer l'album sur une touche plus sombre. Le reste du disque est plutôt brutal, rapide avec des riffs distordus… Et puis il y a aussi nos « guest vocals »…

VS : Oui, j’allais t’en parler. Il y a donc Jeff Walker l’ex-CARCASS, Jamey Jasta d’HATEBREED et Jello Biafra…C’est plutôt inhabituel pour NAPALM DEATH d’avoir des invités sur un enregistrement… ? Vous n’avez pas peur de devenir comme SOULFLY ?
Shane : Oui, c'est quelque chose que nous n'avions jamais fait auparavant. C'est vrai qu'on s'est demandé si c'était une bonne idée ou pas. Maintenant, lorsque j'écoute le nouvel album, j'aime le résultat. Ça peut paraître facile de dire ça alors que je suis un membre du groupe. Les titres avec nos « invités » et tout particulièrement le morceau que nous avons fait avec Jello Biafra, sont terribles. C'est vrai que cette participation avait un côté affectif parce que la toute première reprise que NAPALM DEATH a jouée était « Nazi punks » des DEAD KENNEDYS. Quand Jello Biafra s'est retrouvé en studio pour chanter sur une de nos chansons, je me suis senti comme si mes 18 ans étaient de retour. Mais ces participations restent minimes, nous n'avons pas exagéré en incluant des guests partout. Il y a juste une paire de titres et personnellement, je trouve ça cool. Mais nous savions que ça ne serait pas du goût de tout le monde.

VS : J’ai l’impression que c’est essentiellement l’apparition de Jamey qui a été assez critiquée du fait de la popularité d’HATEBREED. Ceci nous amène à l’équilibre du succès par rapport aux fans : si tu vends beaucoup de disques, tu es un vendu qui fait
Shane : Bah! de notre côté, nous connaissons Jamey depuis des années. Il a organisé un bon nombre de concerts pour nous et c'était bien avant qu'HATEBREED devienne populaire. Donc ma seule réaction sera : Fuck it ! C'est un type super et en ce qui me concerne, il peut vendre autant d'album qu'il voudra, ça ne me posera aucun problème. Il faut juste que tout le monde se mette bien l'équation suivante dans la tête : si je ne vendais pas de disques, je serais obligé de prendre un boulot et si je prenais un boulot, je ne pourrais plus continuer avec NAPALM DEATH. C'est la même chose pour tous les groupes.

VS : Oui mais est-ce que tu ne crois pas que l’argent peut corrompre, voire même pervertir, la musique ?
Shane : En tout cas, ça ne pervertira jamais MA musique. Maintenant ça dépend probablement des groupes mais dans le cas d'HATEBREED, les membres de ce groupe sont vraiment investis dans leur musique et il suffit de voir le temps qu'ils passent en tournée pour s'en rendre compte. La plupart des groupes n'en ferait pas autant.

VS : Et pour cette apparition de Jeff Walkers… j’ai entendu dire qu’il était plutôt occupé avec l’enregistrement de son album solo, avec des reprises de titres country ?
Shane : Jeff est un ami proche, ça s'est donc fait tout naturellement. Quant à son album solo, je ne peux pas trop en parler mais une chose est certaine : ce disque va beaucoup surprendre…

VS : Pour changer radicalement de sujet, parlons un peu de tes autres projets. Est-ce qu’il y a une chance pour que VENOMOUS CONCEPT vienne en tournée européenne ?
Shane : Je l'espère, Buzz a une tournée avec FANTOMAS en avril et nous avons un projet de tournée NAPALM DEATH/MELVINS courant 2005.

VS : Aux USA ou en Europe ?
Shane : J'aimerais les deux, si c'est possible. Et la première partie serait assurée par VENOMOUS CONCEPT pour un set de 25/30 minutes. Il nous suffirait juste d'emmener Kevin Sharp (ex-BRUTAL THRUTH) dans nos bagages et ça serait assez facile.

VS : Très intéressant… Et ce nouveau projet, BORN TO MURDER THIS WORLD ?
Shane : Nous allons prendre une semaine pour enregistrer ça en début d'année. C'est Mike Kenney qui est à l'origine de ce projet…

VS : …j’avais aussi entendu parler de musiciens norvégiens comme Blasphemer de MAYHEM…
Shane : … je ne sais pas trop, je sais qu'il y aura Attila (MAYHEM), probablement Dan Lilker qui voudrait bien se joindre à nous et je crois que Nick Barker assurera la batterie. Donc nous verrons bien…J'ai juste entendu un unique titre démo et ça sonne très noisy, discordant, rapide…

VS : … plutôt du grindcore ?
Shane : …Un genre, oui, mais c'est encore trop tôt pour en parler. Nous allons mettre nos sons en commun et nous verrons ce que cela donnera au final. Je ne sais pas encore exactement comment cela sonnera. Ça sera, dans tous les cas, bien tordu.

VS : Nous allons suivre ça de près… Avant de terminer cette interview, je voudrais que nous parlions un peu de la disparition de John Peel… On a pu lire dans la presse beaucoup de réactions de musiciens qui étaient passés par son émission ou qui étaient s
Shane : Oui, c'est arrivé pendant notre tournée américaine. TERRORIZER a fait un article spécial suite à sa mort et bizarrement personne ne nous a contacté pour témoigner, ce qui est plutôt bizarre. Ça a été une triste nouvelle pour nous tous. J'en parlais hier encore avec un ami américain qui n'a pas connu John Peel : sans lui nous n'en serions sans doute pas arrivés là où nous sommes aujourd'hui. C'était comme un père pour nous. Un personnage extraordinaire avec des goûts musicaux d'une diversité incroyable qu'on n'aurait jamais soupçonné venant d'une personne comme lui. Nous ne l'oublierons jamais…

VS : …J’ai le sentiment que les personnes de notre génération sont plus touchés par sa disparition…
Shane : Oui c'est vrai que les plus anciens ont sans doute été plus attristés par sa mort. Pour nous autres, Lee, Barney, Jeff (Walkers) et tous les anciens membres de NAPALM DEATH en fait, ça a été un choc. Ça a été si soudain… Je sais que Jeff est allé aux obsèques… Je ne pense pas qu'il y aura quelqu'un d'autre pour continuer ce qu'il a fait car il était unique.

VS : Merci d’avoir bien voulu répondre à mes questions Shane. Bon concert… !
Shane : Merci, à une prochaine fois...