Hreidmarr & Stefan - ANOREXIA NERVOSA par TONTON & YOYO - 1895 lectures
Avec un album tout frais et excellent en poche, ANOREXIA NERVOSA revient à la charge. C’est avec mon camarade radiophonique, Lionel, que nous avons rendez-vous dans l’arrière-salle du bar « Furieux » de la capitale. Le moment idéal pour faire le point avec Hreidmarr (chant) et Stéfan (guitare) sur le retour des nerveux anorexiques.


VS : Alors salut les « Anorexiques », c’est déjà votre quatrième album, j’aurais voulu, tout d’abord, savoir ce qu’il vous reste de vos trois premiers disques, par rapport à ce nouveau cd ?
Stéfan : Ce qu'il en reste ? Eh bien, disons que sur le nouveau disque il y a des influences qu'on n'aurait pas nécessairement fait ressortir avant : on s'est un peu lâchés en incorporant des côtés un peu death métal, des rythmes plus heavy, plus posés. C'est un peu notre background mais il faut quand même dire qu'à nos débuts on n'avait pas autant de diversités d'influences que maintenant. Preuve qu'on se construit petit à petit quoi.


VS : Après votre dernier cd, vous êtes restés un peu en retrait pendant près de trois ans. Est-ce une volonté de votre part, histoire de faire un break, ou plutôt est-ce que vous avez voulu prendre le temps de faire le point pour aborder un nouveau virage
Hreidmarr : Il y a eu plusieurs facteurs en fait.

Stéfan : Heu, d'abord on ne peut pas vraiment dire qu'on est resté trois ans en stand-by parce qu'on a quand même pas mal tourné après la sortie de « New Obscurantis Order ». Les concerts se sont étalés sur plus d'un an donc en fait on s'est vraiment arrêtés il y a à peu près un an et demi.

Hreidmarr : Et puis on a changé de façon de travailler. Après « Drundenhaus » on avait tout de suite recommencé à travailler alors que cette fois-ci on a voulu vraiment prendre du recul. On ne voulait penser qu'à la tournée avant de passer à autre chose. Ensuite, il y a eu pleins d'évènements qui se sont déroulés simultanément. Bon, on avait besoin d'un nouveau départ, d'un nouveau souffle. On s'était rendu compte qu'avec « Obscurantis… », on arrivait à une apogée, à la fin d'un cycle à bien des niveaux. De plus on changeait de label en même temps, ce qui a quelque peu compliqué les choses. Il a donc fallu gérer ce côté business et se remettre à travailler sur un nouvel album. Pendant la composition on a jeté pas mal de choses. On voulait tourner la page de « New Obscurantis… » car on ne pouvait pas aller plus loin dans cette direction très brutale, très froide. On cherchait un second souffle en fait.


VS : Peut-on dire que cette fois-ci vous avez pris le temps de composer, d’aimer de nouveaux morceaux, puis de finir par les détester et ne crois-tu pas que certains groupes feraient bien de s’inspirer de ça ?
Stéfan : Alors là c'est exactement ça !!!

Hreidmarr : En fait, on fonctionne exactement comme tu viens de le dire. Pour « Redemption Process » on a vraiment bossé les titres. On a eu beaucoup de déchets, on a travaillé d'avantage les structures. On n'a gardé que les compos qu'on aimait vraiment bien et qui dégageaient quelque chose de particulier. Et de ce fait, nous allons à contre-courant de la mouvance qui voudrait qu'on sorte un album chaque année.

Stéfan : On ne s'est jamais dit « merde, trois ans c'est long… on va nous oublier ». A mon sens il faut sortir un album seulement quand a quelque chose à dire.

Hreidmarr : Oui, on voulait avoir un album valable à soumettre au public, pas faire un disque pour faire un disque. On ne voulait pas rentrer dans la catégorie des albums jetables comme tant de groupes le font.


VS : Peut-on dire que vous avez voulu faire un disque qui ait une durée de vie plus longue que ce que vous aviez fait précédemment ?
Stéfan : Pas exactement, pour nous un disque reste une sorte d'instantané de ce qu'on est au moment où on le conçoit. On voulait mettre des choses personnelles dedans. Cinq ans après la sortie de « Drundenhaus » on ressent toujours des trucs en l'écoutant. On sait dans quel état d'esprit on était quand on a créé puis enregistré ces morceaux. Il s'est passé du temps depuis mais nous voulons que nos albums soient « intemporels ». Et pouvoir les écouter dix ans plus tard sans se dire « oh putain on a fait ça, c'était dans l'ère du temps, c'était vite fait ». On ne se sent pas concerné par ça. Pour nous, on met toutes nos tripes dans ce qu'on fait. On est un groupe soudé qui n'a pas changé de line-up depuis longtemps et tout le monde travaille. Il n'y a pas de musiciens de session. Pour nous, ça va au-delà de la musique, il y a toutes les émotions qu'on met dedans et je pense que c'est ce qui ressort et qui plaît par la suite. Ce qu'on envoie est forcement reçu par des gens et c'est ce qui nous fait plaisir en fait. Surtout quand certains comprennent parfaitement où on voulait en venir, qu'ils ressentent nos albums comme nous le faisons nous même.


VS : Le titre de ce nouveau cd est « Redemption Process ». Faut-il prendre le mot rédemption dans son sens théologique ou y-a-t-il quelque chose de plus personnel derrière ce titre ?
Hreidmarr : Les deux en fait. Le concept de l'album aborde une quête de rédemption.


VS : Comme tu parlais de la fin d’un cycle avec « Obscurantis… » c’est peut-être aussi une façon d’aborder quelque chose de neuf dès le titre ? Un nouveau début ?
Hreidmarr : Il y a aussi de ça. Pendant le temps écoulé lors des albums précédents, on a eu l'impression de nous enfoncer dans une sorte de décadence au sens vraiment littéral du terme et on avait l'impression de toucher le fond. « Redemption » incarne notre recherche de lumière. On essaye d'avancer dans ce monde bizarre et de remonter à la surface.


VS : Question pertinente : certains fans ou certains journalistes reprochaient au groupe de briller plus par son look que par son style musical. Est-ce que tu veux aussi parler de cette décadence-là ?
Stéfan : Pour nous c'est associé. Look et musique, c'est la même chose.

Hreidmarr : Heu non moi je parlais de la décadence véritable qui fait que tu te retrouves au fin fond d'un club échangiste miteux (rires). Maintenant on essaye de retrouver une sorte de clarté. De racheter ce que nous avons fait de mal, et dieu sait que… (rires). Enfin, je dis racheter mais pas au sens biblique de la chose mais de retrouver le chemin de la pureté.


VS : Est-ce que, quelque part, vous avez le sentiment que vous revenez de loin ? Avez-vous eu la vision de ce que vous auriez pu devenir ?
Hreidmarr : En ce qui me concerne oui. Je ne sais pas trop si j'en suis revenu. En fait je lutte encore pour surmonter cette déchéance.


VS : En fait c’est très facile de perdre complètement pied avec la réalité…
Hreidmarr : Oui absolument. Je sais que je peux devenir d'un jour à l'autre un clochard alcoolique.


VS : Comment est-ce que vous expliquez cet espèce de rapport à la « je t’aime moi non plus » avec une partie de la presse et même parfois du public ? Est-ce que c’est quelque chose dont vous aviez vraiment conscience, est-ce qu’il vous est même arrivé d’e
Hreidmarr : Non, on n'a jamais entretenu ça.

Stéfan : C'est simplement que dans le public black métal, il y a une tranche pure et dure qui nous déteste. Mais c'est pas pour ça qu'on va changer.


VS : Avez-vous un peu souffert de ce rejet catégorique ?
Stéfan : De la presse non mais du public parfois oui. On a eu des concerts gâchés par des gens venus pour foutre la merde.

Hreidmarr : Maintenant on a une certaine distance vis-à-vis de tout ça. On est beaucoup plus zen qu'avant. Maintenant si certains nous détestent, on s'en fout un peu.


VS : Oui, mais est-ce qu’un courant musical qui surfe sur la haine peut susciter d’autres émotions que celle-ci ?
Hreidmarr : C'était sans doute vrai jusqu'à notre dernier album mais désormais on éprouve plus de la pitié, de la compassion pour nos détracteurs.

Stéfan : Après c'est un vaste débat. Les SEX PISTOLS, ça envoyait de la haine aussi. Tout groupe de rock véhicule une émotion forte. Nous sommes dans la mouvance métal mais on ne s'est jamais réellement revendiqué comme un groupe exclusivement black métal. Le métal des années 80 reste notre référence. On essaye de retranscrire ça par notre musique. On ne s'est jamais demandé si on était trop méchant ou trop gentil. Le métal c'est pas blanc ou noir, on ne peut pas quantifier tout. Maintenant on ne peut pas non plus dire que notre musique exprime la haine et rien d'autre. La palette d'émotion est assez large…



VS : Est-ce que ce n’est pas justement ce que vous reproche le public pur et dur du Black Metal ?
Stéfan : Les fans de black pur et dur, j'en fait partie et j'aime bien ce que je fais.


VS : On va maintenant parler du côté business de la musique. ANOREXIA est bien placé pour parler des labels français : au début vous avez été chez Season Of Mist, puis Osmose et maintenant vous êtes chez Listenable. Quelle est votre vision, votre expérien
Stéfan : Il n'y a pas de choses à faire ou à ne pas faire. Ni de bons ou mauvais labels. Tout est question de relations et d'objectifs par rapport à un album. Bon, avec Season Of Mist on a eu une expérience pas très agréable, avec Osmose ça s'est très bien passé. On a même fait un bout de chemin avec eux et si on a changé de label c'est aussi à cause de ce sentiment de fin de cycle. Le groupe arrivait au terme d'une période et on avait envi de changement. On craignait de s'enfermer dans une routine avec Osmose. Et le principe d'ANOREXIA est justement de tout faire pour éviter la routine et d'exprimer les moments présents.
On n'aurait pas pu. Le fait de changer d'orientation, de vie allait de paire avec un changement de contrat. Même si on reste très content de ce temps passé avec Osmose, on voulait autre chose. On avait une idée assez précise de ce qu'on voulait faire et nous avons donc signé avec Listenable pour l'Europe parce que c'était le label qui semblait le mieux s'investir. Ce qu'il y a de bien avec Listenable c'est que c'est un label très actif et un échange d'idées constant qui créé une dynamique. On est très content et cela nous conforte pour l'avenir.

Hreidmarr : On voulait vraiment repartir sur du neuf.

Stéfan : Bien sûr, il y a eu quelques petits litiges avec Osmose. C'est bien normal dans le cadre des relations groupes/labels. C'est jamais l'entente parfaite. Il faut toujours négocier, … Quand on a signé chez Osmose, on était contents de rentrer dans une sorte de famille de par les groupes qui y étaient déjà. Avec le temps les choses ont changé et on a fini par se retrouver en décalage.

Hreidmarr : On ne se reconnaissait plus dans l'image Osmose.


VS : Et vous vous reconnaissez plus dans Listenable ?
Stéfan : En fait, on a un peu changé de tactiques vis-à-vis des labels. On a maintenant des licences un peu partout comme pour le Japon, la Corée, les Etats Unis… Avec Osmose, on avait un deal international alors que là, nous avons pris soin de signer avec les labels correspondant le mieux à nos désirs. On a pris le temps de se demander ce qu'on voulait pour « Redemption… », on a fait un genre de cahier des charges. On l'a soumis à plusieurs labels, des gros comme des petits. Et ce qu'il y a de bien avec Listenable, c'est qu'il a compris ce qu'on voulait.

Hreidmarr : On a eu des propositions de gros labels mais on voulait avoir quelqu'un avec nous qui nous pousse, nous encourage. Un label qui soit motivé par ce qu'on fait et ce n'est pas le cas dans certains gros labels où tu es juste un numéro sur un listing.


VS : Oui, histoire de ne pas avoir le sentiment d’être vendu comme un baril de lessive… J’aimerais maintenant qu’on parle du chant en français qu’on retrouve un petit peu sur « Redemption… ». Avez-vous déjà songé à généraliser votre langue maternelle dans
Hreidmarr : Oui, tout à fait. Enfin, c'est un vaste débat. On ne prémédite pas les changements de langues, ça reste spontané. On se pose surtout la question des types de chants. J'ai pas l'impression de chanter en plusieurs langues : pour moi c'est un héritage commun. Après, il est vrai que le français c'est très dur à faire sonner, plus que l'anglais qui reste assez naturel. Le métal et le rock restent foncièrement anglo-saxon à la base et c'est donc beaucoup plus facile d'écrire en anglais.


VS : le français nécessite donc une adaptation…
Hreidmarr : Oui c'est plus difficile de faire sonner le français. Chanter du métal ou du rock dans notre langue ça reste extrêmement laborieux. Il y a peu de groupes chantant en français que j'arrive à écouter. La plupart du temps ça donne des trucs ridicules. J'ai beaucoup d'admiration pour les groupes qui y arrivent.


VS : Sur le quatrième titre il y a même un passage narratif. Tout ça rappelle un peu FORBIDDEN SITE. Vous êtes d’ailleurs influencés, tout comme eux, par les auteurs du XIXème…
Hreidmarr : Pour ma part je pense qu'on s'est un peu détaché de tout ça par rapport aux albums antérieurs. Bien entendu, il en reste tout de même quelque chose. Mais pour « Redemption… », les textes sont plus simples, plus directs et les références moins visibles. Cependant, c'est clair que nous partageons ces inspirations avec FORBIDDEN SITE et de ce fait cela se ressent dans notre musique. On avait un break qui se prêtait à la narration sur ce titre et ça s'est fait le plus naturellement du monde, sans être prémédité.



VS : En parlant de FORBIDDEN SITE, comment s’est passé ce fameux concert à Paris ? Comment l’avez vous vécu ?
Hreidmarr : C'était leur concert d'adieu. On a été très content que ça se fasse. Ça faisait longtemps que je tannais Romaric qui ne voulait rien entendre. C'est vrai que FORBIDDEN SITE s'était un peu terminé en queue de poisson. J'étais vraiment content qu'il accepte, c'était vraiment un honneur. De ce fait l'affiche était vraiment super intéressante et revêtait un autre aspect. On garde un bon souvenir de ce concert magnifique : il y avait un genre de recueillement dans le public, des gens qui étaient très fans et qui étaient très contents d'assister au dernier concert. Je suis content qu'on ait mis ça sur pied tous ensemble.

Stéfan : C'était un peu le concert de nos rêves, le truc dont on rêvait depuis longtemps. L'affiche, le lieu, dans quelles conditions et on l'a fait.


VS : Est-ce que vous pensez rester dans cet état d’esprit pour la future tournée en jouant uniquement avec des amis ou des groupes français ?
Stéfan : C'est faisable sur un concert mais sur toute une tournée c'est plus délicat car il y a pas mal de facteurs à prendre en compte. C'est pas toujours évident.

Hreidmarr : On va quand même essayer de rester cohérent en jouant avec des groupes en rapport avec notre style.



VS : Pour conclure cette interview, parle-nous de cette tournée à venir.
Hreidmarr : Ça va commencer dès le 1 novembre. On va faire quelques festivals, quelques dates de chauffe histoire de se rappeler au bon plaisir de notre cher bon public français. On tournera vraiment en tête d'affiche à partir de Janvier prochain.


VS : Bon qu’est-ce qu’on peut vous souhaiter pour terminer cette interview ?
Hreidmarr : Heu… je ne sais pas…Remplir Bercy ?


VS : Heu, je crois que là, c'est pas gagné !
(rires)


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