Daniele Liverani n’est pas homme à s’ennuyer. Entre Empty Tremor, Genius, Khymera et ses autres projets, il ne peut se résoudre à choisir, pour le plus grand plaisir de ses fans. Du coup, en 2004, nous avons eu droit dans la foulée à un album d’Empty Tremor et au deuxième volet de la saga Genius, tous deux d’une qualité exemplaire. Pour vous rafraîchir rapidement la mémoire, sachez que Genius est un homme entré par accident dans un monde parallèle où les rêves des humains sont fabriqués. Cela ne manque pas de provoquer des remous (un peu comme quand « Bouh » ramène sa fraise dans le monde des monstres dans le film Monstres et Cie) et une poursuite effrénée de Genius par des forces de sécurité. C’est cette fuite, ainsi que la tentative désespérée de Genius pour prouver l’innocence de l’un de ses amis, que raconte essentiellement In Search Of The Little Prince. C’est encore Daniele Liverani qui en parle le mieux alors place à l’homme orchestre.

Daniele, peux-tu revenir sur la création du personnage même de Genius ?
Daniele Liverani : L'idée m'est venue en partant de ce que j'appelle le « traumatisme quotidien ». Il s'agit des quelques instants qui s'écoulent entre la sonnerie du réveil et le réveil effectif. Normalement, ce sont de courts instants, mais nous sommes capables de les prolonger mentalement pendant des heures voire des jours grâce aux rêves. Dans le concept que j'ai imaginé, Genius est le rêveur et il transforme ces minutes de « pré-réveil » en une véritable aventure en pénétrant dans un monde parallèle où les rêves des humains sont fabriqués. Il rencontre son propre « Esprit jumeau » (Twinspirit en anglais, interprété par Daniel Gildenlow de Pain Of Salvation), l'entité née pour créer ses rêves en cette matinée. Cela provoque un paradoxe dangereux car aucun humain ne doit connaître l'existence de ce monde des rêves et encore moins y mettre les pieds.

Cherches-tu à faire passer un ou des messages avec cette histoire?
Il y a effectivement de nombreuses vérités cachées, des doubles sens qui peuvent aiguiller l'auditeur sur mes idées, mais j'ai surtout voulu insister sur l'amitié naturelle et spontanée qui naît entre Genius et Twinspirit.

In Search Of The Little Prince, la deuxième partie du concept, vient de sortir, et l’on attend la troisième partie pour l’an prochain. Pourquoi trois parties ?
L'opéra a été créé telle une trilogie, onze chansons par album et un total d'environ quatre heures de musique. Vous devrez donc attendre 2005 pour connaître l'issue de l'aventure !

Le choix de Mark Boals pour interpréter Genius s’est-il imposé ?
Je l'ai choisi pour ses incroyables possibilités vocales et son timbre aigu qui correspond parfaitement au personnage. Et puis je suis un fan inconditionnel de la voix de Mark, ce depuis que je l'ai entendu sur l'album Trilogy d'Yngwie Malmsteen. De façon plus subjective, Mark Boals donne la force nécessaire aux textes du personnage, qui est foncièrement bon.

Le style général des albums est le rock progressif, même s’il comporte des parties très métal et d’autres très calmes. Est-ce le style idéal pour un opéra rock ou s’agit-il simplement de l’expression de tes goûts ?
Les deux mon commandant ! Tout d'abord, je pense que dans un tel projet, la musique doit être au service de l'histoire. J'ai donc appliqué des plans progressifs sur les événements captivants de l'aventure, des balades pour les passages calmes et des montées en puissance pour les instants cruciaux. Ensuite, il est évident que je me suis fait plaisir !

As-tu été inspiré par d’autres opéras rock ?
Pas vraiment. Genius n'est en compétition avec aucun autre projet. J'ai écouté Nostradamus, le projet de Nikolo Kotzev, mais j'avais à ce moment déjà terminé mes démos.

Dans cette deuxième partie, Genius voyage beaucoup et rencontre de nombreuses difficultés. Comment as-tu traduit cela en musique ?
Pour accentuer la puissance de la « Dream League Force », la force de sécurité qui poursuit Genius pour l'éliminer en raison de sa présence illégale dans le monde des rêves, j'ai utilisé des chœurs imposants, menés par le chant agressif de Russel Allen. Pour illustrer la fuite de Genius et de Twinspirit, j'ai usé de rythmiques rapides. Et j'ai demandé à Daniel Gildenlow de chanter le dernier morceau de façon à transmettre tout l'abattement de son personnage Twinspirit, à l'auditeur.

Le casting de ce deuxième volet est encore plus impressionnant que celui du premier. Tu as réussi à embaucher Eric Martin (Mr. Big), Russell Allen (Symphony X), Eduardo Falaschi (Angra)… Mais comment les as-tu choisis ?
J'ai analysé chaque partie et pris beaucoup de temps pour contacter mes « cibles » et leur expliquer ce que j'attendais d'eux. Chaque personnage a sa particularité : le chef des soldats (Russell Allen) est furieux, Jason (Edu Falaschi) est calme et plein d'espoir, Seventree (Jeff Martin de Racer X) est fou mais vif, Oddyfer (Johnny Gioeli, Axel Rudi Pell, ex-Hardline) et son bras droit (Rob Tyrant de Labyrinth) sont des filous, Klepsydra (Liv Kristine, ex-Theatre Of Tragedy) est triste mais généreuse.

Pourquoi as-tu désigné Edu Falaschi pour interpréter une balade ?
Parce que j'apprécie particulièrement son chant dans ce genre d'exercice et qu'il va comme un gant au personnage de Jason. Peut-être les fans d'Angra seront-ils surpris, mais ils devraient apprécier !

Liv Kristine chante aussi une balade, tout comme Lana Lane sur le premier volet. Les femmes ne sont-elles bonnes qu’à ça ???
Pas du tout ! Mais comme je l'ai dit, la musique est au service du concept et dans ces deux épisodes, les femmes sont des personnages calmes, délivreurs de conseils et d'espoir.

Mon petit doigt m’a dit que tu recherchais des chanteurs encore plus prestigieux pour la troisième et dernière partie de Genius…
Je serais plus qu'heureux d'accueillir dans mon projet des gros bonnets comme Geoff Tate ou James LaBrie, mais il est encore trop tôt… Je pense également contacter l'excellent Jorn Lande. Nous verrons bien !

Passons à l’une de tes autres activités, le groupe Empty Tremor, dans lequel tu officies en tant que clavier. Es-tu content du dernier album, The Alien Inside ?
Les réactions de par le monde ont été très positives, cela nous rend très heureux ! Et la majorité de nos fans a réservé un accueil chaleureux à Oliver Hartmann, notre nouveau chanteur. Je trouve cela très normal vu qu'il a été excellent sur l'album ! Notre précédent chanteur, Giovanni de Luigi, était d'un bon niveau, il nous fallait un remplaçant à la hauteur pour franchir une étape supplémentaire dans l'évolution du groupe. Oliver a eu tout le loisir d'exprimer son talent sur The Alien Inside, il s'est approprié ses parties de chant et a réussi à exploiter tout son potentiel en termes d'émotions, de puissance et de groove. J'aime ce qu'il a fait avec At Vance, mais je pense qu'on se rend mieux compte de son talent sur l'album d'Empty Tremor.

Quels autres projets mènes-tu en marge de Genius et Empty Tremor ?
Tout d'abord, je cherche de bons concerts pour Empty Tremor. Ensuite, je prépare évidemment la suite (et donc la fin) de Genius. Je recherche des chanteurs, je retravaille les paroles, etc. Puis je compte produire un nouvel album de Khymera, mon autre groupe (featuring Steve Walsh de Kansas). Nous écrivons déjà des compositions pour le prochain album d'Empty Tremor qui devrait sortir en 2005, comme Genius Part 3. Enfin, j'ai dans l'idée de créer un nouveau projet de type opéra rock, mais cette fois avec un autre compositeur pour m'épauler. C'est un musicien très talentueux qui partage ma philosophie de la musique. Ah ! j'allais oublier que j'essaie de faire un album avec de nouveaux talents italiens. Bref, je vais être très occupé, tenez-vous au courant !

Ce Daniele Liverani, quel homme !