Julien Deyeres et Mathieu Pascal - GOROD par BRAS CASSé - 5106 lectures
Gorod continue à parfaire sa discographie en nous offrant leur nouvelle pépite A Maze of Recycled Creeds. Bras Cassé en profite pour en savoir un peu plus auprès de Julien Deyeres et Mathieu Pascal.


Question difficile à éviter mais indispensable pour les lecteurs de VS, pouvez-vous brièvement présenter Gorod ?
Julien : Gorod est né en 1997 dans la région bordelaise. Les deux rescapés de cette formation autrefois nommée Gorgasm sont Mathieu, le guitariste compositeur multi-fonction, ainsi que Benoît (Barby pour les intimes), bassiste barbu qui jouait également dans le délicieux Voracious Gangrene aux côtés de Guillaume (le précédent et originel chanteur de Gorod que j'ai remplacé en juillet 2010). Il y a le jeune et beau Nicolas à la guitare, qui a intégré le groupe à l'époque où il jouait encore chez Arcania (à l'automne 2010), puis enfin Karol, notre « nouveau » batteur, qui comme tout batteur qui se respecte, joue dans 72 autres groupes comme Erlen Meyer, Hell in Town, Juggernaut et j'en passe. Gorod a sorti son premier album en 2004, et vient de mettre à bas son 5ème album en octobre 2015. Entre temps, il y a eu des concerts, un certain nombre de musiciens différents et bien des histoires palpitantes que nous prendrons plaisir de vous conter autour d'une bonne table dès que possible.


Où en est votre line-up? A quand le prochain transfert au mercato?
Julien : Pour l'instant l'équipe semble stable et j'espère qu'elle le restera, car le courant passe plutôt bien entre nous tous.


L’auto-endoctrinement est tristement d’actualité, même si au final, il l’a toujours été. Voulez-vous parler de votre concept ? Pourquoi celui-ci ?
Julien : En effet, le thème implicitement abordé dans les textes est volontairement d'actualité. Il me semble important de partir d'expériences quotidiennes qui me touchent directement avant de plonger dans l'Histoire, et par extension dans l'élaboration d'un concept susceptible d'épouser la musique de Gorod. Cette idée d'auto-endoctrinement m'est apparue en observant les comportements et les réactions de l'être humain de culture occidentale face à l'évolution de la société dans laquelle il s'inscrit, notamment dans les époques dîtes de crise. A ce sujet précis, je préfère laisser libre cours à l'interprétation de chacun, car le plus intéressant est pour ma part la discussion et l'échange qu'il peut en ressortir. J'ai simplement choisi de prendre l'exemple de l'œuvre d'un homme à la fin du XIXe siècle, dont le parcours d'auteur facétieux, de gourou étonnant mais aussi de génie à la fois méprisable et attachant, constitue une source importante pour le développement de l'esprit critique. Pourquoi ? J'aime pousser à réfléchir car c'est également comme cela que j'ai le plus appris en contrepartie.


Après les attentats qui ont frappé notre pays, pensez-vous qu’un artiste doit changer sa relation à la scène ? Est-ce que Gorod compte procéder différemment ? Se protéger davantage ? Ou, nous l’espérons tous, l’objectif est de ne surtout rien changer ?
Julien : C'est un sujet que je préfère éviter publiquement et je préfère aborder de manière plus intime. Mais pour répondre à la dernière question : non ! Tant qu'il y aura de la vie, rien ne changera de notre côté.


La dualité des guitaristes est époustouflante, d’une fluidité à faire pâlir n’importe quel amoureux de 6 cordes. Comment travaillent-t-il ensemble ? Quelle est leur technique préférée ? Et celle qu’ils considèrent convenir le mieux au son de Gorod ?
Mathieu : C'est ma manière de construire les morceaux. Je pars toujours de la batterie et des deux guitares. Ce trio doit déjà être intéressant en lui-même avant de rajouter la basse, le chant et d'autres arrangements. C'est aussi pour moi une garantie que les morceaux sonneront en live, pas seulement sur le disque. Le jeu entre les deux guitares peut être travaillé de plein de façons différentes, en harmonie, transposées, quelques fois à l'unisson, ou plus classiquement en duo rythmique/lead. La plupart du temps c'est joué en harmonie, je trouve que ça permet de grossir le son tout en apportant quelque chose à la tonalité, l'harmonie. C'est aussi je pense la manière la plus caractéristique de Gorod, même si j'essaie de varier au maximum. La difficulté c'est que forcement, pour que ça fonctionne bien, il faut que Nicolas et moi soyons parfaitement synchro, jusque dans les détails de jeu. Et ce n'est pas toujours évident, on a des habitudes et des tics de jeu bien différents, et comme c'est moi qui écris, c'est souvent à lui de s'adapter. Je lui tire mon chapeau d'ailleurs ! Je me souviens qu'à l'époque où on l'a recruté, c'était justement son jeu/son et l'unité qu'il créait avec le mien qui nous avait décidé à le choisir lui. Pour répondre à ta question sur la technique, bah on n'en a pas de préférée, et il n'y en a pas beaucoup sur ce dernier album, à part sur les solos...Je sais qu'il y a des passages qui sonnent comme du tapping ou du sweeping, mais c'est du jeu classique la plupart du temps !


Parlez-nous de Karol Diers votre nouveau batteur. Dans ma chronique, j’écris que le style pratiqué a besoin d’une section rythmique béton, qu’il a, et d’un poil de folie, qu’il n’a pas. Je suppose que vous n’approuvez pas, pourquoi ?
Julien : Karol est de loin le meilleur batteur que Gorod n'ait jamais eu dans ses rangs. Il a tout : la frappe, le groove, le feeling, le sens du placement du bon break au bon endroit, la vitesse... mais chez lui, tout est tellement fluide que l'on ne se rend pas compte à quel point son jeu est technique, et justement plein de folie ! Je pense que cela se traduit par une question d'ego, car le jeu de Karol est beaucoup plus mesuré et moins démonstratif que celui de Samuel par exemple. Karol n'en fait jamais trop et cherche vraiment à mettre en valeur la composition plutôt que son propre jeu de batterie. De plus, le mixage du dernier album a tendance à mieux « fondre » les éléments de batterie dans le « décor », ce qui fait moins ressortir certaines subtilités du jeu de Karol, qui vont demander des écoutes plus attentives avant de les percevoir. Ceci étant, j'estime que c'est surtout en live qu'il fait la différence. Un parfait mélange entre rigueur et folie, mis en valeur par une frappe conséquente qui fait enfin sonner Gorod comme un groupe de Rock, un vrai !


Comment placer sa voix sur un album plein à craquer de breaks, tous aussi différents les uns que les autres ? Choisissez-vous ces variations de chants en fonction du feeling ou d’une direction choisie par le groupe ?
Julien : Et bien pour être honnête, placer des parties chant sur la musique de Gorod, c'est la méga merde ! Quand Mathieu compose, il ne pense absolument pas au chant et fait les choses comme elles viennent. D'ailleurs en général, les versions instrumentales sont si riches qu'en les écoutant, on trouve presque dommage d'y ajouter de la voix par crainte de passer à côté de belles choses. Mais il faut bien y placer du chant et pour cela on procède ainsi : je demande d'abord à Mat quels sont les parties dans lesquelles il ne faut surtout pas de chant (au cas où j'ai des doutes), puis j'essaie d'identifier un riff qui pourrait me servir de refrain. C'est autour de celui-ci que tout le placement rythmique des voix se construit. Ensuite, nous réalisons plusieurs essais afin de choisir quel type de voix (grave, medium, aiguë, claire etc...) semble convenir le mieux à chaque riff en question, puis nous faisons une écoute globale pour vérifier la cohérence générale avant de valider. Pour ce qui est des breaks, on affine sur le moment pour voir si le placement convient à la section rythmique déjà en place. En définitive, l'élaboration du chant est complètement soumise à la musique déjà écrite chez Gorod.


Listenable records vous porte à bout de bras et n’est pas avare en efforts pour vous promouvoir. Que pourrait-il faire de plus pour vous mettre en avant ?
Mathieu : Ah, je ne sais pas trop. Il en a fait beaucoup déjà, nous a fait connaître en France en 2009 avec « Process of a new Decline » à une époque où on existait tout simplement pas ici. Ca a été un grand pas en avant pour nous. Après je ne vois pas trop comment il pourrait en faire plus, la promotion est souvent d'abord une question d'argent, ou passe par les tournées et les shows, des choses qu'il ne peut pas créer lui-même, des charges qui nous appartiennent donc à nous, le groupe. Il peut bien sûr toujours nous aider un peu pour ces choses, comme il l'a fait jusqu'à maintenant, mais sans pouvoir en être l'initiateur en somme. On essaie quand même d'améliorer notre façon de collaborer à chaque album. Depuis « Process », les albums sortent conjointement chez Listenable pour l'Europe et chez Willowtip ou Unique Leader pour les US. A la base le but recherché était de profiter de la meilleure promotion/distribution ici et là-bas, mais la coopération est tellement difficile entre eux que ça rend les choses plus difficiles encore...


Vous ouvrez plus que vous n’êtes tête d’affiche, ce qui semble de plus en plus contradictoire avec votre statut grandissant. Vous sentez vous à votre place ?
Julien : En effet, c'est étrange. Plus on monte, plus on se sent petit, on dirait. En tout cas, plus le temps passe, moins je comprends notre place. Nous avons une espèce de statut « le cul entre deux chaises » qui est assez déstabilisant et j'avoue que ce genre de notion me dépasse totalement. Ceci étant, quand on se retrouve sur scène, on sait que les choses se passent à fond, comme disait le poète !


Combien de cd physique Gorod a-t-il vendu depuis son premier album ? Et quel est l’album le plus vendu à ce jour ?
Julien : Nous n'en avons pas la moindre idée, à vrai dire.
Mathieu : Oui, c'est assez difficile de le savoir avec une relative précision. Autant avec Listenable c'est assez facile de savoir, il nous envoie des relevés de ce qu'il vend, lui, autant avec les labels américains et les différentes licences (Japon par exemple) c'est quasiment impossible de le savoir. Quand on leur demande, on a toujours des réponses qui nous paraissent à tout le moins fantaisistes, voire qui se révèlent fausses une fois vérifiées, donc...


Vivez-vous de votre musique ?
Julien : Absolument pas ! Gorod nous coûte beaucoup plus qu'il ne nous rapporte. Déjà, depuis la formation du groupe, jamais aucun des musiciens n'est reparti avec le moindre cachet personnel suite à concert. Seuls les techniciens sont payés, et encore, depuis pas bien longtemps. Tout l'argent que l'on nous verse est aussitôt absorbé par les frais, et ils sont si élevés qu'on doit mettre généralement de notre poche pour éponger les pertes. Donc au final, Gorod est plutôt un loisir... et un loisir qui nous coûte particulièrement cher !


Quel est votre album préféré de Gorod ? Y-a-t-il un album qui fait l’unanimité au sein de groupe ? et un qui divise davantage ?
Julien : Jusqu'à la sortie du dernier, « Leading Vision » était clairement mon album préféré. C'est celui qui m'a toujours donné le plus de plaisir à écouter du début à la fin. Mais pour être honnête, « A Maze Of Recycled Creeds » est d'un niveau supérieur. Il reprend toutes les bonnes recettes que j'aimais, alors que je ne jouais pas dans le groupe, sauf que tout est plus assumé à présent. Les diverses influences sont plus nettes, plus fluides, tout est plus homogène, bref... bien que j'y trouve encore beaucoup de choses à corriger, je pense que c'est de loin le meilleur disque de Gorod car à aucun moment on ne s'ennuie. On en prend plein la gueule mais tout est finalement plus accessible qu'auparavant. Je pense que c'est également le premier album que les gens qui n'aimaient pas Gorod avant pourront commencer à y trouver leur compte (en dehors du EP « Transcendence », bien entendu. Transcendence reste d'ailleurs pour moi le meilleur morceau de toute la carrière de Gorod). En tout cas, je suis vraiment content de notre dernier bébé, et c'est un sentiment qui ne m'est pas souvent arrivé dans ma « carrière » de musicien.


Quel regard pensez-vous que la scène internationale porte sur vous ? Quel est l’accueil que vous recevez lorsque vous jouez à l’étranger ?
Julien : En règle générale, l'accueil est à peu près bon partout. Mais là où je me régale le plus, cela reste en République Tchèque, mais c'est un peu ma deuxième maison, donc bon... je ne suis pas très objectif.


Quel groupe de votre univers admirez-vous le plus ? et avez-vous un petit nouveau de cette scène à nous conseiller ?
Julien : De notre univers... on va parler Tech-Death, alors, j'ai bon ? Déjà, pour ma part, le meilleur album de ce style de tous les temps reste le « Millenium » de Monstrosity. Sinon, à l'heure actuelle, Gorguts demeure le groupe qui me touche le plus en matière de Tech-Death. Un petit nouveau ? Mes potes de Dimitree (Toulouse) sont en train de préparer une petite bombe, concernant leur nouvel album. J'y fais une petite intervention, d'ailleurs, et ce que j'ai pu entendre est vraiment impressionnant ! A suivre.


C’est la période du Référendum VS. Quel est le meilleur album français que vous ayez écouté cette année, et de même pour l’album étranger ?
Julien : En suivant les sorties proposées sur le référendum, en album français : Hangman's Chair, en album étranger : Psycroptic (sans trop réfléchir).
Mathieu : Et le dernier Kronos « Arisen New Era » !!


Merci pour votre temps, j’en profite pour vous souhaiter plein de bonnes choses pour la fin d’année. Un dernier mot aux lecteurs de VS ?
Julien : A très vite près du comptoir ! Santé !


Auteur
Commentaire
eyziel
Membre enregistré
Posté le: 17/12/2015 à 11h23 - (1830)
Très belle interview qui confirme que ce sont des passionnés, des gars bien dans leurs bottes.

GabinEastwood
Membre enregistré
Posté le: 17/12/2015 à 21h40 - (1831)
Ouais excellente même et très instructive



nocturnus1977
Membre enregistré
Posté le: 18/12/2015 à 05h33 - (1832)
superbe ITW!



Ginzu
Membre enregistré
Posté le: 19/12/2015 à 08h12 - (1833)
Super, mais ce serait bien de parler du son dans les itw, surtout avec gorod..

Moulinexxx
Membre enregistré
Posté le: 22/12/2015 à 14h46 - (1850)
Un groupe pareil qui n'arrive pas à vivre de sa musique, moi ça me débecte. Pauvre France !

Merci pour cette interview fort sympatoche !



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