Rosarius & Walran - ANGELLORE - Track-by-Track par ZESNAKE - 4887 lectures
VS-Webzine vous propose d'en savoir plus sur La Litanie des Cendres, le second album d'ANGELLORE, via une interview Track-by-Track. Ecoutez l'album tout en lisant les réponses détaillées de Rosarius (guitares, basse, claviers, chant) et Walran (claviers, chant).


Quelle est la signification du titre de l'album ?

Rosarius : C'est une référence indirecte à Émile Nelligan, qui est probablement mon poète préféré, un symboliste mélancolique fin XIXe. C'est un québécois ; il est assez peu connu en France, mais c'est un peu le Baudelaire de là-bas. Ses œuvres sont réunies dans un recueil qu'il n'a jamais pu achever, et qu'il aurait aimé appeler Le Récital des Anges. Au départ, nous avions pensé l'appeler Le Récital des Cendres, et puis le mot « litanie » a fini par s'imposer. Il correspondait mieux à notre musique, qui est marquée par une sorte de gravité mystique. Nos chansons dessinent des paysages embrumés, comme des horizons noyés de cendres. Le titre symbolise très bien notre travail.


Que pouvez-vous nous dire sur l'artwork ?

Walran : En visitant l'atelier du peintre symboliste Gustave Moreau (reconverti en musée après la mort de l'artiste, conformément à sa volonté), je suis tombé sur une toile nommée « Les Anges de Sodome ». En découvrant ce tableau, j'ai aussitôt pensé qu'il ferait une formidable pochette pour La Litanie des Cendres, dont l'enregistrement était en cours. J'ai aimé les teintes, la présence de la falaise, le fond de ciel mystérieux et blanc crème, et la présence des anges (symbole amené à figurer d'une façon ou d'une autre sur toutes nos pochettes, je pense), silhouettes distantes et évanescentes. J'en ai donc parlé à mes compères, mais notre batteur Ronnie a estimé – à raison – qu'il serait préférable d'avoir une pochette qui n'appartienne qu'à nous et qui illustre réellement le contenu de notre album. Nous avons donc demandé à notre ami Florent Castellani, qui avait déjà entièrement pris en charge le mastering et l'aspect visuel de la réédition de nos démos Premières Liturgies – Soupirs d'Aurore (et avait également conçu le livret de notre premier album Errances) de peindre une huile sur toile inspirée par l'œuvre de Moreau tout en exprimant au passage sa propre vision. L'album se présente sous forme de digipack qui se déplie entièrement et présente quatre autre toiles de l'artiste également réalisées pour l'occasion : des montagnes escarpées, écrasées par ce sempiternel ciel de lait et une rose aux teintes pâles, autre symbole qui nous est cher. Quant aux photographies qui ornent les cartes cachées sous la pochette, il s'agit de photos réalisées et retravaillées par Florent Castellani, toujours, qui a profité de journées tristes et grises pour se promener dans quelques-uns des plus beaux cimetières parisiens.



Il y a également, bien sûr, un lien à établir entre ce que représentent la pochette et la musique. Se détacher du tableau de Moreau, fondé sur un épisode biblique important (Dieu qui envoie ses anges détruire Sodome et Gomorrhe, deux villes qui s'étaient détournées de lui et vivaient dans le péché), nous permet d'offrir d'autres interprétations. Et si les anges étaient deux âmes s'évadant de la cité détruite par un cataclysme dévastateur ? Et si cette image se déroulait dans une autre sphère de temps et que la scène représentée était en réalité un distant souvenir ? Et si ces ruines étaient antiques, sans âge, et que les anges n'étaient que des âmes perdues chargées de protéger ces lieux ? Et si ce paysage fantastique n'était qu'une projection de l'esprit ? Toutes les interprétations se valent, et personnellement, je trouve cette image très onirique et espère qu'elle conduira les auditeurs à réfléchir, à oublier la réalité le temps de l'écoute.


Quelques mots sur l'enregistrement, le studio et la production en général ?

Rosarius : L'enregistrement s'est déroulé dans un climat beaucoup plus serein que celui de notre premier album. L'expérience, sans doute ; le fait que ça ne soit plus nouveau. On a enregistré la première partie de l'album en une semaine. À l'issue de cette première session, toujours au studio EverTone de Florent Krist, la batterie, la basse, les guitares rythmiques et les nappes de base des claviers étaient en boîte. On a fait la suite petit à petit, en retournant en studio quelques jours par-ci par-là étalés sur plusieurs mois. Notre musique est assez sophistiquée, et les arrangements vocaux et synthétiques sont extrêmement importants pour nous ; nous adorons prendre notre temps pour obtenir précisément ce que nous voulons, et c'est une phase à laquelle nous prenons beaucoup de plaisir. L'enregistrement terminé, la phase de mixage a pris plusieurs mois également. Nous sommes retournés en studio plusieurs fois pour guider Florent Krist et suivre son travail. Bien sûr, tout ça ne s'est pas fait sans incidents et imprévus, mais dans l'ensemble, l'enregistrement et le mixage se sont passés dans un climat serein, et nous sommes satisfaits du résultat final.


Quels sont les autres médias qui ont pu vous influencer lors de la composition et/ou de l'enregistrement de l'album (Musique, cinéma, livres, jeux vidéos) ?

Walran : Je me souviens que Rosarius et moi avons écouté le groupe de post punk Editors et utilisé leurs albums comme points de référence pour choisir le type de réverbérations que nous voulions utiliser pour faire sonner au mieux nos « soli de guitare black », joués en tremolo-picking. En composant le morceau « Twilight's Embrace », j'ai cherché à renouer avec l'ambiance des deux premiers disques d'Empyrium, mon groupe préféré. Je ne me souviens pas précisément de ce que je lisais à l'époque où nous composions ou enregistrions l'album, mais en tant que grand fan de bandes-dessinées, je suppose que certaines lectures, de façon détournée, ont eu un impact sur moi. Je retrouve un peu d'Angellore à la lecture de « Sasmira », de Laurent Vicomte, des premiers tomes du « Prince De La Nuit », de Swolfs, ou encore du cycle « Hugo & Iris » de la série Sambre d'Yslaire par exemple.

Rosarius : Je ne sais pas précisément ce qui a pu m'influencer au moment de la composition et de l'enregistrement. La littérature m'accompagne chaque jour et elle joue probablement un rôle inconscient dans tout ce que je fais. Pareil pour la musique que j'écoute en fait ; ces deux domaines sont très liés pour moi.




Track by track

"A Shrine Of Clouds" :

Walran : « A Shrine Of Clouds » a été le deuxième morceau composé pour l'album. Après avoir répété durant plusieurs jours en juillet 2011, nous avons pris le temps d'enregistrer deux brèves idées mélodiques imaginées par Rosarius. Nous ne le savions pas encore, mais nous tenions là les bases du refrain et du solo central du morceau à venir. Ce n'est que quelques mois plus tard, en début d'année 2012, que nous avons réécouté ces enregistrements et pris le temps de travailler sur le morceau dans son intégralité. Rosarius a composé ce riff d'introduction très accrocheur et à partir de là, l'écriture de la chanson s'est avérée très aisée. Nous avons défini ensemble la mélodie qui suit le refrain, jouée en trémolo-picking, j'ai écrit quelques modestes arrangements de piano et de clavier et le reste est vraiment allé de soi. Nous savions que nous avions besoin d'un passage plus calme et clair à mi-parcours, d'une reprise du thème d'ouverture et d'une fin en forme d'explosion, puissante et emphatique. L'écriture des paroles s'est déroulée on ne peut plus simplement : musicalement, « A Shrine of Clouds » nous donnait l'impression d'être cotonneux, aérien, élégiaque. J'ai commencé à écrire le texte du couplet en me fondant sur mon ressenti personnel et les impressions et sentiments que m'évoquaient la musique, et Rosarius a poursuivi en exploitant ce même thème. Les tempos et structures définitives ont été fixés en répétition avec l'aide de Ronnie qui a pourvu le morceau d'excellentes rythmiques, accrocheuses et distinctes. Pour l'anecdote, je me souviens avoir d'abord songé à placer « Moonflower » en ouverture d'album, avant de reconnaître que la suggestion de mes camarades – désireux de laisser cet honneur à « A Shrine » - était meilleure et que ce choix était bien plus pertinent. En arrivant au studio, nous étions déjà convaincus du fort potentiel de cette chanson ; et pourtant, Ronnie et moi n'étions pas au bout de nos surprises puisque le solo central, qui demeure pour moi le moment le plus fort de l'album, a été littéralement improvisé par Rosarius au moment de l'enregistrement. Une chance extraordinaire, qui a permis d'élever la chanson à un niveau supérieur. Beaucoup d'auditeurs estiment – probablement à raison – qu'il s'agit du meilleur titre d'Angellore à ce jour. C'est aussi le seul titre de l'album à faire figurer du chant black criard – dit « dépressif » - et à ne pas comporter la moindre note de chant féminin.

"Still Glowing Ashes" :

Walran : En octobre 2011, Rosarius m'a envoyé une brève démo de « Still Glowing Ashes », qui comprenait seulement l'intro a capella et le passage metal final du morceau. Je suis immédiatement tombé amoureux de cette idée, ainsi que de la voix de Lucia, que je venais de découvrir quelques minutes plus tôt pour la première fois. Je retrouvais les couleurs d'« Enter » de Within Temptation, album que nous citons souvent comme référence. Tout de suite, Rosarius et moi avons imaginé un morceau typé « Beauty And The Beast » à l'esprit 90's assumé et revendiqué. Il s'agit d'un titre unique dans la discographie d'Angellore, car la voix de Rosarius en est absente et qu'il ne contient aucun solo de guitare. Nous n'avons jamais enregistré de démo parfaitement claire et structurée de ce titre, qui s'est développé en salle de répétition et dont les arrangements ont pour la plupart été composés ou improvisés en studio. Je me revois assis un soir, après une longue journée d'enregistrement en studio, écrire la mélodie de flûte du break avec mon clavier et attendre l'assentiment de Rosarius pour en consigner la partition ! Rosarius avait déjà nommé le morceau et écrit une partie des paroles ; je me suis chargé des lignes de chant extrême, exploitant au passage quelques-uns de mes thèmes préférés : les remords, la cruelle différence entre la réalité telle qu'on l'imagine et le réel pragmatique, les histoires d'amour sombres ou impossibles. Les deux voix s'unissent, s'affrontent, partagent des sentiments, s'opposent. S'agit-il de deux personnages subissant un même tourment ou de deux inconnus exprimant conjointement des chagrins communs nés dans des circonstances différentes ? Le doute reste permis, le rêve aussi… Avec sa guitare acoustique et les mélodies vocales éthérées de Lucia, je trouve au morceau un charme très folk auquel je suis vraiment sensible. Pour finir, c'est notre batteur Ronnie qui a suggéré d'apporter à ce titre une fin au piano.

"Twilight's Embrace" :

Walran : Cela faisait déjà plusieurs mois que la mélodie au piano que l'on entend à mi-parcours me trottait dans la tête. Allais-je en faire un refrain, un interlude, ou composer un morceau autour ? Naturellement, à force de chercher sur mon clavier, c'est la troisième option qui s'est imposée. Jusqu'ici, je n'avais jamais composé de morceau entièrement seul pour Angellore, me reposant toujours sur les suggestions de mon compère ou sur ses belles mélodies. Cette fois-ci, j'ai pris sur moi d'écrire une démo entière, que j'ai enregistrée dans des conditions plus que sommaires (j'ai carrément branché mon clavier à un ampli de guitare pour simuler des rythmiques et bien faire comprendre à mes comparses où je voulais en venir !). Et pour une fois, je me suis autorisé à écrire un texte très personnel, presque intime. « Twilight's Embrace » est lié à des souvenirs et impressions ressenties durant mon enfance. Les vignes et vergers auquel le titre fait référence existent réellement et sont situés à proximité de la maison où j'ai grandi. Une semaine avant de nous rendre au studio, Rosarius a suggéré d'opter pour un violon en lieu et place d'une guitare pour interpréter la mélodie du refrain. Nous avons donc contacté Cathy en dernière minute, mais elle s'est avérée adorable et disponible. Alors, nous avons utilisé ses compétences sur « A Shrine Of Clouds » aussi ! C'est la première fois que mon chant clair est aussi présent sur un titre d'Angellore. Au final, grâce à Rosarius et Ronnie, le titre a beaucoup évolué depuis sa version démo. J'aime particulièrement le thème final, que nous voulions laisser très simple au début. Mais, par crainte de lasser notre auditoire et conformément à notre souhait de conférer à chaque passage le plus de beauté possible, nous avons finalement rajouté des chœurs et des claviers à foison. Et c'est bien mieux ainsi !

"Inertia" :

Rosarius : J'ai composé « Inertia » en 2011. J'en ai fait une démo complète sur mon ordinateur, qui correspondait entièrement à la version que l'on peut entendre sur l'album. J'avais envie d'une chanson blanche et triste, qui mette à l'honneur le chant féminin et son contraste avec le chant de basse typé rock gothique. C'est une chanson assez classique au niveau de la structure, et indéniablement la plus pop et accessible de l'album, d'autant qu'elle ne contient aucune ligne de grunt. Pourtant, son « thème » n'en est pas réellement un. Textuellement, elle est très étrange. L'auditeur peut se faire sa propre idée du sens des paroles, qui sont volontairement arcaniques, mais j'ai toujours considéré que c'était une chanson qui parle du vide, de l'atrophie des sentiments, ou plutôt du désir de n'être rien. J'ai aimé écrire cette chanson. La mélodie m'est venue, et puis voilà. J'ai enregistré la démo en deux jours, et la version finale est très fidèle à ce que j'avais imaginé.

"Moonflower" :

Rosarius : « Moonflower » est le premier titre de l'album que nous ayons composé. C'était en 2009, avant même de rentrer en studio pour Errances. On s'est même demandé, à un moment, si elle n'allait pas en faire partie, mais il restait beaucoup de travail, elle n'était pas prête et le plan du premier album était bien défini. « Moonflower » est la chanson la plus longue de l'album, et la plus baroque, la plus variée. Elle évoque beaucoup d'images et de couleurs différentes. C'est sans doute aussi notre titre le plus onirique, le plus irréel. Il y a ce refrain, doux comme une supplique d'ange triste, très mélodieux ; il y a ces couplets mystérieux, appuyés par des orgues et des chœurs ; ce long break doom trad funeste, le passage le plus ténébreux de l'album ; et ce final black symphonique, qui précède une fermeture de rideau calme et recueillie. La chanson parle d'une fleur qui s'appelle l'Ovange. Le narrateur se dilue dans son désir, jusqu'à se confondre avec cette fleur qu'il recherche, et qui a le pouvoir de donner réalité à son rêve le plus profond. Cette fleur fait partie de l'univers d'un livre que j'ai écrit, qui s'appelle Apostasie et qui sortira l'an prochain chez le Chat Noir, fin mars, pour le Salon du Livre. Si « Moonflower » était un style littéraire, ce serait probablement un mélange de conte et de Dark Fantasy. Ce style-là pourrait certes symboliser l'ensemble de l'album, mais « Moonflower » encore plus.



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