C R O W N a récemment sorti son second album intitulé "Natron", chez Candlelight Records. A l'occasion de sa sélection VS, VS a voulu en savoir plus sur cet album en interrogeant son géniteur, Stéphane Azam.

Salut ! Vous avez récemment bouclé une tournée dans la foulée de la sortie de Natron. Comment s’est-elle passée ? Quelles ont été les réactions du public à l’écoute des nouveaux morceaux ?
La tournée s'est vraiment très bien passée, j'avais quelques appréhensions à la base car je m'attendais à un public black metal mais la musique d'Agalloch va bien au delà du black metal standard et repousse les limites du style du coup c'était un public assez ouvert d'esprit en général et on a eu de très bons retours quasiment partout.

CROWN, que ce soit en studio ou en Live, a opté pour une configuration particulière avec trois guitares seulement. Quelle est votre méthode de composition, et quel matériel utilisez-vous pour obtenir un son aussi tellurique ?
Et comment vous y prenez-vous pour retranscrire tout ça sur scène ?
Je compose tout chez moi dans mon home studio, je suis le seul maître à bord, je travaille essentiellement avec un Imac et Logic Studio Pro. Je n'ai pas de méthode particulière, tout vient assez naturellement, des idées de riffs puis je travaille sur les machines etc les ambiances. Pour Natron je ne me suis pas occupé du mixage, c'est David Husser qui s'en est occupé y compris la production, il vient de la scène industrielle (il faisait partie de Y Front dans les années 90) et a un CV à faire pâlir pas mal d'ingés son studio, c'était et c'est l'homme de la situation, il a donné une touche encore plus froide et industrielle à Natron tout en ajoutant de la dynamique. Sur scène nous avons pas mal de bandes, Fredy et Pascal se joignent à moi en live donc 3 guitares pour retranscrire les nombreuses couches de guitares et un MacBookPro en multipiste pour les bandes et un ingé son qui fait en sorte que le tout sonne le plus heavy et gras possible ;)

Comment s’est passée la genèse de Natron, des premières idées à son enregistrement ?
C'est venu tout naturellement, j'avais dans l'idée de faire un album extrême dans tous les sens du terme avec beaucoup de contrastes quitte à surprendre l'auditeur et je me suis donc laissé guider par mes nombreuses inspirations. Je bosse sur un morceau jusqu'à boucler la partie instrumentale en totalité, les lyrics sont écrits à la toute fin du processus quand l'album est finalisé dans sa partie instrumentale.

Je trouve que Natron est bien plus industriel que Psychurgy, et sur l’ensemble de l’album je trouve une volonté de retrouver et de pousser plus loin ce qui a été fait pour un morceau comme "Abyss". Est-ce que c’était votre volonté dès le départ ?
Oui dès le début je voulais que cet album sonne industriel, je viens de cette scène, Ministry, NIN, Killing Joke, Godflesh ont bercé ma jeunesse et il y a actuellement très peu de groupes de musique industrielle, la scène était bien bien présente dans les 90's mais a quasi disparu depuis, tu peux compter les noms sur les doigts de la main.

Peut-on dire qu’il y a des influences qui ressortent plus sur cet album par rapport à Psychurgy, comme GODFLESH par exemple ? Quelles sont d’ailleurs vos influences principales depuis vos débuts ?
Le nom Godflesh revient très souvent et pourtant ce n'est pas une influence majeure pour moi, je me sent beaucoup plus proche de NIN, Neurosis, Killing Joke ou encore Ministry. L'univers est bien plus ancré dans la musique industrielle que pour Psychurgy, d'ailleurs il y aura un morceau bonus sur la version vinyle qui est une sorte de clin d'oeil à cette scène industrielle des 90's.

Pourrais-tu nous définir l’ambiance de Natron en 3 mots ?
Industriel, heavy, mélodique.

Comme un lecteur nous le demande, d’où provient le sample présent sur "The Words You Speak Are Not Your Own" ? Peux-tu nous commenter son choix ?
C'est un sample d'Aleister Crowley tiré de son poème « The Sea », le choix va de pair avec mes aspirations pour les sciences occultes.

Natron voit la présence de 3 guests que sont Neige, Michiel Eikenaar et Kvohst. Pourquoi avoir choisi ces trois chanteurs et comment les avez-vous convaincu de participer à votre album ?
J'ai fait connaissance de Neige il y a 2 ans par hasard dans la salle ou je bosse à Colmar, je suis ingénieur du son de mon métier et ils cherchaient quelqu'un pour les mixer live, on a très vite sympathisé et j'aime énormément ce qu'ils font donc ils m'ont emmené avec eux sur différentes tournées ou j'ai pu aussi mixer Hexvessel et Beastmilk (actuellement Grave Pleasures). Nous avons lié de forts liens d'amitié avec Neige et Kvohst et le choix s'est fait aussi tout naturellement pour les morceaux qu'ils ont magnifié à chaque intervention. Pour Michiel je l'avais rencontré au Roadburn lors de son show avec son band Nihill, j'étais abasourdi par son charisme, sa présence scénique et sa façon de chanter, c'est tout aussi naturellement que nous avons sympathisé. Il a fait un superbe travail sur le morceau "Wings beating over heaven", c'est extrême et sombre à souhait.

Frederyk Rotter de ZATOKREV est aussi présent sur cet album et vous accompagne également sur scène. Peut-on désormais le considérer comme un membre à part entière de CROWN ?
Fredy fait partie de la formation live depuis 2013, depuis Psychurgy et il fait effectivement partie de CROWN à part entière.

Je pense que tout le monde aura trouvé le morceau "Fossils" remarquable, du fait notamment qu’il tranche avec l’ambiance très lourde du reste de l’album. Pourquoi avoir choisi d’intégrer ce morceau « différent » et d’inspiration cold-wave à l’album ?
J'avais ce morceau depuis des années et je ne trouvais pas la bonne ligne de voix, quand je l'ai réécouté j'ai tout de suite pensé à Kvhost, pour moi il avait la voix et le feeling parfait et ça a fonctionné à merveille, une parfaite alchimie. Il devait d'abord figurer à la fin mais David m'a convaincu de le mettre en plein milieu histoire de surprendre l'auditeur ce qui à priori fonctionne très bien.

Peux-tu nous dire quelques mots sur le sens du nom de l’album, Natron, et sur les paroles ? Ces dernières ne figurent d’ailleurs pas dans le livret du CD, c’était un choix de votre part ?
C'est un choix oui je préfère que ce soit un objet avec le moins de texte possible et laisser la part belle à l'artwork d'un album.
Natron est un album profondément nihiliste et misanthrope. « Natron » fait référence à un lac en Tanzanie qui calcifie tout ce qui y est immergé. Je trouve que notre monde est pareil, la société actuelle transforme la plupart des gens en zombies, en fantômes et paradoxalement nous nous sommes nous mêmes tendus ce piège, tout est une question de pouvoir et de chiffres. L'humain est un destructeur, il y a bien sûr des exceptions mais la plupart sont avalés par la société de consommation, je ne suis pas le dernier d'ailleurs, personne n'est préparé et prêt à changer la donne ou peu le sont, minoritaires et souvent bâillonnés volontairement. Disons que c'est un constat plutôt noir et pessimiste de notre environnement actuel. L'homme est un loup pour l'homme. Je respecte plus la nature que l'homme, nous ne sommes que des hôtes ici, rien ne nous appartient excepté notre enveloppe corporelle.

Qui a designé la pochette de Natron, et quelle en est pour vous sa symbolique ?
Le design a été réalisé par Maks Loriot, Pathologikal, je vais reprendre ses mots. Maks est parti sur une idée hyper minimaliste. Avec un fort impact visuel. Simple mais efficace. Il a modélisé une mandibule de mâchoire de carnivore, non identifiable mais qui représente une certaine agressivité. C'est aussi un symbole fort visuellement. A cette mâchoire il lui a donné un aspect de porcelaine qui lui confère une certaine fragilité. Rendant la métamorphose étrange à la fois agressive mais fragile. Car le sujet du Natron est un matériau qui transforme la matière du tout au tout, les êtres vivants en pierre (pour les animaux). Mais aussi les morts périssables (de l'Egypte antique) en momie millénaire. C'est donc ce double état que Maks a symbolisé.

Vous avez donc opté pour un feeling plus industriel par rapport à vos débuts. Est-ce vers cette direction que va maintenant clairement s’orienter le futur de CROWN ? Avez-vous déjà des idées pour votre prochain album ?
Oui tout à fait , le futur album de CROWN sera tout aussi industriel, je n'ai pas encore d'idées pour le moment mais cela viendra au dernier moment et dans l'urgence comme d'habitude ;)

Toi et Pascal avaient fait partie de HOLLOW CORP. au milieu des années 2000. Quels souvenirs gardes-tu de ce groupe et peut-on considérer que CROWN a pris sa suite ?
D'excellents souvenirs, malgré le fait que nous ayons fait très peu de concerts, l'album était vraiment bien mais on a pas eu le soutien nécessaire pour le faire décoller. C'est en quelque sorte une suite mais c'est avant tout mon propre univers musical que je retranscris dans CROWN, j'en suis le seul capitaine à bord.

Quel est ton regard actuel sur tes travaux passés, que ce soit HOLLOW CORP., l’EP The One et même Psychurgy ?
En constante évolution, j'en suis plus ou moins satisfait mais jamais à 100%, on peut dire que je suis satisfait de Natron à 98% mais je suis un éternel insatisfait de nature donc je n'arriverais jamais aux 100% et finalement ce n'est pas plus mal car je m'ennuierais si j'étais tout le temps satisfait et je n'aurais peut être pas la même volonté de vouloir me surpasser à chaque nouveau processus de création.

Pour terminer, peut-être as-tu des groupes peu connus à nous recommander, ou de récents coups de cœur à partager ?
Deluge et leur album Aether, Fluisteraars et leur nouvel album Luwte.

Merci d’avoir répondu à mes questions. Je te laisse une zone libre pour la fin !
Merci à toi, au plaisir de te croiser sur la route !