Niko El Moche (Basse) Niko Elbow Giraud (Batterie), Fabien W. Furter Chant/Guitare) - WHEELFALL TRACK-BY-TRACK par YOUPIMATIN - 6944 lectures
Les lorrains de WHEELFALL vous proposent d'en apprendre plus sur leur nouvel album "Glasrew Point" tout juste fraîchement sorti. Et ce, par l'intermédiaire de ce track-by-track commenté par les 2 Niko (l'un tient la basse, l'autre les baguettes) et Fabien (chant/guitare). Pourquoi ? Quand ? Comment ? Vous saurez absolument tout sur la genèse de cet album hors-norme.




Quelle est la signification du titre de l'album ?

Niko El Moche (basse) : « Glasrew Point » est le lieu où se situe l'histoire narrée tout au long du double album ainsi que de la nouvelle du même titre qui l'accompagne. Nous avons voulu créer, comme on pourrait le voir dans des romans de Stephen King par exemple, un lieu qui ne pourrait être situé précisément.
Ce que nous cherchions aussi pour la création de ce nom / titre, c'était le fait de marquer l'évolution musicale de Wheelfall afin de laisser derrière nous l'image Stoner / Desert Rock que nous pouvions avoir lors de nos précédentes sorties. C'est en partie pour cette raison que nous voulions un nom évocateur ayant une connotation « celte », plus proche de notre état d'esprit et de nos vies à ce moment-là.


Que pouvez-vous nous dire sur l'artwork ?

Niko El Moche : Tout comme le titre de l'album, on voulait un changement « radical » au niveau du visuel pour ce nouvel album. C'est principalement pour cette raison que pour cette illustration nous avons préféré passer par de la photographie plutôt que par du dessin que nous avons utilisé sur nos précédentes pochettes.
Pour vraiment expliquer la représentation de celles-ci, il faut dans un premier temps se référer au passage du roman dans lequel nous pouvons lire que des runes étranges ornent l'église du village dans laquelle les héros se retrouvent « piégés ». Cette rune a été réalisée par Flog Diver, a qui nous avions demandé de réaliser de façon symbolique le tripode propre à Wheelfall, représentant la peur de l'inconnu et l'idée de savoir interdit – cette connaissance qui, une fois révélée condamne ceux qui l'ont découverte.
En ce qui concerne la mise en scène de la pochette, nous avions en tête les totems que l'on peut voir dans le film « Le Projet Blair Witch », qui instaurent une ambiance païenne, pesante et inquiétante, comme dans « The Wicker Man » de Robin Hardy. C'est donc pour cette raison que nous avons décidé de construire ces runes et de les mettre en scène dans une forêt représentant au maximum l'ambiance de notre concept album et de la nouvelle. C'est Cha Photography qui s'est chargé de l'artwork du double album. Concernant le roman, écrit par Blandine Bruyère d'après l'histoire que nous avons imaginé, il a été illustré par des photos de Marine Gerard et Pauline Talon, ainsi que par trois peintures de Sylvie Thouron.


Quelques mots sur l'enregistrement, le studio et la production en général ?

Fabien W. Furter (chant/guitare) : Pour « Glasrew Point », nous sommes retournés chez Gorgor aux Studios de la Forge. C'est un très bon ami qui fait un travail exemplaire, il sait à la fois être compréhensif mais aussi te foutre un bon coup de pied au cul quand il y en a besoin. L'échange est franc et chacun œuvre pour que ce qui sorte du studio soit ce qu'on voulait entendre. Et c'est exactement ce qu'on cherchait pour ce double album. Le projet est ambitieux : on arrivait avec plus de 80 minutes de musique et on voulait valoriser au maximum le côté créatif de l'enregistrement pour mettre en forme nos compositions. Nous avons donc essayé beaucoup de choses dans ce but là (des enregistrements live, beaucoup d'expérimentations de prises de sons, instruments), fait énormément d'arrangements et parfois même de la composition pendant ces semaines passées au studio. C'était une expérience vraiment unique, où tu es emporté par une sorte de transe créatrice qu'il te faut arriver à contenir sans pour autant la maîtriser, pour laisser la musique vivre sur l'enregistrement.
L'idée était vraiment de produire un double album moderne et organique, libre et insaisissable. Nous avons tous œuvré dans ce sens et nous avons fait en sorte de rendre ça possible.


Quels sont les autres médias qui ont pu vous influencer lors de la composition et/ou de l'enregistrement de l'album (Musique, cinéma, livres, jeux vidéos) ?

Fabien W. Furter : La période de composition a été assez longue et a accompagné une profonde remise en question personnelle, dont ma relation à la musique. Pour Interzone, on voulait faire un album stoner/doom, et c'est ce qu'on a fait et nous en sommes très satisfait. Pour « Glasrew Point », c'était très différent car sa genèse n'est liée à aucun cadre. Il est vraiment marqué par l'idée de liberté artistique, mais est aussi une réflexion sur le monde dans lequel on vit. Je m'exprime à ce sujet plus longuement dans la préface de la nouvelle qui accompagne le double album, mais « Glasrew Point » était à ce moment-là un besoin vital de faire le point et d'accepter pleinement ce que j'étais et dans quel environnement j'évoluais. Dans tout ce processus, je pourrais citer aisément Crash de J.G. Ballard, Retromania de Simon Reynolds, du Nietzche et Montaigne, les « Points de Repère » de Boulez, qui m'ont accompagné pendant cette période. C'est vraiment ça qui a dirigé la conception de « Glasrew Point », et ça a aidé à recentrer la musique.
Je peux néanmoins te citer quelques œuvres qui m'ont accompagné pendant cette période : « Outside » de David Bowie, « The Seer » des Swans, « Honour Found Decay » de Neurosis, « For Samuel Beckett » de Morton Feldman, « Shaking the habitual » de The Knife, « Drough » de Deathspell Omega… Et j'en passe énormément.




Track by track

1. "I Descend into the Deep"


Fabien : Ce morceau est une invitation directement destinée à l'auditeur, une sorte de « il était une fois », une scène d'exposition musicale : on pose le décor, l'ambiance de l'album. Mais c'est aussi un avertissement, comme le sous-entend le titre : en se plongeant dans l'album, l'auditeur accepte que celui-ci creuse au plus profond, fouille, quitte à faire quelques découvertes insoupçonnées et parfois difficiles. C'est une façon de dire à l'auditeur « maintenant, tu es là à tes risques et périls, à toi de voir » ! C'est donc le seul morceau à avoir un point de vue omniscient sur l'album, puisque dès le titre suivant et pour tout l'album, l'auditeur vit l'histoire à travers les yeux des personnages.

2. "Dead Eyes"

Niko : Comme il a déjà été dit plus haut, Glasrew Point est un concept album, qui fait donc référence à la nouvelle l'accompagnant. De ce fait, chaque titre de l'album fait référence à un passage bien précis de l'histoire. Ici, nous nous trouvons au commencement. Et c'est à ce moment-là que les choses vont déraper. Les personnages se retrouvent tous pour des raisons diverses dans une station-service du continent. Et c'est à ce moment qu'ils commencent à voir naitre un chaos devant leurs yeux : un groupe de personne s'est allié pour battre à mort un homme sans raison. De ce fait, pour le début du morceau nous voulions quelque chose de relativement rapide, comme une montée d'adrénaline et qui exprime par la même occasion la violence des gestes qui sont en train de se produire devant leurs yeux.




3. "Strangers"

Fabien : Un morceau très spécial, dans tous les sens du terme, qui nous a donné pas mal de fil à retordre ! Pour la petite anecdote, nous sommes arrivés en studio avec une idée et un concept assez précis mais qui ne fonctionnaient pas ensemble à première vue. Nous avons dû tout remanier avec l'aide de Gorgor, réécrire tout le morceau en une soirée et bousculer nos habitudes pour en sortir enfin ce qu'on voulait. Le morceau demandait à ce qu'il y ait un spoken word pour se révéler entièrement, ce qui a été un exercice difficile pour moi puisque c'était la première fois que j'utilisais cette technique. Je trouve qu'être conteur est beaucoup plus difficile que de chanter, qui plus est dans une autre langue : le texte et son interprétation sont mis au premier plan et la musique n'est qu'un accompagnement, il faut donc captiver et faire passer des émotions avec un texte seul, en se disant que l'auditeur ne verra pas les expressions de ton visage, ta gestuelle… Il faut tout faire passer par l'interprétation, ce qui est loin d'être aisé. Et d'un autre côté, j'ai découvert que le spoken word permet de faire passer plus d'émotions que le chant, puisque beaucoup plus libre… Bref, c'était un sacré défi.

4. "Vanishing Point"

Niko : Nous devions pour ce morceau, illustrer la fuite des « survivants » vers l'embarcation leurs permettant de quitter le continent, loin de tout ce qui arrive. De ce fait nous devions créer une ambiance d'urgence, le stress ressenti par les personnages lorsqu'ils se rendent compte, au réveil, que la foule déchainé à trouver leur repère et que la fuite doit être rapide. Vanishing Point, de par sa rythmique et ses sonorités illustre ces ressentis.
La seconde partie du morceau, aux sonorités proches du Stoner peut être ressentie comme une « libération ». La libération ressentie lorsque les personnages réussissent enfin à gagner l'embarcation qui leur permettra une nouvelle fois de fuir devant cette foule.

5. "Now wakes the Sea"

Fabien : Les personnages, contraints de fuir par la mer dans un petit rafiot, se retrouvent pris dans des courants marins qui semblent insurmontables et qui les emmènent vers le large. C'est exactement l'idée illustrée par le morceau qui s'installe innocemment, puis qui se fait bousculer par des lignes mélodiques qui le détourne, qui rentrent en conflit. C'est aussi le premier morceau de l'album à être quasiment entièrement joué avec des instruments électroniques. Je ne compose absolument pas de la même manière selon l'instrument que j'utilise ou même selon son accordage et c'était aussi le but de ce double album de pouvoir marier différents points de vue et différentes techniques pour s'approcher au maximum de ce que nous avions en tête. Faire la paix avec toutes ses influences, travailler sans filet et librement.

6. "The Drift"

Fabien : Dans l'histoire, après que les personnages se soient perdus dans les courants marins, une accalmie soudaine se fait sentir, la mer devient immobile, morte et une brume quasi surnaturelle les prend au piège.
C'est le morceau le plus pesant, lent et lourd de l'album mais aussi le plus introspectif. On m'a souvent dit que mes morceaux évoquaient des images et des ambiances et je pense que The Drift est un des meilleurs exemples. Je crois que ça vient du fait que je considère la musique de façon très narrative : tel accord est un personnage, telle note est un élément perturbateur, dans un environnement qui évolue et qui a un effet sur les personnages. J'ai une grande admiration pour Debussy qui est pour moi le maître de la narration musicale, et avec le recul je trouve que c'est vraiment palpable le diptyque « Now Wakes the Sea » - « The Drift ».

7. "Pilgrimage"

Niko : L'un des morceaux les plus calmes de l'album (l'un des plus calmes que l'on ait pu composer depuis la création du groupe aussi). Il est une représentation de l'arrivée de nos protagonistes sur l'île qui va les héberger après leurs périples sur le continent et lors de leurs traversé en mer. Le choix d'un passage calme à ce moment de l'album interprète le ressentit des personnages, dans un premier temps on pourrait le qualifier comme un "calme après la tempête". Mais il représente par-dessus tout le soulagement que peuvent ressentir les personnages à pouvoir enfin remettre les pieds sur la terre ferme, le sentiment de sécurité.

Niko Elbow Giraud (batterie) : Pendant la composition de l'album, on s'est rendu compte qu'il était beaucoup trop dur à appréhender s'il n'y avait aucune ouverture, respiration. C'est le seul moment de l'histoire ou la tension diminue, on se devait donc d'en faire de même au niveau de la musique, ce qui a permis de découper l'album et de le rendre beaucoup plus appréhendable dans sa globalité.

8. "Shelter"

Niko : Les personnages se sont « installés » sur l'île pour une courte durée, hébergés par l'habitant. Seulement les problèmes du continent ne semblent pas si loin derrière eux…
La naissance d'un orage virulent sur l'île, voilà l'interprétation de « Shelter ». Si l'on écoute bien le morceau il est possible de se reconstituer le chaos d'une tempête.
Avec ce titre, nous avons réussi à mener à bien un des objectifs que nous avions pour la composition de « Glasrew Point » : narrer une histoire, mais pas seulement avec des mots.

9. "Absence of Doubt"

Fabien : Un des personnages est en proie à une crise de paranoïa, et pense sérieusement être en grand danger, menacé par tous les habitants de « Glasrew Point ».
C'est pour moi un des morceaux les plus puissants de l'album, émotionnellement. Si tous les textes et l'histoire de l'album font évidemment écho à une réflexion et une situation personnelle, Absence of Doubt a ce quelque chose d'extrêmement poignant me concernant. Musicalement, on retrouve ces grosses lignes de basses rampantes, une batterie mécanique et des lignes de guitare éthérées qui font de ce morceau un morceau à la fois très industriel et organique. En relation avec le thème d'Absence en Doubt, j'ai utilisé la plupart du temps des chants diphoniques, en particulier le kargyraa (les couplets) et le sygyt (les harmoniques sur la fin du morceau) qui sont tous deux des techniques utilisées chez les Touvains (N.d.l.r. Peuplade turque de Sibérie connue pour pratiquer le Khöömei - chant de gorge ou diphonique - qui comprend des techniques diverses, dont certaines produisent un effet multitonal en accentuant les harmoniques. Le groupe Huun-Huur-Tu en est le représentant le plus connu).

10. "Shape Shifter"

Niko : L'introduction de ce morceau fait référence au son que l'on pourrait entendre lorsqu'une télévision ne fait que de projeter un nuage de neige permanent. Elle symbolise le calme plat mais inquiétant régnant sur la ville lorsque cette « défaillance » apparait sur tous ses écrans et radios.
Le reste du morceau fait quant à lui référence à un acte très cérémonial / religieux comme on pourrait le ressentir dans le refrain qui fait penser à des cantiques scandés dans une église. Le tout sous une trame quasi permanente de fuite et d'impuissance vécue par les personnages. C'est aussi le seul morceau de l'album où le point de vue change des personnages aux habitants de l'île, d'où le nom du morceau.

11. "Night of Dark Trees"

Fabien : Dans l'histoire, les personnages en question, éreintés, changés, usés, traversent à la nuit tombée une forêt leur permettant de s'éloigner du village d'où ils sont retenus.
A la manière de « Now Wakes The Sea », c'est un morceau instrumental quasi uniquement joué avec des instruments électroniques. L'accent est mis ici sur les textures et l'ambiance de cette traversée urgente et stressante où les arbres, immobiles dans la pénombre, peuvent très vite nous faire subir des hallucinations visuelles. Leurs ombres, leurs formes trompeuses, l'absence de repaire… Et comme « Now Wakes the Sea » avec « The Drift », ce morceau est en étroite relation avec le suivant, deux facettes des mêmes sentiments et réflexions.

12. "The Skeptic and his Shadows"

Niko : L'ambiance pesante / inquiétante du morceau symbolise l'entrées des personnages dans le sanatorium (quinte de toux au milieu du morceau) de l'île cherchant un lieu où se réfugier de la foule déchainée peuplant l'île de Glasrew Point avant l'arrivée du bateau de ravitaillement. On peut toujours percevoir tout au long du morceau (en plus de la peur constante faisant des moindres bruits anodins une profonde menace, dans le silence de ce bâtiment sans vie) le traumatisme subit par le personnage ayant commis un meurtre pour leurs survie. Ainsi que la paranoïa qui commence à le gagner de plus en plus jusqu'à lui créer des hallucinations.

13. "Sound of Salvation"

Niko : Morceau très typé "indus". Les sons de la corne de brume du bateau se répétant inlassablement dans le calme de la ville côtière qui annonce enfin une issue vers la survie pour nos personnages. L'énergie de Sound Of Salvation quant à elle est une représentation de la folle course menée par les personnages traversant l'île pour y retrouver un soutien, avec un espoir grandissant.

14. "Return Trip"

Fabien : Dernier morceau de ce double-album, Return Trip est l'expression de la dualité du personnage en question, partagé entre l'espoir qu'il a nourri et les pertes qu'il a subi… Malheureusement pour lui, si tout à une fin, cette fin peut aussi être le début d'autre chose, ce que le personnage va apprendre à ses dépens.
On retrouve cette dualité dans la composition, à la fois mélancolique, nostalgique et empreinte de soulagement dans le début du morceau… Puis tout comme les lignes mélodiques, toute la perception première change et amène le tout vers quelque chose de plus effrayant car incompréhensible. Le morceau se termine sur une suite de notes que l'auditeur aura perçues dès « I Descend into The Deep » et qui fait son apparition régulièrement dans chacun des titres, parfois méconnaissable ou travestie, jouée avec un autre instrument, jamais deux fois de la même façon… sauf dans ce titre, qui fait directement écho à la fin du premier morceau. Je vous laisse interpréter ça !



Auteur
Commentaire
Chara
Membre enregistré
Posté le: 16/09/2015 à 14h21 - (1784)
Je ne suis pas un gros fan du chant mais pour le reste, c'est tout bon.
Ca sent l'album qui a besoin de beaucoup d'écoutes mais ça promet.



Francky Maverick
IP:82.228.8.58
Invité
Posté le: 17/09/2015 à 14h28 - (1786)
Un groupe qui va plus loin et qui nous propose un truc original et différent. Respect messieurs, ça bute.

Ivan Grozny
Membre enregistré
Posté le: 18/09/2015 à 17h30 - (1789)
Pareil, beaucoup de respect pour cette démarche artistique et ce gros travail de création d'univers. Et l'interview est très sympa, beau boulot éditorial.



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