- SOLAR FLARE RECORDS par VSGREG - 5224 lectures
VS-webzine reprend sa veille tradition de consacrer des interviews aux acteurs de l'ombre de la scène française. La différence est que cette fois-ci nous nous penchons sur le cas de responsables de labels qui ont décidé de se jeter dans l'aventure envers et contre toutes les tendances négatives de l'industrie musicale, résistants à la loi du marché et guidé par leur passion.

Nous débutons cette série avec Mathieu Moulin du label Solar Flare Records.





Peux-tu te présenter aux lecteurs et notamment ton parcours musical de la découverte des musiques saturés aux groupes que tu écoutes aujourd'hui ?

Mathieu Moulin, j'ai 28 ans depuis peu et je suis le dictateur qui règne sur Solar Flare Records depuis quelques années maintenant. En plus d'infliger d'extrêmes souffrances sonores sur support musical à tout le monde, je suis également chanteur et bassiste dans un groupe de Noise Rock / Hardcore français qui s'appelle Sofy Major. Enfin comme si ça ne me prenait pas assez de temps je suis aussi co-gérant associé avec Xavier Theret (ancien Overmars, actuel Neige Morte et Alabaster) dans notre entreprise de location de tourvans pour les artistes en tournée qui s'appelle Rhônerunner et qui tourne depuis 2009. Je m'occupe aussi bénévolement avec d'autres personnes d'un super lieu autogéré clermontois qui s'appelle le Raymond Bar. Avec tout ça je n'ai pas trop le temps de dormir, mon espérance de vie diminue pas mal, mais je suis comblé. Ha et aussi je suis toujours en retard pour répondre aux interviews..
Pour la petite histoire, j'abhorrais la musique quand j'étais plus jeune puis je me suis mis à écouter un peu ce que ma grande soeur consommait (Smashing Pumpkins, Nirvana, etc...), puis rapidement j'ai écouté beaucoup de Metal en étant ado (pas mal de Black, beaucoup de Death), puis j'ai découvert le Hardcore, la Noise et l'organisation de concert, ainsi que le DIY de manière générale. Je me suis retrouvé à organiser des shows pour mes artistes favoris, en découvrant que ces derniers étaient incroyablement accessibles et faisait preuve d'une philosophie de groupe qui leur permettait de partir en tournée dans toute l'Europe ou sur d'autres continents, ça ça me branchait, alors je me suis dit "pourquoi pas moi ?" et j'ai monté Sofy Major et ça a changé ma vie.


Comment est né l'idée de créer le label Solar Flare Records ?

C'est un peu venu par hasard. Quand nous avons enregistré le premier album de Sofy Major, notre ingénieur du son Andrew Schneider (qui jouait dans Barbaro et avec Julie Christmas) nous parlait de son groupe Pigs qu'il faisait avec Dave Curran d'Unsane et Jim Paradise l'ancien batteur de JJ Players Club. Je ne sais plus quand, mais je lui avais dit : "Oh cool, j'aimerai bien écouter, et si je peux vous aider à le sortir, c'est avec plaisir". Je crois qu'il l'a pris pour argent comptant, et du coup je ne voulais pas décevoir les mecs dont j'étais fans quand j'étais plus jeune, du coup j'ai assumé et j'ai choisi de sortir le premier album de Pigs sans avoir écouté les bandes au préalable.. grosse prise de risque mais le jeu en valait la chandelle.
Ainsi, au fond, je sortais déjà des disques pour mon groupe, pourquoi ne pas le faire pour les autres (et tuer un peu plus rapidement le rare temps libre qu'il me restait) ? C'est comme ça que Solar Flare a commencé.




Quelles sont été tes motivations et objectifs ?

En premier lieu, le label était un support pour pouvoir sortir les disques de mon groupe. Ensuite l'idée de base pour Solar Flare était de pouvoir mettre en avant des groupes "découvertes" ou un peu plus confidentiels tout en ayant quelques têtes de gondole pour pousser le label vers le haut. Je suis également parti du constat que la musique représentative de notre roster actuel était assez peu promue en Europe comme aux Etats-Unis, les gros labels indépendants des années 90 qui m'inspirent (Alternative Tentacles, Amphetamine Reptile, Reptilian, etc...) sont moins actifs aujourd'hui qu'il y a 10 ans ou même 20 ans, ce qui laissait une place pour un label tel que Solar Flare. Je souhaitais combler ce manque de support pour les groupes qui en valaient la chandelle selon moi et c'est pour cette raison que j'ai commencé à beaucoup plus m'investir dans Solar Flare. J'ai toujours été un grand fan de l'objet vinyle (et un collectionneur compulsif... bien mal m'en prend), et j'ai focalisé la diffusion de nos musiques via ce support tout en ne délaissant pas les moyens plus actuels comme le digital ou le CD. Aujourd'hui, ce que l'on souhaite mettre en avant, ce sont des sorties travaillées, de qualité, mettre la musique sur de beaux objets pour que les gens qui achètent nos disques puissent se dire qu'un disque Solar Flare, c'est comme acheter une belle BD ou un beau livre que l'on mettra dans sa bibliothèque. J'aime l'idée que nous sommes des artisans du disque, j'ai conscience qu'il y aura une taille à atteindre pour rentabiliser le label, mais je veux faire les choses à mon échelle, par exemple je n'ai pas l'ambition de devenir un label généraliste, ça me branche d'avantage de rester une niche de sous-niche pour le moment, même si à terme je souhaite que le label devienne rentable et que nous devenions une référence dans l'esthétique sur laquelle nous travaillons depuis bientôt 3 ans.


D'une simple idée à la sortie d'un premier opus il y a un long chemin, quelles sont les étapes que tu as du suivre et les difficultés auxquelles tu as fais face ?

J'ai souhaité mettre en avant l'idée de base qu'il fallait toujours que je respecte ma propre sensibilité artistique et esthétique. Aussi, sortir un disque, c'est toujours un travail acharné, et ce dès la signature avec le groupe. Au départ il fallait faire connaître le label, rencontrer les groupes, les médias, etc... mon passé de musicien de groupe indépendant en tournée a pas mal facilité le travail, même si j'ai passé des plombes à faire comprendre aux gens que "Hey, je suis là moi aussi !", une grosse partie du boulot a été de se constituer un réseau autour du label et surtout d'entretenir ce dernier. La grosse difficulté, elle est évidemment financière, les coûts de production d'un disque ont augmenté, les ventes de disque sont relativement faibles et quand tu souhaites bien travailler, même si tu investis beaucoup de temps personnel dans l'aventure, il y a toujours des charges financières que tu ne pourras pas éviter. C'est pour ça que je souhaite focaliser le fonctionnement du label sur le fait que nous avons une audience de fans, des gens passionnés comme nous, qui veulent soutenir les artistes qui nous parlent ; impliquer l'auditeur dans notre travail, c'est déjà le remercier d'une certaine façon.



Le fait de se lancer dans un marché qui est en plein crise depuis des années n'a pas freiné ta motivation ? Aujourd'hui qu'en est-il des résultats des ventes et de la rentabilité de ton travail ?

Pour être honnête, le label n'est pas rentable aujourd'hui, malgré le travail, la passion et le stress qui y sont injectés. Pour le reste, on est passé du "gouffre financier" à "sur le fil du rasoir", donc ça a évolué de manière plutôt positive, mais c'est toujours beaucoup d'investissement en terme de temps et d'argent. Certaines sorties sont des moteurs pour le label, d'autres demeurent un peu plus bancales au niveau des résultats, mais à la fin je m'en satisfais puisque je fournis la même quantité de travail pour chaque option, et les deux sont de toute façon complémentaires, je sais que le travail paye toujours au bout du compte.




Il y a comme toi quelques nouveaux labels qui émergent encore ces dernières années, résistants face à la loi du marché ! As-tu des liens avec d'autres labels ou labelmanagers français ?

Oui bien sûr, on se connaît tous plus ou moins, la plupart des label managers que je connais jouent ou jouaient aussi dans des groupes indés eux-mêmes, donc dans la très grande majorité des cas on se croise toujours sur des tournées ou en festival. On est évidemment pas tous sur le même marché, même si certaines références d'un label flirtent esthétiquement avec celles de l'autre, mais au fond je n'ai pas l'impression que l'on se marche sur les pieds. Je trouve ça même plutôt sain que la France puisse compter d'excellents labels en musiques indés / extrêmes, appelle ça comme tu le veux, plus il y a d'activistes, mieux ce sera. Au fond cela correspond à une envie de promouvoir des groupes de grande qualité auxquels les très gros labels indés ou les majors ne s'intéressent pas. J'apprécie l'implication et l'investissement de mes confrères de chez Throatruiner, Debemur Morti ou encore Specific par exemple, ce sont des bosseurs et je sais que eux aussi font partie de ces labels qui fournissent une grosses quantité de boulot parce qu'ils croient à mort aux groupes qu'ils signent. Ils ont une identité très forte et un roster cohérent, c'est ce que j'apprécie chez eux, l'absence de côté "généraliste" et le fait qu'ils abattent un paquet de boulot. Je ne sais pas si c'est une spécificité française, mais c'est vrai qu'il y a de nombreuses structures de très grande qualité qui se développent depuis un moment déjà chez nous. Même dans les années 90 en France, il y avait des labels tels que Pandemonium, c'est quelque chose qui me parlait.



Parlons de tes sorties, quel album es-tu le plus fier d'avoir sorti via Solar Flare ?

Je suis fier de toute la discographie de Solar Flare et d'avoir pu participer au développement de chacun des groupes avec lesquels nous travaillons. Ce qui est chouette c'est que chaque sortie a sa particularité, sa petite histoire. Les références de chez Solar Flare sont toutes empreintes d'une histoire particulière ou sont toujours envisagées dans des circonstances particulières, comme pour l'album de Pigs dont j'expliquais l'historique un peu plus haut.

Par exemple pour American Heritage, j'ai spontanément décidé de sortir le disque suite à une superbe chronique lue sur un webzine d'un de vos confrères (d'où l'importance de webzine tels que le votre) ; la chronique m'avait tellement plu que j'avais décidé de m'enquiller toute la discographie du disque et ça m'a donné envie d'apporter ma pierre à l'édifice et je leur ai proposé rapidement de travailler avec eux.

C'est souvent un mélange de coup de coeur ou de relation entretenue depuis un certains pour quelques groupes du roster.
Pour l'album de Watertank, c'est un ami qui m'avait transmis leur disque et j'ai tout de suite accroché, ça a été le déclic. Pour Carne et Stuntman, ce sont des amis depuis quelques années maintenant, on a passé du temps ensemble sur la route ou dans les salles de concert et j'avais vraiment envie de les aider à développer leurs groupes suites aux superbes albums qu'ils avaient pondus.

Pour The Great Sabatini c'est un mélange de tout ça, j'avais rencontré Steve sur notre tournée commune avec Sofy Major et Biipiigwan aux USA et j'avais vu son autre groupe en concert, je me suis pris une bonne branlée et j'a eu envie de les aider également.

La seule chose que je demande aux groupes, c'est d'établir un contrat moral entre eux et moi : je veux qu'ils soient actifs et partent en tournée, en contrepartie je ferai tout pour les aider et développer leur groupe.



Quelle est la plus belle rencontre que tu as fais depuis que tu as lancé Solar Flare ?

Depuis le début du label ? J'ai été très touché par l'aide que nous avait apportée la scène indé de Brooklyn, quand lorsqu'avec Sofy Major nous nous étions pris l'ouragan Sandy dans la tronche juste avant l'enregistrement de notre second album d'Idolize à New York, on avait reçu de l'aide d'un paquet de gens dont j'admirais les groupes avant de connaître les personnes, Dave Curran d'Unsane, Andrew Schneider et Julie Christmas de Made Out Of Babies, Stephen Brodsky de Cave In, John LaMacchia de Candiria et beaucoup d'autres... J'ai aussi vraiment apprécier de passer quelques soirées avec Buzz et Dale des Melvins, ce sont de vrais bosseurs et de vrais artistes admirables, et ils ont beaucoup d'humour. Coady et Jared de Big Business sont pas mal dans le genre et ça me fait plaisir qu'ils reconnaissent mon travail et acceptent de bosser avec moi, c'est très valorisant et ça donne vraiment envie de donner le meilleur de soi-même. Je pense que ces mecs voient aussi que je n'ai rien à perdre et surtout tout à gagner, c'est aussi la raison pour laquelle certains groupes un peu plus établis me font de plus en plus confiance et vont vers des labels un peu plus confidentiels mais qui ne se reposeront pas sur leurs lauriers.



Quel album sorti en 2014 aurais-tu aimer signer chez Solar Flare ?


Il y en a beaucoup ! Je pense à Battlefields Forever des américains de Big Business (sorti en 2013), sinon Hark ont sorti un très bel album - Crystalline qui aurait trouvé sa place chez Solar Flare. L'album Beyond Calculation de Austerity Program fait aussi partie de mes favoris pour 2014.


Si tu cherches dans ton histoire personnel vis à vis de ton cheminement musical, quels sont les disques qui ont fait celui que tu es aujourd'hui ?

Melody Nelson de Gainsbourg, 13 Songs de Fugazi, Scattered, Smothered & Covered d'Unsane, Houdni des Melvins, I Like It When You Die d'Anal Cunt et enfin Patriotic Battle Hymns de Born Against. Plus environ 300 autres.


Tes coups de coeur du moment ?

En ce moment j'écoute pas mal Vallenfyre, Nails, le dernier album de Dälek, et des trucs plus vieux comme Slowride. Je suis aussi hyper fan de Author & Punisher, ça me fait vachement penser à Techno Animal mais en plus indus et avec un vrai aspect performance, j'ai hâte de voir ça en live.



Auteur
Commentaire
DANIEL BAJAVOINE
IP:80.215.225.198
Invité
Posté le: 03/02/2015 à 07h44 - (1491)
C'EST UN CHIETTE LABEL SUE TAS LA. VICE LE ROCK ET VICE L4AUVERGNE (SAUF L4ALLIER PARCE QUE C4EST DES CPNS)
A+ DAN

Moshimosher
Membre enregistré
Posté le: 07/02/2015 à 12h00 - (1492)
Sympa comme interview... :)

Ajouter un commentaire

Pseudo :
Enregistrement Connexion







Proposez News | VS Story | F.A.Q. | Contact | Signaler un Bug | VS Recrute | Mentions Légales | VS-webzine.com

eXTReMe Tracker