Benoît - NESSERIA par VELVET KEVORKIAN - 4813 lectures
Après nous avoir déchiré la tête avec un second album intitulé "Fractures", les Orléanais de NESSERIA - représenté par Benoît leur guitariste - ont bien voulu répondre à quelques questions posées par VS-webzine.


Salut les gars et merci de répondre aux questions de VS ! Il s’est écoulé quatre ans entre « Nesseria » et « Fractures, votre nouvelle album. Bien qu’entre temps vous ayez sortis un split avec CLINGING TO THE TREES OF A FOREST FIRE, pouvez-vous nous raconter ce qu’il est advenu de NESSERIA durant ce laps de temps ?
Hormis quelques concerts, on s'est surtout concentrés sur l'écriture de l'album. Le premier avait été composé en vase clos par Jérôme et moi-même, les autres membres du groupe posant leurs parties ensuite.

Cette fois, on voulait produire quelque chose qui soit le résultat d'un travail beaucoup plus collectif. La dynamique a été complètement différente. C'est forcément plus long, pour de simples raisons logistiques d'abord, et surtout parce qu'on est partis du principe que personne ne ferait de concession. On a choisi l'unanimité comme base de travail.


Votre premier album était un véritable manifeste de violence noir, direct et sans concession. Aujourd’hui, « Fractures » révèle un NESSERIA plus « fin » dirons-nous. On sent que le groupe est allé de l’avant et a décidé d’envoyer toute sa hargne d’une façon plus posée, plus contrôlée, tout en gardant son aura sombre. Ce point de vue reflète-t-il votre vision de « fractures » ?
On voulait faire un disque de plus contrasté, moins monolithique que sur le premier. Et on tenait à ajouter une certaine forme de violence « mentale », plus insidieuse. Le résultat c'est cette haine plus diffuse, probablement plus triste, plus froide aussi. Alors c'est peut-être l'âge, les circonstances, en tous cas on l'a fait d'abord pour nous-mêmes.



Comment avez-vous abordé la composition de ce nouveau chapitre de NESSERIA ?
Comme je te disais plus haut, on est partis sur le principe d'unanimité, à partir de ce qu'on avait proposé sur le split avec Clinging to the Trees… On a décidé de creuser le sillon des ambiances, d'ajouter des instruments, des rythmes différents en conservant cette violence dont on a besoin. De toute façon, reproduire nos disques précédents n'aurait pas eu le moindre sens.


Vous êtes repassé au Drudenhaus Studio pour enregistrer ce nouvel opus. Pensez-vous que Neb Xort (ndlr : qui a effectué un super boulot sur cet album) est le plus à même pour retranscrire l’énergie de NESSERIA sur bande ?
Neb Xort est un ami de longue date, en plus d'un excellent technicien. On a suivi l'évolution de son studio, de son approche. Sa méfiance radicale pour les dernières nouveautés technologiques l'a conduit à l'enregistrement analogique sur bande. On a du coup tout enregistré en live sur ce format. Et le résultat nous convient parfaitement : c'est plus organique, beaucoup plus proche de ce que nous sommes.


On ressent toujours à l’écoute de « Fractures » cette sensation de haine constante dans vos paroles et votre musique. Qu’est-ce qui vous influence pour composer des titres aussi viscéraux ?
La réalité, la merde et la frustration.



En parlant de paroles, vous ne vous en êtes jamais caché et les avez toujours publiés via votre site internet. Cette fois-ci, chaque titre de « fractures » s’incruste dans un long texte (que les lecteurs auront en fin d’interview). Pouvez-vous nous en dire plus sur ce texte ? Et sur les lyrics de ce nouvel opus par la même occasion.
On a décidé de parler de la France. De ses fractures. La « fracture sociale », c'est une expression qui a pas mal tourné en politique, sous Chirac je crois. Les actifs qui s'opposent aux chômeurs, les jeunes aux vieux, les gens en fonction de leur origine sociale ou ethnique… Tout ça dans une peur globale du déclassement, de la décadence… Totalement aboutie d'ailleurs.
On est simplement partis de ce qu'on pouvait voir autour de nous. Ce que des trentenaires peuvent observer d'un pays vieillissant, aigri, et qui se complaît là-dedans.
Ceci dit la forme et le genre posent beaucoup de contraintes aux textes. Ils sont généralement courts, et hurlés, ce qui les rend la plupart du temps incompréhensibles. Dans le rap, par exemple, on aligne souvent cent fois plus d'idées par album, l'écart est consternant. J'ai donc ajouté du « contexte » aux paroles pour aller au bout des choses.
Après c'est peut-être vain de travailler cet aspect dans un genre où tout le monde ou presque se fout des paroles, mais je pars du principe que pour hurler quelque chose, il faut avoir besoin de le dire. Quand je lis de la pseudo poésie floue merdique, des histoires sur l'unité du crew ou satan, ça me paraît juste complètement vide.


Vous avez quelques peu ralenti le tempo sur certains titres, mais avez gagnez en ambiance tout en gardant ce côté noir et frontal indéniable. N’aviez-vous pas peur de perde en intensité en faisant cela au départ ?
Les concerts nous ont rassurés sur ce point. En fait les nouveaux morceaux sont nettement plus fluides, et gagnent beaucoup en impact. Et quand les ambiances parviennent à installer une certaine forme de malaise, on se sent chez nous.


On ressent toujours une forte haine lorsque l’on écoute NESSERIA. Qu’est-ce qui vous donne tant la haine ? Les politiques ? Le monde entier ? Les hipsters ?
Ce qui m'étonne, c'est que beaucoup n'aient de haine contre rien. Ou seulement contre les ennemis qu'on leur désigne. Ça se partage entre les apathiques et les béats. Le tout sous une chape de politiquement correct écœurante. Après, on n'a pas l'intention de « changer le monde » comme des putains de hippies. Ce serait de toute façon voué à l'échec. Comme on le dit dans le texte de Fractures, ce qu'on fait nous permet de compenser. Comme d'autres font du MMA ou se saoulent la gueule tous les samedis soirs.

Après tu dis les politiques, le monde, les hipsters… Si ça s'arrêtait à ça…



La pochette de « fractures » est une nouvelle fois très inspirée, à l’imagerie forte et poisseuse. Qui s’en est chargé cette fois-ci ? Etes-vous une nouvelle fois passée par Alex Eckman-Lawn ? Que représente-t-elle dans le fond ?
C'est bien Alex Eckman-Lawn qui s'est chargé de l'image. C'est un artiste doué et très à l'écoute. C'est lui qui avait travaillé sur notre premier album. On a fait l'erreur de s'adresser à quelqu'un d'autre entretemps, puis on est revenus vers lui pour Fractures.
L'idée derrière cette image, c'est que tout le monde peut, du jour au lendemain, s'enfoncer dans la rue sans que personne n'y prête la moindre attention. La ville peut digérer les gens, et le fait souvent. Cette image parle surtout du sentiment d'insécurité sociale.


« Fractures » voit le jour via Throatruiner pour sa version vynil et Trendkill pour sa version CD. Avez-vous été approché par d’autres maisons de disque pour sortir ce nouveau disque ou étais-ce évident de passer par ces deux structures françaises ?
Throatruiner a un excellent catalogue, et c'est quelqu'un de confiance. On devrait sortir une cassette en petit tirage bientôt, aussi. On s'y retrouve, pas de problème.



La scène « black-core », si je puis dire, ne s’est jamais aussi bien porté ces dernières année. Dans ce registre, quelle sont les formations qui, à vos yeux, sortent leurs épingles du jeu ?
Je vais avoir du mal à répondre à ta question puisque je n'écoute quasiment pas de « black-core ». J'écoute du black, des trucs chaotiques, mais surtout autre chose. J'ai quand même entendu de très bons albums du genre par Woe et Young and in the Way.


NESSERIA c’est aussi du live. Une tournée de prévu prochainement pour promouvoir cette nouvelle rondelle ?
On a fait une tournée France/Espagne/Portugal en octobre, et on poursuit les concerts sur la fin d'année. On devrait se rendre en Angleterre en février, puis jouer autant de dates que nos agendas respectifs nous le permettront.



Une fois que la période « fractures » sera digérée que pouvons-nous attendre de NESSERIA ? Avez-vous déjà une certaine idée du futur du groupe ?
On veut reprendre la composition le plus rapidement possible. Quant à ce qui va en sortir… On a déjà pas mal d'idées sur le sujet, mais difficile d'annoncer une couleur qui pourrait s'avérer complètement différente à terme. On travaille aussi sur une vidéo, d'autres idées…


NESSERIA au HELLFEST ça vous brancherait ?
Warum nicht ?


Merci d’avoir pris du temps pour répondre à nos questions ! On vous laisse le mot de la fin !
Merci pour l'espace. Rendez-vous aux concerts. Si quelqu'un veut s'automutiler en public, je l'accueille volontiers sur scène.


Au fait, faut toujours fumer du crack ? (cf : interview sur VS de 2011)
Et boire beaucoup d'eau de javel, aussi.

NESSERIA:

www.nesseria.fr
https://www.facebook.com/nesseria.music
http://nesseria.bandcamp.com/

Fractures

"Et la France s'est réveillée au milieu d'un monde subitement devenu immense et hostile, dépouillée de ses illusions de grandeur et de ses fictions révolutionnaires. Retraitée du monde, elle réalise qu'elle est devenue, en tout, un pays moyen, perclus de FRACTURES de plus en plus larges. Et c'est dans ce pays vieillissant et moyen que tu as grandi, et vis ta jeunesse derrière les portes closesDES RUES ORDINAIRES. Aux fins de mois succèdent les fins de droits, aux heures gâchées,l'absence totale de choix. Le soleil se lève quoi qu'il arrive, et plus rien n'arrêtera ta dérive. Le soleil se lève quoi qu'il arrive. Que tu te lèves ou pas.Derrière les portes closes, assez de 8.6, de came et d'ordonnancespour tous les retraités d'avant l'heure. Immobiles par anticipationdes promesses de récession, ils regardent les flammes de l'incendiedévorer la maison. Mais on sait qu'il n'y a pas de place pour tout le monde – et surtout pas sur le marché du travail. Alors certains ont très bien compris l'avantage à faire de ces derniers les ennemis de la « France qui se lève tôt ». Parce que face à CETTE SOMME DE PROBLÈMES, Toujours pas l'ombre d'une solution - pour autant qu'elle existe. Mais il est toujours plus simple de se fabriquer des ennemis. De leur trouver un visage, sur lequel cracher pour rassembler. Encore, désigner l'adversaire de cette France qui répète CENT MILLE FOIS PAR JOUR le même geste, cent mille fois la même pièce. Comme leur père, et leurs pères, et tous leurs enfants stagiaires. Le temps ralenti pendant 7 heures, les fins de mois vite arrivées. Le salaire minimal, seulement légal, à défaut de pouvoir moins payer. Parce que la machine encore coûte plus cher, mais finira par te remplacer, tu te battras pour ton hangar, qu'on ira délocaliser à l'abri des statistiques. Derrière leur machines, par milliers, Leurs yeux sont vides.Un aperçu de ce monde suffit à te faire comprendre, à t'avertir ; c'est pourquoi tu as misé sur l'école de la république. Ses promesses d'ascenseur social, de mérite récompensé… Mais L'INCENDIEavait eu lieu, depuis longtemps. Quatre ans passés dans les couloirs des temples du savoir, les façades hypocrites des salles d'attente de ta nouvelle précarité. Entre théorie et pratique, mérite et réalité, s'écrasent les plans de carrière… Et s'ouvre enfin le fossé où plus froides sont les rues, où plus dure sera la chute de tous ceux qui croyaient savoir, et apprennent enfin quel est le prix du vent. Ça ne t'a pas empêché d'essayer, d'entrer finalement dans le rang et de t'y battre avec tes compromis, de goûter ta chance en regardant passer LE MALHEUR DES AUTRESà la télévision.Les nouveaux épisodes du vieux malheur des autres remplacent les précédents, à peu près identiques. Et on se sent ''citoyen du monde'', sans jamais rien n'y avoir changé. Pas même sa propre opinion, récupérations achetées aux partisans pour agrémenter ses conversations au travail… Le vieux malheur des uns fait le spectacle des autres, jusqu'à la lie. Tout ce qu'on veut s'entendre dire. La succession absurde et sordide des faits divers ; Le dernier enfant martyr avant le film du soir…De ce flot continu d'images, de sons et d'histoires à émergé l'ordinaire, faisant du monde un spectacle auquel on assiste sans trop de conviction. Pourtant des choses ont changé, basculé imperceptiblement. La contestation, par exemple, avait changé de camp avec les gesticulations des CIVITAS, ces chrétiens fins de race battant le pavé d'un printemps français, rassemblés derrière leur salope et leur croix pour défendre l'ordre naturel et sacré… Allons enfants de la latrine, le jour des porcs est décidé ! Contre ceux d'une autre vie, l'étendard ranci est levé ! Entendez-vous dans le journal baver les réactionnaires, qui viennent jusque dans les bars vomir leurs arguments minables ? Aux armes. Aux armes !… Mais bien sur personne ne compte prendre les armes – et c'est sûrement mieux comme ça. Parce que nous sommes devenus des individus, et nageons dans un océan d'opinions qui se valent toutes. Y compris celles qui nous dégoûtent. Alors il faut chercher des palliatifs, des exutoires. C'est pourquoi nous avons choisi de faire ce groupe. Mais pour autant, on n'y a pas trouvé nos « semblables ». J'ai d'ailleurs encore bien du mal à saisirLEURS HISTOIRES de meurtre et de gore. Leur hardcore anti-avortement. Leur satanisme en plastique. Leur discours embarrassant sur la vie des elfes. Leur uniforme antisystème au prix d'un RSA, leur ironie faux-punk de client blasé… Leurs étiquettes absurdes, leurs modes pathétiques… Partout ça reste le même concours d'égo, sous des dizaines de noms différents… Je ne suis pas certain qu'on soit faits pour s'entendre. Mais ceux qui manquent d'une raison utile, improductive comme celle-ci, le payent parfois très cher. Dans ce combat pour la recherche du sens, nous avons choisi d'être de CEUX QUI RESTENT.Je me souviens comment ce gars si normal, que j'ai connu un temps, s'est enfoncé en quelques mois. A quel point sa chute à été rapide. Mais en lui, depuis toujours, le germe grandissait comme un cancer. L'institution psychiatrique, toutes les marques restées. Les causes et leurs conséquences, menées à terme. Et il a oublié qui il était. Il s'est trouvé un dieu, mais son ciel est resté vide. Il s'est fait un nom, jamais une autre vie. Il a suivi d'autres veines et ouvert sa porte aux traîtres, qui se sont chargés du reste. Eux n'ont jamais su qui il était. Il a perdu le sens et la surface, dans son enfer domestique où tout s'effondrait au ralenti. Jusqu'à ce qu'on le couvre enfin de terre et de regrets tardifs. Dès lors cette impression qu'on peut, du jour au lendemain, perdre pied et s'enfoncer sur place, est devenue plus concrète, plus précise. Mais quand cette menace devient trop pressante, je me rappelle aussi de ces images d'OmayraSànchez. De ses yeux noirs comme des puits où il n'y avait plus de panique, ni même de résignation. Nous aurions aujourd'hui à peu près le même âge. Je me souviens des voix, des gens autour qui avaient cessé de s'agiter dans la boue qui l'avalait comme une gueule immobile. C'est alors que j'entrevois ma chance, si fragile au milieu de la misère totale, définitive, du monde."


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Commentaire
Sagal
Membre enregistré
Posté le: 30/12/2014 à 04h59 - (1474)
Peut-être le seul groupe affilié "core" qui me parle vraiment... Et français avec ça ! :-)
Si vous voulez passer par Reims, les gars, je serai là ;-)

2nd Decapitation
Membre enregistré
Posté le: 30/12/2014 à 18h29 - (1475)
Excellente Interview! Ce groupe a vraiment un parcours exemplaire.
Par contre, je n'ai toujours pas trouvé la version CD chez Trendkill...c'est normal?

Et au passage, je serais pas contre une nouvelle petite correction live sur Tours :-p

TDK
IP:92.153.32.58
Invité
Posté le: 30/12/2014 à 19h15 - (1476)
La version LP est sortie sur Throatruiner / Trendkill... La version digipack sera dispo courant janvier via Trendkill ( et grain of sands pour la russie ), on lancera les pre-orders la semaine prochaine ! histoire pas avoir de délais a rallonge entre la commande et la sortie réelle, ça changera ;-)

2nd Decapitation
Membre enregistré
Posté le: 31/12/2014 à 13h47 - (1477)
Merci pour l'info!

Ginzu
Membre enregistré
Posté le: 01/01/2015 à 08h13 - (1478)
J'avais une certaine appréhension à la lecture du texte, encore du bobo punkàchien militant caricatural gaucho dans son trip 19ème. Et puis non, c'est une belle synthèse de la crasse qu'on génère sans "adversaires", la mention de civitas étant inutile, elle ôte le caractère intemporel du texte et flatte l'organisation simplement par son évocation. Bref plutôt bien vu.

chien
IP:82.240.73.122
Invité
Posté le: 10/01/2015 à 00h01 - (1480)
total support à ces chiens d'Orléans !

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