- ZAPRUDER - TRACK BY TRACK par VSGREG - 7457 lectures
A l'occasion de l sortie de leur album 'Fall in Line" chez Apathia Records/Hipsterminator Records, entrez dans l'univers de ZAPRUDER !





Titre de l'album :
Isaac: Le titre vient de moi et son irruption en tant qu'idée est plutôt bizarre. En fait, j'en ai rêvé, dans une espèce de trip lynchéen, obscur où j'étais une espèce de personnage perdu à la fois dans une mégalopole brumeuse et dans les nuages comme si je pouvais courir dessus. L'ensemble avait une allure de bande-annonce étrange, et à la fin de mon rêve, les mots Fall In Line sont apparus dans le ciel de cette ville. Ça parait dingue mais c'était limpide. J'ai recherché ce que ça voulait dire, j'ai emmerdé Etienne aka Master Agrégé d'Anglais, et le plus fou c'était donc le fait que ça veuille dire quelque chose, et pas n'importe quoi: suivre le mouvement. Soit un sujet qui englobe pas mal de choses qui nous parlent ou du moins me parlent et que j'ai abordé dans l'album sous différents points de vue. J'ai aimé la lecture qu'en a eu le chroniqueur de NoCleanSinging : ironique car nous cherchons justement à tracer notre propre voie.

Etienne : Isaac, le Jim Morrison du hardcore.

Artwork :
Isaac: On avait pas mal d'idées pour l'album et plusieurs ont été menées sans résultat satisfaisant. A la base on allait repartir sur un projet photographique et finalement j'ai proposé aux gars de bosser avec Jérémy Wahl car ses illustrations de morceaux de Neurosis étaient soufflantes. On l'a pas mal emmerdé pendant des mois car on tient à maîtriser un minimum le côté visuel de Zapruder, pour arriver enfin à ce résultat dont on est extrêmement satisfaits. On voulait un visuel très urbain mais avec ce côté halluciné, presque dans un esprit de vieux Jazz et Jérémy est parti sur cette ville spirale, comme fermée sur elle-même, et qui étouffe l'Homme moderne. L'ensemble correspond aux textes clairement, mais il apporte également une autre lecture du disque je trouve.



Production / Studio :
Isaac: On s'est tournés logiquement vers Amaury Sauvé, dont le travail sur notre premier EP avait été de qualité. Il nous apparaissait évident de retravailler avec lui, ne serait-ce que pour boucler la boucle, et mener un projet plus abouti. Comme toujours, Amaury travaille incroyablement bien, et ne se contente pas seulement de nous regarder enregistrer, il a ce côté producteur qui nous plaît et c'est devenu un ami donc l'ambiance était chouette, malgré des coups de pression dus au timing forcément.
François : Il est par ailleurs très souvent sur la même longueur d'ondes que nous en terme de direction musicale, sur ce côté rugueux et rocailleux des prods, à l'opposé des sons policé et aseptisé de beaucoup du hardcores "modernes". Il sait tirer le meilleur de nous même et de nos possibilités.

Musique, Cinema/DVD, livres, jeux ?
Isaac: Niveau musique personnellement je n'arrivais toujours pas à sortir du dernier Dale Cooper Quartet And The Dictaphones même si je me mettais un bon vieux Burzum de temps à autre. Je me souviens qu'on lisait un recueil d'aphorismes avec Quentin, de qualité, mais rien qui n'a influé sur l'enregistrement.
Q: Oui. Et aussi les Spirou magazines! Je ne me souviens pas avoir écouté quoi que ce soit de la session, j'ai réussi à éviter de regarder "jumeaux malgré eux" que François m'a conseillé, et je ne regrette pas. Le morceau Loquèle qui a eu un peu de mal à venir au monde et à trouver son nom, a du son titre aux Fragments d'un discours amoureux que j'ai lu sur la fin de la session d'enregistrement. ça a été un peu fortuit et cocasse. Un peu comme quand on est gamins et qu'on finit par choisir une paire de chaussures parce que les parents en ont marre d'attendre. Mais au final, c'est un joli mot et concept.
François : Il m'arrive effectivement de regarder des films catharsis, comme frangins malgré eux, ou très récemment l'amour dure 3 ans, qui donne envie de déféquer dans la bouche de tous les bobo-canal+ de l'hexagone. C'est important de s'infliger ce genre de sévices de temps à autre. Pour se souvenir pourquoi on lutte.
Etienne : Quelque part, les morceaux sont arrivés bouclés en studio, à un ou deux détails près, et hormis Loquèle. Les structures y étaient, les textes y étaient, notamment parce qu'on avait pas le temps de composer sur place. Donc en fait il y a eu peu d'influence au dernier moment, finalement. Perso j'ai découvert Houellebecq via un court recueil de très court textes. Mais je peux même pas faire l'intello en disant que ça a fait du disque ce qu'il est (et quelque part, heureusement). Ah, et je jouais au premier Far Cry, comme ça on peut dire que si je fais de la musique agressive, c'est que les jeux vidéos de guerre ont fait de moi un zombie ultraviolent.



Track by Track :

1. We Are Orphans


Isaac: Ce morceau a l'histoire la plus complexe du disque je pense. A la base Etienne avait composé un espèce de brûlot violent de 2 minutes sur lequel j'ai placé vite des textes, et finalement j'ai cassé les couilles plusieurs fois et le titre a changé plusieurs fois de fin. On y a incorporé plus de groove et plus d'émotion, dont cette fin où je chante en français une espèce d'appel à la révolte. Le texte se concentre surtout sur le fait que nous sommes orphelins du bonheur, et que nous nous enfonçons dans la vacuité d'une existence aux faux plaisirs.
Etienne : Sachant que le morceau est assez ancien, on l'a déjà joué sur scène à plusieurs reprises dans une ancienne version. Ce qui faisait que pour tout le monde il paraissait acquis. Finalement on a eu du bol, le morceau était quand même bouclé avant le studio ; j'ai eu un peu peur qu'Isaac nous fasse un coup de fdp en sortant, une fois le tout en boîte : "Non mais cette fin, y'a un truc qui me dérange." Ça l'a peut-être un peu chatouillé, remarque...
François : la fin du morceau était initialement composée pour être un blast typé métal extrême, mais nous avons essayé de lui donner plus de groove pour éviter de tomber dans les clichés du genre.

2. Cyclops
Isaac: Sur Cyclops c'est la fin qui a pas mal bougé, jusqu'à arriver à ce déluge apocalyptique qu'on adore, où Etienne et moi hurlons un texte dont je suis particulièrement fier. Les paroles se centrent sur le Cyclope, métaphore de cette société de surveillance et de ce système en faillite qu'on a bâti nous-même. Une nouvelle fois, c'est un texte que je voulais poétique et symbolique, avec un appel à la révolte de nouveau ("Gouge out the eye of the beast / You gave birth to in ignorance"). A l'origine je voulais l'appeler Panopticon, en référence à Foucault, mais je me suis souvenu que c'était une tarlouze et chauve de surcroît.


3. Modern Idiot
Isaac: Modern Idiot a été faite pour groover sévère. On voulait un titre plus Rock'n'roll mais en même temps violent, et totalement voulu pour surprendre avec ce Funk qui s’autodétruit. Tout cela s'articule très bien avec mon texte qui parle de notre propension à considérer le sexe comme un nouvel élément de marché, un moyen de consommation comme un autre. J'ai travaillé les paroles pour donner à notre vision de la sexualité un aspect bestial et plus précisément de chasse.

4. Moloch
Isaac: C'est François qui est à l'origine de ce titre que je trouve personnellement très intense et propice à un placement de chant plus virulent. Etienne est à l'origine du texte, de grande qualité, donc je lui laisse la parole.
Etienne : C'est un texte assez proche, dans son esprit, de celui de "We Carry Just Enough To Play" sur l'EP - plutôt introspectif, tandis que les textes de Régis sont plutôt adressés à un auditeur, sont plus des appels, comme il le dit. Il a aussi une écriture plus poétique, quand je suis plus concret, plus direct. En ce qui concerne Moloch, le texte est assez proche de l'artwork finalement, il évoque une ville monstrueuse qui engloutit ses habitants, et au sein de laquelle les voix individuelles sont noyées dans la masse sonore, dans le bruit parasitaire. Ça fait vachement intello dit comme ça, j'aime bien. En studio, c'est un des titres sur lesquels on s'est le plus arraché les cheveux pour le son : envoyer la purée c'est pas si compliqué, alors que ce sont les passages plus planants, avec le délai à régler pile comme il faut, la bonne couleur à donner à la réverb.. C'est là que le perfectionnisme d'Amaury s'est avéré le plus utile, pour obtenir un résultat qui transcende vraiment la compo.
François : Exercice intéressant, puisque ce titre est issu de 2 compositions initialement indépendantes et très différentes. Le morceau s'en ressent, mais je pense -j'espère- que nous avons su trouver les éléments apportent la cohérence nécessaire à la digestion de ce pavé hétéroclite.

5. Delusion Junction
Isaac: Delusion Junction est parti de deux accords joués par Etienne qui se touchait une nouvelle fois la nouille sur le son de son ampli et sur ses effets. Ensuite je crois que j'ai cassé les couilles à tout le monde pour obtenir un rendu Dark Jazz, très onirique, mais sombre, avec ce saxophone lascif qui semble jouer par-dessus le temps suspendu. Le titre veut dire "Le Carrefour des illusions perdues", mais en anglais, cela permet de donner plus d'ancrage dans la réalité, comme si ce carrefour existait. Je l'imagine comme un espace où les gens errent, sorte de purgatoire, exactement dans l'esprit du boulevard aux États-Unis où des gens vont jouer les sosies toute la journée, et ne sont finalement plus que des ombres dans une ville qui les considère en fantômes d'un autre temps.

6. Doppelgänger
Isaac: Doppelgänger est certainement le morceau le plus vieux de cet album. Il n'a quasiment pas bougé depuis deux ans. On voulait un titre fou et court, et j'ai accentué le texte sur la double vie que l'on mène, une de façade, et l'autre vraie, comme si nous devions prendre sur nous pour exister en société. J'imagine dans le texte un personnage qui éclate et précipite la fin d'une société qui l'aliène.
Etienne :Il faut bien savoir que quand Isaac dit "on voulait", c'est qu'en fait il s'est pointé un jour en disant : "bon, sur l'EP y'a que des morceaux longs et chiants, je veux un truc rapide et violent là". Dont acte. La moitié des morceaux naît comme ça : on réfléchit à la direction qu'on veut prendre et on force un peu le cours des choses. Ce qui donne des choses assez vague parfois... "Bon Etienne fais-moi un truc western", ou "j'veux du math avec du groove, mais aussi bien lourdlard." L'autre moitié, c'est plus simple, quelqu'un amène un truc bricolé dans son coin, tout le monde trouve ça cool, sauf la fin qu'Isaac veut changer, et on bosse à partir de là.
Isaac : La démocratie c'est globalement un concept à chier.

7. Monkey On My Back
Isaac: Je crois que quand on nous demandera quels morceaux on retient de notre carrière, quand on sera dans un vieux rocking chair en train de siroter un bon vieux Merlot en citant Marielle, on mettra Monkey On My Back dans le top. Il concentre tout ce que Zapruder a dans le slip: du groove dément, de la violence, du n'importe quoi et une atmosphère travaillée. La fin notamment, Noise et presque spirituelle, est totalement folle je trouve. J'y ai incorporé des bribes de chant diphonique que je travaille depuis quelques temps, et Amaury a mixé tout ça de façon à ce que ça apparaisse irréel. Du point de vue du texte j'en suis extrêmement fier. Je suis parti du mythe de Faust et j'ai crée un personnage qui vend son âme au Diable Moderne pour avoir un instant éphémère de gloire et de plaisir. On y retrouve mes thèmes fétiches: la vacuité de l'existence moderne, la course au plaisir absolu et l'individualisme rampant que Bret Easton Ellis a si bien décrit. Pour l'info, le T-shirt que Romain Barbot nous a fait est basé sur ce texte et il en a pleinement saisi l'essence. S'il y a une phrase dans mon texte qui résume le morceau c'est: "Nothing left to bet but our lives in the glimpse of ecstasy" (Rien à jouer de plus que nos vies dans le laps de temps de l'extase").
Etienne : Je crois que c'est le morceau pour lequel Amaury avait le plus de réserves, vu qu'on empile les larsens pendant presque la moitié. Lui il voulait qu'on fasse des trucs plus musicaux, des beaux solos à la Steve Lukather (c'est un fan secret de Toto et du hard FM en général, mais surtout Toto), mais on n'avait pas le temps de composer ça, donc on a juste laissé tourner tout à fond. Finalement, heureusement qu'il se débrouille bien au mixage...

8. Loquèle
Quentin : C'est le morceau le plus récent, j'ai proposé mes premières demos peut-être un mois ou deux avant l'enregistrement et il a été "finalisé" l'avant dernier jour ou quasiment. Je ne suis jamais tellement satisfait de ce que je compose alors je modifie perpétuellement le peu que je fais. La version sur l'album c'est un peu une photographie à un point T et on a trouvé qu'elle s'intégrait bien dans l'album.

9. Je Ferai De Ma Peau Une Terre Où Creuser
Isaac: Le dernier morceau de Fall In Line est aussi le plus long et le plus progressif. On a voulu un titre plus puissant et épique, très travaillé en terme de mélodies et de couches de guitares. Le texte est en français, c'est un poème comme j'en écris de temps à autre, avec comme puissantes muses René Char et Aimé Césaire (que je n'égalerai jamais évidemment). Le titre lui-même est poétique, et c'est un appel à se dépasser pour faire exemple et créer un monde nouveau. L'album se termine positivement en fait, après toute cette noirceur.
Etienne :On s'est pas mal pris la tête avant même d'avoir écrit le moindre texte pour savoir quelle direction prendrait l'album. Ça nous paraissait important de pas juste faire une compilation de titres hétérogènes mais bien un ensemble cohérent, avec une unité, des thématiques et des sonorités qui se répondent. Et dès le début, on a souhaité éviter le pessimisme stérile en ouvrant la fin de l'album, en proposant non pas une marche à suivre ou un mode d'emploi du mieux-vivre - c'est pas notre boulot - mais plutôt une forme de dépassement de toute l'énergie négative qui se dégage des morceaux précédents. Plutôt nietzschéen que schopenhaurien. De nouveau, ça fait intelligent ça, les adjectifs à partir de philosophes, j'aime bien.
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