Mike Scheidt - YOB par MADRIGAL - 5742 lectures
Impossible de se remettre des émotions que suscite le septième et sublime album du trio psyché doom Yob. Même après plusieurs semaines d’écoutes intensives, la magie ne disparaît pas et les larmes finissent toujours par nous gagner. Il est parfois difficile de savoir ce qu’il restera d’un album que ce soit plusieurs mois après sa sortie ou des dizaines d’années plus tard. Clearing The Path To Ascend est là pour démontrer qu’il y a toujours une exception qui confirme la règle car il est un album qui fera date et tournera encore sur nos platines jusqu’à nos dernières heures. Mourir avec Marrow dans les oreilles ne pourrait pas être plus belle sortie…Retour sur un chef d’œuvre avec son créateur, Mike Scheidt.

La dernière fois qu’on s’est vu c’était au Roadburn Festival où tu as interprété avec Yob l’album The Great Cessation en intégralité. Nous t’y avons vu pleurer sur scène. L’émotion était trop forte ?
(Hésitant) C’est juste que j’étais très occupé à cette période, je subissais énormément de pression en lien avec le nouvel album à venir. J’ai vécu à cette période un torrent d’émotions assez incroyable, beaucoup d’événements assez personnels m’ont bouleversé. En plus les paroles du nouvel album sont très personnelles et être dedans tout ce temps faisait ressortir de manière continue ces émotions. Je suis naturellement très ouvert avec le public sur scène. Je me dévoile tel que je suis. Du coup si je dois pleurer, et bien je pleure. Je ne sais pas te décrire ce que j’ai vécu à ce moment, c’était assez embarrassant mais à ce moment précis, sur scène, je me suis libéré, j’avais vraiment besoin de tout lâcher et c’est arrivé…

Lors de la dernière interview réalisée ensemble, en novembre dernier, tu me précisais que le nouvel album en préparation, qui allait devenir Clearing The Path To Ascend, était très proche de Catharsis. C’était toujours ton sentiment aujourd’hui ?
Je pense que j’y voyais énormément de points communs parce que j’étais, à ce moment précis, en train de sortir la version remixée et remasterisée de Catharsis par Tad Doyle. Je réécoutais donc énormément l’album et j’avais sa musique en permanence dans la tête. Et puis finalement ça faisait un moment que nous n’avions pas commencé avec Yob un album avec un morceau si lent et atmosphérique. Tous nos autres albums ont un morceau un peu plus rythmé en ouverture qui frappe très fort. C’est aussi ce qui rapproche Clearing The Path de Catharsis. Cependant les émotions et les vibrations qui traversent l’album sont très différentes les unes des autres.

Il y a, à mon sens, comme une sorte de schéma dans ce nouvel album. Son titre en est le meilleur exemple. Tu éclaircies la voie pour mieux t’élever et donc passer une nouvelle étape avec Yob. Comme si tu annonçais que sur ce nouvel album, Yob va aller plus loin…
Le sujet principal de l’album est effectivement d’ouvrir une nouvelle voie mais spirituellement, stylistiquement et creuser très profondément en nous pour nous élever. Trouver un meilleur endroit pour vivre, intérieurement, et à partir de là ne plus se laisser imposer de barrières et vivre, naturellement. Finir l’album avec Marrow permet de creuser un peu plus dans le sombre, quelque chose de profond mais tout en restant positif avant que ça ne devienne laid. J’aime creuser dans le sombre mais je ne peux y rester de manière permanente. Il me faut une balance et trouver du positif. Il y a des choses plus grandes et plus importantes que nous. Toi et moi on a beaucoup de choses en commun : une famille, des enfants, des passions. Mon cœur est une plaie béante depuis la naissance de mes enfants, de manière positive, il est totalement ouvert et le restera à jamais. Je dois donc rester fort et solide pour les accompagner.



Ca ne m’empêche pas de penser que tu essayes de passer aussi un message musicalement quand je lis également les titres des morceaux. In Our Blood me semble comme une manière de réaffirmer les basiques de Yob. Comme si tu disais « voici ce que Yob fait et ce type de morceau fera toujours partie de nous » puis tu ouvres la voie avec Nothing To Win en disant « on propose quelque chose de nouveau mais ce n’est pas intéressé, on ne vous trahis pas, on a juste besoin de le faire… ». C’est mon interprétation (Rires) .
Il y a quelque chose que j’adore. Découvrir les interprétations des gens sur nos morceaux, nos albums. Ca peut être tellement différent de ce que nous voulions passer comme message même si celles-ci se tiennent totalement. Je comprends que tu cherches à obtenir des réponses précises de ma part surtout quand je divague mais je n’aime pas trop rentrer dans des détails précis. Et ton interprétation me conforte dans ma position car si j’en disais trop je n’aurai pas le plaisir de pouvoir découvrir ce que tu viens de me dire. Je te forcerai à avoir un sens précis à tout ce que j’écris. Ce serait frustrant. Je préfère laisser une part libre à l’imagination et surtout découvrir ce qui en ressort. C’est génial d’avoir l’interprétation des autres. C’est découvrir d’une manière différente nos albums et comprendre comment chaque personne se les approprie. Et moi aussi j’adore faire ça avec la musique que j’écoute, triturer le tout, c’est passionnant. Et puis finalement je trouve que j’en raconte déjà beaucoup trop donc je ferai mieux de me taire (Rires).

Lors de la séance de pré-écoute de ton nouvel album, en avril dernier au Roadburn Festival, je t’ai senti anxieux, stressé, comme si les réactions des journalistes quant aux nouveaux territoires explorés par cet album pouvaient te terrifier ? En discutant d’ailleurs avec ton bassiste, il me disait combien tu avais hésité à inclure Nothing To Win sur l’album. Votre morceau le plus agressif à ce jour…
Après chaque album je traverse un syndrome « post-traumatique ». Je continue de me dire que nous aurions du faire telle chose, essayer tel son, modifier ça ou ça sur le mix… Mon cerveau ne me laisse pas en paix. Nous avions validé le mastering le jour précédant notre vol pour le Roadburn. Vous étiez littéralement les premiers à l’écouter fini. Je n’avais pas eu le temps de prendre la distance nécessaire pour pouvoir le partager avec d’autres personnes. Il faut savoir que Clearing The Path To Ascend est l’album le plus personnel de Yob à ce jour. M’assoir avec 20 journalistes alors que j’ai l’impression d’être encore en studio était une torture. Donc oui je n’étais vraiment pas bien. Je ne pouvais plus rien faire, j’étais bloqué. Bien sûr j’étais heureux que les réactions ne soient que positives, voir même extrêmement positives mais aussi sympathique et gentleman sois-tu, être à côté de toi à ce moment là pour présenter ce nouvel album, c’était l’horreur (rires).

Continuons alors dans l’émotion pure, parlons de Marrow. C’est à mon sens votre morceau le plus sensible à ce jour, le plus à fleur de peau…
(Hésitant) Je suis dans le metal et le punk depuis 20 ans. J’ai toujours été à la recherche d’une musique la plus rapide possible, la plus noire possible, la plus oppressante possible et cette recherche de noirceur ne faisait que refléter une partie de moi même. Bien que le metal soit toujours l’une des musiques les plus importantes à mes yeux, je ne peux m’en satisfaire. Alors écrire une chanson comme Marrow est ma manière de montrer mon amour, ma recherche de connexion avec le monde. Notre vie matérialiste, religieuse, pleine d’aspiration personnelle n’appartient qu’à nous, elle ne représente rien pour la nature qui nous entoure et la recherche de valeurs plus humaines, loin de ces obstacles inutiles Tout ça est exprimé à travers Marrow. Il y a plus que ce petit monde mesquin que nous avons crée. Je ne dis pas ça de manière condescendante, ce ne sont que mes réflexions et elles n’ont pas à s’imposer aux autres surtout je me trompe sur pleins de choses tellement souvent (Rires). Mais ma vie n’est qu’un apprentissage constant et je m’en réjouis.

Ressentais-tu le besoin de changer quelque chose avec ce nouvel album ? Je te l’ai déjà dit par le passé que bien qu’Atma soit un bon album, ce n’est à mon sens pas le meilleur de Yob et je vois Clearing The Path To Ascend comme une réaction à une absence d’évolution…
Tu sais qu’Atma contient les morceaux qu’on nous réclame sur scène le plus souvent ? Adrift In The Ocean est la chanson la plus demandée et de loin, vraiment de loin. Atma contient les morceaux les plus atypiques de Yob. Je peux comprendre que les gens n’aient pas apprécié la production. Nous voulions que celui-ci sonne le plus brut possible, le plus punk possible et c’est clairement le cas. Alors oui nous devions rééquilibrer les choses avec Clearing The Path To Ascend, lui donner une production monstrueuse, très sophistiquée. Nous avons enregistré avec Billy Barnet, un producteur qui ne fait pas du tout de metal même si sa palette est large. De la musique classique au punk. Nous voulions donner une production très pro à cet album en réaction à Atma mais c’est tout. Atma est Atma, point. Nous n’écrivons jamais un album en réaction au précédent. Seules les émotions du moment comptent et peut être les disques qui tournent en boucle à cette période. Je peux te citer les Swans, Neil Young, Nick Drake… Je ne vois pas la musique en genre même s’ils existent mais seulement comme de la musique. Comment qualifier les Swans, Neurosis, c’est impossible ? Ce serait forcément réducteur. Nous sommes allés le plus loin possible avec cet album oui, c’est sûr, mais pas en réaction à autre chose, seulement parce que nous le souhaitions à ce moment là.



Tu me disais en avril dernier que Clearing The Path To Ascend contenait les meilleures parties de chant que tu aies pu enregistrer à ce jour. Le moins que l’on puisse dire c’est que tu avais totalement raison, ton chant est incroyable sur ce disque…
Merci beaucoup. Je cherche toujours à m’améliorer et pour cet album le travail sur le chant a été très intense. J’ai pris beaucoup de cours de chant et toutes les nouvelles techniques que j’ai pu acquérir m’ont aidé à trouver de nouveaux endroits de résonances dans mon corps, d’atteindre des notes différentes avec plus de couleurs. J’allais chercher en studio des variantes de notes que je ne connaissais pas avant. Pour la première fois dans ma carrière j’étais fier de ce que j’arrivais à faire. Je me sentais enfin comme un vrai chanteur. En fait ce nouvel album est un hommage à mon prof de chant (Rires).

Et tu te sens prêt à rééditer cet exploit sur scène ?
Totalement. Même si en enregistrant je me disais que j’allais vraiment souffrir sur scène nuit après nuit…Il faut juste que je sois sérieux pendant la tournée, que je prenne soin de moi. Et parfois tout ça n’aide pas. Tu peux faire la meilleure prestation de ta carrière un soir où tu ne le sens pas du tout avant de monter sur scène et d’autre fois tu perds ta voix alors que tu avais l’impression que tu allais casser la baraque. Ces choses arrivent, il faut apprendre à vivre avec et trouver des astuces pour que, quoiqu’il arrive, tu offres tout au public présent. J’ai vu King Diamond live une fois et il est monté sur scène en disant « J’ai perdu ma voix mais on s’en fout non ? On est là pour faire la fête et profiter à fond ? Alors allons-y… » Voir King Diamond si vulnérable à ce moment là mais si honnête à la fois était un moment magique. Il est clair également que les 4 pistes de chant de Marrow ne pourront pas être répétées live (Rires) mais je peux creuser les sentiments de cette chanson pour en sortir l’essence, le mélange le plus approprié qu’il soit. Et avec un peu de chance, le public pourra compléter les blancs…On chantera ensemble.

Aaron et Travis ne peuvent t’aider pour les backing vocals ?
Non. Ca pourrait être sympa de le faire, de mettre en place un concert spécial avec plusieurs chanteurs pour retranscrire le tout, ça me plairait beaucoup mais ce serait avec d’autres chanteurs.

Pas d’alcool pour Mike Scheidt durant la tournée qui arrive alors ? Il va falloir être en forme.
Oui c’est sûr (Rires). Même s’il y aura bien un soir ou deux où je vais me lâcher. Notamment en Belgique, ce serait vraiment dommage de passer à côté de leurs bières.

Si je ne me trompe pas il devait y avoir des invités sur ce nouvel album et au final personne…
Oui tu as raison. C’est rigolo car beaucoup de gens croient que Scott Kelly chante sur l’album et qu’une femme m’accompagne sur Marrow. Mais pas du tout, j’ai tout fait tout seul (Rires). Il devait y avoir du clavier sur l’album mais à la dernière minute, le claviériste n’a pas pu venir. Billy Barnett a du coup fait un peu d’Orgue Hammond sur l’album mais c’est tout.

Je suppose que tu es heureux de partir en tournée avec Pallbearer ?
Complètement. Leur nouvel album est génial. C’est mon album de l’année, je l’adore et j’ai très envie de connaître le groupe mieux que maintenant. On ne s’est croisé que quelques fois. Cette tournée est une belle affiche et j’ai hâte de la partager avec eux. Je vais me nourrir de leur performance.



Y a t-il un pays en particulier où tu préfères jouer ?
Les Pays Bas pour le Roadburn Festival. Il n’y a pas d’autres endroit dans le monde où les gens sont autant connectés les uns aux autres. Toutes les nationalités présentent se mélangent et partagent la même passion. C’est vraiment unique. J’adore jouer en France, je ne dis pas à cause de toi (Rires). J’aime jouer à Londres ou en Norvège car bon nombre de mes groupes favoris viennent de ces endroits. Oui, j’ai marché dans les rues des gars de Darkthrone… (Rires). Göteborg aussi me rend nostalgique.

Elaboration Of Carbon, votre deuxième album si on compte votre démo comme le premier album, est le seul à n’être jamais sorti en vinyle. Qu’en est-il ?
Ce n’est pas lié à nous. La personne qui détient l’album s’en fout un peu. Je ne veux pas trop en parler ou créer de points négatifs autour de ça mais le sortir en vinyle serait génial. L’avenir nous le dira.

Quel autre de tes projets sera réactivé après la page Yob ?
Je vais aller enregistrer dans quelques semaines mes parties de chant pour le deuxième album de Vhöl. Quand j’y serai, tout sera enregistré à part mon chant. L’album s’annonce très très bon. Je vais aussi faire un deuxième album solo qui sera un peu plus électrique. Je travaille aussi sur un album de Death Metal. Il sera très court. 30 minutes d’accords dégueulasses à fond à la caisse (Rires). Influencé par les premiers Darkthrone. Du lo-fi, très brutal mais aussi mélodique. Il faut que ce soit le plus brutal et le plus intense possible pour que 30 minutes soit le maximum que tu puisses en écouter avant de saigner des oreilles (Rires).
Auteur
Commentaire
Iro
Membre enregistré
Posté le: 08/10/2014 à 15h41 - (1343)
Vivement ce soir!!



Bras cassé
Membre enregistré
Posté le: 26/10/2014 à 03h33 - (1359)
Excellente interview ou les questions (tres interessantes) lui permettent de vraiment se livrer. Et superbe album aussi. Bien joue Madrigal

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