Ivar Bjørnson - ENSLAVED par ARISAGAIN - 5882 lectures
Entre deux concerts, nous nous sommes glissés dans les coulisses du Fall of Summer, pour rencontrer Ivar Bjørnson, le guitariste d’Enslaved. On prévoyait de parler de “Riitiir”, sorti en 2012 et de la tournée en cours. C’est finalement autour du prochain album du groupe norvégien, sur lequel pratiquement aucune info n’a encore filtré, que la discussion a tourné…

Comment te sens-tu, à quelques heures de ton concert dans ce tout nouveau festival ?
Ivar Bjørnson : Nous sommes très fiers à l’idée que les organisateurs du festival aient pensé à nous pour leur toute première édition. La France est vraiment un endroit particulier pour nous. Nous avons souvent joué au Hellfest, également au Motocultor, et maintenant à ce nouveau festival, le Fall of Summer… J’espère que nous ferons un bon show, histoire que l’organisation ait envie de nous rappeler pour les prochaines éditions !

Votre concert du Hellfest avait conquis le public clissonnais… Quels souvenirs en gardes-tu ?
C’était excellent ! L’horaire était vraiment parfait, on passait entre de très bons groupes, la scène Temple est géniale. Ce concert fait sans aucun doute partie des grands moments de l’année pour Enslaved. J’espère que nous aurons rapidement l’occasion de revenir au Hellfest. Probablement pas l’année prochaine, mais peut-être la suivante…



Cela fait déjà plus de deux ans que “Riitiir” est sorti et il semble que vous ayez déjà commencé à réfléchir sérieusement à un successeur… Peux-tu nous en dire un peu plus ?
Nous avons énormément d’idées, en effet ! En fait, pour tout te dire, dès la semaine prochaine, nous allons nous enfermer en studio pour bosser sur le prochain album. Il devrait sortir en février ou en mars 2015.

Alors, comment sont ces nouvelles chansons ?
C’est une bonne question… (Il réfléchit) C’est dur à dire, toutes ces nouvelles compos sont encore très fraîches dans ma tête. Les quelques amis qui les ont écoutées trouvent que l’on y retrouve les éléments les plus agressifs de “Riitiir”, ainsi qu’un certain lien avec nos racines musicales et nos débuts. Nous essayons encore une fois de combiner notre histoire et son agressivité évidente avec des touches plus progressives et mélodiques. Je pense que certaines personnes seront surprises à l’écoute de ce futur disque. Si les gens pensent qu’Enslaved s’adoucit avec les années, ils risquent d’être bien étonnés ! (sourire)

Ce prochain disque sera donc plus agressif que “Riitiir”, qui comportait tout de même une grosse part de mélodie ?
Probablement, oui. Mais pour moi, l’agressivité n’est pas un sentiment simple, c’est quelque chose de très complexe, avec d’innombrables formes, tout comme la haine, l’amour ou la tendresse. Tant de gens pensent que seuls le noir et le blanc existent. C’est faux, il y a aussi le gris, et des tonnes de nuances dans ce gris. C’est exactement ce qui nous intéresse ici. Nous voulons explorer autant que possible tout ce gris au sein de l’agression. C’est la prochaine étape de notre évolution musicale.

Justement, votre musique a énormément évolué et s’est transformée depuis “Frost” ou “Eld” jusqu’à “Axioma” ou “Riitiir”. Malgré cela, vous avez conservé une fan-base fidèle, qui a compris cette évolution. Comment l’expliques-tu ?
Je ne sais pas comment l’expliquer, pour être tout à fait honnête. Nos fans ont réussi à comprendre notre évolution et d’où nous voulions en venir. Ils restent fidèles malgré toutes nos tentatives, nos expérimentations et je suis tellement reconnaissant. Parfois, j’en ai presque la larme à l’œil. Nous travaillons avec beaucoup de sentiments dans notre musique, ce que les fans comprennent, ils nous donnent une chance et écoutent ce que nous avons écrit avec beaucoup d’intérêt. Ils y répondent et c’est une immense motivation. Parfois, quand on enchaîne les tournées, c’est difficile, tu es loin de chez toi pendant des mois, c’est compliqué d’avoir une vie de famille, tu te sens mal.. Et là, tu vas en festival ou en concert, tu rencontres un fan touché par ta musique, qui l’écoute et la comprend. Dans ces moments, je me rappelle de pourquoi je fais tout cela ! C’est absolument génial. Vu notre façon de fonctionner et nos personnalités, nous ne pourrions pas rester dans une scène “pop”, où tout ne tourne qu’autour des ventes et de l’argent. Nous avons réellement besoin d’interagir, d’entrer ainsi en contact avec les gens.



“Riitiir” a reçu d’excellentes critiques de la part de la presse, comme du public. A présent que vous pensez à ce prochain album, tout cela représente-t-il une pression ?
Comme on le disait, nos fans acceptent et comprennent notre évolution, c’est donc au contraire une motivation. Toutes ces personnes qui attendent notre prochain album nous poussent en avant, nous donnent envie de nous donner au maximum. Ils attendent beaucoup de nous, donc cela nous empêche de tomber dans la facilité. Quand tu es fatigué et que tu pourrais avoir envie d’aller à la facilité, tu entends cette petite voix, tous ces gens qui s’attendent à quelque chose de travaillé, de fouillé. C’est une pression, certes, mais positive à 100%. Peut-être que d’autres n’y réagiraient pas de la même façon. C’est à chacun de décider comment la prendre et pour moi, très personnellement, ces grandes attentes ne sont que positives.

Comment s’est déroulé le processus de composition de ce nouvel album ? Toutes les chansons sont-elles achevées ?
Oui, nous avons déjà tous les morceaux. Cela fait déjà un moment que nous répétons entre deux tournées, pour bosser sur les nouveaux titres. Nous en avons aussi beaucoup discuté, histoire d’être tous bien raccords et de prendre en compte les opinions de chacun sur la question. On travaille toujours sur quelque chose de nouveau, on ne se contente jamais de rester simplement avec les vieilles chansons et de tourner. Dès qu’un album sort, que nous partons en tournée, la réflexion sur la prochaine étape, les prochaines chansons, s’amorce déjà. Cela fait aussi partie de notre motivation et de notre façon de fonctionner.

As-tu beaucoup écrit durant les tournées de “Riitiir” ou préfères-tu travailler sur tes compos une fois rentré en Norvège ?
Si je réfléchis aux chansons sur la route, il est rare que j’écrive en tournée. Lorsque je compose, j’ai besoin de m’isoler. Auparavant, c’était plus facile, je pouvais m’en aller de chez moi. Pour “Ruun” ou “Axioma”, je laissais tout derrière moi et je m’installais à la campagne, dans un petit chalet tranquille pour travailler sur les chansons loin de tout. Ayant aujourd’hui deux enfants en bas âge à la maison, ce n’est plus tout à fait possible… (rires) Mais ce n’est au final qu’une question d’organisation et de travail. Parfois, la nuit, à partir de minuit par exemple, lorsqu’ils dorment, je sais que j’ai six heures avant qu’ils se réveillent. Du coup, je passe ce temps dans mon home studio, je médite un peu et je me mets dans l’ambiance pour écrire. Il est toujours possible de se créer une petite bulle rien qu’à soi.

Combiner famille et musique ne doit pas toujours être chose aisée…
Non, c’est même très difficile parfois... Mais en même temps, je suis ravi et très reconnaissant d’avoir la chance de faire à la fois partie d’un groupe qui marche bien et d’avoir mes filles à la maison. C’est bien entendu fatigant, mais ce n’est qu’une réponse physique au quotidien, ce n’est rien en soi. Tout ce que je fais en tant que musicien, je le fais aussi pour mes enfants. Je suis un père de famille, il est normal que je travaille et qu’ils puissent bien vivre. Et puis, c’est aussi une grande inspiration pour moi.

Tu parles d’inspiration… Justement, qu’est-ce qui peut te donner l’envie d’écrire, te procurer ce déclic ?
J’ai appris à rester extrêmement ouvert dans ma perception de la vie en général. Ma propre vie, surtout avec les enfants, ce que je lis, ce que j’étudie, les émotions, les sentiments, tout cela, c’est la vie, tout peut inspirer. Je ne m’arrête jamais. Si je me sens mal, j’essaie d’écouter comment ce sentiment sonne, pour ensuite l’interpréter à la guitare. Dit comme ça, cela peut sembler très bizarre, mais c’est ainsi que je le vis. Après, ça peut être une peinture, un film, un bouquin, quelque chose de personnel, que j’essaie ensuite de transposer en sons.

Et pour ce nouvel album ? Quelles ont été tes principales sources d’inspiration ?
Ce nouveau disque tourne beaucoup autour du concept du temps, qui m’a énormément inspiré. Déjà d’un point de vue scientifique, le temps étant une entité physique, comme la gravité. Pour donner un exemple et bien t’expliquer d’où je veux en venir, si tu te tiens près d’une pyramide, c’est un objet si massif que si tu regardes une montre atomique à côté, elle ne montrera pas exactement la même heure qu’une autre montre deux kilomètres plus loin. La gravité affecte le temps. Pour moi, c’est une notion incroyable, qui m’a vraiment ouvert les yeux. Parfois, on se sent impuissant face au temps, qui ne peut pas être modifié. Mais ces exceptions liées à la gravité montrent que cela est malgré tout possible. Je trouve tout cela très intrigant. Hors de ces réflexions scientifiques, le temps peut être également vu d’une façon plus illuminée, plus magique, en entrant en contact avec d’autres temps. Tout cela entre dans notre amour de la mythologie, que nous travaillons depuis le début d’Enslaved. Tous ces jeux d’esprit m’émerveillent. On en revient au final à ce qui nous inspire depuis toujours, le fait de mélanger la mythologie et les runes avec notre compréhension limitée de la science. Rien que l’idée que d’innombrables temps parallèles puissent exister, je trouve cela fascinant.

Dans les chansons, imagines-tu comment ces temps parallèles pourraient être ?
Oui, parfois ! Et parfois, on s’intéresse à la mythologie, qui peut nous donner une vision du passé. Entre la science et le mythe, on peut imaginer le présent, mais aussi le futur. Quand tu commences à bosser avec ce type d’idées et de réflexions, la musique vient pratiquement d’elle-même, c’est vraiment passionnant et très inspirant. D’autant que l’on s’est énormément penché sur les runes, plus que jamais.



De quoi donner également de nombreuses idées à Truls Espedal pour le prochain artwork ?
Oui, il fait partie de l’équipe, donc bien entendu ! Nous avons rendez-vous avec lui vendredi prochain [le 12 septembre, l’interview ayant été réalisée le samedi 6, NdR]. Grutle et moi, nous avons énormément discuté de ce concept du temps, pour imaginer des façons de le représenter. Je ne sais pas ce que le peintre va faire, mais ce qui nous intéresse, c’est surtout l’espace entre nous et tous ces différents temps. Ca peut être un océan mythologique par exemple… On va se retrouver toute la journée, en discutant. On commence par un café, puis une bière, on se fait un bon repas, on parle, on parle et il sort son grand cahier noir et dessine les idées qui lui viennent en tête et que la discussion lui inspire. Parfois, ce ne sont que des formes géométriques. A la fin de la journée, on discute ensemble des symboles qui nous touchent. Puis, c’est le moment le plus excitant, il rentre chez lui et on n’entend plus parler de lui pendant quelques mois. Et d’un coup, il envoie une peinture. Et l’on se dit… “Attends… Quoi ?” (rires)

L’artwork de “Riitiir” était particulièrement marquant. Quelle était ta toute première réaction en le découvrant ?
Plus que pour tous les autres artworks auparavant, j’ai ressenti une forme d’extase. Sans non plus crier et courir dans tous les sens, hein ! (sourire) Juste regarder l’œuvre, voir son cerveau partir dans toutes ces directions… C’était tout simplement parfait, cette image représentait tout ce que j’avais travaillé musicalement depuis les deux dernières années. Elle me rappelait tout ce travail, les paroles écrites, les tournées. Tout, dans une seule peinture. J’ai juste dit “OK, oui”.

Comme tu le disais, vous entrez en studio la semaine prochaine. A nouveau à Bergen, ou envisagez-vous un autre endroit ?
Pas d’autres studios, nous retournons a priori exactement dans les mêmes lieux que pour “Riitiir”, aux Duper Studios et aux Earshot Studios. Puis, pour tous les effets, on utilisera mon home studio, quand les enfants seront à la crèche pour ne pas les entendre sur l’enregistrement ! (sourire) Enfin, il y a tout de même un ajout, on va passer dans un quatrième studio, cette fois… On a envie d’une touche un peu old school, on prévoit d’apporter du matériel d’enregistrement dans une forêt, là où Grutle et moi nous avons grandi. Sa famille a une petite maison là-bas. Avec de la nourriture, de l’alcool et nos instruments, on va tenter des choses très expérimentales… (sourire)

Ce nouvel album sera-t-il donc plus expérimental que ses prédécesseurs ?
Oui et non. La musique en elle-même sera plus structurée que celle de “Riitiir”. En termes de structure des chansons, on se rapproche plus d’“Axioma”¸ par exemple. Mais si tu écoutes ce nouvel album comme certains le font, vingt à trente fois, tu entendras toujours de petits éléments indicibles ici et là. Bien plus que sur “Riitiir” !

Et as-tu déjà une idée de titre pour ce nouveau disque ?
C’est encore un peu tôt… Mais je peux te dire que ça aura un lien avec le concept du temps, comme nous en parlions tout à l’heure !

Ce nouvel album sortira donc probablement en mars 2015. Sera-t-il suivi immédiatement d’une tournée ?
Oui, nous repartirons tout de suite après sur la route. Cette fois, ceci dit, nous envisageons de commencer par les Etats-Unis. Pas de repos, jamais ! On se reposera quand on sera mort ! (rires)


Auteur
Commentaire
kikill
IP:193.252.157.48
Invité
Posté le: 07/10/2014 à 11h06 - (1338)
Merci VS pour l'interview. Etant un gros fan d'enslaved, ça fait toujours plaisir ^^

gothenburg
Membre enregistré
Posté le: 07/10/2014 à 12h03 - (1339)
j'avou que le côté "progressif" et délimité en terme de structure classic a fait tout le charme de Riitiir. Je suis donc un peu déçu par cette annonce. Mais bon le groupe ne cesse de progresser niveau composition donc j'attend ça avec curiosité

raclettou
IP:82.226.143.173
Invité
Posté le: 07/10/2014 à 13h36 - (1340)
génial, bonhomme très intéressant! merci pour l'interview!!

mydrin
Membre enregistré
Posté le: 07/10/2014 à 21h44 - (1341)
Merci pour cette interview



DIMECHAG
Membre enregistré
Posté le: 08/10/2014 à 12h11 - (1342)
Je connais très peu ce groupe et sa musique mais j'adore les passionnés. Cette interview m'a donné envie de les découvrir!

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