A.S.A - AZZIARD par GABINEASTWOOD - 6809 lectures
AZZIARD a frappé très fort en matière de black-metal hexagonal en ce début d'année avec l'excellent "Vésanie", du coup l'occasion était bonne pour discuter du groupe et de son concept avec le très volubile vocaliste A.S.A.


Salut à toi et félicitations pour cet excellent album, tout d’abord pour commencer une question bateau, peux-tu nous présenter le groupe ?
Azziard est un groupe de black metal Martial fondé en 2001 par Zyule et moi-même. Mais le groupe n'est réellement actif que depuis 2005. Notre musique puise ses influences dans le black metal, mais aussi dans d'autres styles (Death, Thrash…) afin de ne pas nous enfermer dans un style précis et ainsi proposer une musique hétéroclite. Notre musique offre une immersion dans l'univers de la première guerre mondiale et permet d'explorer de multiples thèmes. Jusqu'à "1916", j'occupais le poste de guitariste. Suite au départ de notre ancien chanteur, j'ai remplacé Derleth au chant. C'est Nesh (The negation, Nydvind, Bran Barr…) qui a repris le poste de guitariste.


Quelles sont vos influences principales ?
Le black metal est notre style de musique de prédilection. C'est un style que nous pratiquons tous depuis longtemps, mais nous apprécions énormément de styles différents. Le black metal permet de transmettre certains sentiments. Il convient particulièrement bien à ce que nous voulons dégager émotionnellement. En ce qui concerne nos groupes de référence, ils sont assez vastes. On peut citer des groupes cultes comme Emperor, Slayer. La scène française avec des groupes géniaux comme Deathspell Omega, Reverence. Mais aussi la scène Death polonaise et la scène black scandinave.


Il s’est passé 5 ans avec ce nouvel album pourquoi ce délai si long ? Est-ce la faute aux soucis de line-up ?
Nous avons mis cinq ans entre les deux albums car nous étions dans une démarche un peu différente de maintenant. Le groupe manquait d'organisation et avançait par à-coups.
Les changements de line-up ont eux aussi ralenti l'avancée du groupe. L'arrivée de Nesh et de Siegfried a permis de stabiliser le groupe et d'organiser efficacement le travail interne. Lorsqu'ils sont arrivés en 2011, la composition de "Vésanie" était pratiquement achevée. Le processus de création musicale est donc resté le même que pour "1916". Nous avons désormais un rythme plus soutenu et nous travaillons actuellement sur le prochain album.


Tu es également le chanteur de THE NEGATION, est-ce pour toi deux groupes complémentaires ou totalement opposés ?
Les deux sont différents l'un de l'autre. C'est assez intéressant pour moi d'avoir deux projets qui ne sont pas similaires même si ce sont deux groupes de Black Métal. L'univers de The Negation n'est pas le même qu'Azziard. The Negation est plus froid, plus black métal et plus orthodoxe qu'Azziard. Cela me permet de faire des choses différentes vocalement. Les shows sont plus froid également, il n'y a pas de communication avec le public sur scène afin de poser une ambiance qui correspond au groupe. Pour Azziard, le style est plus rythmique et les shows plus violents. C'est la guerre dans la fosse.

Au niveau des thèmes, les idées de fond des deux groupes sont assez proches, bien qu'Azziard utilise le cadre de la première guerre mondiale pour pointer les problématiques sociétales d'aujourd'hui.


Comment s’est déroulé ce passage uniquement au micro ?
Assez naturellement, j'étais déjà chanteur dans différents projets dont un groupe de Black métal comprenant une partie du line-up actuel de Lugnasad. Ces projets n'avançaient pas suffisamment à mon goût. J'ai arrêté ces projets et quand Derleth est parti d'Azziard, j'ai repris le chant et l'écriture des paroles dans le groupe. J'avais dès le début une idée très précise du chant correspondant au groupe.


Ton chant sur l’album est particulièrement réussi, pourquoi chanter uniquement en français alors que dans THE NEGATION tu le fais en anglais ?
Le chant en français permet de coller au concept. Nous nous plaçons du côté français du conflit. Cela me permet aussi d'avoir une rythmique et des syncopes différentes. Maintenant rien n'est figé, il est possible que j'utilise l'anglais pour certains morceaux sur le prochain album.


Venons au thème général de "Vésanie" et d’AZZIARD en général, qu’est-ce qui vous passionne dans la première guerre mondiale ?
Le choix de cette période est en partie sociologique mais c'est aussi un choix artistique. C'est intéressant de pouvoir utiliser visuellement des éléments de cette époque, des choses assez anciennes …

Sociologiquement, nous voulions montrer à travers la critique de cette période que les maux qui ont gangrené la société de l'époque sont encore présents aujourd'hui.
Que retenons-nous de cette période ? La manipulation des masses, la propagande, le populisme, le patriotisme primaire sont des problèmes que nous rencontrons encore de nos jours.

Nous vivons dans un monde où les banques créent les crises, où nous faisons la guerre au nom de la paix, où l'on impose la censure au nom de la liberté. Il est important d'ouvrir les yeux sur ce qui se passe, surtout en ces temps de crise. Il est intéressant de se poser les questions pertinentes. Il appartient aux gens de se cultiver, d'avoir un vrai regard objectif, d'analyse et de vouloir changer les choses. Peu importe le nombre d'exemples que l'Histoire nous donnera, tant que notre société sera basée sur les mêmes règles, que l'on traitera uniquement les effets et non les causes, les schémas se répéterons encore et encore.

Si nous utilisons une autre période pour montrer tout cela, c'est justement pour faire comprendre aux gens que rien ne change. Cette guerre devait être la der des ders, il y en a tant d'autres après...

Sur "1916", nous avons voulu mettre en avant le contraste qui existait entre la situation vécue sur le front et cette même situation vu à l'arrière du front par la population.
Sur "Vésanie", l'album traite d'un soldat interné après un passage au front. Un personnage mentalement torturé, que l'on suit dans un crescendo paranoïaque et délirant. Un soldat revenu du front traumatisé et psychotique, qui se croit toujours sur le champ de bataille et qui délire. L'album suit ses crises au long de ses 8 titres. Nous avons souhaité y placer des anachronismes pour que l'auditeur se demande parfois où et quand l'action se passe. Il annonce le prochain album qui se concentrera d'avantage sur le personnage en lui-même et son état psychique.


Quel est pour ton sentiment sur cette année de célébration pour le centenaire du début des hostilités ?
Que rien n'a changé. Que l'homme n'apprend jamais rien de ses erreurs. Les dirigeants ne pensent qu'à leurs intérêts, aux multinationales, à la finance, mais sûrement pas au peuple et encore moins aux soldats. Aucune guerre n'est un hasard, elles sont toutes programmées pour servir des intérêts bien différents de ce qui est communiqué dans les médias et au final, ceux qui sont sur le front servent des causes qui ne sont clairement pas les leurs.

On en arrive actuellement à des situations ubuesques, on combat au Mali des soldats que l'on a armés. On déstabilise des régions complètes en mettant en danger leurs populations. Tout ça au nom des droits de l'homme ou pour renverser des tyrans. Bizarrement les tyrans dirigeants des pays qui n'ont pas de matières premières sont moins intéressants.

Pour la première guerre, sa cause n'a été qu'un simple différend entre l'Autriche et la Serbie. L'assassinat de l'archiduc Franz Ferdinand à Sarajevo a déclenché cette guerre. Mais d'autres intérêts étaient derrière. Depuis la révolution française la finance a cherché à prendre le contrôle et Albert Pike l'avait annoncé bien avant.


Les compositions sur "Vésanie" sont excellentes, comment se passe le processus de composition ?
J'imagine le thème et écrit les textes. Puis Zyule et Arkyon composent la partie musicale. Le groupe apporte ensuite les derniers arrangements. Parfois nous retravaillons entièrement un morceau plusieurs fois jusqu'à temps qu'il nous convienne parfaitement.


Le groupe ne reprend pas les thèmes habituels du black metal à savoir le satanisme ou l’occultisme, est-ce que pour toi la guerre en général et la folie telle qu’expliquée sur l’album sont une forme humaine du diable et des ténèbres au quotidien ?
La notion de mal et de bien est complètement subjective. Le mal est partout et n'est surtout pas là où on l'attend. Le mal et les ténèbres sont bien différents de ce qui est représenté dans le folklore. Le folklore c'est bien, mais le mal devient beaucoup moins attrayant quand on est concerné et quand il se présente sous la forme de jeux de pouvoir ou d'argent. Notre approche est de critiquer notre société sclérosée. Pour nous Goldman Sachs ou Monsanto représentent bien plus la définition même du mal que le Lucifer de la chrétienté.

Tout en étant apolitiques, nous sommes critiques et engagés. Nous aimons étudier l'Histoire, la littérature et les questions de société. Il était évident pour nous que nous ne pouvions traiter de sujets légers ou de satanisme. Nous voulons mettre le doigt sur les problèmes de notre société. Cette société qui est loin d'être l'idéal qu'on cherche à nous vendre.


La citation très juste de Paul Valéry citée dans le digipack colle très bien au sens des paroles de l’album, pourquoi ce choix ?
Elle est tirée de « Regards sur le monde actuel » et plus particulièrement de ce passage :
« L'Histoire justifie ce que l'on veut. Elle n'enseigne rigoureusement rien car elle contient tout et donne des exemples de tout... C'est le produit le plus dangereux que la chimie de l'intellect ait élaboré. Ses propriétés sont bien connues. Il fait rêver, il enivre les peuples, leur engendre de faux souvenirs, exagère leurs réflexes, entretient leurs vieilles plaies, les tourmente dans leur repos, les conduit au délire des grandeurs et rend les nations amères, superbes, insupportables et vaines. »

C'est totalement vrai. Peu importe le nombre d'exemples que nous pourrons avoir, l'homme restera tel qu'il est tant que notre société ne changera pas. C'est le pouvoir, l'argent et la perversion qui dirigent le monde et tant que cela sera le cas, tout ce que l'on vit se répétera indéfiniment. On le voit bien à l'heure actuelle avec la crise. Les peuples représentent peu de chose, tout comme les soldats à l'époque n'étaient que de la chair à canon pour nos élites. Des élites intéressées uniquement par le pouvoir et l'argent.

La morale de l'histoire est une escroquerie. L'homme n'apprend pas de ses erreurs, il recommence les mêmes éternellement. On nous rappelle régulièrement toute l'importance du devoir de mémoire, par rapport à ce passé barbare, afin d'apprendre et de ne pas reproduire les mêmes erreurs… Ce sont des foutaises.
Les opprimés oppriment à leur tour, des génocides se succèdent à d'autres génocides, l'histoire se répète, les crises et les guerres se succèdent.


Avez-vous déjà eu des retours sur l’album ?
Oui et ils sont globalement assez bons. Mais nous essayons de ne pas trop tenir compte des critiques. L'important est que notre musique nous plaise avant tout.


Quels sont les groupes avec qui vous aimeriez jouer ?
Nous allons jouer avec certains au Hellfest. C'est vraiment très excitant de participer à un festival qui a pris une telle envergure. Jouer avec des groupes qui ont forgé notre culture musicale est très excitant. Personnellement, j'aimerais jouer avec Ascension, Totorum ou Svartidaudi. Mais le principal est que le groupe soit de qualité.


Les échos du concert au Klub avec notamment ISHTAR ont été très bons, y a-t-il des dates ou tournées de prévues ?
Oui nous avons des dates de prévues en France et à l'étranger. Nous sommes contents de partager certaines affiches avec nos amis de LUTECE et BLISS OF FLESH. Nous serons de nouveau avec ISHTAR et avec BLISS OF FLESH pour la date parisienne de la tournée, au Klub, le 11 mai prochain.


Que peut-on souhaiter au groupe ?
Nous souhaitons participer à un maximum de dates afin de promouvoir "Vésanie". Nous cherchons à faire découvrir notre musique au plus grand nombre de gens.


Un dernier mot pour les lecteurs de VS-Webzine ?
Merci aux lecteurs de VS d'avoir lu cette interview. Nous vous encourageons à venir nous voir en live sur la tournée et au Hellfest.


Auteur
Commentaire
Moshimosher
Membre enregistré
Posté le: 08/05/2014 à 20h35 - (1159)
Très intéressante comme interview ! Je me retrouve dans beaucoup de ce qui y est dit (notamment sur le devoir de mémoire et l'histoire : moi, cette dernière m'a appris qu'on peut gagner une guerre et balancer napalm et bombes nucléaires ou perdre une guerre et balancer napalm et agent orange sans rencontrer, dans l'un et l'autre cas, une juste condamnation, une juste punition, et une sincère et nécessaire remise en question... Voilà pour ce qui en est du devoir de mémoire... De la foutaise !). Cette interview m'a donné envie de me pencher davantage sur cet album et sur ce groupe... :)

matthieullica
Membre enregistré
Posté le: 08/05/2014 à 23h25 - (1160)
Le riff à 2:50 sur "Disjonction" est sublime. On colle sans peine des images d'Histoire comme une guerre de tranchées. Pareil la coda du morceau est tout en apothéose.

PS: "vocaliste" n'existe pas en français. Faire des vocalises ou vocaliser.

Misantroll
Membre enregistré
Posté le: 09/05/2014 à 10h19 - (1161)
Vu le weekend dernier à Bordeaux, justement avec Lutèce.

Excellente prestation d'Azziard, c'était bel et bien la guerrs, les compos passent allègrement l'épreuve de la scène comme on pouvait s'en douter

pamalach
Membre enregistré
Posté le: 09/05/2014 à 11h00 - (1162)
Interview très intéressante !



jean-francois
Membre enregistré
Posté le: 10/05/2014 à 17h26 - (1163)
une interview qui donne envie de se pencher sur un groupe et un album, merci VS je vais écouter le groupe voir si leur musique me plait autant

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