Toujours passionnant et passionné, Lundi Galilao nous ouvre les portes de "La came crude".

Salut Lundi ! C'est déjà la troisième fois que nous nous retrouvons pour parler musique et aujourd'hui, c'est plus particulièrement de A VERY OLD GHOST BEHIND THE FARM avec le terrible "La came crude" qui va monopoliser notre entretien. Comment te sens tu à l'aube de ce deuxième album ?
Salut Pamalach, avant tout, merci de continuer à suivre mes productions et à me donner la parole !
Avec la sortie de ce nouvel album, nous ressentons tous dans le groupe un sentiment de soulagement et de satisfaction. Cet album nous a demandé beaucoup de temps, d'implication et d'énergie. Le format de l'album - un seul titre de 45 minutes - était déjà ambitieux, puis nous y avons ajouté l'idée d'écrire une nouvelle pour l'accompagner, ce qui n'était pas gagné ! Nous avons découragé aussi pas mal de musiciens avec ce projet, donc il a fallu réussir à aller jusqu'au bout avec un line-up changeant, puis Gloria Tetanos (guitare/voix) est parti s'installer à l'autre bout de la France histoire d'arranger les choses, bref on a mis toutes les chances de notre côté pour rendre la réalisation de cet album la plus difficile possible. On est donc tous heureux d'avoir enfin accouché de cet horrible bébé !

"La came crude " est une œuvre ambitieuse, audacieuse et pleine de ramifications nébuleuses. Vous avez donc couplé un texte basé sur une ancienne légende Gasconne à un morceau unique de prés de 45 minutes. Où as tu dégotté cette vieille histoire ? Est ce que tu es un passionné de mythologie rurale Française ?
L'histoire de la Came crude (la "jambe crue" pour les intimes) est une vieille légende qu'on connaissait depuis notre enfance, on a fait quelques recherches afin d'étoffer le texte et on a fait un mix avec une autre légende, celle de la Goulue, pour avoir quelque chose de plus "consistant"...Je ne vais pas te mentir et te dire que nous sommes des passionnés de "mythologie rurale française",nous avons choisi ce fonds d'histoires pour avoir une source d'inspiration un peu neuve et avec un aspect local et bouseux qui nous allait bien, puis on s'est pris au jeu, à aller chercher toutes les légendes qui pourraient être des idées pour des morceaux.
Il faut d'ailleurs préciser que pas mal de nos histoires se situent dans ce contexte mais ne sont que des inventions ou des adaptations libres de mythes préexistants. Ce qui est le plus amusant dans cette approche c'est que nous essayons de tisser des liens entre chaque histoire, d'y mettre une géographie commune, des personnages qui reviennent, etc. Donc finalement, on n'est pas tant intéressés par les mythes ruraux que par ce qu'on peut en faire dans notre petit univers consanguin.

Ne trouves tu pas dommage, par exemple, que beaucoup d'artistes Français passionnés de films gore préfère se nourrir aux mythes anglo saxons alors qu'il existe chez nous une myriade d'histoires bien glauques et violentes ?
Ce qui me semble dommage n'est pas tant d'aller chercher des histoires dans les mythes étrangers,mais plutôt le fait de toujours ressasser les mêmes légendes, histoires ou thèmes sans jamais chercher à se renouveler. A force de toujours tourner sur les mêmes mythes on finit par oublier les autres et la richesse de nos patrimoines. Par contre, encore une fois je ne vois pas le problème d'aller chercher des idées dans les folklores dépassant nos frontières, la France n'a pas le monopole de l'histoire glauque !

Je trouve que le texte de "La came Crude" est particulièrement bien écrit. La richesse lexicale et les tournures de phrases semblent attester d'un long travail. Est ce que tu en as bavé pour en arriver à ce résultat là ?
Oui, on peut dire que ça m'a demandé pas mal de temps ! C'était la première fois que je m'essayais à l'écriture d'un texte de ce genre, il m'a donc fallu de nombreuses réécritures et corrections pour arriver à un résultat satisfaisant et crédible. Par contre, ce qui m'a consolé, c'est de savoir que de son côté Victor Bestiole (basse/voix) se tapait la traduction du texte, on se sent toujours mieux quand on n'est pas seul à souffrir ! Pour les curieux, la version anglaise est lisible ici :
http://lacamecrude.pressbooks.com . Pour ceux qui veulent la version française, il va falloir acheter l'album !

Ne serait ce qu'avec son nom, A VERY OLD GHOST BEHIND THE FARM fait référence à une certaine idée de la ruralité occulte Française. Puisque "La came Crude" enfonce encore le clou, est ce que l'on peut s'attendre à l'avenir à d'autres plongées dans l'obscurité de ces campagnes apparemment sans histoires ?
Oui, pas de vieux fantôme sans histoires de bouseux consanguins faisant des messes noires ! Par contre il va falloir attendre un peu car le travail sur La came crude nous a pas mal vidés et nous allons tous souffler pendant quelques temps avec nos autres projets avant de nous y remettre. Gloria Tetanos bosse sur son groupe perso, FOSSILS RECALL THE MECHANICS, Victor Bestiole et moi avons repris le boulot pour un nouvel album de PROGNATHE et de mon côté je commence à écrire pour la suite de DEAD MOUNTAIN MOUTH, après tout ça nous reviendrons voir si ce qui se trame au fin fond de nos campagnes abandonnées nous inspire toujours...

L'artwork est vraiment remarquable. Est ce que tu peux nous en dire deux mots
Les peintures originales sont signées Arthur Rackham, qui a illustré en son temps beaucoup de livres et de livrets d'opéra. C'est cet aspect qui nous a vraiment botté pour donner un support visuel à notre musique. Nous avons choisi deux peintures qui collaient à notre histoire puis nous les avons retouchées afin de les adapter au mieux à ce qu'on raconte. J'aime bien ce côté un peu vieillot, je trouve que ça nous va parfaitement.

Pour parler un peu musique à présent, comment avez vous décidé de ne proposer "qu'un seul" morceau avec "La came crude" ?
Ce qui nous a surtout motivé au début c'est le côté "challenge" de ce format, l'idée a été lancée et personne n'a osé dire qu'il ne se sentait pas, du coup tout le monde en a chié dans son coin ! Il a été question de couper le morceau en plusieurs parties mais on trouvait que c'était trop tiède comme choix, on voulait que l'auditeur s'implique vraiment dans l'écoute de l'album.
Au passage, sur notre page bandcamp le morceau est divisé en deux parties, mais ce n'est fait qu' afin de ne pas avoir à trop le compresser ; les morceaux en écoute ont une taille limite et on ne voulait pas les convertir avec une qualité trop faible. En tout cas l'expérience du morceau unique était super enrichissante et malgré les difficultés que ça impose nous nous sommes tous pris au jeu (à part ceux qui ont préféré quitter le groupe !).

Comment envisagez vous le live avec une pareille pièce ?
Les problèmes de distance avec notre guitariste nous empêchent de pouvoir répéter suffisamment pour proposer des lives vraiment à la hauteur donc pour l'instant nous laissons cette question en suspens. Par contre, Victor Bestiole est en train de bosser sur une adaptation théâtrale avec Jean Rochefort dans le rôle du sorcier unijambiste, mais on ne sait pas encore si cela pourra voir le jour...

Musicalement, "La came crude " est certainement l'album le plus glauque et le plus noir du vieux Fantôme. Est ce que c'était une volonté de proposer du matos brutal où c'est venu naturellement ?
Déjà, je ne trouve pas cet album spécialement brutal, il est assez sombre mais n'a pas le côté cru du Primary Septagon (notre premier album). L'ensemble est bien plus sophistiqué, ce qui fait que je trouve ça moins agressif, ce qui est sans doute une bonne chose vu la longueur du morceau. Ensuite,pour ce qui est de l'aspect glauque et sombre, ce n'était pas une réelle volonté mais c'est juste lié à l'histoire et à ses péripéties, il est tout a fait possible que nous proposions quelque chose de tout à fait différent pour le prochain album !

Avec ses plans acoustiques, ses voix claires, ses vociférations Black metal et ses nuances bruitiste, le Fantôme semble de plus en plus s'éloigner du Sludge traditionnel...Même si vous avez toujours été aventureux, avez vous sur cet album, eut l'envie de pousser tous les boutons dans le rouge ?
On s'est toujours vus comme faisant un peu plus que du Sludge, ce n'est pas vraiment un effort d'originalité mais un état de fait, on aime bien varier les plaisirs dans nos morceaux. Pour cet album, comme je te le disais juste avant, on a voulu suivre l'histoire et les changements d'ambiances qu'elle imposait, un peu comme dans un opéra (sans chercher à se prendre pour ce qu'on n'est pas). Il fallait être un peu excessif dans les choses proposées, premièrement pour bien mettre en avant le côté narratif du morceau mais aussi pour éviter de lasser l'auditeur.

La production est particulièrement au poil pour votre style de son. Comment avez vous travaillé pour en arriver là ?
Encore quelque chose qui nous a causé bien des tourments ! On a fait les prises de son en partie chez moi et en partie chez Gloria Tetanos, puis on a passé beaucoup de temps, ensemble et chacun de son côté à bosser le mix. Il nous a fallu quasiment un an pour arriver au bout de tout ce travail, et le nombre de versions que nous avons sorties du mix du morceau est tout à fait indécente... Enfin nous sommes plutôt contents de ce qui en ressort, je pense qu'on a quand même réussi à avoir un son cohérent avec la variété des passages que l'on trouve dans le morceau. Pendant ce temps là, Victor Bestiole ne glandait rien, il nous disait qu'il était en pourparlers avec Jean Rochefort pour la pièce de théâtre, mais au fond je crois qu'il nous a arnaqués.

Je crois que vous êtes distribué depuis peu par un label. Est ce que tu peux nous parler un peu ?
Peccata Mundi Records est un petit label indépendant que j'ai créé pour rassembler et distribuer mes différents projets mais aussi d'autres groupes qui pour l'instant étaient auto-produits, comme OPUS OCTOPUS et BIZARRE LIZARD (que je vous recommande chaudement). Cela dit, nous sommes toujours ouverts à toute proposition de distribution ou autre, Peccata Mundi n'est qu'une sorte de tremplin pour gagner en visibilité mais n'a rien d'exclusif ! Voilà un lien pour ceux qui veulent se faire une idée par eux-mêmes : http://peccatamundirecords.bandcamp.com

Je sais pas si c'est moi, mais je crois que c'est la première fois que je vois sur diverses appellations le mot "occulte" associé à votre musique. Qu'est ce que ce mot veut dire pour toi ?
Pour moi, occulte veut dire "caché" et englobe toutes les choses que nous ne voyons pas. C'est ce qui colle avec notre manie d'aller dégoter des vieilles histoires rurales méconnues. C'est aussi ce qui fait que nous gardons une distance avec tous les textes ouvertement satanistes. Notre vision de l'occulte se pose du point de vue du spectateur, ou du conteur, mais pas du tout du côté du prêcheur. Victor Bestiole me demande d'ajouter que depuis son entrée dans le groupe il a le feu occulte, mais je pense que c'est sans doute plus lié à ses relations dans le monde du théâtre.

Est ce que vous vous êtes sentis progresser en tant que musicien sur cet album ?
On a tous progressé pendant la réalisation de La came crude, tant au niveau production qu'en tant que musiciens. Composer et jouer un album comme ça laisse des traces, c'est sûr !

Et pour finir une dernière question, quelle est l'histoire de fantôme que vous préférez ?
On n'a jamais réellement débattu autour de cette question, mais ayant tous des références
différentes je pense qu'on aurait bien du mal à tomber d'accord ! Par contre je crois qu'on est tous ok pour dire que celles qui fonctionnent le mieux, comme quand on était gamins, sont les histoires que l'on se crée soi-même, ou au moins celles que l'on ne connaissait pas avant, le frisson revient rarement deux fois pour la même histoire...