Mark Shelton - MANILLA ROAD par GARDIAN666 - 4856 lectures
MANILLA ROAD est un groupe légendaire et ici le terme n'est pas usurpé. Une discographie conséquente, environ 35 ans de carrière et surtout un amour intact pour le heavy metal.
Le leader du groupe, Mark "Shark" Shelton, avec une gentillesse remarquable (et ce n'est pas une surprise) a répondu à nos questions, en oubliant pas de remercier les fans du groupe à de nombreuses reprises.
Un grand monsieur au sein d'un groupe unique.
1. MANILLA ROAD a sorti en début d'année un nouvel album studio, "Mysterium". Après tant d'années de productions musicales, vous arrivez à garder un rythme intense en terme d'écriture, mais comment faites vous donc pour être encore aussi productif ?
Mark Shelton : J'ai été béni avec la muse je suppose (ndlr : Mark fait référence à la muse, comme étant une source d'inspiration pour les poètes). Je continue sans cesse à avoir de nombreuses idées en tête, donc il faut que je fasse en sorte de les "exposer". Tout l'amour que j'ai pour mes fans me pousse à écrire davantage, et j'ai reçu beaucoup d'affection de notre public ces derniers temps. Je crois simplement que j'ai encore beaucoup à dire.
2. La pochette de "Mysterium" est l’œuvre de l'artiste Allemand Alexander von Wieding, est-ce que tu lui as laissé carte blanche pour la réaliser ou tu avais une idée précise pour l'illustration ?
Sa réalisation est venue de nous deux. J'avais une petite idée de ce que je voulais et je lui en ai donc parlé. Ensuite, j'ai partagé avec lui quelques photos du Bonchester Bridge et du Hermitage Castle (ndlr : 2 lieux que le Shark avait auparavant visité et sur lesquels il a écrit 2 morceaux) et il a fait le reste. C'est un grand artiste, très cool et c'est facile de travailler avec lui.
3. Au sein de votre carrière, vous avez abordé de nombreux thèmes et personnages, le dernier en date étant Ludwig Leichardt. Sur quel sujet ou personnage souhaiteriez-vous encore écrire un titre ?
Oh, il y a encore beaucoup de sujets et de personnages que j'aimerais aborder. D'ailleurs, je viens de finir l'écriture du prochain album de MANILLA ROAD et il est entièrement conceptuel cette fois. Donc je suppose que je n'en ai pas encore fini avec ceci. Et aussi longtemps que les dieux me le permettront, il y aura encore de nombreux thèmes abordés à travers ma musique.
4. Si je ne me trompe pas, tu as beaucoup été inspiré aussi par des écrits littéraires, mythologiques ? Est-ce que pour l'écriture des textes, il est plus simple de traiter de faits réels ou de faits un peu plus "imaginaires" ?
Ce n'est pas un problème pour moi. Récit historique ou de fiction, j'aime tout. Il s'agit plus de raconter correctement l'histoire et parfois celle-ci est tellement bizarre qu'elle ne pouvait être imaginée par quelqu'un. Mais j'aime aussi la littérature imaginaire. Je ne trouve pas vraiment qu'un style soit plus facile que l'autre. Bon peut-être que ce qui est imaginaire est un peu plus facile parce que je n'ai pas à faire beaucoup de recherches pour en parler. Quand j'écris sur quelque chose lié à un fait réel, j'aime faire des recherches approfondies, et cela prend parfois beaucoup de temps. C'est pour ça que je sais à quel point certaines choses dont je parle sont parfois dures à exprimer.
5. L'un des romanciers qui a le plus inspiré MANILLA ROAD est Robert Ervin Howard (ndlr : auteur et "père" de Conan le Barbare). Quand on regarde un peu sa biographie, on s'aperçoit d'une part déjà qu'il est mort très jeune, mais surtout qu'il avait une créativité énorme, expérimentant de nombreux genres littéraires. Je suppose que c'est un auteur dont les livres ont bercé ta jeunesse, et tu lui rends hommage à travers ta musique en quelque sorte ?
Oui c'est exactement ça. Il est probablement ma plus grande influence littéraire. J'aime son style d'écriture et il est évident qu'il a étudié à fond tout ce sur quoi il a écrit. Sa vision était incroyable et même s'il n'a vécu que 30 ans, il a réalisé un travail pléthorique qui a par conséquent eu un impact sur sa santé. Il y a beaucoup d'autres écrivains que j'aime vraiment mais Robert E. Howard est certainement mon préféré de tous les temps. Tout comme Frank Frazetta (ndlr : illustrateur, un des artistes majeurs de la science-fiction et de la fantasy, décédé en 2010) est mon artiste préféré.
6. Je ne veux pas dire de bêtises, mais je crois que cela fait un bout de temps que vous n'avez pas sorti d'album live ? Est-ce quelque chose que vous avez prévu ? Un DVD live et puis pourquoi pas, une partie plus documentaire ?
Eh bien, nous avons un DVD de 60 minutes qui accompagne la version de "Mysterium " sortie sur le label ZYX/Golden Core (label européen du groupe). Ce DVD contient une partie de notre concert donné au Hammer Of Doom festival en Allemagne en 2011. Nous travaillons également sur un documentaire comme tu en parlais. Nous ne savons pas encore quand il va sortir, mais ça ne devrait pas prendre trop de temps. Nous collectons toujours des extraits live et des interviews pour cela. Nous avons également envisagé de faire un autre album live mais pour l'instant, je suis vraiment plus intéressé par continuer à créer de la musique.
7. Comme vous avez une longue discographie, quels albums conseillerais-tu à quelqu'un qui veut découvrir MANILLA ROAD ("tous" ne marchent pas !) Pour certains, la trilogie "Crystal logic" - "Open the gates" - "The deluge" est indispensable, mais le groupe compte bien d'autres albums !
Je dois dire que notre nouvel album "Mysterium" est un très bon début pour commencer. Il a l'essence du style du groupe tel qu'il était dans les années 80, mais englobe aussi nos nouvelles orientations musicales. Si je devais choisir 3 albums à suggérer pour découvrir le groupe, ce serait "Mysterium", "Gates of fire" et "The deluge". Ceux-ci sont les plus susceptibles d'être mes 3 albums préférés de MANILLA ROAD. Je ne dis pas que les autres ne sont pas bons, mais plutôt que ces 3 sont au top de la liste.
8. Pour les plus jeunes ou ceux qui ne vous connaissent pas vraiment, vous étiez signé sur un label Français, Black Dragon Records, dans les années 80. Ce label a publié plusieurs de vos albums. Comment cette collaboration s'est faite ? Est-ce qu'à l'époque c'était compliqué pour un groupe Américain de travailler avec un label Européen ?
J'ai été contacté par Black Dragon après que nous ayons publié "Crystal logic". Nous étions en studio à travailler sur "Open the gates" à l'époque. "Crystal logic" avait acquis une certaine attention et notoriété en Europe grâce à un distributeur Suédois qui vendait l'album dans toutes les parties de l'Europe. Je pense que l'Europe nous a d'abord remarqué en 1983 avec notre morceau 'Flaming metal systems', présent sur la compil' Metal US Volume III (sorti via Shrapnel Records). Apparemment, ça a été l'un des titres les plus populaires et appréciés sur cette compilation. Black Dragon nous a donc remarqué grâce à ces sorties et a demandé à nous signer.
Je pense que c'était difficile pour les groupes aux États-Unis d'être sur des labels Européen à l'époque parce que Internet n'était pas encore répandu. Après, le web est arrivé et il est devenu beaucoup plus facile pour des groupes du monde entier de se faire remarquer.
9. Vous avez aussi travaillé avec un artiste Français, Eric Larnoy (décédé en 1996). C'est lui qui a réalisé les pochettes de "Open the gates" et "The deluge". Est-ce grâce à Black Dragon Records que vous avez pu rencontrer Eric ?
Puissent les dieux lui accorder la paix. Oui, j'ai pu rencontrer et passer du temps avec Eric à Paris en France, en 1986. Il était un grand artiste et un homme remarquable. Il me manque toujours, et son art aussi. Il a fait quelques-unes des meilleures pochettes que MANILLA ROAD ait jamais eues. Je suis honoré de l'avoir connu dans ma vie comme un ami. Il m'a emmené là où Jim Morrison est enterré et nous avons connu beaucoup de bons moments ensemble. J'ai été vraiment attristé par sa disparition. Il était très jeune et avait encore beaucoup de grandes réalisations à apporter au monde de l'art je pense. Ce fut une véritable perte pour nous tous. Je ne l'oublierai jamais.
10. Vous avez connu et connaissez encore une fructueuse carrière. Quelles sont les choses qu'aujourd'hui tu regrettes d'avoir fait ou au contraire, dont tu es particulièrement fier ?
Eh bien, je ne pense pas que je voudrais changer une chose à propos de ma vie. Car si la moindre petite chose avait été changée alors peut-être que l'effet papillon entrerait en jeu et je ne serais pas ici à faire ce que je fais en ce moment. Bons et mauvais moments à la fois m'ont conduit à ce moment et je ne voudrais pas être ailleurs que là où je suis en ce moment. Et en ce moment je suis juste à une journée de jouer au HELLFEST. C'est un excellent endroit pour jouer, pour ma carrière. Ce dont je suis particulièrement fier, c'est le fait que je dois être privilégié par le destin et la muse parce que je suis encore en vie à faire toujours ce que j'aime faire le plus dans la vie, jouer et créer de la musique. J'ai aussi l'amour de mes fans et supporters, et je ne pourrais rien demander de mieux parce que les fans de MANILLA ROAD sont les meilleurs dans le monde et la raison pour laquelle je suis encore capable de faire ce que je fais. Merci à vous tous. Je leur dois toute ma vie.
11. Manilla Road est un groupe aussi connu pour avoir toujours eu un son, une production naturelle, sans retouche ou overdubs. Ca a toujours été un choix évident pour vous ? Car il est vrai que finalement sonner le plus "live" possible évite les déceptions quand on vous voit en concert par exemple...
Je ne crois pas en tout ce qui est surproduit. Je pense qu'un groupe devrait sonner de la même manière en live que sur les enregistrements. Ce que je veux dire par là, c'est pas de triggs ou batteries programmées, et pas de boucles ou de copier-coller. Avec la technologie d'aujourd'hui vous n'avez même pas besoin de savoir vraiment comment jouer d'un instrument pour faire un enregistrement. Les ordinateurs peuvent faire tout cela mais ce n'est pas de la vraie musique pour moi. J'adore les productions de bonne qualité mais je ne veux pas que mes enregistrements soient faux. Je veux qu'il y ait de vrais musiciens jouant sur de vrais instruments. Je pense que c'est ce que doit être le "true" metal.
12. Tu as composé d'innombrables morceaux "épiques", proches ou dépassant les 10 minutes. Est-ce un exercice qui s'est toujours passé sans encombres pour toi ou certains titres ont été durs à finir de composer, voire à enregistrer ?
La plupart du temps, il est difficile pour moi d'écrire des chansons courtes (rires). Tous mes potes dans le groupe m'appellent longue haleine (rires). Mais en vérité, le seul album qui semblait prendre une éternité à écrire était "Gates of fire". Les recherches réalisées pour cet album ont pris une éternité, semblait-il. Il a fallu lire et comprendre toute la poésie de Virgile (poète latin), c'est ce qui a pris si longtemps. Quand il s'agit de la musique elle-même, elle vient toute seule. L'inspiration donne l'impression de couler à flot, comme si ce n'était même pas ma propre main qui écrivait. C'est pourquoi je dis que j'ai été béni par la muse.
13. La discographie de MANILLA ROAD comporte également de nombreux titres plus courts et rapides, pas loin du speed, voire du thrash metal par moments. Preuve que MANILLA ROAD est un groupe qui touche à plusieurs "genres" musicaux !
Oui, cela a toujours été une marque de fabrique pour MANILLA ROAD, de ne pas stagner avec un seul style. J'aime presque tous les types de musique et ça a été un de mes objectifs que de montrer que presque n'importe quel style de musique peut être transformé en une musique orientée metal. J'aime expérimenter et je pense que je vais garder ça avec moi toute ma vie.
14. Plus de 35 ans après votre formation, on peut dire sans problèmes que MANILLA ROAD est devenu un groupe unique dans le monde du metal : pour ses pochettes, son son, ses textes, son audace dans la composition, ses concerts, etc. Est-ce ce que vous recherchiez à atteindre au final ? Être un groupe à l'identité forte et rapidement identifiable ?
Oui, ça me paraît bien. Je ne pense pas que j'aurais pu dire mieux. J'ai toujours cherché si possible à faire quelque chose d'unique. Et donc d'avoir un style bien à moi. Je crois que j'ai accompli ça, et j'ai bien l'intention de continuer à expérimenter et créer pour MANILLA ROAD ou tout autre projet auquel je participe.
15. Vous avez aussi souvent l'habitude de donner des concerts "épiquesé" qui correspondent parfaitement à votre musique finalement. Est-ce, malgré la communion avec vos fans et des gens qui vous découvrent, dur physiquement de délivrer des prestations de 2 heures ou plus ? Ou malgré tout, est-ce que vous vous en sortez sans trop de dommages ?
Je connais des problèmes avec ma voix depuis 1984, donc les longs concerts peuvent être très dommageables pour moi. Il n'est pas facile de faire des concerts de 2 ou 3 heures, comme nous l'avons fait et le faisons souvent. C'est pourquoi Bryan "Hellroadie" Patrick (chanteur principal) est à bord avec moi dans le groupe. Il est un peu mon sauveur quand nous devons faire nos concerts, il aide à maintenir MANILLA ROAD sur la route.
Je me souviens quand on a fait un concert de 3 heures au Up the Hammers festival, notre batteur Neudi s'est presque évanoui derrière ses fûts, alors qu'il restait 3 titres à jouer. Parfois, c'est assez difficile pour nous de tenir durant les concerts, nous transpirons et nous nous hydratons énormément en faisant ces longues performances. Ce n'est pas facile, mais les fans méritent que nous fassions le maximum parce que ce sont eux qui nous ont amené là où on est et nous ne voudrions jamais les décevoir. Et en passant, MANILLA ROAD n'a jamais annulé un concert.
Même lorsque l'un de nous est vraiment malade, le concert est maintenu. Quand nous avons fait le Metal Assault Festival en Allemagne (au mois de février), Hellroadie avait une fièvre de plus de 38°c mais il a joué et donné tout ce qu'il avait. J'espère que nous agirons toujours de cette manière car c'est une question d'honneur pour nous quand il s'agit de jouer pour nos fans. Ils paient beaucoup d'argent durement gagné pour nous voir et ils méritent le meilleur que nous puissions leur donner.
16. Pour revenir à votre actualité, j'ai lu que votre nouvel album était déjà enregistré. Vous ne perdez vraiment pas de temps ! Et ce serait un album conceptuel ?!
Eh bien, il a déjà été écrit et la moitié est enregistré. Les batteries sont en boîte et la plupart des pistes de guitares sont finies mais nous avons encore quelques pistes vocales et de basse à travailler. Mais oui, je ne perds pas de temps en ce moment. La seule chose qui nous ralentit pour ce prochain album, c'est d'être en tournée. Chaque fois que nous ne sommes pas sur la route, nous sommes en studio à travailler à un rythme effréné pour en faire plus. Je ne rajeunis pas et comme je l'ai dit avant, j'ai encore beaucoup à dire et à faire avant que je rejoigne le Midgard.
Et oui, c'est bien un concept album complet cette fois. Je pense qu'il est encore trop tôt pour donner des titres, car il ne sortira probablement pas avant le premier trimestre de l'année prochaine. Mais je dirai que le concept est à la fois philosophique et historique dans son contenu. Je suis vraiment heureux avec cet album jusqu'à présent et je pense qu'il sera aussi bien sinon mieux que "Mysterium". Je suppose que le temps nous dira si j'ai raison ou non, mais en ce moment je suis vraiment fier de ce que ce que le groupe a réalisé en studio et en dehors.
17. Vous allez jouer à Dubaï au mois d'octobre. Avez-vous déjà eu l'occasion par le passé de vous rendre dans des destinations aussi exotiques ?
Non, ce sera la première fois que nous nous rendrons au sud de la Méditerranée. Bon que je dois dire que la plupart des endroits où nous sommes allés en Europe ont été exotiques pour moi. Peut-être pas de la même manière que vous le ressentez vous, mais pour moi voir et être dans de nombreux endroits par lesquels mes ancêtres sont venus a été une véritable expérience exotique.
Je suis vraiment impatient de jouer aux Émirats Arabes Unis cependant. Je pense que c'est une occasion unique pour nous et j'espère que nous aurons encore la possibilité d'aller jouer dans des endroits où nous avons jamais été auparavant.
18. Pour finir je te laisse le mot de la fin, si tu veux ajouter un petit mot à nos lecteurs, tu peux !
Je voudrais juste te dire merci pour l'interview et l'attention que tu nous as accordé et surtout merci à tous nos fans qui font de MANILLA ROAD ce que nous sommes aujourd'hui. Si ce n'était pas pour vous, nous ne vivrions pas ce rêve. Ensuite pour ceux qui cherchent des conseils, il ne faut jamais abandonner. Tenir bon et croire en soi.
Votre propre foi en vous doit venir en premier, même avant que quelqu'un d'autre ait confiance en vous. Nous sommes peut-être la preuve que si vous restez fidèle à vous-même, vos rêves peuvent se réaliser. Ce n'est pas facile d'y arriver, mais cela peut se faire si vous vous adaptez, improvisez et arrivez à surmonter les épreuves. Ce sont les 3 règles via lesquelles j'essaie de vivre.
Je ne peux pas dire à quel point les Manilla Roadsters sont grands. Ils sont ce qui me donne l'inspiration pour continuer et j'espère que je pourrais toujours leur donner autant de foi et d'amour pour eux par ma musique, que eux m'en donnent.
“To all of ye Brethren of the Hammer I say Blessed Be and May the Lords of Light be with you all.
Up The Hammers & Down The Nails
Hail Thor & Odin”
Shark
L'interview est intéressante. Je ne savais pas que c'est Flaming Metal System qui les avait fait remarquer, mais ce n'est pas étonnant après tout, c'est un super titre.
Sphincter Desecrator Membre enregistré
Posté le: 29/08/2013 à 21h38 - (835)
PAF! Du coup je me remets un p'tit coup de "The Deluge"!
Le leader du groupe, Mark "Shark" Shelton, avec une gentillesse remarquable (et ce n'est pas une surprise) a répondu à nos questions, en oubliant pas de remercier les fans du groupe à de nombreuses reprises.
Un grand monsieur au sein d'un groupe unique.
1. MANILLA ROAD a sorti en début d'année un nouvel album studio, "Mysterium". Après tant d'années de productions musicales, vous arrivez à garder un rythme intense en terme d'écriture, mais comment faites vous donc pour être encore aussi productif ?
Mark Shelton : J'ai été béni avec la muse je suppose (ndlr : Mark fait référence à la muse, comme étant une source d'inspiration pour les poètes). Je continue sans cesse à avoir de nombreuses idées en tête, donc il faut que je fasse en sorte de les "exposer". Tout l'amour que j'ai pour mes fans me pousse à écrire davantage, et j'ai reçu beaucoup d'affection de notre public ces derniers temps. Je crois simplement que j'ai encore beaucoup à dire.
2. La pochette de "Mysterium" est l’œuvre de l'artiste Allemand Alexander von Wieding, est-ce que tu lui as laissé carte blanche pour la réaliser ou tu avais une idée précise pour l'illustration ?
Sa réalisation est venue de nous deux. J'avais une petite idée de ce que je voulais et je lui en ai donc parlé. Ensuite, j'ai partagé avec lui quelques photos du Bonchester Bridge et du Hermitage Castle (ndlr : 2 lieux que le Shark avait auparavant visité et sur lesquels il a écrit 2 morceaux) et il a fait le reste. C'est un grand artiste, très cool et c'est facile de travailler avec lui.
3. Au sein de votre carrière, vous avez abordé de nombreux thèmes et personnages, le dernier en date étant Ludwig Leichardt. Sur quel sujet ou personnage souhaiteriez-vous encore écrire un titre ?
Oh, il y a encore beaucoup de sujets et de personnages que j'aimerais aborder. D'ailleurs, je viens de finir l'écriture du prochain album de MANILLA ROAD et il est entièrement conceptuel cette fois. Donc je suppose que je n'en ai pas encore fini avec ceci. Et aussi longtemps que les dieux me le permettront, il y aura encore de nombreux thèmes abordés à travers ma musique.
4. Si je ne me trompe pas, tu as beaucoup été inspiré aussi par des écrits littéraires, mythologiques ? Est-ce que pour l'écriture des textes, il est plus simple de traiter de faits réels ou de faits un peu plus "imaginaires" ?
Ce n'est pas un problème pour moi. Récit historique ou de fiction, j'aime tout. Il s'agit plus de raconter correctement l'histoire et parfois celle-ci est tellement bizarre qu'elle ne pouvait être imaginée par quelqu'un. Mais j'aime aussi la littérature imaginaire. Je ne trouve pas vraiment qu'un style soit plus facile que l'autre. Bon peut-être que ce qui est imaginaire est un peu plus facile parce que je n'ai pas à faire beaucoup de recherches pour en parler. Quand j'écris sur quelque chose lié à un fait réel, j'aime faire des recherches approfondies, et cela prend parfois beaucoup de temps. C'est pour ça que je sais à quel point certaines choses dont je parle sont parfois dures à exprimer.
5. L'un des romanciers qui a le plus inspiré MANILLA ROAD est Robert Ervin Howard (ndlr : auteur et "père" de Conan le Barbare). Quand on regarde un peu sa biographie, on s'aperçoit d'une part déjà qu'il est mort très jeune, mais surtout qu'il avait une créativité énorme, expérimentant de nombreux genres littéraires. Je suppose que c'est un auteur dont les livres ont bercé ta jeunesse, et tu lui rends hommage à travers ta musique en quelque sorte ?
Oui c'est exactement ça. Il est probablement ma plus grande influence littéraire. J'aime son style d'écriture et il est évident qu'il a étudié à fond tout ce sur quoi il a écrit. Sa vision était incroyable et même s'il n'a vécu que 30 ans, il a réalisé un travail pléthorique qui a par conséquent eu un impact sur sa santé. Il y a beaucoup d'autres écrivains que j'aime vraiment mais Robert E. Howard est certainement mon préféré de tous les temps. Tout comme Frank Frazetta (ndlr : illustrateur, un des artistes majeurs de la science-fiction et de la fantasy, décédé en 2010) est mon artiste préféré.
6. Je ne veux pas dire de bêtises, mais je crois que cela fait un bout de temps que vous n'avez pas sorti d'album live ? Est-ce quelque chose que vous avez prévu ? Un DVD live et puis pourquoi pas, une partie plus documentaire ?
Eh bien, nous avons un DVD de 60 minutes qui accompagne la version de "Mysterium " sortie sur le label ZYX/Golden Core (label européen du groupe). Ce DVD contient une partie de notre concert donné au Hammer Of Doom festival en Allemagne en 2011. Nous travaillons également sur un documentaire comme tu en parlais. Nous ne savons pas encore quand il va sortir, mais ça ne devrait pas prendre trop de temps. Nous collectons toujours des extraits live et des interviews pour cela. Nous avons également envisagé de faire un autre album live mais pour l'instant, je suis vraiment plus intéressé par continuer à créer de la musique.
7. Comme vous avez une longue discographie, quels albums conseillerais-tu à quelqu'un qui veut découvrir MANILLA ROAD ("tous" ne marchent pas !) Pour certains, la trilogie "Crystal logic" - "Open the gates" - "The deluge" est indispensable, mais le groupe compte bien d'autres albums !
Je dois dire que notre nouvel album "Mysterium" est un très bon début pour commencer. Il a l'essence du style du groupe tel qu'il était dans les années 80, mais englobe aussi nos nouvelles orientations musicales. Si je devais choisir 3 albums à suggérer pour découvrir le groupe, ce serait "Mysterium", "Gates of fire" et "The deluge". Ceux-ci sont les plus susceptibles d'être mes 3 albums préférés de MANILLA ROAD. Je ne dis pas que les autres ne sont pas bons, mais plutôt que ces 3 sont au top de la liste.
8. Pour les plus jeunes ou ceux qui ne vous connaissent pas vraiment, vous étiez signé sur un label Français, Black Dragon Records, dans les années 80. Ce label a publié plusieurs de vos albums. Comment cette collaboration s'est faite ? Est-ce qu'à l'époque c'était compliqué pour un groupe Américain de travailler avec un label Européen ?
J'ai été contacté par Black Dragon après que nous ayons publié "Crystal logic". Nous étions en studio à travailler sur "Open the gates" à l'époque. "Crystal logic" avait acquis une certaine attention et notoriété en Europe grâce à un distributeur Suédois qui vendait l'album dans toutes les parties de l'Europe. Je pense que l'Europe nous a d'abord remarqué en 1983 avec notre morceau 'Flaming metal systems', présent sur la compil' Metal US Volume III (sorti via Shrapnel Records). Apparemment, ça a été l'un des titres les plus populaires et appréciés sur cette compilation. Black Dragon nous a donc remarqué grâce à ces sorties et a demandé à nous signer.
Je pense que c'était difficile pour les groupes aux États-Unis d'être sur des labels Européen à l'époque parce que Internet n'était pas encore répandu. Après, le web est arrivé et il est devenu beaucoup plus facile pour des groupes du monde entier de se faire remarquer.
9. Vous avez aussi travaillé avec un artiste Français, Eric Larnoy (décédé en 1996). C'est lui qui a réalisé les pochettes de "Open the gates" et "The deluge". Est-ce grâce à Black Dragon Records que vous avez pu rencontrer Eric ?
Puissent les dieux lui accorder la paix. Oui, j'ai pu rencontrer et passer du temps avec Eric à Paris en France, en 1986. Il était un grand artiste et un homme remarquable. Il me manque toujours, et son art aussi. Il a fait quelques-unes des meilleures pochettes que MANILLA ROAD ait jamais eues. Je suis honoré de l'avoir connu dans ma vie comme un ami. Il m'a emmené là où Jim Morrison est enterré et nous avons connu beaucoup de bons moments ensemble. J'ai été vraiment attristé par sa disparition. Il était très jeune et avait encore beaucoup de grandes réalisations à apporter au monde de l'art je pense. Ce fut une véritable perte pour nous tous. Je ne l'oublierai jamais.
10. Vous avez connu et connaissez encore une fructueuse carrière. Quelles sont les choses qu'aujourd'hui tu regrettes d'avoir fait ou au contraire, dont tu es particulièrement fier ?
Eh bien, je ne pense pas que je voudrais changer une chose à propos de ma vie. Car si la moindre petite chose avait été changée alors peut-être que l'effet papillon entrerait en jeu et je ne serais pas ici à faire ce que je fais en ce moment. Bons et mauvais moments à la fois m'ont conduit à ce moment et je ne voudrais pas être ailleurs que là où je suis en ce moment. Et en ce moment je suis juste à une journée de jouer au HELLFEST. C'est un excellent endroit pour jouer, pour ma carrière. Ce dont je suis particulièrement fier, c'est le fait que je dois être privilégié par le destin et la muse parce que je suis encore en vie à faire toujours ce que j'aime faire le plus dans la vie, jouer et créer de la musique. J'ai aussi l'amour de mes fans et supporters, et je ne pourrais rien demander de mieux parce que les fans de MANILLA ROAD sont les meilleurs dans le monde et la raison pour laquelle je suis encore capable de faire ce que je fais. Merci à vous tous. Je leur dois toute ma vie.
11. Manilla Road est un groupe aussi connu pour avoir toujours eu un son, une production naturelle, sans retouche ou overdubs. Ca a toujours été un choix évident pour vous ? Car il est vrai que finalement sonner le plus "live" possible évite les déceptions quand on vous voit en concert par exemple...
Je ne crois pas en tout ce qui est surproduit. Je pense qu'un groupe devrait sonner de la même manière en live que sur les enregistrements. Ce que je veux dire par là, c'est pas de triggs ou batteries programmées, et pas de boucles ou de copier-coller. Avec la technologie d'aujourd'hui vous n'avez même pas besoin de savoir vraiment comment jouer d'un instrument pour faire un enregistrement. Les ordinateurs peuvent faire tout cela mais ce n'est pas de la vraie musique pour moi. J'adore les productions de bonne qualité mais je ne veux pas que mes enregistrements soient faux. Je veux qu'il y ait de vrais musiciens jouant sur de vrais instruments. Je pense que c'est ce que doit être le "true" metal.
12. Tu as composé d'innombrables morceaux "épiques", proches ou dépassant les 10 minutes. Est-ce un exercice qui s'est toujours passé sans encombres pour toi ou certains titres ont été durs à finir de composer, voire à enregistrer ?
La plupart du temps, il est difficile pour moi d'écrire des chansons courtes (rires). Tous mes potes dans le groupe m'appellent longue haleine (rires). Mais en vérité, le seul album qui semblait prendre une éternité à écrire était "Gates of fire". Les recherches réalisées pour cet album ont pris une éternité, semblait-il. Il a fallu lire et comprendre toute la poésie de Virgile (poète latin), c'est ce qui a pris si longtemps. Quand il s'agit de la musique elle-même, elle vient toute seule. L'inspiration donne l'impression de couler à flot, comme si ce n'était même pas ma propre main qui écrivait. C'est pourquoi je dis que j'ai été béni par la muse.
13. La discographie de MANILLA ROAD comporte également de nombreux titres plus courts et rapides, pas loin du speed, voire du thrash metal par moments. Preuve que MANILLA ROAD est un groupe qui touche à plusieurs "genres" musicaux !
Oui, cela a toujours été une marque de fabrique pour MANILLA ROAD, de ne pas stagner avec un seul style. J'aime presque tous les types de musique et ça a été un de mes objectifs que de montrer que presque n'importe quel style de musique peut être transformé en une musique orientée metal. J'aime expérimenter et je pense que je vais garder ça avec moi toute ma vie.
14. Plus de 35 ans après votre formation, on peut dire sans problèmes que MANILLA ROAD est devenu un groupe unique dans le monde du metal : pour ses pochettes, son son, ses textes, son audace dans la composition, ses concerts, etc. Est-ce ce que vous recherchiez à atteindre au final ? Être un groupe à l'identité forte et rapidement identifiable ?
Oui, ça me paraît bien. Je ne pense pas que j'aurais pu dire mieux. J'ai toujours cherché si possible à faire quelque chose d'unique. Et donc d'avoir un style bien à moi. Je crois que j'ai accompli ça, et j'ai bien l'intention de continuer à expérimenter et créer pour MANILLA ROAD ou tout autre projet auquel je participe.
15. Vous avez aussi souvent l'habitude de donner des concerts "épiquesé" qui correspondent parfaitement à votre musique finalement. Est-ce, malgré la communion avec vos fans et des gens qui vous découvrent, dur physiquement de délivrer des prestations de 2 heures ou plus ? Ou malgré tout, est-ce que vous vous en sortez sans trop de dommages ?
Je connais des problèmes avec ma voix depuis 1984, donc les longs concerts peuvent être très dommageables pour moi. Il n'est pas facile de faire des concerts de 2 ou 3 heures, comme nous l'avons fait et le faisons souvent. C'est pourquoi Bryan "Hellroadie" Patrick (chanteur principal) est à bord avec moi dans le groupe. Il est un peu mon sauveur quand nous devons faire nos concerts, il aide à maintenir MANILLA ROAD sur la route.
Je me souviens quand on a fait un concert de 3 heures au Up the Hammers festival, notre batteur Neudi s'est presque évanoui derrière ses fûts, alors qu'il restait 3 titres à jouer. Parfois, c'est assez difficile pour nous de tenir durant les concerts, nous transpirons et nous nous hydratons énormément en faisant ces longues performances. Ce n'est pas facile, mais les fans méritent que nous fassions le maximum parce que ce sont eux qui nous ont amené là où on est et nous ne voudrions jamais les décevoir. Et en passant, MANILLA ROAD n'a jamais annulé un concert.
Même lorsque l'un de nous est vraiment malade, le concert est maintenu. Quand nous avons fait le Metal Assault Festival en Allemagne (au mois de février), Hellroadie avait une fièvre de plus de 38°c mais il a joué et donné tout ce qu'il avait. J'espère que nous agirons toujours de cette manière car c'est une question d'honneur pour nous quand il s'agit de jouer pour nos fans. Ils paient beaucoup d'argent durement gagné pour nous voir et ils méritent le meilleur que nous puissions leur donner.
16. Pour revenir à votre actualité, j'ai lu que votre nouvel album était déjà enregistré. Vous ne perdez vraiment pas de temps ! Et ce serait un album conceptuel ?!
Eh bien, il a déjà été écrit et la moitié est enregistré. Les batteries sont en boîte et la plupart des pistes de guitares sont finies mais nous avons encore quelques pistes vocales et de basse à travailler. Mais oui, je ne perds pas de temps en ce moment. La seule chose qui nous ralentit pour ce prochain album, c'est d'être en tournée. Chaque fois que nous ne sommes pas sur la route, nous sommes en studio à travailler à un rythme effréné pour en faire plus. Je ne rajeunis pas et comme je l'ai dit avant, j'ai encore beaucoup à dire et à faire avant que je rejoigne le Midgard.
Et oui, c'est bien un concept album complet cette fois. Je pense qu'il est encore trop tôt pour donner des titres, car il ne sortira probablement pas avant le premier trimestre de l'année prochaine. Mais je dirai que le concept est à la fois philosophique et historique dans son contenu. Je suis vraiment heureux avec cet album jusqu'à présent et je pense qu'il sera aussi bien sinon mieux que "Mysterium". Je suppose que le temps nous dira si j'ai raison ou non, mais en ce moment je suis vraiment fier de ce que ce que le groupe a réalisé en studio et en dehors.
17. Vous allez jouer à Dubaï au mois d'octobre. Avez-vous déjà eu l'occasion par le passé de vous rendre dans des destinations aussi exotiques ?
Non, ce sera la première fois que nous nous rendrons au sud de la Méditerranée. Bon que je dois dire que la plupart des endroits où nous sommes allés en Europe ont été exotiques pour moi. Peut-être pas de la même manière que vous le ressentez vous, mais pour moi voir et être dans de nombreux endroits par lesquels mes ancêtres sont venus a été une véritable expérience exotique.
Je suis vraiment impatient de jouer aux Émirats Arabes Unis cependant. Je pense que c'est une occasion unique pour nous et j'espère que nous aurons encore la possibilité d'aller jouer dans des endroits où nous avons jamais été auparavant.
18. Pour finir je te laisse le mot de la fin, si tu veux ajouter un petit mot à nos lecteurs, tu peux !
Je voudrais juste te dire merci pour l'interview et l'attention que tu nous as accordé et surtout merci à tous nos fans qui font de MANILLA ROAD ce que nous sommes aujourd'hui. Si ce n'était pas pour vous, nous ne vivrions pas ce rêve. Ensuite pour ceux qui cherchent des conseils, il ne faut jamais abandonner. Tenir bon et croire en soi.
Votre propre foi en vous doit venir en premier, même avant que quelqu'un d'autre ait confiance en vous. Nous sommes peut-être la preuve que si vous restez fidèle à vous-même, vos rêves peuvent se réaliser. Ce n'est pas facile d'y arriver, mais cela peut se faire si vous vous adaptez, improvisez et arrivez à surmonter les épreuves. Ce sont les 3 règles via lesquelles j'essaie de vivre.
Je ne peux pas dire à quel point les Manilla Roadsters sont grands. Ils sont ce qui me donne l'inspiration pour continuer et j'espère que je pourrais toujours leur donner autant de foi et d'amour pour eux par ma musique, que eux m'en donnent.
“To all of ye Brethren of the Hammer I say Blessed Be and May the Lords of Light be with you all.
Up The Hammers & Down The Nails
Hail Thor & Odin”
Shark
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