Sorti en bacs en mars dernier, le tout premier album d’ANGELLORE, "Errances", a reçu de bons retours des amateurs de Doom Atmosphérique comme des critiques. Rencontrés dans un café parisien, pour leur première interview en face-à-face ensemble, Walran (chant, claviers) et Rosarius (chant, guitare, basse, claviers), les deux fondateurs de la formation, nous ont parlé de ces "Errances", mais aussi de leurs prochains projets.



Vous commencez apparemment à vous préparer pour enfin vous lancer en live...

Walran : Pour le moment, on n'est que trois, avec Ronnie, notre batteur. En studio, Rosarius s'occupe de la basse, des guitares, et on partage tous les deux le chant et les claviers. En live, il faudrait au moins un second guitariste et un bassiste. On doit être au moins cinq pour avoir une base solide. Même si on fait un metal assez mélodique, ça reste du Doom. Du coup, si on n'a pas l'appui de la basse, c'est dommage. Il faut que le son soit un peu lourd et que l'on puisse rendre l'ambiance des compositions. En plus, on essaie de soigner les arrangements, c'est quelque chose vers lequel on veut tendre encore plus sur les albums suivants. Le line-up doit donc absolument s'étoffer un peu, pour que l'on ait les bons acolytes pour porter notre musique sur scène. Je pense que ça arrivera, car même si on ne se voit pas vraiment faire de grandes tournées, on aimerait bien essayer de donner quelques concerts. On a déjà rencontré a priori les musiciens de session avec qui on pourrait travailler. En tout cas, on va faire un essai dès cet été.

Donc pas d'appel à candidature ?

W : (rires) Pas pour l'instant ! A la guitare, ce serait la personne qui compose pour ABDUCTION, un groupe de Black Metal pour lequel je vais chanter. C'est un ami que j'ai rencontré par l'intermédiaire de Rosarius, il aime beaucoup la musique d'ANGELLORE. Il a une approche de la guitare beaucoup plus technique que la nôtre.
Rosarius : En effet, c'est un super technicien, je pense que ça va changer quelque chose en live ! (rires)
W : C'est lui qui s'occuperait des solos et des parties rythmiques additionnelles, pour avoir un son plus puissant. Et le bassiste, c'est le type qui s'est occupé de tout l'artwork pour le livret d' "Errances". C'est lui aussi qui a masterisé la réédition de nos démos, quelques mois plus tôt. Il est hyper polyvalent. De carrière, il est ingé son pour le cinéma, donc il a une très bonne approche du son. Il nous serait très utile, à la fois en tant que bassiste et fan de Doom. Et aussi sur le son, je pense vraiment qu'il pourrait nous faire un son du tonnerre. Voilà les deux personnes auxquelles on pense.

Ce serait uniquement pour quelques dates, histoire de s'échauffer ?

R : Des grosses tournées, je ne pense pas que ce soit possible pour un groupe de Doom comme le nôtre. En plus, on a des vies professionnelles à côté...
W : Il y a des groupes, comme KATATONIA, qui prennent des formations plus jeunes en tournée. Evidemment, on n'est pas prêt du tout, mais dans l'idéal, ce serait génial de pouvoir tourner avec un groupe comme celui-là, avec autant d'expérience. Mais dans l'état actuel des choses, on doit aussi assurer nos boulots, voire nos études pour notre batteur. Des petits concerts ponctuels pour commencer, ce serait déjà très bien. Une première partie de KATATONIA, ça ferait peur.
R : Mais on a déjà eu des propositions intéressantes...
W : Notamment de groupes qu'on adore. Ça nous a confortés dans notre idée qu'ANGELLORE mérite d'avoir une existence live.

Vous vous verriez retranscrire vraiment toute l'atmosphère autour de votre musique en live ? Y aurait-il des difficultés particulières ?

R : Je pense que ce serait assez facile de retrouver cette atmosphère planante et mélancolique sur scène. Surtout pour le premier album, qui est assez sobre, il suffirait de quelques bougies. Pas forcément énormément d'effets. Des bougies, une ambiance recueillie, quelque chose de minimaliste. Quand on me demande comment je vois les lives d'ANGELLORE, je cite toujours les concerts de TRISTANIA et leur tournée de 1997. Ils jouaient assez rapprochés, avec des chandeliers sur scène. C'est la méga classe et pourtant, il n'y a pas grand chose sur scène. Mais ça suffit pour rendre cette espèce de procession, de solennité. Je verrais bien ça pour ANGELLORE.
W : Oui, complètement. Il faut quelque chose de froid, de solennel, qui mette vraiment la musique en avant. Pour le coup, l'idée n'est pas de mettre les interprètes en avant, mais la musique. Il y aurait un minimum d'interaction. Ce ne serait pas un concert de Rock au sens festif, mais plutôt une sorte de célébration musicale, au sens presque rituel ou religieux du terme. J'imagine déjà comment on pourrait composer nos setlists. Quelques bougies, une mise en scène assez sobre, mais efficace pour planter le décor, ce serait parfait.



Ca me fait penser aux WOLVES IN THE THRONE ROOM, qui jouent dans le noir complet, avec seulement quelques bougies à leurs pieds !

W : (à Rosarius qui ne les a jamais vus en live) Ils jouent avec des bougies à leurs pieds, mais sans aucune lumière au plafond. Aucune lumière sur les musiciens. Ils ont carrément une petite lampe sur leurs instruments pour voir ce qu'ils jouent !
R : Génial ! En plus, j'adore ce groupe.
W : J'avoue que le côté rituel de leurs concerts m'inspire beaucoup. Mais, pour le coup, il n'y a vraiment aucune interaction avec le public, ce n'est pas tout à fait ce que j'imagine non plus...
R : ANGELLORE, c'est vraiment un groupe qui a une dimension mystique. Je pense qu'on aurait du mal à restituer l'esprit de nos morceaux sans un minimum d'artifices, d'accessoires, d'éléments suggestifs.
W : Oui, car ANGELLORE a une dimension assez contemplative. Peut-être quelques éléments de nature, puisque c'est quelque chose qui revient souvent dans nos textes... Qu'on entende bien les claviers et surtout les solos de guitare, ce serait parfait. Pour moi, il faudrait un son très clair, une réverb' sur la voix, une basse qui claque pour le côté plus "Rock", qui donne de l'appui aux morceaux pour que l'aspect Metal ressorte bien. Et des nappes de claviers.
R : Il faut qu'elles soient cotonneuses et enveloppantes, car notre musique est très atmosphérique. Les claviers ne sont pas forcément techniques, mais ils enveloppent la musique d'une sorte de coton et ça, c'est important.
W : J'adore ça, quand j'écoute un groupe et que j'ai l'impression que je vais me noyer dans leur musique. Tu peux te laisser porter, car tu es comme enveloppé, et tu peux t'abandonner, sentir ton esprit s'évader. Si on pouvait avoir ce type d'atmosphère, pour moi, ce serait idéal. On va commencer à répéter dans ce sens.

Justement, quand vous avez composé les morceaux d' "Errances", est-ce que vous avez réfléchi à l'époque à cet aspect live, ou vous pensiez juste en termes d'album?

R : On pensait juste en termes d'album, honnêtement. Au début de la compo, on projetait les morceaux dans les formats des groupes qu'on aime. Donc c'était une optique studio, vraiment.
W : Quand on commençait à écrire, on se demandait dans quel type d'atmosphère on voulait aller et c'est le morceau qui se dessinait lui-même. On se disait : "tiens, là, on a envie d'un break avec de la guitare acoustique", "là on veut un moment plus goth", "là on voudrait une accélération"... On ne s'était pas posé la question d'une existence live. Par chance, on a des morceaux qui, malgré des passages un peu complexes, ont des refrains et des moments mélodiques forts. Je me dis que, même si ce n'est pas l'effet voulu à la base, ça pourrait être fédérateur en live. Mais en tout cas, ce n'est pas dans cette optique-là que les titres ont été pensés à l'origine. D'autant qu'on envisage par la suite d'aller encore plus loin dans le processus d'arrangements ! Ce ne sera facile à rendre en live, donc même si on est cinq, il y aura nécessairement des simplifications. Ce n'est pas plus mal, ça nous permettra au moins de revenir à l'essence des morceaux.

Rosarius, la façon dont tu parlais de la composition me laisse penser que tu envisages l'écriture comme quelque chose d'assez spontané. Tu essaies de penser en amont à ce que tu veux ou tu te laisses porter ?

W : En général, la plupart du temps, c'est Rosarius qui a une idée musicale précise. Et après, on parlait tout simplement de nos envies. "On veut un morceau avec un petit côté EMPYRIUM", "là il faut absolument qu'on fasse un tube à la 'Beauty & the Beast' de TRISTANIA ou à la DRACONIAN".
R : C'est marrant, parce qu'à chaque fois, sans même avoir commencé à en parler, on est déjà dans la même optique tous les deux, on sait exactement ce qu'on veut.
W : J'adore cette complicité, c'est vraiment la base d'ANGELLORE. On peut travailler ensemble sans le moindre heurt. On pensait les morceaux de façon très libre, la chanson se dessine elle-même, mais on sait toujours dans quel sens on voulait tendre.
R : Après, on corrige, on polit les contours, mais ça finit toujours par donner quelque chose d'assez proche de notre idée première. Les morceaux s'écrivent donc d'eux-mêmes. Cela vient certainement du fait que l'on a tellement écouté de Doom tous les deux que l'on sait exactement de quoi on a envie ou non.
W : Notre envie, c'est donner notre propre vision d'un style qu'on adore et dont on respecte la plupart des codes. C'est un choix, parce qu'on aime ça, tout simplement.
R : De toute façon, le Doom... Quand tu joues dans un style où tu peux te lâcher avec des pistes de 17 minutes, c'est que tu as beaucoup de liberté. On est influencé par une école de Doom très mélodique, on adore ça. Les mélodies à la SATURNUS, c'est ce qui nous fait fondre, donc on va vers ça.



Et le studio, ensuite ?

W : Ca a été une étape importante, pour le polissage. On avait nos morceaux de base, qui avaient parfois des ruptures trop franches. On a essayé de rendre ça plus facile, pour que nos chansons soient de véritables voyages au gré desquels on peut se laisser porter. Les transitions sont plus réussies sur l'album que sur la démo, mais je trouve aussi que ça fait partie du côté libre d'ANGELLORE, on peut éviter de cette façon un côté prévisible, que les gens redoutent. Quand on dit Doom, on peut penser à quelque chose de lent et de monotone. On aime la lenteur du style, cette lourdeur, mais on évite autant que possible la monotonie. Quand on allonge un passage, on l'agrémente, on le complète, on n'est jamais dans la pure répétition.
R : C'est l'une des grandes difficultés du Doom. Pour réussir à faire une répétition sans devenir chiant, c'est vraiment compliqué.

Cette envie d'agrémenter, de varier, d'éviter la répétition vient-elle aussi de toutes vos autres influences, que l'on sent ici et là dans "Errances" ?

W : Oui totalement. C'était notre optique dès le début. Rosarius vient plutôt de la scène Goth, il écoute beaucoup de Metal. Et moi, j'ai une grande tendresse pour le Folk et le Dark Folk. Mon groupe préféré, c'est EMPYRIUM, qui a mélangé le Metal et le Folk parfaitement. On s'est dit tout de suite qu'on se permettrait de faire ce genre de mélanges. Et pour le coup, sans avoir de groupes particuliers en tête. Même si la part Folk diminue ou augmente d'un album à l'autre, elle ne disparaîtra jamais de notre musique. Les parties acoustiques me parlent immédiatement, je vois tout de suite comment les agrémenter. En plus, le tout premier morceau que l'on ait écrit ensemble, en tant qu'ANGELLORE, 'Weeping ghost', commence par de l'acoustique.
R : Ce côté-là, c'est ce que la personnalité de Walran apporte au groupe. On a fondé ANGELLORE à deux, s'il n'y avait plus de Folk, c'est comme s'il n'y avait plus Walran.
W : Et dans nos prochains morceaux, même si l'on palpe une dominance électrique, la part Folk se ressentira toujours. Ce sera plus subtil, mais ça se ressent dans la rythmique, dans l'ornement.
R : Par exemple, dans le passage final de 'Dans les vallées éternelles', beaucoup de gens y trouvé un côté Pagan, alors que ça n'a pas été pensé pour.
W : D'ailleurs, la chronique de VS a parlé d'un côté AGALLOCH. J'adore ce groupe, mais ce n'est pas quelque chose à laquelle j'aurais pensé de moi-même ! J'aime le Folk et le Viking pour le côté contemplation, comme FALKENBACH ou MENHIR.



Vous citez plein de groupes, est-ce que vous réfléchissez à des reprises, même éloignées de votre propre style ?

W : On y songe sérieusement, ça peut donner quelque chose de sympathique. Il n'est pas impossible que l'on puise dans nos projets personnels, parallèles ou antérieurs à ANGELLORE. Rosarius a un projet purement Goth, ABYSSANCTUM, et moi j'ai un groupe Folk, BETRAY-ED. Ça nous plairait de passer nos morceaux à la sauce ANGELLORE, ça permettrait aussi aux gens de voir la part que chacun d'entre nous apporte à cette musique. Ce n'est pas sûr à 100%, mais ça en prend le chemin, l'idée nous motive ! Peut-être sur un EP, un split, sur internet...
R : On pourrait aussi avoir des invités de marque... On pense à des chanteurs et chanteuses, dans le Goth ou le Doom. Ça nous plairait bien. On ne cite pas de nom pour le moment, c'est encore prématuré, mais on y réfléchit !

Ce serait pour un deuxième album ?

W : Non, pas forcément ! Personnellement, j'aime beaucoup le format EP. Comme le chanteur d'AGALLOCH le dit, c'est un format plus court, qui permet plus de liberté, dans lequel on peut vraiment expérimenter. Si d'album en album, ton groupe a une direction similaire, mais que tu as envie d'essayer autre chose ou de rendre hommage à d'autres influences, le format EP est intéressant, car il n'est pas considéré de la même façon par le public. Donc on garde l'idée de proposer un EP avec des remix, des reprises, des invités, voire quelques inédits. Ca me paraît un cadre idéal.

Pour le moment, j'ai cru comprendre que votre priorité, c'est votre deuxième album...

R : Il est écrit ! Tout le monde dit ça, mais il sera mieux que le premier. Les morceaux sont plus longs, plus arrangés et plus orchestraux. Il sera plus raffiné, moins brut... Je ne dis pas que le premier album est brut, c'est déjà une musique assez sophistiquée ! Mais le deuxième le sera encore plus, avec des chansons plus élaborées, plus typées. On garde le côté Doom et Dark, avec des couleurs Goth. Et des surprises surtout ! Ca va être intéressant, il va y avoir de nouveaux éléments.
W : Je ne pense pas qu'on soit un groupe amené à rester statique. On a trouvé une formule qui nous convient, mais je pense que d'album en album, on va essayer de rester créatif. Même si elle est mince, une petite part Death existe sur "Errances", je pense à 'I am the agony' par exemple. On va essayer d'intégrer quelques riffs Black, d'accorder plus d'importance aux rythmiques et de mûrir nos arrangements. La batterie sera plus complexe, plus variée. Les formats longs nous permettront de créer une césure avec "Errances" et d'entrer dans un univers différent. On va travailler avec le même producteur a priori, mais avec l'expérience gagnée du premier album. On sait déjà mieux vers quoi on veut tendre, ce qu'on veut perfectionner.

Vous gardez donc le même label et la même équipe pour le successeur d' "Errances" ?

W : Pour le label, on ne sait pas encore, on n'avait signé que pour un album. C'est une éventualité qu'on ne refuse pas, mais on attend d'avoir un peu de recul pour constater du travail de promotion réalisé pour "Errances". R : Après, on verra, si on peut taper sur du plus gros, pourquoi pas ! Du Season, du Napalm...
W : Personnellement, Napalm Records me fait vraiment rêver, ils ont TRISTANIA, TIAMAT, MOONSPELL, DRACONIAN, toute une flopée de groupes dont on se sent proches. Peut-être cela vient-il d'une question de production ? Vu que notre deuxième disque sera plus élaboré au niveau de la plastique sonore, on essayera peut-être de contacter ce genre de maisons !