JEREMY XIDO - DEATH METAL ANGOLA par PAMALACH - 10581 lectures
Un premier film hyper rafraîchissant et une approche vraiment touchante de son réalisateur.


Salut Jeremy ! Est-ce que tu peux te présenter à nos lecteurs ?
Je suis un réalisateur américain et un performer originaire de Detroit. J'ai une société appelée "CABULA6" et j'ai passé les 15 dernières années à voyager à travers le monde pour faire des films et des performances. Quelques fois je joue dans des films. Death metal Angola est mon premier documentaire long.


Comment t'est venu l'idée du film Death Metal Angola ?
Il y a quelques années, je voyageais à travers l'Angola pour y faire un film sur les chemins de fer. Je me suis alors arrêté dans le seul endroit qui servait un café potable dans cette ville dévastée par les obus qu'est Huambo. Un jeune homme dans un T-shirt bleu Oxford et de petites dreadlocks m'a fait un signe de la tête. J'ai été m'asseoir à côté de lui et nous avons commencé à discuter. Je lui demandé ce qu'il faisait et il m'a répondu qu'il était musicien. "Oh c'est vrai ? Dans quel style tu joues" lui ai-je demandé. Et il m'a répondu en me regardant droit dans les yeux "Du death metal...". Je lui ai demandé s'il pouvait me faire une démonstration et il m'a alors donné rendez-vous le soir même à l'Orphanage, un club perdu au beau milieu de nulle part dont il m'a laissé l'adresse. Arrivé sur les lieux on se serait cru dans une usine de lait désaffectée ! Ce n'était en aucune manière un club ! Mais le jeune homme était là avec ses locks, une guitare électrique... et 55 "Orphaned Boys" qui appelaient cet endroit leur chez-eux ! Wilker Flores a ensuite commencé à jouer à la simple lumière des phares d'un camion l'un des concerts les plus apocalyptiques que j'avais jamais vus. C'était terrifiant et fascinant. Cela a marqué le début de ma relation avec Wilker et Sonia Ferreira, une femme qui est une des personnes les plus remarquables que j'ai rencontrées de ma vie. Je n'avais jamais vu un tel endroit auparavant, ni rencontré de telles personnes. C'est une des expériences les plus profondes que j'ai eues jusqu'à présent. La profondeur, la sincérité et la grâce de ces gens sont le cœur de ce documentaire "death metal Angola".


Quelle était ton idée originelle quand tu as pensé le projet ?
Je n'ai jamais voulu faire un film sur la musique. A la base comme je t'ai dit, je travaillais sur un projet de documentaire autour des chemins de fer et comment les Chinois et les Angolais avaient réussi à travailler ensemble autour de la construction du chemin de fer du Benguela. C'était à la suite d'une discussion avec une Angolaise que j'avais été là-bas.
A l'époque je travaillais au Portugal autour d'une performance théâtrale et j'interviewais toutes sortes de gens. J'avais rencontré alors cette jeune avocate angolaise qui avait étudié à Lisbonne et qui était restée là-bas après l'obtention de son diplôme. Je me rappelle qu'elle m'avait dit "L'Europe c'est mort. Le futur c'est l'Angola".
Je n'avais jamais entendu personne me parler de l'Europe comme ça mais j'ai réalisé que nous étions au 21ème siècle et que les façons de voir et de penser le monde allaient peut-être changer dans les prochaines années. Le monde bouge plus que ce que les gens pensent parfois... moi y compris. "Tu devrais aller vérifier par toi-même si tu ne me crois pas !" m'a-t-elle au final rétorqué.
Était-il possible en effet qu'au 21ème siècle après avoir été colonisé pendant 500 ans, réduit en esclavage, brutalisé de la plus sauvage des façons, épuisé à la fin du 20ème siècle par presque 40 ans de guerres constantes (11 ans pour l'indépendance d'avec le Portugal et pendant de longues années après) l'Angola renverse la vapeur et devienne un pôle économique et commercial plus puissant que certains pays d'Europe ?
J'ai donc été voir. Et là, il était évident que je me retrouvais dans un pays complexe, vivant et vibrant.
J'ai donc au départ voulu faire un film sur la distorsion qu'il pouvait exister entre ce que nous croyions qu'étaient les travailleurs en Afrique... et ce qu'ils sont réellement. Tout est parti de là.


Est-ce que cela a été difficile de tourner en Angola ? Est-ce que tu as rencontré des difficultés lors du tournage ?
Oui, c'est difficile. La bureaucratie en Angola est quelque chose que je n'avais jamais eu l'occasion d'expérimenter et je peux te dire que c'est unique sur cette planète. Cela peut prendre des jours voire des semaines pour avoir un papier signé et avoir la permission de faire quelque chose de pourtant très simple. Cependant, j'ai pu constater que si tu avais les bonnes connexions tout pouvait aller plus vite. C'est dur de se dire que ça marche comme ça mais c'est ainsi. Les partenaires locaux qui nous ont aidés ont été absolument fantastiques et nous ont vraiment apporté un plus énorme pour la suite du projet.

Les deux moments les plus difficiles ont été lorsqu'une des personnes du film est passée en cour martiale et lorsque le preneur de son et moi-même avons été arrêtés par la police pour avoir filmé quelque chose que nous n'avions pas le droit de filmer.
Ce sont deux longues histoires mais je peux t'assurer que traiter avec la police et les Forces armées angolaises n'est pas une partie de rigolade.
Je me suis retrouvé à négocier avec de hauts dirigeants angolais en expliquant pourquoi le rock était important pour leur pays et combien leur soldat était un vocaliste de haut vol. T'imagines expliquer cela à des mecs en uniforme armés jusqu'aux dents ? C'était fou.
Hélas, ce n'est qu'après que nous avons appris que le mec avait pris 20 ans de prison pour nous avoir parlé. Ça, c'est dur.


J'ai juste vu le trailer du film. Est-ce que tu crois qu'un jour nous pourrons voir "Death Metal Angola" en France ?
On est en train de bosser sur une tournée des festivals et un distributeur pour le film. Pour la France, je ne suis encore sûr de rien. Je te tiendrai au jus dès que j'aurai plus d'infos là-dessus. Vous pouvez quand même aller voir notre Website et "Liker" notre page facebook ici http://www.facebook.com/DEATHMETALANGOLA


En parlant de festival, est-ce que tu as essayé de contacter les organisateurs de l'étrange Festival à Paris ? Ils donnent parfois leur chance à des films comme le tien ("Road Dogs" l'année dernière est un excellent exemple) ?
Hey pas encore mais merci pour l'info ! Je vais essayer de checker ça avec eux.


Quels sont les retours que tu as eus jusqu'a présent ?
Nous avons reçu d'incroyables retours de la part de la presse et du public. Juste après la Première à Rotterdam nous avons eu une salle debout, 45 minutes de questions/réponses à l'issue du film, "Death Metal Angola" élu film du jour, plein d'invitations pour des festivals dans le monde entier, de super papiers dans la presse et des tonnes de gens intéressés par le film. Vous pouvez d'ailleurs suivre tout cela sur notre page Facebook et sur Twitter. La tournée des festivals commence tout juste... alors tout cela ne fait que commencer, cela va grossir encore plus ! Mais le meilleur, pour moi, c'est que Sonia et Wilker, les deux protagonistes du film, aiment "Death Metal Angola". Ils l'ont vu à l'avant-première à Dubaï. Et puis aussi que la scène angolaise nous supporte. Cela signifie beaucoup pour moi.


J'ai lu que le fils du président de l'Angola jouait dans un groupe. C'est quoi le nom du groupe et est-ce que tu le connais ?
Non, je ne le connais pas. C'est un artiste de Kurodo qui présente des émissions à la télé. J'adore la Kurodo Music mais c'est très différent de la scène rock. Ce qui est intéressant c'est que le Kurodo peut prendre des chemins assez agressifs. J'espère que le metal saura prendre les mêmes chemins !


Le Death Metal est une musique qui est souvent associé aux Américains et aux Européens. Je sais qu'ils existe des groupes en Afrique noire pour en avoir interviewé certains (Wrust, Overthrust et Metal Orizon). Est-ce que tu connaissais le metal africain avant de faire ce film ?
Non, je ne connaissais rien de la scène metal en Afrique avant de réaliser le film.


Pourquoi à ton avis le death metal "traditionnel" est plus populaire en Afrique que le Grindcore ou le Hardcore par exemple ?
Je n'en suis pas vraiment sûr. Ce que je sais à propos de l'Angola, c'est que le style d'histoire qu'ils ont besoin de raconter semble bien coller avec cette musique. Le côté fantasmagorique des paroles du death metal ou du black metal nordique prend un aspect journalistique dans le death metal angolais. Tout le monde ici a une histoire personnelle à raconter sur quelqu'un de son entourage qui a été abattu dans la rue ou qui a été dévoré par des chiens en pleine rue. Tout le monde ici connaît aussi une personne qui a sombré dans les limbes de la folie à cause de la guerre. Tout ça, c'est pas du fantasme en Angola.
Peut-être y a-t-il dans le death metal un extrémisme qui permet de capturer l'horreur de ces histoires afin de pouvoir les transposer en musique ? Mais pour arriver à cela, il faut être discipliné et érudit en tant que musicien, intelligent en tant qu'artiste et passionné en tant qu'homme. C'est peut-être ce côté-là aussi qui les attire ? Faut que tu leur demandes mec !


Quelques personnes disent que le death metal est une musique morbide et destructrice. Est-ce que tu penses qu'elle peut aussi aider à reconstruire les ruines ?
Ouais je pense que c'est exactement ce qui est en train de se passer en Angola. Comme Sonia Ferreira l'explique dans le film, "La musique est la meilleure porte d'entrée pour rentrer dans l'esprit de quelqu'un et nettoyer les débris causés par des années de guerre". A un niveau purement émotionnel, c'est une décharge catharsis. Intellectuellement, c'est aussi une musique où la vérité est dite sur ce qui est arrivé aux gens pendant la guerre et ce qui continue toujours de se passer aujourd'hui en temps de paix. C'est une sorte de libération de rage pour se libérer de la haine et de la confusion. Et tout cela en communion avec d'autres gens. Du coup, c'est une expérience particulière. Et pour les personnes qui ont dans leur personnalité une partie sombre qu'ils ne peuvent exprimer, c'est une forme de libération puissante. Et en faisant ça, les gens ont l'impression de se libérer eux-mêmes. Et ces gens-là se libèrent ensemble en faisant cela, et cela les rend heureux.
C'est un acte d'amour. Quand tu te tiens côte-à-côte avec d'autres gens et tu plonges avec eux dans des contrées aussi sombres avec tous les risques que cela comporte, c'est un acte de foi et d'amour. C'est très émouvant et c'est exactement ce que j'ai vécu en Angola ! Alors bien sûr, les paroles sont morbides et parlent de destruction. Mais il faut aussi voir que du coup, des gens viennent ensemble à des mêmes endroits, construisent des choses et forment un mouvement. C'est comme le phénix qui renaît de ses cendres.


Peux-tu nous dire comme tu es venu à écouter du Metal et quels sont tes groupes favoris ?
En fait, j'ai grandi à Detroit et j'étais le seul gosse blanc dans un quartier noir. Personne n'écoutait de metal et moi je n'avais aucun pote blanc. Du coup, comme mon entourage n'en écoutait pas, je n'ai pas vraiment été exposé à cette musique. J'étais plutôt dans un trip Hip Hop et Break Dance. Mais j'aimais le punk... et quand les groupes comme les FISHBONE ont commencé à jouer leur fameux mélange de Ska et de Hardcore, j'ai aimé ça. Dans le même temps, il y avait aussi AEROSMITH et RUN DMC et le légendaire "Walk this way" qui déboulait sur les ondes ! A partir du moment où j'ai vu que le metal pouvait se mixer à d'autres style musicaux, cela m'a plu mais j'ai pas forcément cherché à creuser davantage.
C'est en Angola que les mecs m'ont fait écouter SLAYER, PANTERA, SEPULTURA et CANNIBAL CORPSE... qui est d'ailleurs un groupe vraiment dur ! Mais je crois que c'est ce que je préfère maintenant ! J'adore découvrir de nouveaux artistes et écouter de nouveaux trucs. Vous avez des suggestions pour moi ?


Et quelles sont tes influences cinématographiques ?
Elles seraient trop nombreuses pour pouvoir les nommer et tellement différentes les unes des autres ! J'adore les films cubains des années 60. Ils sont absolument fantastiques. Sarita Gomes et les premiers films de Thomas Guttieres. La façon dont ils ont mixé la fiction et le factuel. C'est difficile de répondre à cette question tu sais...


Au final, est-ce que tu crois que l'espoir peut venir des ténébres ? Est-ce que la musique extrême peut être une voix vers la paix?
Oui, j'y crois profondément. Je crois que si les personnes se réunissent, créent des choses, prennent du plaisir, regardent leurs voisins et essayent de prendre soin d'eux... c'est que du bénéfice pour la paix. Ce que je trouve de fascinant à propos de la musique extrême c'est qu'elle requiert que les gens aillent fouiller dans leurs parties les plus sombres afin d'en sortir des tableaux contenant des portraits de vie dérangeants. C'est un peu comme une sorte d'acte rituel, beau et courageux qui mènerait vers une sorte d'extase. La musique extrême est effrontée et critique sur le monde. Elle peut parler des mensonges de politiciens, de la guerre et de tout ce qui cause de la douleur. La dissidence est ici positive car elle vient consolider la paix en faisant surgir la vérité. Ce qu'il y a de sûr, c'est que la vérité peut être dure et brutale... et c'est là que la musique extrême a son rôle à tenir.


Auteur
Commentaire
SvartNjord
Membre enregistré
Posté le: 26/03/2013 à 09h04 - (544)
Juste bravo, impatient de voir ce film.



Stritkred
IP:91.151.76.50
Invité
Posté le: 26/03/2013 à 14h17 - (545)
"CANNIBAL CORPSE... qui est d'ailleurs un groupe vraiment dur ! Mais je crois que c'est ce que je préfère maintenant !" ...lol un peu quand même

VolBite
IP:82.239.158.131
Invité
Posté le: 26/03/2013 à 16h30 - (546)
"Hélas, ce n'est qu'après que nous avons appris que le mec avait pris 20 ans de prison pour nous avoir parlé. Ça, c'est dur."

Horrible...ça m'a fait bader de lire ça, il y'aurait i moyen de connaitre l'identité de la victime ?

Ivan Grozny
Membre enregistré
Posté le: 26/03/2013 à 19h37 - (547)
Merci pour l'interview, ce documentaire est décidément très alléchant, si je puis dire.





horror
IP:77.197.4.97
Invité
Posté le: 26/03/2013 à 21h17 - (548)
20ans de taule pour avoir parlé à une caméra O_o'
L'horreur!

chaosbc
IP:78.250.128.162
Invité
Posté le: 26/03/2013 à 22h29 - (549)
Ce genre de démarche, ce genre de film et rien que ce genre d'interview fait voler en éclat n'importe quel argument discréditant le metal. Sinon j'ai eu un appel post mortem de Seth Putnam qui m'a affirmé que Angola is gay :-)

Moshimosher
Membre enregistré
Posté le: 26/03/2013 à 22h29 - (550)
Très bonne interview !!! Impatient de voir ce documentaire... enfin, s'il est diffusé en France...

pamalach
Membre enregistré
Posté le: 26/03/2013 à 22h29 - (551)
Jeremy n'a pas précisé l'identité de cette personne. Si j'arrive à en savoir plus, vous serez bien sur informé ! En espérant que nous pourrons voir ce film en France un jour ! Faites tourner l'info les mecs, ça serait cool qu'il passe au moins dans un festival !



Solo Necrozis
Membre enregistré
Posté le: 27/03/2013 à 00h18 - (552)
Le mec qui a pris 20 ans de prison, les discussions avec des enfoirés quasiment illettrés qui ont assez de galons et de médailles bidon pour faire la loi...C'est tellement l'Afrique noire tout ça. Ca me fend le coeur de lire ça...

Bernard
Membre enregistré
Posté le: 27/03/2013 à 07h11 - (553)
Très intéressant. Bravo pour l'interview!
En espérant vraiment avoir l'occasion de voir ce film.

cherokkee
Membre enregistré
Posté le: 27/03/2013 à 13h20 - (554)
C'est génial de ce dire que le métal est une musique universelle comme ça.



6trouille
IP:88.162.147.74
Invité
Posté le: 31/03/2013 à 01h13 - (555)
Interview passionnante. J'espère voir ce film très rapidement !

cherokkee
Membre enregistré
Posté le: 02/04/2013 à 12h46 - (557)
Je n'écarte pas la possibilité qu'un jour l'Afrique nous livre une grosse raclée en matière de metal...

Jus de cadavre
Membre enregistré
Posté le: 18/02/2014 à 13h37 - (1079)
"Je n'écarte pas la possibilité qu'un jour l'Afrique nous livre une grosse raclée en matière de metal..."

Assez d'accord même si pour moi l'avenir du metal c'est clairement l'Asie, imaginez ce qui va se passer quand la Chine (et les autres : Indonésie, etc...), vas (sérieusement bien sur) s'y mettre ? Ca va être un truc de fou !

En tout cas très bonne ITW, ça fais plaisir de voir du metal dans des pays comme l'Angola !
Et se serais en effet cool d'avoir plus de précision sur le pauvre mec qui à pris 20 ans...

pamalach
Membre enregistré
Posté le: 22/03/2014 à 11h51 - (1102)
Je ne zappe pas votre question les mecs. J'ai tenté de joindre Jeremy Xido pour avoir plus de précision mais je n'ai pas eut de réponses pour l'instant.



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