Paroles pleines d’un réalisme désabusé, chant en français et visuel soigné. V13 est un groupe qui essaye autant que possible de s’écarter des clichés inhérent à la scène metal. C'était donc intéressant d'aller leur poser quelques questions.

Salut. Pouvez présenter succintement le groupe ?
Olivier Duclos : guitare / Laurent Carrier : chant / Yoan Delastre : basse / Nicolas Bernollin : batterie

Y’a-t-il une signification spécifique derrière le nom du groupe « V13 » ?
C'est suite au film vendredi 13. Ça commence à dater…

Vous venez de sortir « Traqueur », comment s’est passé la composition de l’album ?
Elle s'est étalée sur 2 ans environ, avec entre-temps l'arrivée de Yoan, notre bassiste. On a commencé la composition sur la tournée d'Overlook Hotel, et elle s'est finie environ 2 mois avant le studio.
La vie du groupe a pas mal changé ces deux dernières années, et avec l'arrivée de Yoan, on s'est retrouvés en grande partie sur Lyon. On a du revoir notre rythme de composition, l'organisation, ce qui au début n'était pas toujours évident.
Artistiquement, on a toujours su où on voulait aller, et ce côté-là était beaucoup plus simple.

Vous avez collaboré avec Steve Albini, vous pouvez nous parler de cette expérience ? Que vous a-t-il apporté a vous en tant que groupe et à l’album ?
Ce serait trop compliqué de tout résumer en une seule réponse.
C'était une expérience hors du commun pour nous, qui nous a fait plus progresser de tout points de vue en une semaine, qu'en 6 mois de repet', ou de tournée.
Se retrouver loin de chez soi, dans un univers complètement dédié à la musique, notre musique, était très motivant. L'envie de bien faire, d'être sincère s'est imposée.
Albini est quelqu'un de très simple, juste. Tout a été très facile. Le tout était d'être « dedans », mais tout le studio, l'ambiance, nous poussaient dans cette direction.
Artistiquement, il n'a pris aucun parti sur les prises de son, Albini est un ingénieur du son, pas un producteur, ce qui fait une grande différence. Il a repiqué le plus fidèlement notre son, avec son savoir-faire, son lieu, son matos évidemment, mais de manière la plus naturelle possible. On s'attendait à ça, et on avait en tête le son qu'on voulait, car c'est celui qu'on a en concert.
Sur le mixage en revanche, il a proposé des choses, souvent très bien vues. On s'est sentis flattés de le voir s'impliquer de plus en plus.

Le son est très rock et très riche, pourquoi avez-vous opté pour ce type de son ?
C'est notre son à la base. Rien de vraiment calculé, à part l'envie de sonner « juste » pour nous. Albini n'a fait « « « que » » » placer des micros devant nos instruments et mixer, mais avec son savoir-faire et son expérience qu'on connait.

Le groupe évolue d’albums en albums vers des sonorités plus rock ou postrock., cet album est assez différent d’Overlook Hotel et surtout de Puzzle votre tout premier album. Comment s’est faite cette évolution ? Et allez vous continuer à explorer et mixer différents styles ?
Chaque album représente une période spécifique pour le groupe. Puzzle commence à dater, et la formation d'alors n'a plus rien à voir avec l'actuelle, l'envie et les objectifs non plus. On ne renie pas cette période, mais on est clairement passé à autre chose, une envie de quelque chose plus « rock », plus senti, et surtout sans artifices.
Overlook Hotel représente la période de transition entre l'ancien V13, et le nouveau.
A ce jour, avec notre formation actuelle, on considère qu'Overlook Hotel est notre « premier » album par rapport à nos objectifs futurs.
Et donc, pour répondre à ta question, non, nous ne mixerons pas différents style, car notre période « Mr Bungle » est derrière nous, même si on continue à aimer ce groupe. Nos envies de son se tournent vers quelque chose de rock, blues, noise...

la pochette, très inhabituelle, on peut voir un portrait de l’acteur Rufus. D’où vous est venu l’idée, pourquoi cet acteur spécifiquement et comment l’avez-vous contacté ? A-t-il accepté de suite ?
On voulait une photo forte, avec une « gueule ». Au départ on voulait travailler avec Yolande Moreau, avec qui nous étions en contact, mais ça n'a pas pu se faire pour des questions d'emploi du temps. Suite à ça, on a contacté Rufus, et il a accepté de nous accorder un jour dans son emploi du temps de folie. On ne le remerciera jamais assez.

Plusieurs morceaux de cet album, et du précédent, tirent leurs noms de titres de film ? Ces morceaux sont-ils en rapport avec les films ? Le cinéma est-il une influence majeure pour V13 ?
Complètement. C'est une source d'inspiration, parmi d'autres, qui est importante pour nous.
En revanche ces morceaux n'ont pas été composés par rapport aux films, car Laurent écrit toujours ses textes après. Il arrive des fois qu'on lui suggère d'écrire sur tel film si le morceau nous y fait penser.

Pourquoi avoir choisi le français dans vos chansons ? Une plus grande facilité ? La possibilité de faire passer une plus grande gamme d’émotions ?
Parce que c'est notre langue maternelle, que l'idée de confronter les gens, de manière brute, à des mots qu'ils peuvent comprendre nous plait, et qu'on a pas envie de se cacher derrière un anglais pourri, mal écrit et mal prononcé comme la majorité des groupes.
On écoute énormément de musique anglo-saxonne, mais aussi beaucoup de choses françaises comme Gainsbourg ou Bashung qui sont de véritables références à nos yeux, aux même titre que d'autres groupes ou chanteurs étrangers.
Donc pour répondre à ta fin de question, oui, c'est plus facile, et la gamme d'émotions qu'on peut faire passer est beaucoup plus grande, et naturelle.

Les textes sont variés, parfois métaphoriques, parfois poétique et parfois plus réalistes, comment se passe l’écriture des textes ? Les textes prennent-ils du temps à être élaborés ?
Laurent écrit les choses dans son coin. Il part souvent de films, ou d'expériences vécues, et préfère souvent faire des métaphores, que d'exposer brutalement un tableau. Ce qui contraste avec notre musique.

Pour beaucoup de groupes, les textes sont souvent accessoires, j’ai l’impression que ce n’est pas le cas pour V13. Quel est l’importance du texte par rapport à la musique ?
Un chanteur écrit des textes. Des musiciens composent des titres. Donc les deux sont aussi importants pour nous.

Les textes en français demandent une écoute plus attentive de l’auditeur, est-ce une façon pour vous de capter son attention ?
Oui, en partie, comme on l'expliquait un peu plus haut.

J’ai trouvé certaines influences de « chanson française » dans « Traqueur », est-ce effectivement un genre que vous écoutez ou appréciez ?
Idem, mais attention à ce que tu appelles « chanson française »... car on fait des chansons, et on est français, mais on ne nous a jamais catégorisé en « chanson française ». Pas grave, tu me diras vu comment c'est connoté.

Olivier Depardon de Virago apparait en tant que guest. Pourquoi votre choix s’est il tourné vers lui. Qu’a-t-il apporté au morceau sur lequel il apparait ?
Nous le connaissions d'avant, pour avoir travaillé avec lui. On aime tous beaucoup Virago, et on s'est dit que l'inviter sur un titre ou il pourrait s'exprimer serait chouette. Sa manière d'écrire, de chanter se reconnaît entre mille, il a vraiment un talent fou. On a fait une pré-prod, on lui a proposé, et ça s'est fait comme ça.
Pour la version de l'album, on a fait les instrus à Chicago avec Albini, ramené les bandes en France pour enregistrer sa voix et mixer le titre au Black Box Studio, avec Peter Deimel. On tenait à rester en analogique. C'est donc le seul morceau qui n'a pas été mixé par Albini, mais les deux studios étaient très similaires, et les deux ingé son se connaissaient. Ils ont la même manière de faire, et la différence est donc vraiment minime.
Artistiquement, il a apporté sa patte, c'est ce qu'on voulait, mais il n'est pas intervenu sur la composition du morceau. Il avait carte blanche sur les textes, sa façon de placer sa voix.
C'est un gars qu'on respecte énormément pour son parcours et son talent. Échanger avec un musicien comme ça te fait forcément progresser.

Musicalement le groupe est assez difficile à cerner, n’appartenant à aucune scène bien définie, vous comment vous définiriez vous et avec quels types de groupes partagez vous l’affiche de concert ? Quel est le type de public que vous rencontrez ?
Nous sommes simplement un groupe de « rock » au sens large du terme, même si nous sommes souvent référencés sous les bannières « Noise », « Post-rock » et j'en passe…
Ça ne nous pose pas de soucis, il faut bien que les gens essaient de s'y retrouver, les orgas aussi.
On rencontre donc un public assez varié ayant pour tronc commun le rock. On essaye de ne pas se laisser enfermer et de toucher tout le monde, du mec issu du microcosme noise français, un peu intello, au gars qui vient juste boire sa bière et écouter un peu de musique... En terme de groupes, on a beaucoup tourné avec L'Enfance Rouge ces 2 dernières années, et récemment avec eux et Eugene Robinson d'Oxbow.
On est ravi de ça car on aimait beaucoup l'Enfance Rouge avant de les rencontrer, ce sont maintenant des amis. On est aussi des grands admirateurs d'Oxbow, et donc rencontrer un gars comme Eugene nous a flattés. On a hâte de rejouer avec eux.
Il y a aussi le Singe Blanc qu'on a croisé et qu'on apprécie. Leur musique n'est pas ce qui nous inspire forcément, mais c'est imparable sur scène et surtout, ils ont une démarche et une longévité qui force le respect, car ils ne sont pas spécialement sur le devant de la scène mais continuent leur chemin.
A part ça, on n'est pas spécialement proches de beaucoup de groupes en France, pas par choix ou qu'on soit fermés, juste qu'on n'a pas eu l'occasion de les croiser ou de jouer avec eux.
Il y aussi les Italiens de Io Monade Stanca avec qui on avait quelques dates qui sont super.

V13 possède un univers très évocateur visuellement, assez cinématographique, n’avez-vous jamais pensé à traduire cela en images ?
Si ça nous plairait évidemment. Seulement notre priorité est pour le moment la musique, et donc en termes d'emploi du temps, d'argent, de moyens ça serait tellement compliqué pour nous. Nous fonctionnons beaucoup par nous-mêmes, pour les dates, les enregistrements.
Ce sont des choix de vies assez fort.
On remercie au passage Alex de Deadlight qui a décidé de sortir ce disque.

Comment voyez-vous le futur du groupe et quelle est votre actualité pour 2013 ?
Tourner pour défendre l'album.
On est déjà aussi en pleine composition pour le 3ème album, on a quelques titres en ébauche qu'on testera en live. On aimerait le faire en 2014.

Vous avez quelque chose à ajouter ? Un dernier mot, un commentaire, une blague, n’importe quoi,…
Heu...Non. Merci à vous.


Crédits photos: Sébastien Brisbarre/Les Photographies d'Alpha.