- NICOLAS MULLER par NICOLAS MULLER - 5187 lectures
"Abécédaire pour les musiciens en galère et ceux qui les voient ramer" est découpé en "définitions" comme le dictionnaire... il parcoure ainsi l'alphabet 4 fois de suite.

VS-webzine vous propose de découvrir une de ces définitions avec la lettre H.


HYGIENE

Concept à ranger au fond du placard pendant un laps de temps très exactement égal à la durée de la tournée. J'en vois d'ici qui s'insurgent, en proclamant haut et fort « moi je suis propre, même si je dois y consacrer une énergie incommensurable, je trouverai le moyen de me laver. » C'est parce que ceux-là ne sont jamais partis plus de trois jours sur les routes par leurs propres moyens.

La première fois, au moment des préparatifs logistiques, les intentions sont toujours bonnes. Le musicien accompli, enfin récompensé de ses années d'efforts à répéter comme un tordu dans son local, sélectionne avec une infinie précaution toutes les choses essentielles sans lesquelles il pense ne pas pouvoir tenir plus de deux jours en tournée. Dans sa trousse de toilette, il vérifie trois fois qu'il a bien pensé au gel douche, au shampooing, au dentifrice, au déodorant, au sèche-cheveux parce qu''il est coquet et qu'il craint les courants d'air. Il envisage même une eau de toilette. Lorsqu'il monte dans le camion, il se dit qu'il est paré à toute éventualité. Puis après une première heure et demie, entassé avec ses quatre collègues, l'ingénieur du son et le chauffeur dans un van de location de sept places rempli à ras-bord de matériel, il commence à se sentir moite. Il n'a pas encore conscience qu'il sera dans cet état pendant les quinze jours à venir.

Il songe déjà à la première nuit d'après concert, qu'il ne manquera pas d’inaugurer par une douche bien chaude. Mais après avoir joué à 19h00 devant treize personnes dans une cave à Montbéliard et poireauté six heures dans des loges enfumées à attendre que le groupe de tête d'affiche ait fini de jouer pour récupérer son baffle de guitare qu'il a prêté à tout le monde, il file dormir dans une grange appartenant au frère de l'organisateur, ce dernier ne pouvant accueillir nos six gaillards poilus dans son deux-pièces en centre-ville. Non, il ne se lavera pas, ses compagnons non plus et le fumet qu'il devinait la veille dans le camion dévoilera tout son potentiel.

Coup du sort ? Malchance ? C'est vrai qu'il pourra peut-être, au hasard d'une halte plus sympathique qu'une autre, se retrouver par bonheur chez un hôte qui proposera à toute la troupe de profiter de son eau chaude. Reste à savoir s'il aura un gros cumulus.

Être sale, ça s'apprend. Il faut commencer par s'habituer à sa propre odeur, avant de commencer à composer avec l'odeur des autres, toujours plus désagréable. Il faut changer régulièrement de place pendant les longs trajets et ne surtout pas négliger la « french shower », le bon coup de déodorant en spray qui parcourt le corps de bas en haut, d'abord à poil puis tout habillé. Un musicien en galère de déo, en possession d'un stick inadapté, finit souvent par se débrouiller pour s'en faire prêter un, ou à en acheter un sur une aire d'autoroute. Dans ce genre de circonstances, les meilleurs sprays sont les modèles bon marché avec une odeur très forte, limite détergent, pour éviter un mélange « moiteur/fraîcheur » assez hasardeux. Pour ma part, avant le départ pour ma deuxième tournée, dans ma trousse de toilette, j’ai juste embarqué ce fameux spray salvateur (pas de stick ! Surtout pas de stick ! Même pas un Narta à bille ou un Mennen « t’en as jamais vu un d’aussi large ». Le stick ne masque pas l’odeur, il l’emprisonne, mais la laisse tôt ou tard s’échapper). Dans le doute j’ai ajouté un rouleau de PQ et basta. J'avais envisagé une brosse à dents, mais je l'ai oubliée.
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