Gagner de l'argent en faisant du metal est presque considéré comme anormal par beaucoup de fans. Comprends-tu ce point de vue ?
Oui et non. C'est une vaste question…
D'un côté je comprends à peu près le point de vue d'un Fenriz, par exemple, qui a toujours eu pour principe de garder un boulot alimentaire à côté de la musique, de façon à ce que celle-ci reste réellement indépendante, non influencée par, justement, des besoins « alimentaires ».
Mais de l'autre, je considère que vouloir vivre de sa musique (comprendre : ne faire QUE ça) est une forme de jusqu'au boutisme, d'intégrité, de fidélité à ses principes, surtout lorsque l'on passe sa vie à cracher sur une société que l'on rejette en bloc. Parce que je vois comme un léger paradoxe dans le fait de jouer au guerrier über true evil le week-end, pour retourner à ses activités d'ouvrier-citoyen lambda socialement bien intégré le restant de la semaine.
C'est de toute façon un débat typique au milieu métal, et au côté petit-bourgeois pragmatique qu'il a définitivement adopté depuis quelques années. Et puis, la fainéantise de l'ambition, la répugnance pour la « marge » et l'absolu, c'est dans l'air du temps.

Quel type de contrat avez-vous signé avec votre label ?
Contrat de licence, qui nous laisse plus de liberté à tout point de vue. De toute façon, je crois qu'aujourd'hui dans la scène métal, le contrat d'artiste a quasiment disparu…

Avez-vous pris en charge les frais d'enregistrements en studio de votre dernier album ou cela est pris en charge par le label dans le cadre d'un contrat de production ?
Nous prenons tous les frais en charge, c'est le principe d'un contrat de licence. En revanche, le taux de royalties est plus élevé que dans le cas d'un contrat d'artiste. Et en général, le groupe a droit à une avance sur royalties de la part du label, qui permet (en théorie) d'éponger les frais.

Avez-vous pris en charge des frais de pressage ou de promotion de vos disques ?
Non.

Touchez-vous de l'argent sur la vente d'un CD ? Si oui, sais-tu quel montant vous touchez sur la vente d'un disque ?
Le taux de royalties va croissant en fonction du nombre de copies vendues. Ca tourne autour de 20% du prix distributeur, soit à peu près 1,5€ par CD. Mais évidemment, avant de toucher ces royalties, il faut rembourser l'avance octroyée par le label. Ce qui signifie en général aucune royalties, pour les groupes de notre taille.

Récupérez-vous de l'argent grâce aux droits d'auteurs ?
Oui, mais ça reste anecdotique, au vu des chiffres de vente, du nombre de passage radio, etc. Sans parler du chantage très en vogue chez pas mal de médias divers et variés : « on met un titre sur notre sampler à condition de ne pas le déclarer », etc. En ce qui me concerne, ça ne me paye même pas les clopes.

Au niveau des tournées et autres concerts que vous réalisez, comment êtes-vous rémunérés ? Faites-vous des profits ?
Niveau concerts « one shot », nous avons un tourneur qui s'occupe de passer des contrats avec les différents organisateurs locaux. Les cachets couvrent tout juste les frais de déplacement et le salaire des techniciens, le peu qu'il reste est généralement réinvesti dans la fabrication de merchandising, affiches, consommables (drogues, putes, cordes, baguettes, piles, médiators, sandwiches Daunat). Pour les tournées, c'est un autre problème.

Avez-vous déjà dû payer (ou participer au paiement) des "droits d'accès" pour participer à certaines tournées ? Avez-vous pu rentrer dans vos frais ?
C'est quelque chose qui est devenu complètement banalisé : la participation à une tournée en ouverture pour un autre groupe se monnaie à coup de « tour support ». Le truc drôle, c'est que ce sont maintenant les tourneurs qui démarchent les groupes, car bien souvent, sans plusieurs tour-supports pour la financer, une tournée n'est pas rentable et ne peut pas se monter.

D'où la profusion de tournées avec 150 premières parties dont personne n'a rien à foutre… Et la nécessité de bien étudier la rentabilité de la chose, et les retombées concrètes en termes de promo, avant d'accepter n'importe quoi, parce que certaines propositions sont justes totalement délirantes (genre 5000 euros pour 15 dates en Allemagne avec un groupe qui attirera trois crétins bourrés dans des bars de merde).

On ne l'a encore jamais fait avec CNK, mais je l'ai fait avec AN, on était à peu près rentrés dans nos frais grâce au merch, et le label avait avancé une partie de l'argent, déduit des futures royalties.

Dans le même ordre d'idées, les groupes qui vous ont accompagnés ont-ils déjà dû payer des "droits d'accès" pour tourner avec vous ?
Non, mais j'espère bien les faire cracher un jour.

On dit que le merchandising est la meilleure façon de gagner de l'argent pour des groupes. Qu'en est-il pour vous ? Quelle somme gagnez-vous sur la vente d’un t-shirt ?
C'est sans doute vrai à grande échelle. Nous nous occupons nous-mêmes de notre merch, design et fabrication, mais comme je disais précédemment, les bénéfices sont en général réinvestis dans le groupe, d'une manière ou d'une autre.

Avez-vous des autres revenus pour le groupe (sponsoring, partenariats, subventions, etc) ?
Nous avons des partenariats avec Gibson et Monster Energy. L'un nous permet d'avoir les meilleures guitares du monde à pas trop cher, l'autre fait un peu office de label de substitution : street marketing, pages de pub, merch, déco de scène, évènements, concerts, compilations, OD de vitamines B12, etc. Apparemment, tout le monde veut la mort des grands méchants connards de capitalistes des labels, ainsi soit-il.

Si on devait faire la balance sur l’argent investi dans le groupe et celui gagné par le groupe, de quel côté pencherait la balance ?
Haha, à ton avis ? Bon, heureusement qu'en contrepartie, on peut baiser plus que vous.

Ton activité au sein du groupe te permet-elle de vivre dans la musique ?
Euh, non.

Sinon quelle est ton activité en dehors de la musique qui te permet de vivre ?
Pfff, le champ de courses, et le shit.