Gagner de l'argent en faisant du metal est presque considéré comme anormal par beaucoup de fans. Comprends-tu ce point de vue ?
Peut-être que dans l'esprit des fans qui défendent cette opinion, il y a le fantasme que les artistes se détournent de la « cause » métal pour ne plus penser qu'à leur enrichissement personnel, ce qui se traduirait par une musique plus « édulcorée » à destination du grand public... Si on reste terre-à-terre, de toute façon, à l'heure actuelle, il n'est effectivement pas dans la norme de gagner de l'argent en faisant du métal. Maintenant -et là je parle à l'humble échelle de Wormfood-, sans un minimum d'argent, il ne peut pas y avoir de disques. Je ne parle pas d'en gagner pour se verser un « salaire » et mener la vie de château, je parle juste de pouvoir rentrer dans les frais engagés pour enregistrer les disques, et éventuellement financer tout ou partie de l'album suivant.
Quel type de contrat avez-vous signé avec votre label ?
Chez Code666, pour notre album « France » (2004), nous avions signé un contrat de licence, concédant au label l'exploitation de notre production. Ce contrat a été assorti d'une avance sur royalties, qui a immédiatement payé les services d'un graphiste pour la pochette et les photos de groupe (Sect Metastazis).
Avez-vous pris en charge les frais d'enregistrements en studio de votre dernier album ou cela est pris en charge par le label dans le cadre d'un contrat de production ?
Nous avons toujours pris en charge l'intégralité de nos frais de studio. L'enregistrement d'un album de Wormfood s'étalant généralement sur de longues périodes, nous bénéficions d'un tarif « adapté » auprès du Walnut Groove Studio.
Avez-vous pris en charge des frais de pressage ou de promotion de vos disques ?
Pour nos premières auto-productions, oui, de la duplication industrielle pour l'album « Éponyme » en 2003, puis un pressage avec « Jeux d'Enfants ». Cela n'a plus été le cas à partir de « France », car Code666 a financé le pressage et les frais de promotion (envoi des CD promotionnels aux différents médias, etc.). Nous allons développer une approche radicalement différente avec le nouvel album.
Touchez-vous de l'argent sur la vente d'un CD ? Si oui, sais-tu quel montant vous touchez sur la vente d'un disque ?
Dans le cadre du contrat de « France », nous touchons autour de 15% de 5,50 euros, sur les ventes physiques. Et une somme plus modeste sur les ventes au format numérique, type Itunes. Mais comme je l'ai dit précédemment, nous avons déjà eu une avance sur royalties à la signature du contrat.
Récupérez-vous de l'argent grâce aux droits d'auteurs ?
Zéro droits d'auteur. De nombreux labels indépendants exigent que les groupes ne soient pas enregistrés auprès d'organismes de droits d'auteur, afin de ne pas avoir à payer les droits de reproduction mécanique (SDRM) au moment du pressage. Jusqu'ici nous avons donc été « contraints » à ne pas être sociétaires de la SACEM pour pouvoir figurer sur un label.
Au niveau des tournées et autres concerts que vous réalisez, comment êtes-vous rémunérés ? Faites-vous des profits ?
Ça dépend vraiment des conditions, parfois c'est au nombre d'entrées, ou alors un cachet négocié avec l'organisation. A défaut d'engranger des profits, nous essayons de ne jamais jouer à perte (car il faut bien défrayer le transport, la nourriture, etc.). Mais il est quand même arrivé qu'on soit obligés de payer les pots cassés, notamment après une excursion en Hollande... Clairement, je regrette que les groupes soient condamnés à jouer « au noir », ce qui prive de tout espoir d'obtenir le statut d'intermittent du spectacle, et pose des problèmes en termes de responsabilité civile si un accident survenait pendant un concert. Du reste, je ne jette pas la pierre aux associations, qui font le maximum avec un minimum de moyens et beaucoup de passion, c'est un simple constat. Au fond, le métal a toujours eu mauvaise presse en France, ce qui ne facilite pas sa professionnalisation...
Avez-vous déjà dû payer (ou participer au paiement) des "droits d'accès" pour participer à certaines tournées ? Avez-vous pu rentrer dans vos frais ?
On sait bien qu'il est courant de payer un droit d'accès pour jouer en première partie de tel ou tel grand groupe. Nous sommes d'une envergure trop modeste pour en avoir eu l'occasion.
Dans le même ordre d'idées, les groupes qui vous ont accompagnés ont-ils déjà dû payer des "droits d'accès" pour tourner avec vous ?
Certainement pas! On essaie de s'associer à des groupes avec lesquels on a une affinité musicale ou humaine... Mais d'un autre point de vue -celui du promoteur- et à une toute autre échelle, je comprends bien que tout cela coûte excessivement cher en logistique, en location de salles, etc. J'imagine donc que ce droit d'entrée couvre plutôt des frais d'infrastructure, et ne va pas directement dans la poche du groupe en tête d'affiche... Je l'espère, en tout cas!
On dit que le merchandising est la meilleure façon de gagner de l'argent pour des groupes. Qu'en est-il pour vous ? Quelle somme gagnez-vous sur la vente d’un t-shirt ?
Effectivement, c'est ce qui semble engranger le plus de bénéfices, car le groupe le gère souvent sans intermédiaire. Moi-même, j'ai tendance à acheter plutôt du merchandising qu'un CD à l'issue d'un concert... Un t-shirt est plus ou moins revendu le double de son prix de fabrication.
Avez-vous des autres revenus pour le groupe (sponsoring, partenariats, subventions etc) ?
Aucun actuellement, mais il existe des subventions et des financements pour les artistes en France. J'ai l'impression que le montage de dossiers ne fait pas vraiment partie de la culture métal, ces informations sont peu relayées, les procédures longues, difficiles à mener. J'ai parfois l'impression que les autres « musiques amplifiées » tirent mieux partie de ces dispositifs.
Si on devait faire la balance sur l’argent investi dans le groupe et celui gagné par le groupe, de quel côté pencherait la balance ?
La balance penche très lourdement vers l'argent investi.
Ton activité au sein du groupe te permet-elle de vivre dans la musique ?
À ce jour, Wormfood reste un « loisir » professionnel, et ne m'a jamais rapporté le moindre centime. La majeure partie des musiciens que je fréquente ne vivent d'ailleurs pas de leurs groupes, mais d'une activité parallèle dans l'enseignement de la pratique instrumentale, la presse spécialisée, l'édition ou la production musicale. Ce n'est pas mon cas, je ne suis pas musicien de formation.
Si non quel est ton activité en dehors de la musique qui te permet de vivre ?
Mon activité actuelle demeure dans les domaines audiovisuels et culturels. J'ai aussi enseigné pendant un temps la littérature et travaillé dans le secteur éditorial.