Axel - M€TA£ : AXEL DE CARNIVAL IN COAL par VSGREG - 2832 lectures



Gagner de l'argent en faisant du metal est presque considéré comme anormal par beaucoup de fans. Comprends-tu ce point de vue ?
Je comprends qu'on puisse être un peu naïf, comme je l'étais à 17 ans en achetant ma première guitare et croyant que six mois plus tard ma musique intéresserait tout le monde !
Si j'en crois l'avis des fans, nous vivons dans un monde merveilleux où tout ce que nous consommons pousse sur des arbres, à la libre disposition de chacun (c'est devenu vrai pour la musique, cela dit). Les instruments de musique sont gratuits, le matériel d'enregistrement et de diffusion aussi, et par chance, les musiciens n'ont pas besoin de manger, ni de boire, ni de se loger. C'est génial ! Je veux vivre dans cet endroit !

Plus sérieusement, il faut bien admettre qu'être musicien – ou plus largement artiste - en France n'a jamais été considéré comme un métier, toutes générations confondues.
Allez aux USA, en Angleterre, en Allemagne, et dans bien d'autres pays, vous constaterez que les musiciens ont un véritable statut professionnel, c'est un métier comme un autre. Et philosophiquement je ne vois pas ce qui s'y oppose, la création artistique étant le fruit d'une réflexion, d'une expérience et d'une habileté à transmettre quelque chose.

Pour finir, je tiens à te prévenir, ami lecteur, car les sommes d'argent que je vais évoquer plus loin sont proprement indécentes. Par pudeur j'ai évité les centimes, toutes les sommes sont arrondies à l'euro supérieur.


Quel type de contrat avez-vous signé avec votre label ?
Dans le cadre de CinC, il s'agissait toujours de contrats de licence. Nous avons signé notre premier contrat en 1997 ou 1998 sur le défunt label War on Majors, ça a marqué le début de notre aventure dans le circuit « officiel ». Les petits labels ayant une vie fragile, nous avons ensuite signé le même type de contrat avec Kodiak records, puis le bien connu Earache avant de sortir une réédition de "Vivalavida" chez Equilibre Music.
Dans le cadre de C-Rom, il s'agit d'une licence un peu différente chez Manitou/Pervade, car le groupe prend en charge lui-même le pressage et une bonne partie de la promo.


Avez-vous pris en charge les frais d'enregistrements en studio de votre dernier album ou cela est pris en charge par le label dans le cadre d'un contrat de production ?
Pour CinC nous avons toujours pris en charge les enregistrements, puisqu'il s'agissait de licences. Comme on faisait ça nous-mêmes avec le matériel que j'achetais pour monter mon studio, ça ne posait pas de problème, juste du temps à investir. Bien sûr chacun de nous avait un boulot à plein temps, donc il fallait jongler avec ça, mais c'est le cas d'à peu près tous les groupes en France.

Avec le temps cependant, nous avons eu droit à quelques avances sur recettes, la plus importante venant de chez Earache avec l'équivalent de 4000 euros si je me souviens bien, à se partager bien sûr, et versés en deux fois je crois. Cela nous permettait notamment de bloquer le studio afin de travailler d'arrache-pied sur l'album et de le terminer dans les temps.

Chez C-Rom c'est à peu près la même chose, le groupe prend en charge l'enregistrement et le mixage, mais point d'avance pour nous. C'est vraiment pour l'amour de l'art.


Avez-vous pris en charge des frais de pressage ou de promotion de vos disques ?
Jamais pour CinC. Les labels s'occupaient du mastering, du pressage, de la distro et de la promo, ainsi que de l'édition, quand ce n'étaient pas des sociétés affiliées qui s'en occupaient. Je crois me souvenir que le label payait aussi les illustrateurs pour la conception de l'artwork, mais je n'ai plus tous les détails à ce niveau.

Chez C-Rom, autres temps, autres moeurs. Nous faisons tout nous-mêmes, car les labels ne s'impliquent plus de la même façon qu'il y a dix ans.


Touchez-vous de l'argent sur la vente d'un CD ? Si oui, sais-tu quel montant vous touchez sur la vente d'un disque ?
Dans CinC, comme nous avions des avances sur recettes, nous ne touchions plus rien tant que l'avance n'était pas remboursée, ce qui pouvait mettre quelques années. Après il y avait les stocks de CD que nous achetions au label à prix coûtant, pour les revendre en concert avec la marge que nous désirions. Je précise que Carnival a mis des années avant de faire des concerts, la promo se faisait donc uniquement par les revues, les CD samplers, et le bouche-à-oreilles.


Récupérez-vous de l'argent grâce aux droits d'auteurs ?
Il y a différents niveaux de perception de ces droits; il y a d'abord les droits de reproduction mécaniques, que la SACEM vous reverse quand il y a un pressage, à condition que le label ait fait une déclaration SDRM. En gros c'est de l'argent que le label vous donne, et la SACEM prend un pourcentage au passage. Ca se raréfie, les petits labels préférant par économie signer des groupes hors SACEM. On ne touche ça qu'une fois par pressage, donc même si la somme peut être sympa (dans les 500 euros chacun pour le premier CinC je crois) ça reste rare.

Après il y a les droits SACEM sur l'exploitation des disques, selon les déclarations qui ont été faites (souvent difficiles à contrôler, mais c'est le rôle de l'éditeur). Les meilleures années on a dû recevoir 90 euros chacun par trimestre. Comme dirait Arno, « Celui qui fume, ça lui paye son tabac » !

D'ailleurs j'ai une anecdote amusante: en parcourant un relevé SACEM que je venais de recevoir, j'ai un jour constaté que des droits provenaient en petit nombre de Russie !
Un pressage absolument pas officiel, contenant quelques morceaux de "Fear not CinC" (album de 2001) et quelques autres de "Vivalavida" (notre premier, 98) circulait donc là-bas, sous je ne sais quel label ! Je me demande à quoi il ressemble ! Cet objet légendaire nous a permis de gagner la coquette somme de 20 ou 30 euros chacun, ce qui m'a permis d'acheter du café de premier choix pour le studio, des médiators et des cordes neuves ! Ca ne rigole pas.

Je ne parlerai pas des droits de passage radio et autres supports car comme je l'ai précisé plus haut, je n'aborde pas les recettes en centimes.


Au niveau des tournées et autres concerts que vous réalisez, comment êtes-vous rémunérés ? Faites-vous des profits ?
A l'époque de Carnival, nous négociions en moyenne 800 euros de cachet. Nous partions en général à 7 ou 8 personnes (6 musiciens, un sondier, quelqu'un pour tenir le merchandising). Il fallait donc payer le véhicule de location, essence+péage, la bouffe, le cachet de l'ingé-son autant que possible, et parfois l'hôtel – mais nous avons eu aussi le gîte chez l'habitant. Bref quasiment tout le cachet y passait, on avait une petite avance pour les imprévus. Et on faisait une à deux dates par mois, donc c'était assez peu pour pouvoir en tirer un bénéfice. On s'en sortait tout juste, et on faisait le maximum pour éviter de payer de notre poche en cas d'imprévu.


Avez-vous déjà dû payer (ou participer au paiement) des "droits d'accès" pour participer à certaines tournées ? Avez-vous pu rentrer dans vos frais ?
Jamais de la vie. Et franchement, selon moi tout groupe qui mise là-dessus ferait mieux de donner cet argent à la recherche, ou l'humanitaire. Qui paierait pour travailler ? La logique est la même selon moi. Si vous croyez en vous, et si votre musique est de qualité, alors ce n'est pas à vous de payer pour forcer un maximum de gens à vous écouter !


Dans le même ordre d'idées, les groupes qui vous ont accompagnés ont-ils déjà dû payer des "droit d'accès" pour tourner avec vous ?
Du tout, nous n'aurions jamais accepté de fonctionner comme ça. La carrière de CinC sur scène s'est résumée à beaucoup de festivals, donc en général nous partagions l'affiche avec un bon nombre de groupes, et nous étions rarement en tête d'affiche.


On dit que le merchandising est la meilleure façon de gagner de l'argent pour des groupes. Qu'en est-il pour vous ? Quelle somme gagnez-vous sur la vente d’un t-shirt ?
Il faut que ce soit bien géré pour que la mise de départ de fabrication du merchandising soit récupérée... après en principe ce doit être un roulement continu... un groupe peut s'en sortir correctement s'il fait beaucoup de dates et qu'il gère son stock avec sérieux. Après je n'ai plus souvenir des chiffres pour Carnival. Vers la fin on faisait d'assez grandes quantités, afin d'avoir des tarifs plus bas à l'achat, et on devait les revendre 15 euros le t-shirt double face, 20 euros le manches longues et 30 le sweet capuche. La meilleure marge devait être celle du t-shirt, on devait les toucher à 5 euros et quelques. Mais comme on faisait peu de dates, on ne pouvait pas en vendre énormément. En principe l'argent généré par les ventes de merchandising ne devait servir qu'à fabriquer de nouveaux articles.


Avez-vous des autres revenus pour le groupe (sponsoring, partenariats, subventions etc) ?
Pas chez Carnival, je pense que si nous avions continué, nous aurions pu prétendre à du sponsoring car notre notoriété sur scène était grandissante. Il y a eu aussi des essais pour placer des morceaux sur des courts-métrages et des présentations de jeux vidéo au début de la chaîne Game-One, mais encore une fois les droits ont été très symboliques !


Si on devait faire la balance sur l’argent investi dans le groupe et celui gagné par le groupe, de quel côté pencherait la balance ?
Je n'ai jamais fait de calcul en ce sens, mais il me semble que nous avons joué les équilibristes. Si on n'a pas perdu d'argent, on n'a pas non plus gagné de quoi en vivre, juste des petits extras de quelques centaines d'euros par-ci par-là.
De toute façon Carnival n'était pas un projet à vocation commerciale, nous avons toujours été très surpris de l'accueil que nous avons reçu et c'est la plus grande récompense à nos yeux.

L'essentiel est que nous n'avons jamais galéré pour faire vivre le groupe puisque au début de ce projet nous avions déjà une longue expérience de l'autogestion et du DIY.

Le luxe pour nous, c'était d'avoir un label qui s'occupait de nous sur les aspects qui nous échappaient, tels que la promo et la distribution. Chez C-Rom, je pense qu'on investit plus d'argent qu'on en gagne, car le groupe se déplace parfois à ses propres frais, joue sur des dates non payées (il faut parfois se bagarrer pour avoir ne serait-ce qu'une boisson gratuite !). Malheureusement trop de groupes acceptent cet état de fait, sous le prétexte que « sinon, on ne joue jamais ».
Certains organisateurs et propriétaires de salles en profitent donc largement et ça n'émeut pas grand monde.


Ton activité au sein du groupe te permet-elle de vivre dans la musique ? Si non quelle est ton activité en dehors de la musique qui te permet de vivre ?
Je n'ai jamais vécu directement de mes créations musicales ni de mes groupes. En
revanche j'ai la chance de vivre de la musique par mon activité d'ingénieur du son au Walnut Groove Studio. Je travaille exclusivement en studio, je produis toutes sortes de projets et je trouve autant de plaisir à passer du temps sur les créations des autres que sur les miennes. Je m'y retrouve donc complètement, et même si je gagne ma vie relativement modestement, j'ai la satisfaction de faire quelque chose qui me passionne, ce qui représente une forme de luxe à l'heure actuelle !


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