HIKIKO - BAD TRIPES par PAMALACH 77 - 3248 lectures
BAD TRIPES n'est pas le genre de groupe à laisser indifférent. Le groupe n'a pas peur de se jeter dans la fosse aux lions...et tant pis si ça saigne gras.Rencontre avec Hikiko chanteuse du groupe Phocéen qui nous livre ici quelques clé pour mieux comprendre l'univers des BAD TRIPES.


Avant tout salut Hikiko. Tu es la chanteuse, parolière et fondatrice des Bad Tripes. Peux-tu nous parler de la genèse du groupe ?
Salutations. BAD TRIPES est un projet de longue date mis en place par Taenia (bassiste) et moi. Nous voulions, au sortir du lycée, fonder un groupe différent que ce que faisaient nos petits camarades métalleux de cette époque : tous faisaient du NYHxC, du néo-métal ou du heavy à l'ancienne. Nos goûts et influences allaient plutôt vers le métal indus à la NINE INCH NAILS ou les groupes de rock gothique. Notre référence était Les TÉTINES NOIRES (devenu par la suite LT-No), un groupe de goth rock alternatif complètement barré, avec un univers à la fois très glauque et poétique.
On voulait donc faire quelque chose d'un peu original, pas forcément « à la mode », avec des vrais textes qui ne seraient pas juste un prétexte pour justifier la présence du chanteur. On s'est donc mises à composer et écrire des textes dans notre coin, en essayant de recruter des musiciens. C'était hardcore : ils finissaient tôt ou tard par partir soit pour reprendre des études, soit parce qu'ils nous trouvaient trop à l'ouest. Puis en 2006, nous avons rencontré Seth (guitariste lead), qui avait déjà une bonne expérience des groupes et de la scène : notre trip l'a intrigué et il est venu nous filer un coup de main provisoire à la guitare pour un morceau qu'on préparait pour une compil' underground. Au final, il est resté avec nous, nous avons mêlé nos délires à son professionnalisme, d'autres zikos nous ont rejoints petit à petit et nous avons pu enregistrer notre premier album durant l'été 2008.


Votre musique est un vaste mélange d'influences diverses plongées dans un magma de métal groovy. Vous dites aimer le metal, l'indus, l'electro, le jazz et le gothique. Comment arrivez-vous à gérer toute cette myriade d'influences ?
Tout naturellement, car nous avons des goûts musicaux très différents au sein du groupe. Le métal est notre base et notre passion commune autour desquelles nous dérivons et expérimentons. On ne cherche pas à entrer dans un style musical précis : on veut simplement créer une musique et des atmosphères qui nous plaisent, nous amusent et nous stimulent. De même, nous ne cherchons pas non plus à nous marginaliser en recherchant à tout prix la différence. Nous voulons seulement nous faire plaisir sans contrainte autre que celle de rendre notre musique cohérente.


Votre image et vos performances scéniques sont à l'image de votre nom : sanglant. Pourquoi ce "trip" morbide qui flirte par moments avec le grand guignol (ce n'est pas péjoratif) ?
Je ne le prends pas de manière péjorative, ta remarque me fait même bien plaisir ! Notre univers est assurément grand-guignolesque ; le métal est une musique qui se prête bien à l'excentricité, autant donc en jouer à fond non ? Nous voulions créer toute une atmosphère autour des chansons, ç'aurait été un peu dommage avec des thèmes aussi sordides de ne pas en rajouter encore. Le visuel, influencé par les films gore dont nous nous nourrissons abondamment, n'est pas là pour éclipser la musique et les textes mais au contraire pour les renforcer. Mais ce trip morbide comme tu dis est surtout une bonne part de déconne : nous travaillons sérieusement mais nous ne nous prenons pas au sérieux. Moi-même je ne peux pas être sérieuse à 100% en écrivant des horreurs aussi outrancières. Parler de sujets graves ou salaces en cabotinant couvert de faux sang est un bon moyen de prendre de la distance.


Les paroles des chansons sont toutes en français et par moments, elles sont très violentes voire assez dérangeantes. Est-ce que tu cherches à évacuer des frustrations de ta vie personnelle ou bien est-ce que tu puises ton inspiration dans les faits
divers morbides ?
Un peu des deux. Comme je suppose tout auteur de chansons, je suis affreusement égocentrique : ma vie est ma principale source d'inspiration. L'écriture est un moyen de laisser éclater mes sentiments les plus négatifs, d'exprimer l'indicible : fantasmes, craintes, dégoût ou coups de gueule face à une situation devant laquelle je me sens impuissante. Faire des chansons permet de transcender un mal pour en faire une force, ou de prendre une certaine distance via l'humour noir et l'ironie. Après, je ne veux pas non plus trop me livrer dans mes chansons. Je n'écris pas un journal intime, et si je commence à trop m'étendre sur ma vie, j'aurais trop peur d'être pathétique, voire émo (rires). Comme je te disais dans la question précédente, je veille à quand même garder un peu d'humour, avec le sujet, et donc de distance. C'est là que le côté « fait divers » intervient : je replace le sujet « intime » dans un contexte plus universel et le rattache à un phénomène plus général (le comportement moutonnier et la mode dans « Punk uniform », la dépendance à internet dans « Hikikomori », etc.), pour le traiter dans un angle plus social, et donc plus critique.


Je ne le dirai jamais assez, on manque de filles dans le metal. Comment vois-tu la place des filles dans cette musique et quelles sont les artistes féminines qui t'inspirent à ce niveau-là ?
Il y a beaucoup d'artistes féminines que j'apprécie mais elles sont plutôt dans le punk, l'alternatif ou l'électro : X RAY SPEX, LE TIGRE, NINA HAGEN, SIOUXSIE, LYDIA LUNCH, 10 PETITS INDIENS, CATHERINE RINGER... J'admire leur force de caractère, leur liberté, le je-m'en-foutisme face à la séduction et la bienséance, et pour certaines leur autodérision face à la féminité et ses codes.
En ce qui concerne la place des nanas dans le métal, je t'avoue que je fréquente pas suffisamment le milieu pour savoir précisément ce qui se fait, autiste que je suis ! Mais effectivement, on manque d'évidence de musiciennes. Il y a beaucoup de nanas qui évoluent dans ce milieu, le soutiennent et en font la promotion, mais ça passe surtout par le mannequinat genre SUICIDEGIRLS, et je suis pas convaincue par la portée artistique/créative du truc... Ou alors cela passe par le chant lyrique à la NIGHTWISH, mais le côté « chanteuse princesse » c'est pas ma tasse de thé. C'est un peu trop girly pour moi, au risque de ne pas être très solidaire du coup en disant ça (rires)... Certes, de plus en plus participent activement à cette musique et se bougent le cul non pas pour le trémousser dans des clips mais pour fonder ou entrer dans un groupe, organiser des concerts, fonder leur asso, mais celles qui franchissent le pas sont encore minoritaires. Pas de très grand changement pour le moment, mais ça vient petit à petit.


Je retrouve dans votre musique beaucoup de vibes qui semblent venir du punk et du rock alternatif. Dans la mesure où beaucoup de groupes français de cette mouvance avaient un côté parfois très "théâtral" dans leur mise en scène, sentez-vous une forme de
filiation entre eux et vous ?
En quelque sorte oui. Comme je l'évoquais au début de l'interview, ma principale inspiration vient des TÉTINES NOIRES, qui viennent de la Boucherie Production (le label des Garçons Bouchers, Pigalle et tout un tas de groupes alternatifs français, souvent typés un peu musette ou décalé).

Ils avaient un pied de micro humain sur scène, un mec entièrement à poil avec un masque SM, le micro attaché autour de sa tête (rires), et une manière très vivante d'interpréter les morceaux. Tout ça instaurait une ambiance à la fois drôle et malsaine. Les spectacles de GOGOL PREMIER aussi étaient pas mal barrés dans leur genre, avec leur bourreau cagoulé et leur trip de faux catho mégalo, ou même BANANE METALIK et les WASHINGTON DEAD CATS pour leur délires zombiesques (de manière plus générale, tous les groupes de psychobilly ont des visuels déjantés).

J'adore cette énergie marrante et cette capacité à faire entrer les gens dans leur monde, à les captiver et les amuser – voire les émouvoir - en leur proposant davantage qu'un simple récital des morceaux d'album. Le fait d'avoir côtoyé le milieu du théâtre trash et de la performance m'a aussi pas mal inspirée pour le jeu de scène über expressif.


Depuis plusieurs années maintenant, on constate que beaucoup de filles expriment leur arts d'une façon de plus en plus violente. On le voit dans la littérature, la musique et dans le cinéma. A quoi attribues-tu cette tendance et comment l'analyses-tu ?
Après des siècles de passivité coercitive et d'infantilisation, rien d'étonnant à ce que ça gueule dès que nous autres bonnes femmes on peut enfin l'ouvrir haha !
Les artistes les plus déjantés et outranciers ont souvent été des gens brimés par le passé, qui une fois libérés de leur carcan oppressant (famille, pression sociale) ont laissé exploser leur rage et leur rancœur. Dans le cas des femmes artistes, même celles qui n'ont pas connu personnellement de brimades doivent, de manière quasi inévitable, faire face à des préjugés si elles s'expriment de manière un peu crue ou si elles vont dans un terrain de jeu « réservés » aux hommes. Une peintre lyonnaise l'a très bien résumé : un mec qui fait de l'art trash c'est un poète écorché, une femme qui fait ça c'est une hystérique. IGGY POP qui se met à poil sur scène c'est classe et rock'n'roll, si je fais de même on peut me soupçonner de vouloir éclipser la musique ou de cacher le fait que je chante comme une gamelle (rires) !
Les préjugés ont la vie dure... Il y a effectivement de plus en plus de nanas artistiquement violentes, et une globale acceptation de cette « nouveauté », mais il demeure encore pas mal d'attitudes candides face à cela (et n'émanant pas forcément que des hommes). Ça peut aller de la condescendance amusée, un brin paternaliste, comme face à une petite fille qui cherchait juste à singer bêtement les mecs, ou à l'inverse à l'enthousiasme caricatural, pseudo-féministe conduisant à encenser n'importe quelle initiative féminine vaguement provoc'. Il fait juger l'œuvre en tant que telle, pas en fonction des chromosomes.


Outre le groupe et la musique , tu as diverses activités annexes. Peux-tu nous en parler un peu ?
Oui. A la base je faisais du dessin et de la peinture en autodidacte, juste pour passer le temps, et je me suis retrouvée à faire quelques gribouillages pour des fanzines keupons marseillais, des musiciens underground et illustrer des nouvelles et des poèmes. En 2008 j'ai participé à quelques performances, notamment une en Autriche (au Donaufestival) avec Jean-Louis Costes – avec qui j'ai régulièrement collaboré pour des visuels et des articles. J'écris régulièrement depuis 2007 et viens de participer à un livre sur l'art et l'anarchie. Depuis notre tournée avec SIX FEET UNDER en mai dernier je me consacre essentiellement à la musique et à l'écriture de chansons. C'est à ce jour l'activité qui m'apporte la plus grande fierté et satisfaction.


Ta façon de chanter est assez singulière. Tu sembles crier sans retenue et sans te soucier de te faire mal. Es-tu autodidacte dans le chant et quel est ton approche de la discipline ?
Autodidacte : si j'avais pris des cours de chant, je me la pèterais beaucoup plus en voix claire je pense (rires) ! Ça a été laborieux avant de trouver le ton juste, et j'ai encore moults progrès à faire... A défaut d'être chanteuse à jolie voix – ce qui de toute façon n'aurait pas trop collé avec mes goûts -, j'ai voulu tirer partie de mon côté bourrin et bourru et le faire passer en musique. Comme j'écoutais pas mal de punk et de chansons à textes, je voulais mélanger la force de la voix rocailleuse et la limpidité du phrasé ; je déclame plus mes textes que je ne les chante au final. Je voulais qu'ils soient les plus compréhensibles possibles, en leur donnant tout de même une intensité et une couleur rock, pas juste faire un bête spoken-word qui n'aurait de toute façon pas collé avec la zik. Au final, c'est devenu ma particularité, et je développe ma propre technique pour gueuler sans zigouiller mes petites cordes vocales. Je veille à ne pas me faire mal, sans ça je n'aurais pas pu tenir sur la tournée avec Six Feet Under.


Est-ce que le cinéma ou le théâtre sont des sources d'inspiration pour toi ?
Je ne connais du théâtre que la performance trash, qui m'a clairement aiguillée pour le jeu de scène, la manière très outrancière d'interpréter les chansons et le fait de pas avoir peur d'en faire des caisses (sourire). Le cinéma et la littérature m'influencent tout autant que la musique. Mes textes sont assez narratifs : je raconte souvent des choses intimes sous forme de fait divers, en me les représentant de manière cinématographique ou romanesque. D'ailleurs, une fois le thème trouvé, j'en chie souvent pour trouver le début et le dénouement de mes petits films fictifs pour qu'ils soient cohérents ! Côté films à la base j'étais très influencée par des trucs comme « BERNIE » ou « C'EST ARRIVE PRES DE CHEZ VOUS» pour le mélange de débilité fendarde et de noirceur. Là mes réalisateurs « muses » sont plutôt JOËL SERIA (surtout le somptueux « Mais ne nous délivrez pas du mal ») pour ses dialogues crus, culs et poétiques, le cinéma asiatique qui a des thèmes souvent assez barrés, et toujours l'inénarrable JESUS FRANCO et ses chattes velues par milliers (rires) ! Côté bouquins c'est assez éclectique : j'essaie de puiser aussi bien dans la violence et l'outrance d'un COSTES ou BUKOWSKI que la grâce de NABOKOV et de ses nymphettes. Je dose entre le dégueulasse et la féérie quoi.


Si tu avais un budget conséquent comment verrais-tu "The" big show de Bad Tripes ?
Une salle d'opération, du beau matos médical, des effets spéciaux bien gluants, un show théâtral avec pourquoi pas des interventions ponctuelles d'acteurs/performeurs pour illustrer les chansons façon Grand Guignol Gore... « AN INCREDIBLE TORTURE SHOW » digne d'un film Trauma ! (sourire)


Quels sont les projets de Bad tripes ?
En priorité : faire des concerts partout en France et ailleurs (bien que vu le concept, il faille d'abord privilégier les pays francophones). Lyon, Toulouse, Bordeaux, Paris, Lille, Bruxelles, nous vous désirons ardemment, sachez-le. Enregistrer un second album – déjà bien en route, la moitié étant déjà composée/écrite – au printemps 2011. Conquérir le monde, de Berlin à Tokyo en passant par Dunkerque.


Pensez-vous que l'époque est propice à des groupes comme le vôtre ou comme "les Bananes Metalik" par exemple ?
On dirait bien. Il y a toujours eu un public pour les groupes à tendance gore, mais il est vrai que ces temps-ci les gens ont l'air de tripper de plus en plus sur ce qui gicle et qui tache. La prolifération des films d'horreur ces dernières années y est sans doute pour beaucoup. Le sang doit être dans l'air du temps.


Le mot de la fin est pour toi
Merci à toi et VS Webzine pour ces fort pertinentes questions, merci aux lecteurs s'ils ont réussi à tenir jusque-là, et merci aux gens qui nous soutiennent avec l'ardeur d'une armée de pompom-girls peu farouches. Piss and love.


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