- MAR DE GRISES par #GUILLAUME# - 1871 lectures
Le dernier album de MAR DE GRISES semble être passé relativement inaperçu dans les colonnes de VS. C'est d'autant plus dommage que "Streams Inwards" est de ces disques qui ne cessent de se bonifier à chaque écoute. En guise de piqûre de rappel, voilà une interview réalisée par mail avec Rodrigo Galvez (bass), Rodrigo Morris (guitar) et Alejandro Arce (drums). South American doom rules!


"Streams Inwards" vient de sortir en France il y a quelques jours à peine. Êtes-vous nerveux en pensant aux critiques?
RG : Salut Guillaume! (NdG : En français dans le texte) Eh bien, je peux te confirmer que nous sommes très excités par cette sortie. Je pense que nerveux n'est pas exactement le terme adéquat. Je dirais plutôt anxieux, curieux et d'une certaine façon excité ha ha! Tu sais, pour nous chaque album est un nouveau défi. Nous ne répétons pas de formule pour nos compositions. Chaque album possède beaucoup d'éléments différents ; je veux dire, des changements dans la manière de composer au niveau des harmonies, des structures, des arrangements musicaux, des rythmes, beaucoup d'expérimentations. De cette façon, chaque album, chaque chanson exprime et représente, à travers un voyage sonore, différentes émotions, sentiments, pensées... des moments différents de notre vie. Donc nous ne pouvons pas utiliser de formule préfabriquée pour nos chansons et nos CD. Ça ne voudrait rien dire pour nous... parce qu'en tant qu'être humains nos émotions évoluent. Bien sûr ce n'est pas un groupe totalement nouveau à chaque album, il y a notre son, cette touche, ce flux, et les éléments principaux du groupe qui sont présents. Peut-être parce qu'il y a toujours les mêmes types dans le groupe ha ha!
Ressentir ce type de curiosité et d'anxiété est un phénomène normal pour nous. Nous savons qu'en général, les gens aiment bien écouter le même bon vieux son. C'est plus courant que l'expérimentation ou la recherche de nouvelles choses. C'est normal dans la musique, dans l'alimentation, dans la vie. On ne peut pas être sûrs de la réponse des médias et des fans parce que nous savons que chaque album de MAR DE GRISES essaye de proposer quelque chose de nouveau, un nouveau voyage sonore. Alors, ce serait malsain de se mettre la pression à cause des critiques des médias ou des retours des fans.
Avec MdG nous essayons avant tout de faire une musique qui ait une signification émotionnelle pour nous ; travailler pour faire quelque chose d'intéressant est un complément. Si les médias et les gens apprécient et connectent leurs émotions grâce à notre musique : Super! C'est 667% mieux! C'est vraiment important mais ce n'est pas notre motivation principale pour faire de la musique.


Comment considérez-vous la scène européenne depuis l'Amérique du Sud? Quelle est la différence principale – culturellement parlant – avec la vôtre?
RG : Hmm... Il y a plusieurs différences, mais ces caractéristiques culturelles dépendent de différents facteurs à mon avis. Comme les problèmes économiques. Le pouvoir d'achat des gens est plus bas en comparaison de l'Europe, alors une des différences principales concerne les ventes. Ce n'est pas seulement la vente des CD mais tout ce qui concerne la scène. Les magazines, les médias, le merch, les CD, les concerts... acheter des albums en guise de soutien, contribuer à la scène, acquérir du matériel musical, de l'équipement sont les aspects les plus difficiles pour les gens ici en général. Tout est moindre, avec moins de ressources. Seuls quelques groupes sortent des albums et les concerts ne sont pas gros. Penser à de gros festivals ou à de la promo pour les groupes relève de l'utopie ici. C'est difficile de trouver des albums avec une bonne production, des salles de concert avec un bon équipement... Mais de l'autre côté cela implique que tout est fait avec beaucoup de passion, cela implique de gros efforts pour les groupes et de leur part, pour les metalheads et pour quiconque relié à la scène metal. Quelque part, cela explique pourquoi les metalheads sont fous aux concerts! Quand un groupe étranger vient ici c'est un gros événement, socialement parlant, pour les scènes locales.
Pour nous, la scène européenne ressemble à un endroit de rêve où tout est possible, les bons groupes, les tournées, les gros festivals, etc. Parfois cela nous semble un endroit trèèès lointain, un endroit impossible à atteindre pour les groupes et les fans, alors il est courant de trouver des Sud-Américains avec une vision très idéalisée de l'Europe et de la scène Metal. Bien sûr, il y a plus d'opportunités et tout est plus développé, mais pour les groupes – comme pour toute entreprise personnelle – les bonnes idées, les efforts, la passion sont les clés d'une expérience réussie. Enfin... ce n'est que mon point de vue personnel, celui d'un musicien et d'un fan qui vit des deux côtés.


Le titre « Streams Inwards » fait référence à des territoires intérieurs, alors que l'album (paroles et artwork, etc.) manipule des ambiances et des thèmes cosmiques. Êtes-vous à l'aise avec les grands contrastes?
AA : C'est une point de vue intéressant. Dit comme ça, il y a effectivement une opposition. D'une certaine façon, le contraste est ce qui maintient l'équilibre. L'imperfection laisse la place au mouvement, à la vibration, ou en d'autres mots la création, la vie. Le contraste est une manière de donner un coup de boost à ce mouvement, en considérant la dualité comme une des lignes de force derrière l'existence. Alors oui, je pense que le contraste est un élément que nous avons souvent tendance à traiter, mais je dirais plus à un niveau inconscient. En fait, c'est maintenant, avec ta question, que je réalise que c'est effectivement un élément fréquent dans notre musique ha ha! Nous avons tendance à éviter de penser au moment où nous faisons de la musique, remettant cela à plus tard.
A côté de ça, les territoires intérieurs que tu mentionnes peuvent faire partie d'un même aspect. De la façon dont je le vois, ces courants intérieurs représentent l'émotion. Ils sont censés représenter l'idée que les émotions coulent à l'intérieur et à l'extérieur de chaque être humain, comme une connexion et un langage commun à tout le reste. De l'autre côté, la chaleur, l'éther, les particules, les forces sont constamment guidées par les manifestations de conscience de l'Univers. Tout mouvement est création de l'Univers. La vie humaine est un autre courant, guidé par l'émotion. Le flux humain découle de l'émotion – façon de parler – parce que c'est ce qui détermine le comportement humain, le mouvement humain dans cette perspective. Donc pour revenir à ta question, ces courants se référent à ces processus, mais revêtus de métaphores cosmiques, pour les raisons que je t'expliquais. En conséquence, l'utilisation de ce type de thèmes relève d'un autre niveau d'alignement, le niveau humain et émotionnel. Je crois que les émotions sont la manifestation la plus réelle du soi en tant que partie d'un tout ; un tout qui est aussi vivant que nous, c'est la planète, l'Univers.


Entre « Draining the Waterheart » et « Streams Inwards » le lien commun me semble être le flux, liquide, universel, ou quoi que ce soit d'autre. Ça a du sens pour vous?
AA : Oui en effet. "Streams Inwards" se réfère aux mêmes choses que "Draining the waterheart" mais dans une acception plus large. Nous utilisons l'eau comme une métaphore des émotions en raison de leurs similarités sous une certaine perspective. L'eau bouge sans fin dans des directions infinies, comme les émotions donnant naissance au comportement humain. Métaphoriquement parlant, le siège des émotions est traditionnellement désigné par le cœur. Alors « vider les eaux du cœur » ce serait laisser les émotions couler hors du cœur dans une tentative de communication, de compréhension de l'émotion ; une tentative peut-être vaine, mais une tentative tout de même. Le titre « Streams Inwards » (Courants intérieurs) peut se référer à ce même courant d'émotion/eau mais dans une inversion du processus. Ou, dans un sens plus large, se référer à tout ce qui bouge, vit, et bien sûr crée. Alors oui, le flux est un élément commun aux deux albums en terme de concept ; mais plus important que ces concepts, la musique qui leur sert de canal.


Y a-t-il une forte connexion entre les paysages au sein desquels vous évoluez et votre manière d'écrire de la musique? Serait-ce une manière pertinente de définir votre définition du doom (en opposition au doom scandinave ou européen)?
AA : Oui, je pense que c'est le cas. Cette connexion sera toujours présente. Les paysages chiliens font intrinsèquement part de nous-mêmes ; dans un sens nous sommes eux, et ils représentent l'environnement dans lequel nous avons grandi. Je pense que le milieu sera toujours une façon de lire et de comprendre le comportement, la création et la communication provenant d'un peuple donné. Objectivement, le Chili est un pays très varié, par exemple en terme d'environnement et de climat, donc les possibilités artistiques qu'il procure sont nombreuses et peuvent satisfaire les besoins dictés par une certaine atmosphère. Le nord du Chili est extrêmement sec, en fait il contient le désert le plus sec du Monde (le désert Atacama). De même le sud du Chili est très froid et pluvieux, comme certains pays d'Europe du Nord. Donc, bien sûr il existe une relation entre cela et notre vision spécifique du doom, mais je pense que cette définition peut être altérée par beaucoup d'autres facteurs. La véritable connexion se situe à un niveau musical.
Personnellement, je ne pense pas que le doom soit un genre de musique triste ou dépressif comme on l'entend souvent. Ce peut être une invitation à la réflexion, au silence, à l'introspection, mais le type de sentiment qui en découle ensuite est quelque chose de personnel. Plus vous creusez votre réflexion en profondeur, plus la possibilité de trouver quelque chose que vous n'aimez pas (traumas, des choses inacceptables de votre vie, etc.) s'accroît ; c'est pourquoi vous le conservez ici, caché de vous-même. D'où cette vision globalement triste du doom. Un exemple : pourquoi aimez-vous écouter du doom quand vous vous sentez déprimé? Voulez-vous accroître cette tristesse en vous soumettant à des messages déprimants? Je ne pense pas. En fait, c'est l'opposé qui se passe ; le doom éveille des sentiments qui vous accompagnent et vous réconfortent, des sentiments d'identification à la musique. Cela ne veut pas dire que votre tristesse va disparaître mais que ces sentiments vont la neutraliser, à travers une contradiction émotionnelle de joie aigre-douce. Peut-être que tout cela se reflète dans le relief de notre pays après tout.


"Knotted delirium" est une belle expérimentation autour des figures du doom, y a-t-il une chance de vous voir aller plus loin dans cette direction?
RM : Eh bien, l'album est tout récent nous ne savons pas encore quand nous allons évoluer vers autre chose. Comme toujours dans nos albums nous aimons laisser les styles se rejoindre, essayer des structures et des harmonies différentes, etc. Mais je ne sais sincèrement pas si nous irons dans cette direction ; comme toujours nous continuerons de chercher de nouveaux paysages.


Qui est la chanteuse apparaissant sur le bonus track? J'aime beaucoup l'étrange atmosphère de « Aphelion aura », un titre qui aurait pu figurer sur le track list final... Quel était votre intention avec ce morceau?
RM : Son nom est Natalia Suazo, c'est une chanteuse très talentueuse. Elle a également un nouveau projet qui s'appelle « Natisu » dans lequel je joue également. Peut-être avons-nous voulu inclure ce morceau pour donner un aperçu plus large de ce que nous sommes et de notre conception de la musique. C'est notre première collaboration externe sur un album, je crois que ça a bien fonctionné et que ce type de musique s'accorde avec les autres titres de l'album.


Comment se porte la scène Metal chilienne actuellement? Qui en sont les acteurs principaux? Quels artistes non-metal appréciez-vous? [et enfin auriez-vous des nouvelles de COPROFAGO?]
RM : Le Chili est sûrement un pays plus rock que metal bien que nous ayons toujours aimé des choses telles que POEMA ARCANUS. Il y a quelques bons groupes mais la scène est plutôt modeste, puis il y a des super formations chiliennes comme CRIMINAL ou UNDERCROFT qui sont désormais en Europe.
En dehors du metal, je pourrais te citer des artistes tels que CAMILA MORENO ou JAVIERA MENA qui passent plus à la radio, ainsi que le grand artiste décédé VICTOR JARA qui est une énorme influence personnelle en raison de l'honnêteté de sa musique et de son message.
Il semblerait que COPROFAGO soit inactif pour le moment (je peux me tromper!), les gars poursuivent leur route sur des chemins séparés... ça n'en reste pas moins un groupe chilien de grande qualité.


Êtes-vous satisfait par votre dernier EP chez Firebox records? S'agissait-il d'une sortie contractuelle ou d'un choix personnel?
RG : Bien sûr! Je pense que ressortir notre seule démo ("First river regards") dans une édition spéciale éco-digipack était une bonne idée. Firebox est un très bon endroit pour essayer de nouvelles choses. C'est un petit label mais les gens sont honnêtes, ont un bon état d'esprit et une vraie passion pour ce type de musique. C'était un choix personnel, nous avions terminé notre deal avec eux depuis "Draining the waterheart", mais c'était le seul label sérieusement intéressé par la sortie de cet album, et dans un format spécial en dépit de la crise.
En fait, nous n'avons pas d'accord formel avec eux pour l'avenir, seulement de bonnes relations qui résultent de nos albums précédents et du merch. Ah si! J'oubliais, dans les mois suivants ils devraient ressortir nos vieux albums, avec des titres réenregistrés en guise de bonus sur « Tatterdemalion express », mais je ne suis pas sûr à 100% de la date de sortie. « Draining the waterheart » devrait aussi réédité avec quelques bonus ; je ne sais pas si Firebox va le sortir ou vendre les copyrights à un autre label... ça dépend d'eux. De toute façon, nous avons la plus grande considération pour Firebox et Rami, le dirigent du label. Nous continuerons probablement à travailler avec eux pour des rééditions ou certains de nos nouveaux projets. Qui sait?


Désormais vous êtes signés sur le label français Season of Mist ; est-ce que les Sudistes de SoM ont été sympas avec vous? (vous pouvez y aller, ils ne liront pas cette interview!)
RG : Hahaha! Ouais, ce sont des gens très sympathiques, vraiment. Bien avant le deal entre le groupe et le label. J'ai eu la chance de partager quelques verres, repas et de super conversations avec eux à plusieurs reprises. De visiter des bars et des restaurants tels que l'Ummagumma, la Maison Hantée, et plein d'autres endroits à Marseille comme le Cours Julien, le Vieux Port, etc.
Normalement, personne ne parle des membres de son label dans une interview, mais je profite de ta question pour saluer Rose, Gunnar, Andreas, David, Guillaume, Mika, Philippe, Jérôme, Baptise, Sylvain, et bien sûr Michael Berberian et Sabiene :), et tout le monde au siège du label. De manière générale, SoM est une entreprise en croissance permanente, qui développe de bonnes idées, avec un point de vue lucide sur le business et les aspects liés à la musique. Bien entendu, les individus sont le facteur le plus important pour obtenir de bons résultats ; ils ont un super staff et une organisation avec des gens sérieux. Nous sommes très contents de travailler avec eux, en raison de toutes les opportunités qu'offre un label de la sorte pour le travail du groupe mais à titre personnel, parce qu'ils sont vraiment amicaux et honnêtes envers nous.


Aura-t-on la chance de vous voir tourner en Europe dans les mois à venir?
RM : Oui bien sûr! Nous préparons une tournée avec SWALLOW THE SUN et SOLSTAFIR en décembre avec plus de vingt shows partout en Europe. Bien entendu, il y en aura quelques-uns en France! La promo a déjà commencé et le booking est pris en charge par Avocado Booking - www.avocado-booking.com. Vraiment, nous sommes très impatients de revenir en Europe!!!
Les dates suivantes sont déjà confirmées pour la France : 17.12. Le Ferrailleur, Nantes & 18.12. Glazart, Paris, et avec un peu de chance nous devrions pouvoir en confirmer une autre.


Avez-vous des projets particuliers pour le dixième anniversaire du groupe?
AA : En effet! Nous préparons un show spécial – pour la mi-octobre, je pense – ici à Santiago avec de nombreux invités. Nous prévoyons de donner un show très long et de jouer des titres que nous n'avons pas interprété en live depuis des années. Et à l'occasion de notre troisième tournée européenne en décembre nous inclurons probablement des dispositifs spéciaux pour célébrer notre dixième anniversaire.


Un dernier mot pour vos fans français?
RG : Merci beaucoup a tout le monde en France! Salut à les belles femmes A bientôt ! et Allé OM !!! hahaha ;) (N.d.G : En français dans le texte)

AA : Merci pour votre soutien! Nous avons ressenti un feedback très positif de la part de nos fans en France au moment où nous jouions ici. Nous espérons vraiment que cela continuera comme ça lors de notre tournée en décembre. Nous jouerons à Paris et à Nantes, alors on se verra là-bas!!


Auteur
Commentaire
Aucun commentaire

Ajouter un commentaire

Pseudo :
Enregistrement Connexion







Proposez News | VS Story | F.A.Q. | Contact | Signaler un Bug | VS Recrute | Mentions Légales | VS-webzine.com

eXTReMe Tracker