Void - DEBEMUR MORTI par PRINCE DE LU - 3057 lectures
Pour changer des gens qui s'habillent en noir et qui jouent dans des groupes, VS a interviewé un gars qui s'habille en noir et qui tient un label. Void a bien voulu présenter son label Debemur Morti Productions.


Salut Void. Peux-tu nous présenter Debemur Morti, la philosophie du label et sa naissance?
Hello ! Debemur Morti est un label indépendant géré par moi-même depuis 2003. J'ai financé les premières productions avec mon argent, monté une petite VPC en échangeant mes premières productions et le reste s'est construit avec de la patience, de la dévotion et de la volonté.
C'est peut-être un abus de langage que de parler de "philosophie" du label, mais disons que j'ai toujours essayé de ne pas me contenter de proposer de la (bonne) musique mais d'offrir des œuvres au contenu profond. Pour moi, c'est l'essence même de cet Art Noir.


D'où t'es venue l'envie de monter ton propre label, à une époque où on disait déjà que c'était une entreprise difficile et à pertes?
Au commencement, mes diverses expériences avec certains labels UG et le sentiment de "vide à combler" lié, m'ont poussé à créer DMP. Le manque de sérieux et l'amateurisme omniprésent sont des tares inacceptables à mes yeux, "underground" n'est pas synonyme de médiocrité. C'est donc la volonté de créer une structure prônant le "Black Metal" comme une démarche Artistique qui m'a décidé à concrétiser l'idée.
Debemur Morti n'a jamais été une source de revenus pour moi, j'y dévoue mon temps libre. Entreprise à perte ou pas, ce qui compte pour moi c'est de proposer quelque chose de différent/mieux à mes groupes et aux personnes qui achètent mes productions.


Ta première production est le premier album de Haemoth, Satanik Terrorism. Comment as-tu signé le groupe à cette période? Connaissais-tu le duo ou est-ce une opportunité qui s'est présentée et que tu as saisie?
Haemoth est quelqu'un que je connais personnellement et qui fait partie du peu de gens avec qui j'avais gardé contact à une époque où je m'étais un peu isolé de la "scène". Je soutiens sa démarche dans son intégralité et notre collaboration fut donc très naturelle. J'apprécie particulièrement la haine qui se dégage de Satanik Terrorism. Un excellent premier opus de ce duo français avec qui j'espère travailler de nouveau un jour.


Cette première production était un vinyle (un gatefold 12" LP pour les mordus). Pourquoi t'être orienté d'abord vers le vinyle, puis plus tard avoir ouvert ton catalogue au format CD?
Le format vinyle est celui que j'affectionne le plus de par son caractère singulier et sa symbolique forte. J'ai commencé par ne produire que des vinyles puis j'ai décidé, avec le temps, de ne m'imposer aucune restriction de format. Le vinyle n'en reste pas moins mon support favori et c'est de lui que je tire le plus grand plaisir à l'écoute.


En parlant de format, j'ai l'impression que tu es attaché au support? Trouvera-t-on un jour un magasin en ligne de mp3 estampillés Debemur Morti?
En tant qu'auditeur, j'ai toujours été sensible aux efforts déployés pour proposer un "produit final" digne de l'œuvre d'Art qui y est immortalisée. Bien que mes productions soient aujourd'hui disponibles en téléchargement, plus pour répondre à une demande que par volonté propre, je reste très attaché au support. Un album au format MP3 a, pour moi, un goût d'inachevé. Difficile pour moi d'apprécier pleinement une œuvre dans ces conditions.


La mise en place de l'activité du label et de la distribution, cela a dû être assez énorme. Avais-tu mesuré tout le travail que cela te demanderait?
Si on t'avait dit combien de temps tu allais passer sur ton label, aurais-tu accepté le challenge dès le départ ?
Pas tant que ça au final. J'ai commencé tout petit, sans prétention aucune, et tout s'est développé naturellement au fil des années. Encore aujourd'hui, DMP est une toute petite structure. J'étais loin de m'imaginer que je passerais la quasi-totalité des mes soirées à construire tout cela mais je n'ai pas le moindre regret.


Après Haemoth, ton catalogue s'étoffe ensuite de plusieurs éditions vinyle, de groupes internationaux comme Xasthur. Tu travailles en parallèle de l'édition CD de Total Holocaust. Niveau envergure, c'est la cour des plus grands, non?
Xasthur touchait effectivement plus de monde. Je me souviens avoir écoulé les 500 copies en préventes. Mais bon, au final, travailler avec Malefic restera un de mes pires souvenirs. Il fait partie de ces gens qui ont pris la grosse tête avec le succès.


Comment as-tu commencé à récupérer des groupes comme Tenebrae in Perpetuum ou Horna, dont tu vas intégralement t'occuper? Comment les as-tu séduits pour qu'ils signent chez un label français?
Horna c'était un comme un "rêve d'enfant" pour moi ! Un peu comme la quête du Graal du petit label inconnu. Je suis un grand fan de Horna depuis bien longtemps et j'étais donc en contact, sporadique, avec Shatraug. C'est lui qui m'avait conseillé Verivala pour le split avec Vulva Infernum (mon projet solo) que j'ai sorti sur DMP. Les choses se passaient plutôt mal avec Woodcut Records, nous avons pris le temps de discuter de ce que je pouvais offrir à Horna et nous sommes convenus de travailler ensemble. C'est à partir de là que les choses sont passées à la vitesse supérieure. Notre collaboration a duré un sacré bout de temps et aussi bien Horna que moi-même en sommes très satisfaits. Le prochain album du groupe ne sortira pas sur DMP et je leur souhaite beaucoup de réussite !
Concernant Tenebrae In Perpetuum, c'est Shatraug qui m'avait mis en contact avec le groupe, le reste s'est fait naturellement.
Ce qui a séduit ces groupes c'est certainement mon honnêteté et mon sérieux. Je n'ai jamais proposé monts et merveilles à qui que ce soit en sachant que derrière il n'y aurait eu que déception.


Le fait que la France dispose de gros labels internationaux qui ont laissé leur empreinte dans la scène t'a-t-il aidé à convaincre des groupes étrangers?
J'en doute fortement... mais peut-être ?


Tu as eu la chance de récupérer Nocternity dans ton écurie. N'est-il pas un peu décevant de voir ce groupe sortir si peu de disques? Est-ce un risque pour un label?
Je n'ai sorti "que" des vinyles de Nocternity, le groupe n'a jamais été signé sur DMP à proprement parler.
Comment trouver décevant qu'un groupe sorte si peu de disques quand tu vois que chaque nouvelle sortie surpasse la précédente? On critique les groupes qui sortent trop d'albums, ceux qui n'en sortent pas assez… !?! Je pense que Nocternity a bien raison de ne pas forcer l'inspiration et de laisser les œuvres se construire naturellement.
En aucun cas cela est un risque pour un label comme le mien. Loin de moi l'idée de parler pour les autres par contre…
(NDR: Et depuis cette interview, si vous avez lu les news de VS, vous savez que ça bouge du côté de Nocternity)


Au milieu d'un catalogue très black metal, on trouve des OVNI comme VEGA. Tu n'as jamais caché ton amour pour les productions plus bruitistes. Pourquoi ne pas avoir plus mélangé les genres dès le départ?
Je ne me suis jamais posé la question. J'ai sorti ce que j'avais envie de sortir à l'instant T sans me soucier du genre. C'est toujours le cas aujourd'hui d'ailleurs.


Après quelques productions CD et vinyles, tu lances une démo-tape, en l'occurrence celle de Slidhr. Plutôt étrange d'adopter ce format à ce stade-là, non?
Certainement étrange aux yeux de beaucoup mais très naturel pour moi. Slidhr n'avait rien sorti auparavant, pourquoi sortir un CD (ou un vinyle) alors qu'ils n'en étaient qu'au stade de la démo? Je trouve la démarche très logique. Non?


Récemment, tu as accompli le hold-up en signant le retour d'Arckanum. Shamaatae semble très satisfait de cette collaboration. Comment as-tu rencontré le troll?
La stature de Debemur Morti n'est plus celle des débuts, j'imagine qu'il a été plus simple de convaincre le Suédois de signer en France?
L'interview commençant à dater, cette question n'est plus vraiment d'actualité puisque Arckanum a depuis signé chez Regain Records. Mais quoi qu'il en soit, la collaboration avec lui reste un excellent souvenir, je pense qu'il est ultra satisfait de ce que j'ai fait pour lui et qu'il reviendra peut-être chez DMP lorsque je serai à même de lui proposer quelque chose en adéquation avec ce qu'il voulait (ou qu'il sera à même d'accepter une proposition en adéquation avec les ventes de ses albums ?)
Quoi qu'il en soit, pour la petite histoire, j'ai contacté Shamaatae lorsqu'il cherchait un label pour sortir des t-shirts puis au fil des discussions nous en sommes arrivés jusqu'à une signature sur DMP. Cela n'a pas été plus simple ni plus difficile qu'avec les autres. En fait je ne sais pas l'image qu'ont les gens mais je doute que le fait que DMP soit français soit une barrière ou un avantage…


A une période (il y a 3-4 ans, je dirais), on te disait très présent sur les forums et cela a même agacé certains gardiens du temple qui n'appréciaient pas ta manière de faire la promo de tes productions (agacés sur internet, ce qui est cocasse).
J'ai l'impression qu'on te voit moins aujourd'hui. Comment gères-tu ta communication autour du label? As-tu changé ta méthode?
Effectivement, je suis moins présent sur les forums car je n'ai plus ni le temps ni l'envie. J'en suis venu à me dire que les gens qui étaient intéressés par mon label sauraient venir à la source ou consulter les sites qui s'occupent de propager les infos.
La mentalité de la majorité des gens sur les forums m'a lassé et j'ai commencé à manquer de temps et de patience pour assurer une présence digne de son nom donc j'ai préféré m'éloigner de tout cela.


Il y a des hauts et de bas dans l'histoire d'un label. Quelles sont tes expériences avec Debemur Morti?
Pour moi ce label a toujours été un combat de tous les jours. Des hauts et des bas il y en a en permanence, à tel point que j'ai parfois envie de tout arrêter.
Depuis 2009 et les diverses réorganisations du label, de la distribution et du mailorder, c'est très difficile mais je pense néanmoins tenir le bon bout!!! No surrender!


A un moment, tu as abandonné l'activité distro pour te concentrer sur le label. Qu'est-ce qui avait motivé ta décision? Pourquoi être revenu en arrière?
Je ne suis pas revenu en arrière. Je ne distribue, à l'heure actuelle, que mes propres productions. La décision fut prise suite à une défaillance humaine (nous étions deux et je me suis retrouvé seul à tout gérer), ainsi qu'à une volonté de me consacrer à mes propres productions. Gérer une VPC comme celle qui était en place en 2008 (Mystic Arts) demande énormément de temps et de moyens logistique. Ce n'est plus possible depuis 2009. C'est peut-être amené à changer mais je ne peux rien dire de plus pour le moment.


Quel type de groupe peut signer chez Debemur Morti? Quelles sont les qualités à avoir, quitte à être aussi invendable que Way to End?
Il est primordial que l'Art des groupes affiliés à DMP soit authentique, profond et pur – en résumé, de l'Art "vrai" (vrai, dans le sens "non artificiel") – mais qu'il soit aussi porteur d'une dimension spirituelle. Le but étant de proposer une œuvre qui puisse transcender l'auditeur. Un groupe incapable de restituer une atmosphère profondément mystique et pénétrante n'a aucune chance d'être signé chez moi.


Reçois-tu beaucoup de demandes de la part des groupes? On t'envoie toujours des démos ou des liens MySpace?
Je suis très régulièrement sollicité en effet. Cela va du CD dans ma boîte aux lettres, du MP3 dans un email au simple lien Myspace ou autre. Je suis assez insensible aux demandes par email, je préfère vraiment recevoir un support physique (même si ce n'est qu'un CDr) avec un courrier, des paroles, des photos, etc.


Tu as participé au débat sur les iPools sur VS. Après un essai, tu as décidé de revenir aux promos physiques. Peux-tu nous parler de ton expérience des iPools et de ce que tu en as retiré?
Je continue de trouver les plateformes comme iPool très pratiques pour les labels mais si je suis revenu sur ma décision c'est parce que j'estime que mes groupes valent mieux que de simples fichiers. Mon expérience fut assez brève donc difficile pour moi d'en parler avec recul mais j'avais apprécié de pouvoir mettre à disposition des médias mes albums plus en amont de la date de sortie que je ne pouvais/peux le faire lorsque je fais des promos physiques. J'appréciais aussi le fait de savoir qui téléchargeait l'album et le chroniquait. C'est un suivi plus compliqué avec un support physique puisque tu peux bien évidemment tomber sur quelqu'un de malhonnête qui te dit qu'il n'a jamais reçu le disque…


Quel est ton avis sur la crise du disque, de ton point de vue? Comment vois-tu la génération internet qui est tant décriée?
Je pense qu'il y a plusieurs choses à prendre en compte. D'une part, il y a une saturation du marché avec des disques qui n'auraient jamais dû sortir. C'est devenu tellement accessible de faire presser des disques que tout le monde y a été de son petit label, de ses petites sorties et il y a eu un flot de sorties absolument ahurissant. Nous savons tous que quantité rime rarement avec qualité. L'auditeur, perdu face à ce flot incessant de disques que les labels lui demandaient gentiment d'acheter, s'est senti trompé et s'est mis à télécharger avant d'acheter pour vérifier les belles descriptions des labels. D'autre part, il y a eu la crise mondiale que plus personne ne saurait nier, qui a frappé un grand nombre des fans qui achètent/achetaient de la musique. Ayant pris l'habitude de télécharger pour s'assurer de la qualité d'un disque et n'ayant plus d'argent en poche pour « régulariser » le méfait, les achats se sont raréfiés et on arrive là où nous en sommes aujourd'hui. Les ventes de disques ne cessent de diminuer. Tout le monde est impacté. La bonne nouvelle c'est que cette crise va « épurer » la scène. La mauvaise c'est que même les bons disques se vendent aujourd'hui très mal…
Où cela va nous mener, je n'en sais rien… moi, je continue d'acheter des disques et je me dis qu'il y a encore des gens comme moi alors je me bats pour que mon label survive en faisant en sorte de ne pas reproduire certaines erreurs du passé.


De tous les groupes que tu as produit, avec qui as-tu gardé ou complètement perdu le contact? Quels sont les meilleures expériences humaines que tu as vécues?
Je crois qu'il n'y a que Xasthur avec qui j'ai définitivement cessé tout contact. Je garde un contact plus ou moins régulier avec tous les autres. Les meilleures expériences humaines restent définitivement les tournées avec Archgoat/Behexen/Hell Militia et Horna/Blacklodge/Vorkreist. Deux évènements qui resteront à jamais gravés dans ma mémoire.


Finalement, quelles sont les signatures dont tu es le plus fier?
Toutes, ou presque. Chacune a sa propre histoire et sa propre signification à mes yeux. Même si cela peut paraître un peu prétentieux, je suis vraiment fier du travail accompli avec DMP dans sa globalité.


Que nous prépares-tu pour un proche avenir (c'est le moment de faire ta promo)?
Je travaille actuellement sur les prochaines sorties de Blut Aus Nord, les versions vinyle de Ultima Thulée et The Mystical Beast of Rebellion. Ce dernier sera d'ailleurs agrémenté d'un second disque complètement nouveau, enregistré en 2010 qui vient compléter l'œuvre. Il y aura aussi une sortie double CD de ce The Mystic Beast of Rebellion et le nouvel album, 777. Voici pour le futur proche. Dans un avenir plus lointain, il y a le nouvel album de Infestus, un split Blut Aus Nord/Rebirth of Nefast, un split Blut Aus Nord/Way To End et d'autres projets qu'il ne m'est pas possible de révéler pour l'instant. En espérant pouvoir concrétiser tout ça…


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