Erik Danielsson (vocaux) - WATAIN par PRINCE DE LU - 4603 lectures
En mars dernier, votre serviteur biscuité a rencontré WATAIN dans leur antre de Stockholm pour la release party de Lawless Darkness. De cette journée à l'odeur de mort, il restera une listening session et un road book dans le Hard Rock Magazine n°29 et une interview avec Erik Danielsson dans le Hard Rock Magazine n°30 (qui devrait avoir atterri dans les kiosques au moment où vous lirez ces lignes).

Mais le leader de WATAIN est quelqu'un de bavard et de passionnant, qu'il était impossible de résumer à deux pages d'interview. VS vous propose donc la suite de l'entretien avec Danielsson paru dans HRM 30.



Cette première partie de l'interview se déroule juste après la listening session de Lawless Darkness, dans le cadre de l'interview officielle accordée à la presse dans le studio de répétitions du groupe (les détails dans HRM 29).

A une époque où chaque sortie est trop souvent une copie de ce qui a déjà été fait, ce nouveau Watain botte le cul. Je pense que votre album va cartonner cette année.
C'est cool que tu penses ça. Mais je me demande combien de gens feront de même, parce que je me demande combien de personnes recherchent quelque chose de différent. Beaucoup de gens qui achètent de la musique aujourd'hui le font pour la comparer à quelque chose qu'ils connaissent. Et c'est à mon avis le problème.


Quelles éditions ont été prévues pour cet album? Il y aura une édition LP chez Noevdia?
Noevdia fait des éditions vinyl très belles. Je suis un artiste moi-même. Je peins, je fais des artworks pour des groupes. Donc cet aspect visuel signifie beaucoup pour moi. Watain n'est pas que de la musique, c'est un concept total. Season of Mist va faire une édition vinyl plus simple, plus proche de l'édition CD. Noevdia va s'occuper de l'édition vinyl la plus complète artistiquement. Ca ne me pose pas de problème. Si tu achètes l'édition SOM, tu as les morceaux, ce qui est le plus important. Les gens qui veulent quelque chose de plus pourront prendre l'édition Noevdia.


Comment avez-vous intégré les paroles de Set pour le morceau "Hymn to Qayin"? Le texte est arrivé d'abord ou la musique a pris forme avant?
Pour tout ce qu'a fait Set pour les textes, je lui ai demandé de contribuer et nous en avons longuement discuté ensemble. La musique était déjà écrite. Enfin plus ou moins, puisque nous la finalisons quand nous avons le texte définitif. Mais nous ne ferons jamais coller un texte tout prêt dans une musique écrite. Ca ne se passe pas aussi simplement. Je demande à quelqu'un de contribuer et nous en discutons.


Une question sur tes croyances. On voit principalement considérer la doctrine luciférienne comme une philosophie. Mais tu parles de religion. Peux-tu préciser cette définition?
La différence entre une religion et une philosophie personnelle telle que tu l'entends tourne autour de la croyance en l'individu et l'individualisme. L'individu ne reconnaît aucun pouvoir autre que celui qui vient de lui-même, alors que la croyance religieuse reconnaît un pouvoir externe, qui est en dehors de lui. Et c'est cette seconde manière de voir les choses qui est la mienne. Je crois en mes dieux. Je pense qu'avec Watain nous sommes les émissaires de puissances supérieures. Nous en sommes les interprètes pour le public. Je trouve insensé de penser que tout ce que nous faisons avec Watain vient de nous-mêmes. Je pense que plus tu travailles avec certaines puissances, plus tu es sensible à les comprendre. L'être humain est né seul. L'être humain meurt seul s'il ne cherche pas et ne reconnaît pas qu'il y a quelque chose de plus grand que lui. Il faut chercher les dieux qui parlent à travers nous. L'individualiste est toujours seul, alors que la personne religieuse se reconnaît dans quelque chose qui était là avant elle et sera là après elle.


Penses-tu que tu pourrais comme Jon (NDR: Nödtveidt, leader suicidé de Dissection) atteindre le bout de la route, arriver à un stade où tu penseras avoir tout dit et qu'il sera temps d'arrêter?
Je ne dirai pas comme ça, mais je vois ce que tu veux dire. Je n'ai pas encore atteint ces conclusions moi-même. Quand je regarde devant, je vois juste une obscurité anarchique (Lawless Darkness), un moi sans bornes, quelque chose d'impossible qui doit être tenté. Et pour ça, je reste qu'il reste beaucoup à faire. Quand je verrai la Faucheuse de mes yeux, je saurai que mon temps est venu. Mais je ne m'en préoccupe pas, tellement nous avons encore à faire.


Du temps d'interview accordé à la presse, il reste ces quelques questions que vous venez de lire. Le reste des réponses a été exploité dans l'article de HRM. Sauf que...
Sauf que j'ai eu l'impression que les 20 minutes officielles d'interview sont passées comme une balle. Erik a bien tiré jusqu'à 28 minutes, mais il restait beaucoup de questions à poser. Erik m'a alors dit "la soirée est encore longue".

Et après avoir dévasté la pizzéria, une fois que l'alcool avait bien commencé à couler à flots, le responsable de Season vient me chercher pour poursuivre la conversation avec le leader de Watain. Une demi-heure de plus en tête-à-tête avec l'envoyé de la Bête, ça ne se refuse pas. L'alcool aidant, l'anglais se fait bien plus facile, même si je n'ai pas encore réussi à poser toutes mes questions...


Etant donné l'évolution de Watain et du Necromorbus, avez-vous eu l'idée de réenregistrer vos deux premiers albums?
Nous jouons des titres de ces albums en live. Pour nous, c'est la même chose que les réenregistrer. En concerts, quand par exemple nous présentons "Devil's Blood" ou "I Am the Earth", ce sont dans un sens de nouvelles versions de ces titres. Je pense que nous les améliorons. C'est ce qui fait que les performances live sont une sorte de développement des albums. C'est un processus très organique et pas une machine où tout est réglé. Donc, réenregistrer ces titres en studio, non.


Beaucoup de gens pensent qu'il faut de la chance pour réussir dans le milieu artistique. Y a-t-il de la chance dans ce monde ou simplement des gens qui obtiennent ce qu'ils méritent?
Définitivement, il n'existe pas de chance pour les gens qui le méritent. De mon point de vue, j'ai toujours été convaincu que si tu offres quelque chose, tu obtiens quelque chose en retour. Mais il faut avoir quelque chose à offrir, faire un sacrifice. Cela n'a pas d'importance que ce soit un sacrifice rituel où tu coupes la tête d'un chien ou que tu sacrifies ta sécurité en quittant ton travail, l'idée est de faire ce sacrifice et d'avoir une vraie détermination qui est guidée par ce que tu désires dans ton esprit et dans ton âme.


Les influences de Watain sont souvent puisées dans d'anciens albums. Y a-t-il des sorties récentes qui t'ont marqué? Niflheim est déjà compris dans la liste.
(rires) Niflheim sont de très bons amis et j'allais bien sûr les mentionner. Tu connais Noevdia? Tous les groupes sur ce label (Katharsis, Malign, Deathspell Omega, Funeral Mist et Watain) ont quelque chose de commun qui les influence entre eux et pourtant sonnent très différemment les uns des autres. L'influence est au-delà du strictement musical, mais le fait que l'on sente que l'art est fait avec son cœur, de manière très pure. Ce n'est pas important de savoir comment ils jouent de la guitare, cela vient d'ailleurs. Quand j'ai écouté le premier album de Katharsis, je leur ai immédiatement écrit une lettre de deux pages pour dire combien j'avais été estomaqué. Et leur réponse était plus importante que la musique. La fraternité m'inspire beaucoup. Rien ne peut m'inspirer plus que mes frères. Cela n'a pas d'importance que Motörhead sorte un album génial, je le sais on l'aura écouté ici 50 fois en bavant (rire). Ce qui nous inspire ce sont les gens proches de nous, nos frères.


D'ailleurs, tu fais un guest sur le prochain Shining.
Niklas et moi nous connaissons depuis nos quinze ans. Pour moi, il est un de ces vrais artistes dans la scène metal. Parfois, il est un peu perdu et fais des choses stupides, mais ça ne compte pas. L'important est que Niklas fait avec Shining des choses complètement honnêtes. Dans la scène black metal, beaucoup de gens participent à un paysage tout blanc de types gentils. Et quand des gars comme Legion of the Damned ou Septic Flesh voient Shining, erk! Shining est mauvais, méchant. Et j'adore ça! Ils peuvent jouer n'importe quoi en gardant une vraie expression artistique. Pour ces raisons, j'ai accepté de participer à l'album.


Une grosse influence de Watain était Ofermod. As-tu retrouvé dans leur nouvel album "Tiamtu" la noirceur que tu en espérais?
Non, je ne l'ai pas trouvée. Mais j'ai trouvé un très bon album. En 1998, quand ils ont sorti leur EP... c'est dur à décrire pour quelqu'un qui n'est pas Suédois... il y avait quelque chose qui se tramait en Suède à cette époque. Si tu étais allé à un concert en Suède en 1998, tu te serais demandé où tu étais. Parce que tu aurais pu trouver quelqu'un gisant au sol dans une flaque de sang. C'était vraiment extrême à cette période. Nous avons été amis avec Ofermod. Nous avions 18 ans et ils nous ont évidemment influencés. Mais dix ans plus tard, c'est différent, nous n'avons plus la même jeunesse. Mais j'espère que les gens porteront plus d'attention au nouvel album d'Ofermod qu'à celui de Marduk, parce qu'il le mérite.


Tu as été interviewé pour le documentaire suédois "Skräckministeriet" diffusé sur une grande chaîne suédoise. Penses-tu que les masses doivent être éduquées?
Oui, absolument. Si nous pensions le contraire, nous n'aurions même pas sorti un album. Pour moi, il n'y a pas de limite en ce qui concerne les moyens de réveiller les consciences. Cela n'a pas d'importance que ce soit un album pressé à dix mille exemplaires ou un show télé qui sera vu par un million de personnes. Si je ne faisais pas ça, je ne sortirais même pas un album. Je suis très fier de ce qu'est Watain. Nous sommes très sûr de notre situation. Après plus de dix ans d'existence, nous avons quelque chose à présenter et il n'y a pas de limites. Je ne participerai pas à un show télé stupide, mais c'était un documentaire sur l'horreur dans l'art (Minister of Horror). C'était à propos de Giger, l'Exorciste, etc, et il y avait une partie sur le Diable dans la musique. Et c'était cool de représenter cette partie.


Et pourtant tu ne veux pas d'enfants. Alors que cela pourrait être une partie de toi qui survit en devenant encore meilleure.
Je suis un être humain et je ne peux pas prendre la décision de décider pour quelqu'un en qui il doit croire et que son dieu sera Satan et personne d'autre.


Le libre arbitre.
Exactement. Mais je peux faire quelque chose. Je crois que beaucoup de gens vivent dans l'illusion d'une certaine manière. Les gens vivent aveuglément et acceptent tout. "C'est OK, je suis ici et je suis juste un petit être humain", tu vois. Je veux prendre les gens et, non pas les faire penser, mais leur faire ouvrir les yeux. S'ils ouvrent les yeux, ils feront ce qu'ils veulent de ce qu'ils verront. Mais je voudrais obtenir une réaction. Je voudrais que les gens réfléchissent un peu plus loin. Peut-être que la vie n'est pas seulement vivre, vivre, vivre et puis mourir. Peut-être qu'il s'agit après sa naissance d'explorer tout ce qui nous entoure pour progresser et devenir quelque chose de mieux qu'un simple être humain de chair et de sang.


Dans ce cas, n'est-il pas frustrant pour vous que les gens se limitent à réagir à vos provocations scéniques sans aller plus loin? Les rats font oublier les paroles.
C'est frustrant, dans un sens. Si j'allais à un concert où le groupe utilise des rats morts, du sang pourri et un grand temple sur scène, je n'irais pas au bar. Je resterais. Mais si les gens veulent aller au bar, ils ont pris leur décision. Ils ont vu et ont décidé que ce n'était pas pour eux. C'est une aussi une réaction. Je n'ai jamais eu la prétention de vouloir que tout le monde écoute Watain, lise les textes et accepte ce que nous faisons. Ce n'est pas l'idée.


Le libre arbitre, encore une fois.
Oui. Mais il n'y a pas que le libre arbitre. Beaucoup de gens réagissent parce qu'on leur a appris à le faire, la machine leur a enseigné à réagir comme ça, à être écœuré par nos provocations.


Pour vous, que représente Internet? Un outil pour communiquer?
Pour moi, Internet a deux facettes. D'un côté, c'est l'absence de censure qui est vraiment géniale. C'est une manière pour des gens aussi extrêmes que nous de pouvoir donner notre point de vue. Nous avons atteint des gens que nous n'aurions pas pu approcher il y a dix ans. D'un autre côté, comment dire... Quand tu allais à un concert il y a dix ans, tu en discutais avec tes amis. Si ton point de vue différait avec quelqu'un, tu pouvais lui dire "fuck you" et ça dégénérait en bagarre (rire). Des relations humaines, en somme, qui doivent exister pour moi. Mais aujourd'hui, les gens prennent les opinions trop à la légère. Par exemple, à mes yeux, ça n'a pas d'importance qu'un type de Marseille dise "Erik est une sous-merde". Qu'il l'écrive sur un forum ou qu'il vienne me le dire en face, cela revient au même. En ce sens, Internet a permis aux lâches de parler et de donner leur opinion. Et je n'aime pas cette hypocrisie. Je pense que cela fonctionnait mieux avant. Si un petit gars quelque part avait un problème avec quelqu'un, s'il était assez fort, il allait le dire à cette personne. S'il était faible et terrifié, il restait chez lui à maugréer. C'est ainsi que c'est censé fonctionner. Je n'aime pas les gens qui se cachent derrière leurs écrans d'ordinateur, j'aime rencontrer mes ennemis. Et c'est un message que je passe à tous tes lecteurs: "si vous avez quoi que ce soit à me dire, venez me le dire en face". J'aime discuter avec les gens, j'aime me battre avec les gens.

A bon entendeur!


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