J (basse/chant/lyrics) - NESSERIA par ..::JU::.. & SEB ON FIRE - 2404 lectures
Il aura été difficile de ne pas s'incliner face au premier album des Orléanais NESSERIA, dont les louanges vantées par ici auront été vérifiables avec le track-by-track et l'album en écoute par là. Les Orléanais n'ayant pas vraiment leur langue dans leur poche, VS vous propose une interview de leur volubile bassiste, Julien, coincé entre deux tournées européennes.


Votre premier album éponyme est sorti depuis plusieurs mois… Quels sont les retours globalement que vous avez eus ? Avec un peu de recul, quel regard portez-vous sur votre travail, que ressentez-vous ?
J. : Jusqu'à présent les retours, notamment ici-même, sont positifs. C'est assez encourageant de se dire que quelque part, on a atteint certains des objectifs qu'on s'était fixés en composant…
Mais indépendamment de ces opinions, on commence à réaliser quels sont les défauts et les qualités de cet album ; c'est une phase de digestion en quelque sorte. Tout ça nous donne surtout envie d'écrire du nouveau matériel. Probablement quelque chose de plus noir…

2) Très amateur de votre hardcore haineux, je dois vous avouer qu'avec un peu de recul, sur votre album je préfère les morceaux courts et incisifs… L'évolution musicale depuis vos différents splits tend à confirmer cette accentuation de la rapidité des morceaux. Est-ce quelque chose de conscient, de volontaire ? Avez-vous choisi sciemment de privilégier des titres très courts, presque grind, voire crust dans l'approche, plutôt que des titres lourds ? Ou bien fut-ce totalement involontaire ?

J. : On a cherché à composer un album qui ne serait ni une enfilade de titres courts et rapides, ni une succession de morceaux lents et lourds. Personnellement j'ai tendance à m'ennuyer à l'écoute d'un album qui reste sur les mêmes formats et tempos tout du long. On a voulu une sorte d'équilibre entre ces éléments, une structure à l'échelle de l'album… Et si les morceaux rapides représentent un peu plus d'une moitié, je pense que c'est aussi une histoire de textes, ça « accompagne » le propos. 




3) Vous avez tourné un peu suite à la sortie de votre album. Comment sonnent les titres de l'album en live, se plient-ils bien à l'exigence de la scène ? Prenez-vous avant tout du plaisir en Live, ou bien préférez-vous l'atmosphère réduite et intimiste du studio ?

J. : Tendu et différent. On commence à avoir ce set dans les pattes, mais c'est clairement plus exigeant. Il a fallu que je me mette au sport. A la cocaïne… Le studio, j'aime autant que la scène, c'est chez Neb, y'a des chats, de la pizza et des gros amplis…

4) En terme de structure de morceaux, si la lourdeur et le côté presque doom de certains titres permet de développer un réel côté sombre et noir, l'alternance avec des accélérations et des passages réellement rapides permet de rehausser ce côté ambivalent de transmission de la rage. Sur quelle facette musicale prenez-vous le plus de plaisir à vous exprimer (et notamment en Live) ? Quelle facette musicale selon vous met le mieux en valeur vos sentiments, votre ressenti, votre rejet, votre colère ?
Même si ce mélange forme évidemment un tout, pourrions-nous envisager une évolution future de Nesseria vers des contrées exclusivement rapides et incisives, ou au contraire vers des morceaux bien plus long et exclusivement lourds ? Ou bien cet équilibre forme-t-il un "tout" insécable ?
J. : Tu me demandes de choisir entre mon père et ma mère, c'est ça ? Pour ma part je ne pense pas qu'il soit plus facile de faire sonner correctement des parties doom ou des blasts... L'aspect « ambivalent de transmission de la rage », je vois tout à fait ce que tu veux dire. Et j'espère que le groupe sera capable de continuer à ménager ces différents éléments, en devenant plus noise sur les blasts et plus pesant sur les parties plus lourdes. En fait on ne s'est pas vraiment demandé si tel ou tel riff sonnait « doom » ou « crust » ou « zouk love »… C'était plus spontané en fait… On a recherché les contrastes, dans et entre les pistes.
Je n'arrive pas à écouter un « album de genre » en entier, même si les meilleurs d'entre eux continuent à me plaire. Et quand ça vire à l'exercice de style de seconde zone, je n'en ai plus rien à secouer…


) a) La vie semble plutôt agréable et légère du côté d’Orléans ; pourtant vous développez une thématique relativement haineuse à l’égard du genre humain, de la société et du racisme social.
Même si ces rejets sont parfaitement logiques et compréhensibles, qu'est-ce qui vous a poussé, dans votre vie personnelle ou musicale, à déclamer ce type de haine/colère ? Est-ce que cet album fut vraiment une catharsis ?
J. : Je n'ai pas vraiment l'impression que ma vie soit particulièrement agréable ou légère. J'ai un boulot de merde qui ne mène à rien, dans une ville où il ne se passe rien de toute façon. J'ai fait des études qui ne mènent nulle part. J'ai écrit les paroles dans une période assez tendue, où je me suis retrouvé quasi SDF, puis logé dans une espèce de trou à rats où on a composé. Alors ça a fait remonter quelques rancunes j'imagine. Mais pas complètement. Tout n'y est pas passé. Et je ne pense pas qu'il s'agisse de haine, mais plutôt de lucidité et de dégoût. La maison crame et on fait la fête dedans, tranquilles… Mais le but de la manœuvre, ce n'est pas prêcher les convaincus… De toute façon c'est mort.




b) Est-ce que Nesseria et la musique d'une manière générale peut s'apparenter pour vous un exutoire, un défoulement bienveillant voire vital ? Ou bien cela ne reste-t-il qu'une passion comme une autre ?

J. : Je suis absolument contre la vision de cette musique comme « papier peint », ou accessoire décoratif. Pourquoi gueuler des choses qu'on ne pense pas et qu'on pourrait dire autrement ?




6) Plutôt proche de l'UG (car fan de grind), je discutais récemment avec des groupes de grind d'un paradoxe mercantile presqu'incontournable, que je me permets de vous soumettre. Outre votre rejet de la médiocrité commune, vous semblez également, via votre art musical, véhiculer une certaine rage à l'encontre de certaines abjections modernes (mais généralisées) tels que les médias de masse, la consommation à outrance ou le capitalisme. Paradoxe que vous entretenez (peut-être malgré vous) via par exemple l'utilisation d'outils clairement orientés sur le profit, comme MySpace, Facebook ou Twitter… Quel regard portez-vous sur ces nouveaux modes de communication et de promotion ? Est-ce plutôt pour vous un outil de relationnel important et privilégié, ou plutôt une perte de temps futile mais obligée ? Êtes-vous conscients de ce paradoxe ou plutôt indifférents ?

J. : Tout à fait vrai. Mais partant du principe qu'on est incapables de faire un site internet, on utilise le média de Murdoch effectivement. C'est assez ironique en effet. Les groupes tournent en cramant du diesel, utilisent les médias sociaux… Et alimentent leurs amplis avec du jus produit au nucléaire… Ce que je veux dire dans les paroles, c'est bien qu'on est baisés de toute façon, et que la majorité d'entre nous n'en a rien à foutre. 




7) Vous avez, il me semble, connu un petit désagrément de label… Si cette question ne vous gonfle pas, pouvez-vous nous en toucher deux mots, que s'est-il passé avec ce label italien ?
Vous avez heureusement réussi à rebondir, en signant avec Trendkill pour la sortie de votre éponyme. Êtes-vous satisfaits de votre deal et du boulot effectué par Trendkill ?

J. : The Spew records pour ne pas le nommer. Sur le papier le deal avait l'air correct, mais quand on s'est mis à poser des questions, on a eu l'impression d'avoir un patron casse-couilles. Et quand on lui a proposé que plusieurs labels DIY pressent une version vinyle, il nous a annoncé des tarifs complètement rédhibitoires. Donc basta. Trendkill, pas de problème, cette fois les choses sont claires, et on a assez de liberté pour se sentir à l'aise.


En ce moment il se passe pas mal de choses intéressantes en France notamment avec des groupes comme le vôtre mais aussi Celeste, Kickback, Comity, Tanen, As We Bleed ou Plebeian Grandstand…
Vous considerez-vous comme faisant partie de la même scène et pouvez expliquez cette emergence de groups français cherchant a repousser les limites de la violence et de la noirceur?
J. : On ne se sent proches d'aucune scène. Je ne connais aucun de ces groupes personnellement, même si on apprécie leur musique. Je ne vois même pas en quoi consisterait une « scène ». Un club ? Une sorte de mutuelle ? Un parti ? Pour ce qui est de la noirceur, j'espère qu'on sera capables d'aller bien plus loin à l'avenir. Qu'on trouvera les outils musicaux pour coller au plus près à la réalité. 



9) Vous semblez avoir été drogués au NostroKickCelesteBack (ce qui est un signe indubitable de bon goût). Pourtant, fan de grind devant l'éternel, je palpe tout au long de votre album une rage et une furie qui m'est bien familière... Est-ce une ignominie si je vous demande quels sont vos goûts musicaux et artistes fétiches ? Et notamment dans le créneau grindcore hystérique, vous écoutez quelques trucs aussi ?

J. : En fait chaque membre du groupe écoute beaucoup de choses, et le grind en fait bien entendu partie. Des trucs comme Robinson, Nasum, Discordance Axis, Clinging to the Trees of a Forest Fire… Je pourrais en citer encore des caisses, mais ce serait au risque de devenir chiant comme la pluie. Mais ouais, Nostromo, Ananda, Blockheads… Kickback... La vie quoi.
Idéalement on aimerait se débarrasser –ou du moins limiter- nos influences les plus visibles, genre Converge.




10) La production de votre album est très crue, très dure, était-ce un choix voulu dès le départ, avez-vous décidé d'un type de son précis en entrant en studio ou cela s'est décidé lors de l'enregistrement et du mix une fois arrivé en studio?

J. : On a décidé de travailler de nouveau avec Neb Xort, on apprécie la puissance de ses prods et le boulot avec lui. On voulait avant tout éviter la sur-compression, les triggs qui sonnent clinique… Mais on n'est pas encore parvenus à faire sonner l'ensemble aussi organique qu'on l'aurait souhaité. C'est aussi une matière qui change en cours d'enregistrement… On a pris pas mal de plaisir avec de l'amplification vintage, affaire à suivre. 




11) Vous avez accouchés de votre premier album dans la douleur, minés par divers problèmes et contretemps particulièrement lourds. Est-ce qu'à votre avis, cette hargne, cette colère teintée de noirceur palpable tout au long de l'album, tient en partie à cette histoire de groupe et à tout ce vécu ? Et par conséquent, n'avez-vous pas la crainte quelque part de ne pas réussir à réitérer ou à re-délivrer une telle déflagration annihilatrice et aussi sauvage sur vos prochains opus ? (bien que je ne vous souhaite absolument pas d'avoir à revivre ce long cheminement !)
J. : Il doit y avoir une espèce de malédiction... Alors des emmerdes, t'inquiète pas il nous en tombe dessus tous les quinze jours, y'aura de la matière… Des choses à dire et du stress à évacuer, certainement.
Cet album, il a été interrompu par la maladie, ralenti par les embrouilles, ça s'est fini à l'hosto, alors qui sait pour le prochain… Un mort peut-être bien ? Mayhem ça leur fait une bonne pochette pour « Dawn of the Black Hearts » tu trouves pas ?


Vous avez changé de chanteur "récemment"; pouvez-vous nous raconter comment s'est passée la chasse au vocaliste et n'aviez-vous pas peur que la nouvelle voix "dénature" un peu l'image du groupe?
Ou considérez vous plutot que ce changement de line up vous ouvre de nouvelles perspective dans l'agression sonore?
J. : Je pense que l'identité du groupe est au-delà ses membres. On a changé de chanteur un bon paquet de fois, à chaque fois ça a été intéressant, casse-couilles… Un peu tout ça à la fois. Le groupe est avant tout un groupe de potes. Ou une secte, ça dépend du point de vue.

13) Parlez-nous un peu de l'artwork? Le message qui se cache derrière, l'absence de titre et du nom du groupe, l'artiste qui s'en est chargé,...?
J. : Alex Eckman-Lawn, un type de Philadelphie. On a apprécié son taf pour Architect. Nous lui avons fourni l'idée des chiens parce qu'effectivement ça a un sens pour nous. C'est une image de l'humain en temps de crise, qui se bat comme un chien, contre les autres chiens. Et si l'album n'a pas de titre, c'est parce que c'est notre premier… Enfin l'argument nous a semblé valable pour nous éviter d'en trouver un.





14)Si ca ne vous dérange pas, pouvez-vous revenir sur les quelques petites polémiques qui ont agité le groupe? Je pense au t-shirt Burzum sur vos photos promo et à votre t-shirt "tête de mouton"? Si vous avez une mise au point à faire à ce propos, VS vous ouvre ses lignes...

J. : Absolument pas. Le sweat. Sur une photo promo, je portais un sweat Burzum. J'aime sa musique, même si je sais pertinemment que Vikernes raconte pas mal de conneries. Je fais clairement la différence entre l'artiste et l'œuvre, point. Céline a écrit "Voyage au bout de la Nuit" et "Bagatelles pour un Massacre", tu vois ?
Alors dans un squat au nord de l'Allemagne, un type nous a demandé de faire une sorte de profession de foi antifasciste en plein milieu d'un concert. Sur la page du groupe, nous avons écrit cette déclaration, la lira qui voudra.
Le plus marrant c'est qu'en discutant avec lui après ça, il me raconte que l'occupation de ce squat tenait à un accord entre eux et un promoteur immobilier véreux, qui se servait des squatteurs comme d'une menace à l'« ordre public » pour ses deals avec la mairie…
Les têtes de moutons, ça a choqué les végétariens, naturellement. C'est bien sûr une image du comportement grégaire et de ses conséquences… Comme si on avait zigouillé ces bestioles nous-mêmes… C'est quand même marrant toute cette connerie.

15) Que pouvons-nous vous souhaiter pour l'avenir ? Quels seraient vos souhaits voire vos fantasmes musicaux, en terme de partage d'affiche, de participation à des splits ou même de guests de luxe sur votre prochain album ? Avez-vous d'ores et déjà commencé à réfléchir ou travailler à quelques pistes de votre prochaine sortie discographique ?
J. : Tourner autant que nos vies nous le permettent, avec des groupes qui niquent… Mais j'aurais du mal à te dire qui… Soit je passe pour une grosse gourmande soit je fais… Genre une proposition indirecte à tel ou tel groupe…
Quant à savoir ce que sera le format de la prochaine sortie, c'est difficile à prévoir… Un album j'espère. La composition, c'est tout juste le début des hostilités… On travaille des tournées pour le moment, on ronge notre frein (t'as vu on est souples).


Bon, on va arrêter les frais ici, donc merci pour vos réponses, et s'il vous reste un dernier mot ou message à passer, c'est ici et maintenant!
J. : Merci pour tes questions, ça fait plaisir de répondre à autre chose que « bio/influences/concerts ». Prenez du crack. 





(Photos live par Leonie Bird)


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