Uriel interview Sylvain de MONOLITHE
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Monolithe est tout frais dans le paysage metal, mais dès les premiers lacets du sentier escarpé qu’est " Monolithe I ", c’est comme si sa musique avait été avec nous depuis toujours, un grondement sourd, une présence incessante qui, à la manière d’un monstrueux ECG, souligne les mouvements du monde depuis sa création. Ca tombe bien puisque les origines de la vie, c’est justement le thème avec lequel Sylvain Bégot, grand passionné de musique(s) devant l’éternel, a choisi d’en découdre avec ce projet. Alliant la quintessence du doom pedigree lourd à une infinie palette de nuances atmosphériques, Monolithe saura vous avaler tout rond et faire apprécier à votre âme ces saveurs lointaines qui animent ses entrailles.

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Terve Sylvain… Quelques mois après que ton groupe premier Anthemon ait mis bas l’album " Arcanes ", te revoici déjà à pied d’œuvre avec Monolithe, ton projet intime dont l’accouchement vient d’avoir lieu. Un petit retour sur les origines de ce beau bébé s’impose. Te rappelles-tu des circonstances dans lesquelles cette envie de procréer Monolithe s’est manifestée pour la première fois ? A partir de quel moment as-tu entrevu la possibilité d’en tirer du matériel mûr pour la divulgation au grand public ?

Je suis assez prolifique, j’ai donc pas mal de choses de côté dont je ne sais pas trop quoi faire ou que je réserve pour d’éventuels autres projets. Ça a été le cas avec Monolithe. J’avais un certain nombre de parties musicales assez courtes, très orientées Doom, que je ne comptais pas vraiment utiliser pour Anthemon car d’une part ça ne rentrait pas trop dans son cadre artistique et d’autre part parce que je ne pense pas que tout le monde dans le groupe soit vraiment réceptif à ce type de musique. J’ai assemblé tous ces élements en un seul, ce qui a donné quelque chose comme les 15-20 premières minutes de Monolithe. J’étais très satisfait du résultat et c’est de là que m’est venu l’envie de continuer à travailler sur ce projet de manière plus " sérieuse " parce que je sentais que je pouvais aller plus loin et qu’en quelque sorte le morceau que j’avais obtenu de la sorte n’étais pas achevé. J’ai donc continué le processus de compostion tout en élaborant parallélement ce que serait le concept de Monolithe, aussi bien au niveau de la musique, du type d’arwork, des textes, etc… Le choix du nom du projet s’est imposé à moi sans que j’y réfléchisse beaucoup en fait. Le nom Monolithe fait à la fois référence à la première source d’inspiration du concept, c’est à dire le monolithe du film de Kubrick " 2001, l’odyssée de l’espace " mais aussi à la forme musicale que j’ai choisie, à savoir un disque composé d’un unique morceau. Le style de musique pratiqué, une musique assez lente et très lourde, aux atmosphères mystiques est aussi un élément qui m’a fait choisir ce nom. Je n’aurais pas pu en trouver de meilleur, même si je savais qu’un groupe de prog des années 70 portait ce nom et qu’un groupe de Death le porte également, mais sans " E " à la fin.

Mon but premier était de créer quelque chose dont je sois satisfait, l’aspect " divulgation " est venu ensuite. Le fait que Monolithe soit signé et que l’album sorte est la cerise sur le gâteau. Mais je suis particulièrement enthousiaste quant à ce premier album, je te mentirais si je te disais que je n’aurais pas trouvé dommage de ne pas le sortir.

 

 

On peut dire sans trop risquer de se tromper que ce projet vient garnir les légions du doom. Nous discuterons les attributs spécifiques de Monolithe plus loin, mais d’abord peux-tu expliquer ce que le doom en tant que musique et la scène doom en tant qu’environnement représentent à tes yeux ? C’est un univers qui passe pour hermétique et mystérieux aux yeux de beaucoup, et qui a pour particularité d’élever au rang de cultes la plupart des groupes qu’il génère… Qu’est-ce qui t’y attire et quelles sont les sensations que tu y recherches ?

Le terme " Doom " ne représente pas grand chose en soi, c’est un terme générique qui regroupe des artistes qui pratiquent une musique qui explore un peu les mêmes sentiers. Souvent les groupes du style sont très différents les uns et des autres et je suis loin d’aimer tout ce qui se fait en la matière. Disons que c’est un refuge pour des artistes qui cherchent à créer une musique émotionnellement riche et, pour les meilleurs représentants, sans limites artistiques sans pour autant chercher à être techniques ou iconoclastes à n’importe quel prix. Les groupes de Doom que j’apprécie particulièrement sont ceux qui allient la puissance et les ambiances profondes. On y trouve souvent une rare beauté, parfois " alternative ", parce qu’elle n’est pas systèmatiquement basée sur des mélodies mais sur des atmosphères ou des riffs de guitares qui dérangent l’oreille parce qu’en dehors des conventions harmoniques usuelles. Le Doom est certainement un des seuls genres musicaux qui peut encore me surprendre lorsque j’écoute les albums de nouveaux venus, alors que c’est très rarement le cas dans d’autres styles.

 

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Il semble que la scène doom, tout en demeurant bien confidentielle, soit dans une phase d’expansion avec l’arrivée de nouveaux groupes et de nouveaux fans. De plus les festivals, voire les tournées exclusivement dédiés au doom sont plus nombreux et mieux soutenus que jamais. A quoi attribues-tu ce phénomène ? Est-ce comme souvent dans d’autres styles une manifestation cyclique appelée à retomber tôt ou tard ?

Effectivement j’ai constaté ce phénomène moi aussi. Je pense que le succès de Shape Of Despair auprès d’un public plus large que le cercle des fans de Doom habituels y est pour quelque chose. Il faut espérer que ça ne va pas dégénérer en grosse farce comme pour le Black Metal. Quant aux tournées dont tu parles, je suppose que tu fais référence au Doomination Tour, qui a fait pas mal parler d’elle, mais il faut savoir qu’elle s’est déroulée en dehors de tout support " professionnel ". Elle a été organisée par les groupes et par les fans. Je ne veux pas jouer les Nostradamus de pacotille, mais je pense que le Doom entre dans une phase de mode et je ne peux que souhaiter que les conséquences ne sauront pas les mêmes que pour le style cité plus haut. On voit d’ailleurs déjà émerger des tendances agressives d’individus qui proclament savoir ce qu’est le vrai doom et critiquer tout le reste, bref tout le cirque habituel dès qu’un style devient plus populaire.

 

 

La forme de doom que tu pratiques pousse assez loin les notions de lourdeur et de lenteur, et ménage un espace généreux pour les atmosphères et les orchestrations. Est-ce là le genre d’approche que l’on peut regrouper sous le terme de funeral doom ?

Je ne peux pas te dire précisemment comment catégoriser la musique de Monolithe. Il y a des influences de plusieurs styles de Doom et même des éléments qui viennent de courants musicaux qui n’ont rien à voir. A ce titre je ne sais pas si Funeral Doom est vraiment le terme approprié même si certaines parties de "Monolithe I" s’en rapprochent.

 

 

Monolithe a été comparé à un croisement entre Shape of Despair et Skepticism. 1° Est-ce quelque chose qui te flatte ? 2° Est-ce quelque chose que tu acceptes comme approprié ?

Je n’aime pas trop les comparaisons en général, même si celles ci sont assez flatteuses. Néanmoins il a été dit aussi que Monolithe I posait les bases d’un nouveau style de Doom et bien évidemment je préfère largement ce genre de commentaire :)

Les comparaisons avec Skepticism et Shape Of Despair viennent sans doute d’une utilisation des claviers comme élément important dans la musique mais ces deux groupes utilisent les guitares en renforcement de la lourdeur de leurs atmosphères alors que celles de Monolithe ont plus d’importance que les claviers. A ce titre je me sens plus proche de groupes comme Unholy ou My Dying Bride même si ça n’a rien à voir musicalement.

 

 

Veuille nommer et commenter tes trois albums doom de référence…

Sans ordre particulier :

Anathema – The Silent Enigma. Un sens des atmosphères belles et oppressantes, une voix géniale, un travail harmonique hallucinant et le jeu de guitare de Daniel Cavanagh – leads sublimes et larsens harmonisés – pour un disque profond et tout simplement beau.

Unholy – Gracefallen. Une collection de riffs Doom très inspirés, une production énorme, le meilleur grunter du style, un album puissant et planant à la fois, une musique assez progressive, bref un de mes disques de chevet.

My Dying Bride – As The Flower Withers. Un disque fondateur, titres inspirés, en dehors de toute convention artistique à l’époque, une production roots mais collant parfaitement à l’ambiance du disque. C’est un classique et je l’écoute régulièrement.

C’est difficile de n’en choisir que trois, des disques comme " Lead & Aether " de Skepticism, " Streams From the Heaven " de Thergothon, " Quietus " de Evoken ou le premier Shape Of Despair " Shades Of… " sont des incontournables eux aussi. Ces groupes officient dans une veine que j’affectionne mais il y a beaucoup de courants différents, il y aurait donc beaucoup d’autres disques essentiels à citer.

 

 

Es-tu parti avec l’idée de réaliser quelque chose de foncièrement nouveau, de réellement extrême ? Par exemple t’es-tu référé lors de la composition aux caractéristiques de certaines œuvres spécifiques en essayant de repousser leurs limites encore plus loin, ou devrais-je dire encore plus bas ?

Pas du tout, je fais ce qui me passe par la tête sans me soucier de coller à tel ou tel style. Néanmoins la recherche d’effets particuliers ou l’expérimentation pure font partie de mon " programme ", il y aura une évolution dans la musique de Monolithe au fil des albums et certains ne seront sans doute pas très accessibles. Ils seront tous différents en fait.

 

 

Est-ce que ta vision de Monolithe a beaucoup évolué entre les premières esquisses et le moment où tu as arrêté le schéma d’ensemble de " Monolithe I " ? Si oui, par quoi et de quelle manière la direction du projet a-t-elle été influencée ?

Non ça n’a pas beaucoup bougé, sauf les textes et les parties de batterie. Après l’écriture de "Monolithe I" j’ai amélioré certains arrangements et j’ai entièrement retravaillé la programmation de la boite à rythme pour lui donner à la fois la souplesse d’un jeu humain tout en gardant le feeling mécanique de la machine, ce qui n’a pas été facile à faire. J’aime tout autant le jeu très fluide de bons batteurs que celui très robotique de la machine, j’ai tenté de réunir les deux.

Quant aux textes, ils devaient être en français au départ mais après reflexion je les ai trouvés un peu trop clichesques. Disons qu’ils n’étaient pas très différents du type de textes que tu attends d’un groupe catégorisé dans le doom. Or, je voulais faire quelque chose de différent et donc une fois le concept général de Monolithe au point, j’ai écris les textes définitifs, en anglais. Ils ont ensuite encore un peu bougé au moment de l’enregistrement du chant.

 

 

La complémentarité harmonique très intense entre la lead guitar et la section rythmique non seulement façonne le visage des mélodies, mais plus généralement définit le caractère de la musique aux instants clés. Es-tu d’accord si je dis qu’en cela, ta manière de composer, qui donne aux guitares un rôle que je qualifierais d’" actif ", se démarque du doom classique qui tend à arborer un profil de monotonie " passive " en limitant l’apport mélodique pur ?

Oui, même si j’utilise beaucoup le clavier, ce sont néanmoins les guitares qui jouent le rôle principal. Comme je te le disais plus haut, cette utilisation des guitares distingue Monolithe des groupes comme Shape Of Despair ou Skepticism auxquels nous avons été comparés.

Mais d’un autre côté je ne suis pas trop d’accord avec ce que tu dis, on ne peut pas dire que My Dying Bride, Unholy, Thergothon ou Anathema ou les pionniers comme Candlemass utilisent les guitares de cette manière.

 

 

" Monolithe I " se compose d’un seul et unique bloc de 52’00. Comment as-tu abordé la réalisation de ce qui devait, j’imagine, sonner au final comme un ensemble cohérent ? As-tu mis bout-à-bout et réarrangé des riffs, des idées ou des bribes de morceau isolés ? Ou bien t’es-tu astreint à composer de manière strictement progressive, en créant chaque partie comme la résultante de la précédente ?

Comme je le disais plus haut, le premier quart d’heure est un patchwork de plans plus ou moins anciens que j’ai retravaillés pour qu’ils s’enchaînent de manière très fluide. La suite de "Monolithe I" a ensuite été écrite de manière progressive et je suis revenu sur certains détails une fois le premier jet du morceau complétement achevé. Ce ne sont pas de petits morceaux collés les uns aux autres, c’est bien d’un seul et indivisible titre qu’il s’agit. D’ailleurs certaines parties reviennent plusieurs fois. Effectivement, un changement d’humeur dans la musique est la conséquence de la précédente et la cause de la suivante.

 

 

J’imagine qu’en tant que fin observateur de la scène metal, tu as eu l’occasion d’écouter des albums comme le " Crimson " d’Edge of Sanity, ou le " Light of Day, Day of Darkness " de Green Carnation, qui présentent également la particularité de se résumer à une seule et même plage marathon. Sans entrer dans des comparaisons musicales qui n’ont pas lieu d’être vu les différences de style, t’es-tu inspiré de la méthodologie de tels albums ? Honnêtement, où se situe pour toi le principal intérêt d’un long morceau unique, et quelles en sont les limites (en te basant aussi bien sur Monolithe que sur les groupes précités) ?

Je possède ces deux albums. Je suis très admiratif du travail de Edge Of Sanity, mais le Green Carnation m’a lassé très vite parce qu’il manque de rebondissements je trouve. Je ne me suis inspiré d’aucun de ces deux albums, j’ai fait les choses telles que je les sentais. Je sais que ce n’est pas foncièrement nouveau de proposer un album composé d’un unique titre, même si cela reste relativement rare, mais jusqu’à présent cela n’a été fait qu’à titre exeptionnel alors que Monolithe ne proposera que des albums d’une seule piste. D’un point de vue musical et textuel, l’ensemble de la discographie de Monolithe sera une seule et unique histoire dont chaque album sera un nouveau chapitre, musicalement différent du précédent, tout en conservant un certain nombre de bases posées par "Monolithe I". Une fois le concept achevé, Monolithe s’arrêtera. J’ai déjà plus ou moins décidé du nombre de " chapitres ", c’est un challenge très ambitieux mais je le mênerai à son terme.

L’interêt d’un seul et unique morceau est double : le premier c’est de disposer d’une liberté totale quant au développement d’une idée, qu’on peut triturer comme l’ont veut, développer sur une durée très longue sans rendre l’ensemble bancal au niveau de la structure. L’autre avantage, c’est d’embarquer l’auditeur dans un voyage et manipuler ses émotions sans qu’il ne puisse brûler les étapes. Il est clair qu’une partie du public sera refractaire à ce relatif manque de liberté mais au moins ceux qui apprécieront l’album auront fait l’effort de s’immerger dans l’univers de Monolithe et de ne pas l’écouter que superficiellement. En tant que musicien, s’il y a bien une chose que je n’aime pas entendre, c’est " j’aime bien ton album, surtout la 3, la 6 et la 10 ! ". Tu vois ce que je veux dire.

Quant aux limites, il n’y en a pas ! A part la quantité de musique qu’un CD peut contenir :)

 

 

Je trouve que les 52’00 se digèrent très bien et sont même relativement vite passées – il m’est arrivé de trouver le temps bien plus long sur des albums traditionnels de 40’00. Est-ce que c’est un phénomène que tu ressens également si tu écoutes l’album en tant que simple auditeur ? Selon toi, est-ce que l’impossibilité (ou du moins la grande incommodité) de zapper entre les parties est quelque part un moyen d’opérer un tri sélectif parmi son auditoire en mettant à l’épreuve la fidélité à la musique et l’implication dans l’écoute ?

J’ai déjà répondu à cette question en grande partie dans ma réponse précédente, il est évident que le fait d’être obligé d’écouter l’album d’une seule traite risque d’évincer un public qui n’écoute la musique que de manière très superficielle – ce qui n’est pas plus mal – mais bien évidemment ce n’est pas ça qui a motivé le choix d’un unique titre. Du côté du public Doom, j’ai reçu beaucoup de réactions très enthousiastes vis à vis de "Monolithe I" sans qu’on ne me dise jamais que c’est emmerdant de n’avoir qu’une seule piste ou ce genre de trucs. Ça ne me surprend pas vraiment parce que ce public là est habitué aux morceaux très longs.

Pour répondre à la première partie de ta question, je trouve également que les 52 minutes de "Monolithe I" passent vites. Il se passe toujours quelque chose qui tient ton attention et ton interêt en éveils.

 

 

Est-ce que " Monolithe I " raconte une histoire ? A la lecture de l’encart lyrics et des infos communiquées dans la bio du groupe, il semble que le sujet central soit les origines de l’humanité. Sous quel angle et selon quel type de langage (philosophique, romancé, etc.) explores-tu ce vaste thème ?

Monolithe raconte une histoire, "Monolithe I" n’en est que le prologue. Il s’agit effectivement d’un concept basé sur l’origine de la vie – humaine, ce qui a son importance – ecrit dans un language qui se veut paradoxalement très simple et absconse. La compréhesion du texte de "Monolithe I" n’est pas immédiate je pense, mais il y a quand même des indices assez évidents qui donnent les clées pour comprendre au moins de quoi ils parlent. Je n’ai pas la prétention d’aborder le sujet d’un point de vue philosphique, même si ces textes sont l’occasion de faire un point sur la place de l’homme dans son environnement. C’est plutôt du côté de la SF qu’il faut aller voir, parce que le thème de l’origine de la vie tel que je le traite ne repose sur aucune base scientifique valide.

 

 

" Monolithe I " est-il conçu afin de guider l’auditeur sur la voie du concept traité ? Crois-tu que la jouissance parfaite de ta musique doit obligatoirement s’accompagner d’une certaine réflexion introspective ? Es-tu d’après ton expérience en mesure de suggérer des moyens d’atteindre les dispositions d’esprit idéales – appareillage d’écoute, éclairage particulier, substances, etc. ?

La musique reste l’élément primordial. L’artwork, les textes, le concept général, etc… relèvent, dans ma manière de voir les choses, du domaine de l’imagerie et de la communication. Rien n’est bien sûr fait au hasard, lorsque tu écoute "Monolithe I" en lisant les textes, en extrapolant sur le concept, en regardant la pochette ou en ayant en tête des images de grands espaces, etc… ton imaginaire travaille et les relations avec ce qu’évoque la musique deviennent évidentes. Je dirais que "Monolithe I" est le type d’album qu’on apprécie pleinement lorsqu’on y consacre toute son attention, à fort volume ou au casque, dans l’obscurité ou avec le digi sous les yeux.

 

 

" Dieu n’est qu’un mot rêvé pour expliquer le monde ", dixit Lamartine. En quoi cette citation, que tu as choisi de faire figurer au dos de l’album, illustre-t-elle Monolithe ? Comment interprètes-tu toi-même cette pensée ? Il est communément admis par les théologiens que l’essence divine, transcendante, est indépendante (au-dessus) des réalités terrestres. Or, si l’on doit rechercher la justification du terrestre dans le divin (comme semble l’indiquer cette phrase), n’est-ce pas là un expédient commode pour l’Homme de nier la responsabilité fondamentale de ses actions ?

Lamartine ne fait qu’exprimer de manière poétique que Dieu est la personnification de l’ignorance de l’homme, et ce depuis toujours. Il est aussi, comme tu l’as dis, l’excuse incontestable, la justification ou la négation d’actions qui font de l’homme un ennemi pour ses pairs et lui-même. L’emploi du mot " rêvé " n’est à mon sens pas anodin. Lamartine aurait pu utiliser l’adjectif " idéal " à la place, mais il n’en est rien car ses mots ont un double sens. On peut aussi penser que finalement, ce serait plus commode de pouvoir tout expliquer avec un " c’est à cause de Dieu ". Penser que l’homme est en fait face à un grand vide, à une grande inconnue, ou à un (ou des) dieu(x) très différent(s) de ce qu’il imagine, est difficile à concevoir, voire effrayant. Je suppose qu’il y a maintenant assez d’éléments pour comprendre pourquoi cette citation se trouve au dos de "Monolithe I" :)

 

 

Revenons à des choses plus terre à terre en évoquant les musiciens qui t’accompagnent sur le premier opus de Monolithe. Peux-tu tout d’abord en faire un bref tour d’horizon ? Ensuite, tu m’avais confié à une époque que tu voulais faire de Monolithe un line-up évolutif au fil des albums, mais il semble que tu sois quelque peu revenu sur cette décision. Des explications ?

A part moi-même aux guitares, claviers et programmation, les musiciens ayant enregistré "Monolithe I" sont Richard Loudin au chant, Marc Canlers à la basse, Nicolas Chevrollier et Benoît Blin aux guitares. Ils font tous quatre partie d’autres groupes et ont participé à l’album à ma demande, soit parce que j’attendais quelque chose d’eux en particulier par rapport à leur capacité vocale ou instrumentale comme pour Richard ou Marc, soit parce qu’ils sont des amis en qui je pouvais avoir une totale confiance pour me décharger d’une certaine dose de travail. Avec toutes les pistes de guitares qu’il y avait à enregistrer, je me suis félicité d’avoir eu la bonne idée de faire appel à deux autres guitaristes pour ne pas avoir tout à faire tout seul !

En principe je souhaitais changer de line-up à chaque album, c’est vrai, mais entre la difficulté de gestion d’un line-up en constante évolution et l’ecueil possible du " all-star band ", j’ai préféré, du moins pour le moment, faire appel aux même personnes. "Monolithe II" sera donc en principe composé du même line-up, avec si tout va bien un musicien supplémentaire qui jouera d’un autre instrument. Tout cela n’exclue pas d’inviter à l’occasion des musiciens que j’apprécie, sur tout un album ou en guest sur certaines parties. Il y a notamment deux musiciens français que j’aimerais pouvoir convaincre de participer un jour ou l’autre à un album de Monolithe.

 

 

Monolithe sera-t-il cantonné aux murs du studio, ou envisages-tu de lui donner une existence scénique ? Comment te représentes-tu le décor et les conditions de jeu qui feraient d’un concert de Monolithe une expérience inouïe ?

Monolithe ne fera pas de concerts. C’est une décision que j’ai prise dès le départ. Ne pas faire de concert est un choix artistique et ne pas faire de répétitions est un avantage considérable. Néanmoins je n’exclue pas l’éventualité d’un concert unique un jour ou l’autre, peut-être juste avant que Monolithe arrête ses activités… C’est bien sûr impossible à prévoir pour le moment. Si un tel concert devait avoir lieu un jour, il faudrait plusieurs guitaristes, un véritable batteur capable de reproduire les mêmes parties que la machine, des conditions scéniques excellentes et un gros travail de préparation.

 

 

Le chant de Richard Loudin navigue dans des eaux sépulcrales d’une rare profondeur. Cela participe-t-il d’une volonté de départ ? Qu’est-ce que ce chant est censé incarner dans l’œil de l’entité Monolithe ? Se limite-t-il au rôle de narration, ou bien matérialise-t-il une force distinctive qui ne supporterait pas un type de timbre plus clair ?

J’ai demandé à Richard de s’occuper du chant sur "Monolithe I" parce que connaissant sa voix à travers Despond et son vif interêt pour ce genre de musique, je savais que j’obtiendrais exactement ce que je voulais. Son rôle est essentiellement narratif mais il est aussi utilisé comme un instrument qui vient apporter une variation à un thème. Il sert aussi de contrepoint aux parties musicales les plus " optimistes ". Je ne voulais pas de chant clair sur "Monolithe I" mais je n’exclue pas d’en mettre dans l’avenir s’il peut apporter autre chose qu’une simple mélodie supplémentaire. Il y a aussi un type de vocalises particulières que j’aimerais bien essayer d’intégrer dans Monolithe, ça pourrait donner quelque chose d’assez exeptionnel.

 

 

Ne trouves-tu pas que le growl bien grave possède certaines propriétés aphrodisiaques ?

Richard est hétérosexuel mais je vais te donner son contact et tu pourras tenter ta chance si tu veux :)

 

 

Ta collaboration avec Appease Me… s’est annoncée de façon assez singulière, puisque ce sont les dirigeants de ce label qui t’ont signifié leur intérêt pour Monolithe sans que tu leur aies envoyé de maquette au préalable. As-tu été surpris de cet intérêt – a priori exclusivement basé sur des critères artistiques – de la part de personnes avec lesquelles tu n’avais pas de contacts auparavant ? Cela a-t-il joué dans ta décision de t’engager, bien qu’Appease Me… soit un label encore très jeune ?

Ce qui m’a surpris c’est surtout qu’une proposition arrive aussi rapidemment. Maintenant que la proposition émane d’Appease Me… n’est en soit pas très surprenant, les dirigeants sont eux-mêmes des musiciens qui concentrent leur attention sur la qualité de la musique qu’ils font sans redouter les réactions du public. Pour tout dire, Appease Me… n’a pas été le seul label avec qui j’ai été en contact, mais mon choix final a été influencé d’une part par la concordance de leurs motivations et des miennes, par le respect que je porte aux musiciens qu’ils sont, par le fait qu’ils étaient prêts à me suivre dans toutes mes décisions – et ils ont tenu parole, sur le fait de sortir un digipack par exemple -, par une volonté affichée de transparence, par leur ouverture d’esprit dans leurs goûts musicaux, et aussi parce que Appease Me… étant un jeune label ambitieux et sincère dans ses démarches, participer à cette " aventure " depuis le début m’a particulièrement motivé. Je pense sincèrement qu’Appease Me… va rester ce qu’il est déjà, à savoir un label très, très intéressant sur le plan de sa politique artistique et qu’il va très vite devenir une référence.

 

 

Dans l’hypothèse où Appease Me… ne t’aurait jamais mis le pied à l’étrier, comment comptais-tu t’y prendre pour produire et distribuer " Monolithe I " ? Est-ce que la signature a considérablement accéléré les choses ?

La signature avec Appease Me… a accéléré la sortie de l’album, mais comme je te le disais, ce n’était pas le seul label avec lequel j’étais en contact. Il aurait très bien pu sortir ailleurs sans que je ne fasse de véritable travail de démarche. Si j’avais effectivement eu besoin de démarcher, je ne pense pas que j’y aurais apporté beaucoup d’importance et il existe de toute façon des moyens de distributions alternatifs. Néanmoins la situation dans lequelle est Monolithe à l’heure actuelle est celle que j’espérais.

 

 

D’où l’intérêt d’une cyber-promotion rondement menée auprès de cibles médiatiques choisies… Je t’ai fréquemment vu rendre compte de l’avancée du projet Monolithe sur certains forums et espaces web, et le site de Monolithe était en ligne bien avant que l’album ne soit disponible. Y a-t-il concertation avec Appease Me… à ce niveau afin d’optimiser la diffusion de l’information, ou bien es-tu totalement libre d’aller faire indépendamment ta promo à droite et à gauche ? Qu’en est-il de la majorité de fans qui, pour une raison ou une autre, ne lisent que la presse écrite ? Est-ce encore une cible hors d’atteinte (en dehors du bouche à oreilles) ?

Le site ou les annonces passées sur des forums se font sans consultation. J’ai tout de même prévenu Appease Me… dans certains cas. Je pense que je ne m’avance pas trop si je dis qu’Appease Me… comme moi-même considérons la promo comme un mal nécessaire, nous faisont de notre mieux, avec nos moyens, mais l’essentiel reste ailleurs. Internet est un média peu coûteux, il est donc primordial pour des formations comme Monolithe ou Blut aus Nord dont le public se forme à travers le bouche à oreille plutôt qu’avec la promo. La presse écrite, elle, est plus délicate à atteindre. Le prix des pages de pub est très élevé et les magazines nationaux ne prêtent pas beaucoup d’importance aux groupes qui essaient de faire quelque chose de différent, surtout si ce sont de nouveaux venus. D’autre part entre l’énergie qu’il faut dépenser pour avoir droit à 5 lignes bâclées par un type qui a écouté ton album une fois et celle qu’il faut pour qu’un chroniqueurs passionné prenne un peu de son temps pour essayer de comprendre ta musique avant d’en parler, le choix est vite fait. C’est un peu carricatural, mais bon… Un seul journaliste de magazine national a fait l’effort de faire en sorte que Monolithe figure dans les pages de son magazine alors que tous ont reçu un cd promo…

 

 

Sur les premières chroniques (élogieuses) de " Monolithe I ", plusieurs proviennent de zines allemands. Disposes-tu de contacts privilégiés au pays de la saucisse ? Est-ce que la distribution de " Monolithe I " sera assurée en Allemagne, et par extension ailleurs à l’étranger ?

Je n’ai pas de meilleurs contacts en Allemagne qu’ailleurs, mais j’ai remarqué en effet que les retours en provenance de l’étranger étaient plus nombreux qu’en France, autant au niveau de la presse que du public. Concernant la distribution, je suis un peu perdu. Appease Me… travaille sur la distribution à l’étranger et je ne sais pas trop ce qui est déjà signé et ce qui est en pourparler alors je ne préfère pas m’avancer. La distribution en dehors des frontières françaises est de toute façon primordiale pour Monolithe, qui a plus de chance de s’imposer aux Pays-Bas, en Belgique et en Allemagne qu’en France.

 

 

Nous en avons déjà discuté lors de la dernière interview d’Anthemon : un " Monolithe II " est déjà dans les starting-blocks, et je crois savoir que le travail de fond sur " Monolithe III " est déjà bien avancé. Peux-tu dévoiler certains des contours qu’auront ces albums, au niveau de leur style, de leur ambiance et de leur contexte ? Doit-on s’attendre à une suite conceptuelle ? S’agira-t-il encore de morceaux uniques ?

"Monolithe II" sera au niveau conceptuel et textuel la suite de "Monolithe I" et il s’agira d’un morceau unique, idem pour "Monolithe III".

Monolithe II reprend un certain nombre de bases posées dans "Monolithe I" mais il sera différent. L’ambiance générale est plus belle et triste, et surtout la musique est très lancinante et hypnotisante. J’ai déjà enregistré de courtes démos et elles sonnent encore mieux que ce que j’imaginais, j’attends donc avec impatience d’enregistrer l’album en décembre prochain. Quant à la sortie je n’en sais encore rien. Les guitares seront accordées comme sur "Monolithe I" sauf que nous utiliserons des 6 cordes et non pas des 7 cordes cette fois pour avoir un son toujours aussi massif, mais désincarné.

Monolithe III sera l’opposé de "Monolithe II", à savoir un album très extrême, laid et repoussant. J’en ai un peu commencé la composition et je sais dans quelle direction aller mais ce ne sont que les premières esquisses. Et bien sûr, ce sera un album composé d’un seul titre.

 

Je me la joue Philippe Bouvard deux secondes. De qui est cette citation : " L’art n’est pas une étude de la réalité positive, c’est une recherche de la vérité idéale " ? Peux-tu surtout essayer d’interpréter le contenu de ce message, en le rapportant éventuellement à ta propre vision de ce vers quoi l’activité artistique brute doit tendre ?

C’est de George Sand, mais j’ai triché :)

J’approuve la première partie de la phrase, je suis plus réservé pour la seconde. L’art est une vérité sublimée, certes, mais avant toute chose subjective. L’art est une interprétation à travers un médium, voire deux : l’artiste et son outil de travail (un pinceau, un instrument de musique, un appareil photo,…). Et selon moi l’activité artistique ne doit pas tendre vers quelque chose, elle ne peut pas à avoir de règle, sinon ce n’est plus de l’art mais de l’artisanat. Tout est possible et envisageable, et ce par n’importe quel moyen, à partir du moment où l’œuvre terminée possède sa propre conscience.

 

Quel est le film le plus doom que tu aies visionné ?

Scoobidoo.

 

Je te remercie une fois de plus pour ta disponibilité à l’égard de VS, et comme je n’ai encore jamais trouvé quelque chose de mieux que de laisser le dernier mot à l’interviewé, je te laisse le dernier mot…

Il est possible d’écouter quelques extraits de "Monolithe I" sur le site de Monolithe : http://www.monolithe.free.fr

Pour toute question relative à Monolithe : monolithe_contact@hotmail.com

Merci pour l’interview !