Dark T interview SAS de MISATHROPE
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Nous sommes samedi 10 mai 2003 et je dois rencontrer S.A.S. de L’Argilière, chanteur de Misanthrope. Quel endroit mieux choisi que le centre du monde pour une telle interview ? Mais qu’est ce qu’il raconte comme conneries me direz vous ? Le centre du monde, et pourquoi pas la lune tant qu’on y est ! Je n’y peux rien, on avait rendez vous à la gare de Perpignan, qualifiée de centre du monde par Salvador Dali en personne (c’est fou non !). C’est parti pour un entretien métallique avec le bonhomme qui s’est montré très réceptif et chaleureux (quoi de plus normal au pays du soleil !).

sas.jpg (46665 octets)VS : Avec SSD vous avez délaissé les studios Fredman et l’album a été enregistré par JJ Moréac, pourquoi ce choix ? Vous pensiez qu’il était temps pour Misanthrope de casser ses habitudes ?
S.A.S. : Oui c’est ça, nous avions enregistré plusieurs albums en Suède sous la houlette de Fredrick Nordström, il était temps pour nous de passer à autre chose. L’expérience d’Argile nous a été bénéfique à Jean Jacques et à moi, nous pouvions désormais produire les albums de Misanthrope par nous même. Le changement a du bon, ça permet de ne pas s’endormir sur ses acquis. De cette façon nous disposions de tout le temps nécessaire pour fignoler les détails, nous n’étions pas à un jour prés comme c’est souvent le cas en studio.

VS : Un regard extérieur sur votre musique ne vous manque pas ? Quand on reste longtemps en studio, comme ce fut le cas, tout peut devenir confus.
S.A.S : Il faut savoir qu’aussi talentueux soit il, Fredrick Nordström n’a jamais eu un droit de regard sur notre musique, pour schématiser à l’extrême il était en studio pour tourner les bons boutons au bon moment. Nous savons exactement ce que nous voulons pour Misanthrope et d’ailleurs personne n’as jamais produit le groupe artistiquement à par ses propres membres et bien évidemment Jean-Jacques Moréac.

VS : Dans quel état d’esprit étiez vous en enregistrant cet album ? Depuis le début de sa carrière Misanthrope propose des albums de plus en plus aboutis, vous étiez attendus au tournant, surtout après un album comme Misanthrope Immortel.
S.A.S. : Cela fait maintenant deux ans et demie que Misanthrope Immortel est sorti et c’était un vrai challenge pour nous de faire mieux. C’est Jean Jacques Moréac qui a produit l’album, nous sommes restés 5 mois en studio pour obtenir ce résultat. Cet album marque un net changement par rapport au précédent aussi bien au niveau des conditions d’enregistrement qu’au niveau de la musique. Sadistic Sex Daemon est musicalement différent de son prédécesseur, pour cet album c’est Jean Jacques qui a tout composé, ce qui n’était pas le cas sur Misanthrope Immortel. Nous sommes en fait dans la même position qu’il y a quelques années juste après la sortie de 1666 Theatre Bizarre, c’est un peu un nouveau départ pour Misanthrope.

VS : Les textes de Misanthrope sont très soignés et très riches en références, d’ou te viens cette passion pour l’histoire ?
S.A.S. : Les textes sont dans la continuité de ce que Misanthrope a l’habitude de proposer, j’ai essayé de pousser le concept misanthropique à son paroxysme en dépassant les limites. Cet album est incontestablement le plus noir de la discographie de Misanthrope, outre les termes récurrents abordés sur les albums de misanthrope on peut trouver des chansons en rapport avec la démonologie et l’occultisme : grand démonologue et La Marche des Cornus entre autres. Le but était de donner le point de vue de Misanthrope sur ces thèmes en rapport avec le monde métal, l’occultisme y est décrit de façon très mécanique voire religieuse. La politique est aussi mise en cause sur cet album, les gens ont besoin de se poser des questions, en quelques mois on passe d’un président qui fait dix huit pour-cent (des votants, soit 8-9 pour-cent de la population française) au premier tour à un éventuel prix Nobel de la paix, il faut réagir quitte a se trouver sur un terrain glissant et déplaire à certains. Finalement personne depuis Trust n’a oser s’en prendre au système. Je préfère aborder ce genre de sujets qui font réfléchir plutôt que parler des éternelles histoires de dragons, certains le font très bien mais ce n’est définitivement pas la vocation de Misanthrope.

VS : Il y a deux nouveaux membres dans Misanthrope, ou les avez vous trouvé et peux tu nous les présenter ?
S.A.S : A l’instar du groupe Death, Misanthrope n’a jamais enregistré un album avec le même line up que sur le précédent disque. Notre batteur, Gaël Féret n’est pas nouveau à proprement parlé puisqu’il a fait la tournée de Misanthrope immortel avec nous. Jean baptiste Boitel a délaissé le poste de guitariste pour s’occuper pleinement du son de Misanthrope, il nous a donc fallu trouver un remplaçant à la hauteur, la chose est faite en la personne de Anthony Scemama qui s’est très bien intégré au groupe. Ce sont deux excellent jeunes artistes, talentueux et violemment précis.

VS :Aviez vous besoin de vous libérer JJ et toi en sortant l’album d’Argile ? SSD aurait il pu voir le jour sans cette escapade ?
S.A.S : Il faut savoir que pendant prés d’un an Misanthrope n’a pas répété, il nous a fallu gérer ce trou. C’était l’occasion rêvée pour mettre sur pied ce projet qui me tenait à cœur et qui était en stand by depuis quelques temps. J’en ai parlé à Jean Jacques et nous avons décidé de le faire tous les deux sans personne d’autre. Argile est un hommage au groupe que nous écoutions (et que nous écoutons toujours) quand nous étions plus jeunes (celtic frost, bathory, les premiers My dying bride). Nous avons enregistré l’album en 11 jours, c’est moi qui ai composé toute la musique et c’est jean Jacques qui a produit et joué l’album. On s’est fait plaisir en enregistrant ce disque, cela nous a permis d’envisager l’enregistrement de SSD de façon plus sereine. Les fantômes du passé étant en terre pour quelques années dorénavant !

VS : Qui prend l’ultime décision concernant Misanthrope ? Est ce une démocratie, une monarchie (si oui laquelle) ou une dictature ?
S.A.S. : C’est le bordel (rires) ! Plus sérieusement, il n’y a pas de problème de ce côté là. Chaque musicien sait ce qui est bon pour Misanthrope ou ce qui ne l’est pas, il est donc rare qu’on se prenne la tête. Tout le monde a son mot à dire dans le groupe, aussi bien les membres les plus anciens que les petits nouveaux. Chacun sort le meilleur de lui même pour que Misanthrope aille de l’avant, il peut y avoir des discussions entre nous mais cela concerne plus les petits détails (choix des titres des morceaux joué en concert, ordre des titres etc…)

VS : SSD est encore tout frais mais y a t’il dessus des détails que tu voudrais changer ?
S.A.S. : Pour cet album nous n’avons eu aucune contrainte de temps pour l’enregistrement, de plus c’est la première fois que nous avions complètement maquetté les titres. L’album nous satisfait pleinement, tout ce qui est dessus a été mûrement pensé et réfléchi et tout sonne comme nous le voulions. Je pense au chant notamment, il a été mis en place de façon quasi chirurgicale, beaucoup plus que par le passé. Il est exactement comme je le voulais et comme Jean Jacques le voulait. Nous avons travaillé d’arrache pied pour proposer l’album le plus abouti possible. A l’heure actuelle tout nous convient, nous verrons ce qu’il en sera dans plusieurs mois avec le recul.

misanthropeSleeve_Immortel_small.jpg (10312 octets)VS : Tu as déclaré que le succès avec Misanthrope est arrivé au moment ou tu ne l’espérais plus. Depuis le groupe ne cesse de grossir, jusqu’où comptez vous aller ? Les contraintes doivent être plus importantes pour un groupe français de métal extrême plutôt que pour un groupe suédois ou allemand.
S.A.S. : En fait comme tout jeune groupe nous avons eu notre lot de galères. La période juste avant Théâtre bizarre a été très difficile à gérer pour le groupe, nous avons failli tout arrêter à ce moment mais Jean Jacques et moi nous sommes battus pour terminer ce disque, nous l’avons porté à bout de bras et il a finalement pu voir le jour. Un plus grand public a commencé à s’intéresser à Misanthrope, la notoriété du groupe allait en grandissant et l’album suivant à finalement mis le feu aux poudres. Visionnaire a imposé le nom du groupe au niveau national, maintenant nous essayons de progresser d’albums en albums. Jusqu’où irons nous ? Seul le futur nous le dira. Pour revenir à ta question, il n’y a pas plus de contraintes pour un groupe français que pour un groupe étranger, une fois que l’album est en boite, c’est à la maison de disque de faire son boulot et au public de faire son choix (NDdt :Misanthrope est entré à la 20ème place des ventes chez Virgin dans la catégorie métal, on dirait que le public a déjà choisi).

VS : Justement, Misanthrope est un ambassadeur du métal français à l’étranger. Plus généralement, comment y sont perçus les groupes français ? Quels sont les pays les plus réceptifs à la musique de Misanthrope.
S.A.S. : C’est bien simple, le métal français à l’étranger n’existe pas. Pour eux il n’y a rien depuis Trust & Sortilège. Un groupe français vend à 98% en France. Misanthrope a quand même sorti des éditons de ses albums en Europe, au Japon, au Brésil et même en Russie mais cela reste quand même limité. Le potentiel d’un groupe comme Misanthrope est de l’ordre de 15000 ventes mais d’un côté on vend plus à chaque album alors on verra.

VS : On parle des groupes français à l’étranger, mais en France, existe t’il une entre aide entre les groupes ou est ce un peu le chacun pour soi ?
S.A.S. : C’est comme partout, il y a des gens avec qui on s’entend très bien et d’autres avec qui on s’entend moins. On est loin de l’image d’Epinal des métalleux qui sont tous frères, mais globalement ça va. Par contre si tu as envie de faire un concert, ne reste pas a attendre à côté de ton téléphone qu’on t’appelle, tu risques d’attendre longtemps. Il faut être motivé et ne compter que sur soi si tu veux arriver à quelque chose.

VS : Vous venez de faire plusieurs concert ces jours ci. SSD est dans les bacs depuis peu, comment ont réagi les fans ? As tu des retombées ?
S.A.S. : L’affluence aux concerts était très bonne, tout s’est bien déroulé. Le nouveau line up assure très bien sur scène. Les morceaux du nouvel album ont bien franchi le test de la scène, les morceaux les plus directs sont ceux que le public apprécie le plus pour se défouler " Révisionniste " " Extinction d’une étoile " " La marche des cornus ".

VS : En parlant de Live, vous dégagez sur scène une importante énergie, est il envisageable de graver ça sur cd ou pourquoi sur dvd (sup l’a bien fait) ?
S.A.S. : C’est une idée, on y a pensé mais il faut le budget adéquat, on verra (NDdt :c’est bientôt les quinze ans du groupe, un coffret anniversaire ou quelque chose comme ça pourrait voir le jour, mais chut ! j’ai rien dit)

VS : Un grand festival d’été, c’est pour quand (je pense aux festivals allemands) ?
S.A.S. : Quand on nous invite ! Dans ces grands festivals le public vote pour choisir les groupes, de plus dans certains pays il est de bon ton de critiquer les groupes français. En partant de là, on se retrouve dans un cercle vicieux.

VS :D’après toi, quels sont les groupes intéressants aujourd’hui ? Quels sont ceux qui peuvent vous influencer ?
S.A.S. : Il y a plein de groupes intéressants aujourd’hui, je pense à The Kovenant qui propose un mélange métal/électro du plus bel effet, Children of Bodom également qui a remis les solos à l’honneur dans la musique extrême. La scène est assez dynamique, on est assez ouvert d’esprit pour les apprécier, Misanthrope n’a pas vraiment besoin d’influence extérieure, nous savons ou nous devons aller.

VS :Tant qu’on y est, quels groupes ont bercé les tendres années de Misanthrope ?
S.A.S. : C’est difficile à dire car il y a deux générations de musiciens dans le groupe. Une partie a grandi avec Destruction, Kreator, Maiden, Immortal, Coroner, Death, Celtic Frost, Running Wild, Bathory, les premiers My dying Bride, Helloween et Paradise Lost, etc… L’autre n’apprécie que des groupes plus récents. C’est ce mélange de personnalités qui fait la force du groupe.

VS : Dernière chose. Dans les commentaires sur VS certains t’accusent de te signer toi même et passent leur temps à critiquer. Crois tu que ce soit typiquement français de ne pas défendre les groupes nationaux et de chercher la petite bête ? Quand Marduk fonde son label et gère tout seul sa carrière, personne ne se plaint, idem pour The Gathering.
S.A.S. : Il faut savoir que S.A.S. est un personnage que j’ai créé et c’est lui qui officie en tant que chanteur dans le groupe. A côté de ça j’ai un travail (comme tout le monde) et il se trouve que je bosse chez Holy Records parce que je suis un passionné de métal. Le métal est véritablement ma vie contrairement à des milliers d’autres. J’arrive parfaitement à faire la distinction entre les deux, ce sont deux aspects complètement différents de ma personnalité. Si quelques personnes malveillantes s’amusent à y voir autre chose, tant pis pour elles ! Si ça les amuse de perdre leur temps !

VS : Un dernier mot pour les lecteurs de VS.
S.A.S. : Merci pour cette somptueuse interview live à Perpignan, merci pour ta fidélité, ta franchise et ton support. Misanthrope c’est aussi tout cela à la fois. Éternellement amoureux de son public.

AETERNITAS

Voilà, l’interview de SAS est finie, tant qu’on y est Séverine (la véritable boss d’holy) aura droit elle aussi à son interview. Maintenant en route vers le Crock More pour repérer les lieux avant un éventuel concert à la rentrée (on va pas trop s’éterniser, ce soir là c’était soirée techno, beurk !)