Uriel interview Sylvain de ANTHEMON
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Avec la sortie de " Talvi ", Anthemon a fait une entrée remarquée parmi les espoirs sérieux du metal atmosphérique à la Française. Et ils ne comptent bien sûr pas s’arrêter en si bon chemin ! Le beau Sylvain, guitariste d’Anthemon, nous a fait une fleur en se prêtant avec brio à cette interview !

Ave Sylvain et bienvenue sur Violent Solutions. Autant que j’aie pu m’en rendre compte, j’ai l’impression qu’Anthemon est l’un des jeunes groupes les plus en vue sur la scène française actuellement. Avez-vous également le sentiment que beaucoup de regards sont tournés vers vous à l’heure actuelle ?
C’est normal que tu aies cette impression, " Talvi " a été largement chroniqué un peu partout dans la presse metal et sur le web, donc notre nom a pas mal circulé au sein de la scène française ces derniers temps. On a répondu à des interviews presse et radio, ça aide aussi, ça attise la curiosité du public. Ce que je pense surtout, c’est que certaines personnes croient en notre potentiel au niveau artistique et commercial, et que le bouche à oreille fonctionne bien à notre sujet. Tout ça nous a permis d’avoir un certain following.

Le facteur qui m’a sauté aux yeux en parcourant votre site internet est l’apparente solidarité du groupe. Je peux me tromper, mais je devine une forte complicité entre les membres. Par exemple tout le monde semble souhaiter poursuivre à long-terme avec Anthemon. Peux-tu me donner un aperçu de vos liens extra-musicaux ? Depuis combien de temps vous connaissez-vous mutuellement ? Enfin, comment caractériserais-tu votre ascension depuis les balbutiements du groupe ?
Notre solidarité est avant tout artistique. Nous aimons ce que nous faisons et nous apportons un grand soin à la composition, pour ne pas sombrer dans les clichés du style musical que nous pratiquons. Nous faisons partie d’Anthemon parce que nous avons tous envie d’enregistrer des disques et faire des concerts, pas pour faire la fête ensemble en répétition autour de quelques bières. En dehors de la musique, nous sommes amis bien sûr, mais comme nous avons tous notre vie à côté (nos jobs, nos copines, nos amis, nos hobbies…) nos relations se situent essentiellement autour du groupe. Je connais Marc depuis 1997, nous nous sommes rencontrés par annAnthemon.jpg (3683 octets)once ! ! Je venais d’arriver à Paris, et je cherchais à monter un groupe, lui aussi, et hop on a monté Anthemon. Nicolas est arrivé ensuite, fin 98 je crois ou début 99, Nathalie et Alex sont arrivés il y a un an et demi ou deux ans. Le line-up a beaucoup changé depuis la création du groupe. En ce qui concerne l’évolution du groupe, il y a deux aspects à évoquer, le côté artistique et le côté business / médiatisation. Au niveau artistique, il y a une évolution constante de la musique vers plus d’originalité, plus de technicité et plus de maturité dans les compositions. Nous sommes plus expérimentés. Pour les compos de l’album à venir, nous avons exploité les acquis de " Nocturnal Contemplations " et " Talvi ", à savoir que nous ne faisons plus les mêmes erreurs, nous savons ce qui fonctionne ou pas, et nous sommes bien plus à l’aise pour l’interprétation des morceaux. Au niveau des retombées médiatiques, tout se passe au mieux. C’est un rêve de gamin de sortir des disques et de faire des concerts, donc je suis comblé ! Mais nous sommes encore un tout petit groupe, il ne faut pas se leurrer non plus.

Quelle est l’origine du nom Anthemon ? J’avoue que la première fois que j’en ai entendu parler, ça m’a semblé sonner comme un nom de groupe de black…
Tu vois le mot Chrysanthème ? Il est d’origine grecque (Khrysos = Or ; Anthemon = Fleur). Anthemon signifie "fleur" en grec. Ca nous semblait moins cliché de s’appeler Anthemon plutôt que Chrysanthème, donc nous avons gardé le mot grec. Non pas pour le sens, mais plutôt pour la sonorité. C’est Marc qui a trouvé le nom, et je l’ai tout de suite approuvé. Peut être que ça pourrait convenir à un groupe de black, de death, de reggae, de hip hop, j’en sais rien en fait, c’est juste un nom de groupe sympa à entendre et prononcer. Mais il y a cette filiation avec la chrysanthème, fleur mortuaire par excellence, qui lui donne une connotation assez macabre à mon goût.

Il y a quelques années de cela, Theatre of Tragedy initialisait la vague de ce qu’on a pu appeler du " Beauty & the Beast " metal, à savoir un duo chant féminin / vocaux death sur une musique doom gothic. Ensuite énormément de groupes se sont engouffrés dans la brêche. J’imagine que quelque part Anthemon revendique cette filiation. Quelles ont été vos principales références dans le style ? Et surtout comment aujourd’hui comptez-vous apporter la petite étincelle innovatrice nécessaire pour rallier à votre cause un public déjà gavé de sorties de qualité ?
Non, nous ne revendiquons pas cette filiation. Tout d’abord parce qu’à part le fait d’avoir une chanteuse lyrique et du chant death, notre musique n’a aucun rapport avec le style de Theatre Of Tragedy et de ses clones, et ensuite parce qu’il ne s’agit pas vraiment nos influences. En fait nous avons opté pour du chant féminin parce que nous étions ouverts à tout, mais au départ nous cherchions un chanteur ! A vrai dire, à part The Gathering que j’adore, je n’écoute pas très souvent tous ces groupes de metal gothique à chant féminin. Mes influences se situent plutôt chez les groupes death qui ont par la suite introduit de la mélodie et de la mélancolie dans leur musique (Sentenced, Dark Tranquillity, Amorphis…). Il y a aussi Pink Floyd, les premiers Anathema, du heavy 80’s à la Iron Maiden. Et bien sûr aujourd’hui il y a Devin Townsend, dont j’admire vraiment le génie de compositeur et d’arrangeur… Alex, lui, est fou de Katatonia et de Yearning. En fait je pense que notre originalité se situe dans les influences heavy qui ressortent de notre musique. Nous aimons bien les harmonies à deux guitares et tous ces trucs heavy metal. Et nous ne jetons pas une idée juste parce qu’elle n’est pas metal, nous gardons ce qui sonne bien, c’est tout. Sur " Floating Further " par exemple, il y a un passage en son clair un peu folk, et sur un morceau du prochain album il y a même un passage un peu trip hop…

Parlons un peu de votre chanteuse Nathalie. Il semble qu’après l’ère des choristes et des potiches, dans le metal comme ailleurs, on assiste ces derniers temps à un retour sur le devant de la scène de vocalistes fortes et charismatiques, comme l’étaient (et le sont d’ailleurs toujours) des femmes comme Lisa Gerrard, Kate Bush ou encore Annie Lennox. Sans faire de comparaisons, comment situerais-tu Nathalie sur cette échelle ? Est-elle considérée par le groupe comme un élément central, que ce soit au niveau de l’implication, du jeu de scène, etc.   ? Envisages-tu Anthemon avec une autre chanteuse ?
Nathalie n’est pas l’élément central du groupe. Elle fait partie du collectif Anthemon, elle est une pièce du puzzle. Si elle a du charisme sur scène par exemple, elle ne le doit qu’à elle-même, ce n’est pas réfléchi. Je me refuse à profiter de sa féminité pour mettre le groupe en avant ! ! Tu ne risques pas de voir Nathalie à poil sur une photo comme The Sins Of Thy Beloved. C’est une jeune femme de notre époque, elle est indépendante et libre de ses actions, donc nous la situons tous à notre égal dans le groupe. Pour ce qui est de sa participation, elle était limitée sur " Talvi " puisque tout était déjà écrit à son arrivée, et ça a été très dur pour elle de s’intégrer artistiquement parlant. Mais désormais elle est co-compositeur des lignes de chant et des textes, elle donne son avis sur la musique et elle est largement impliquée dans la promo du groupe, donc sa participation est active. Pour la dernière partie de ta question, ça ne me pose aucun problème, personne n’est irremplaçable, ni au sein d’un groupe, ni dans la vie en général.

On en arrive à votre mini CD " Talvi " (pour moi c’est plus un album qu’un mini, enfin bref…). Souvent lors d’une première production, on retrouve un peu de tout, du matériel de différentes démos et des trucs plus récents. Qu’en est-il pour " Talvi " ? J’ai plutôt l’impression d’avoir affaire à quelque chose d’homogène, sauf peut-être au niveau des vocaux, qui sont plus performants – pour moi – sur la deuxième moitié du CD (à partir de " Withered Smile "). Un petit éclaircissement ?
" Talvi " n’est pas notre premier enregistrement, nous avons enregistré une démo CD en 98, Marc, moi, et une amie au chant, qui nous rendait juste service. Il s’agit de " Nocturnal Contemplations ". Mais Talvi est le premier enregistrement en tant que groupe. Au moment de l’enregistrement, la plupart des morceaux étaient déjà vieux, et seuls deux étaient plus récents (" Withered Smile " et " Der Todesking "). Au départ ces deux morceaux ne devaient pas figurer sur le disque, mais nous avons décidé de les y inclure en voyant qu’ils s’intégraient bien au concept général du CD. Et pour nous c’était rafraîchissant, parce qu’il faut savoir que " Talvi " a été enregistré trois fois en tout ! Mais nous n’étions pas satisfaits du son des deux premières versions, donc nous avons fait appel à un ingé son / producteur pour le troisième et dernier essai. C’est vrai que l’ensemble est homogène, parce que tous les morceaux s’inscrivent dans la même veine. Pour les vocaux, comme je te l’ai dis, Nathalie a du reprendre des lignes déjà composées, sauf sur " Withered Smile " justement, qui est mon préféré au niveau du chant sur le disque. Les mélodies vocales n’étaient pas trop adaptées à sa voix, finalement ça a été une erreur de reprendre tout pareil. Son intégration dans le groupe était encore récente, elle n’a eu qu’une journée pour enregistrer ses parties, et pour couronner le tout, notre producteur a laissé passer des parties pas top…

Les tons bleus inorganiques de votre artwork, le mot Talvi qui m’évoque un langage nordique (me trompé-je ?) ou encore un titre comme " Shroud of Frost " ne laissent guère planer le doute : l’attirance du groupe pour l’hiver et le froid est forte. En quoi la perspective de cette saison constitue-t-elle un moteur pour votre inspiration ? Je suis curieux de savoir à quelle époque de l’année vous avez composé la plupart de vos titres…
Talvi signifie " hiver " en Finnois. J’aime bien utiliser différentes langues. Le titre de l’album à venir sera en français, avec un texte en français pour le morceau titre. Concernant l’hiver, il s’agit effectivement du thème du disque, mais ce ne sera pas forcément un thème récurrent dans nos textes ou dans notre imagerie, et ce n’est pas vraiment une muse inspiratrice non plus. L’hiver a une connotation très romantique, que nous avons trouvé attirante, tout comme la nuit, qui était le thème de notre démo " Nocturnal Contemplations ". Nous avons également un thème pour le prochain disque. Je trouve ça intéressant d’aborder pour chaque enregistrement un thème général, ça fait de chaque disque une unité homogène. C’est comme un écrivain ou un réalisateur qui aborde un sujet nouveau à chaque nouvelle création. C’est vrai que le froid par exemple est un thème fascinant, il aurait pu être un sujet que j’aurais aimé développer davantage, mais je n’ai pas trop envie d’exploiter un thème déjà utilisé par Immortal. Quant à savoir à quelle époque de l’année les morceaux ont été composés, tu me poses une colle, je ne m’en souviens pas du tout !

Peux-tu me faire un petit tour d’horizon descriptif des titres de " Talvi ", et de ce qu’ils représentent aux yeux du groupe ?

1 – " Talvi ": C’est une intro constituée de sons : pluie, loups qui hurlent à la mort, voix trafiquées, et des petits trucs difficiles à déceler quand on n’écoute pas au casque… Il s’agit un peu d’un avertissement pour l’auditeur, un message de mise en garde : " fais attention, tu entres dans le monde hostile de l’hiver "

2 – " Floating Further ": C’est un morceau qui alterne ambiances éthérées et riffs plombés. Il y a beaucoup de breaks et de rebondissements, ce qui en fait un morceau agréable à jouer en live. C’est le premier morceau que j’ai composé pour " Talvi " et il résume bien ce qu’on voulait faire à l’époque. Les textes sont un peu flous, je pensais les avoirs compris, mais en y repensant, je crois bien que non…

3 – " Shroud Of Frost ": Ça parle d’une fille (la narratrice) en train de mourir de froid, près du corps gelé de son ami. Ce morceau est très influencé par le heavy et a une construction un peu bizarre. C’est le morceau que j’aime le moins sur le disque, parce qu’il ne représente plus du tout ce vers quoi nous nous orientons désormais. Mais j’aime bien les parties narrées par Nathalie.

4 – " Withered Smile ": C’est mon morceau préféré sur " Talvi ", il est simple et efficace, et les mélodies vocales sont excellentes. Il parle d’amour nécrophile (au sens romantique du terme). Le texte est adapté du film de Jorg Buttgereit " Nekromantik ". Je pense que nous aimons tous ce titre dans le groupe, et que nous continuerons de le jouer en live longtemps. Même The Old Dead Tree en a fait une reprise lors d’un de leur concert.

5 –" Against The Emptiness ": C’est un morceau très lourd et très lent avec des claviers épiques et symphoniques. Il y a un solo de piano que j’aime beaucoup à la fin. En live, nous incluons une partie de " Dark Light ", un morceau de notre démo en plein milieu.

6 – " Longer Than Life ": C’est un morceau qui compare la tristesse chronique ou la dépression à un éternel automne. C’est le morceau le plus accrocheur du disque, parce qu’il est relativement facile à assimiler. Encore une fois, l’influence heavy metal est présente dans ce morceau, du moins au début, parce que la dernière partie, les arpèges et les claviers symphoniques, est très typée metal atmosphérique. Ce morceau peut représenter les derniers instants avant la fin, quelle que soit la fin (l’hiver, la mort….), il s’enchaîne donc parfaitement avec le morceau suivant qui est une chronique du suicide.

7 – " Der Todesking ": Et bien c’est un instrumental, dont le titre est tiré du film de Jorg Buttgereit du même nom. Au départ il s’agissait d’un morceau avec du chant, mais nous avons décidé d’en faire un instrumental en studio, parce que le chant ne s’intégrait pas bien. Le film met en scène des gens qui ont décidé de se suicider. C’est un morceau très sombre et envoûtant, il y a un côté assez hypnotique dans ce titre, que j’aime beaucoup. Au moment du break, au milieu du morceau, on peut entendre une petite fille dire en allemand " c’était le roi des morts, il fait que les gens n’ont plus envie de vivre ". A la fin, la pluie et les loups reviennent, comme dans l’intro. Le morceau est très progressif, les différentes parties représentent l’évolution d’un acte de suicide, des prémices à l’action.

La musique dans son ensemble dégage une certaine légèreté en rapport avec le son cristallin des guitares et de la batterie, mais aussi un traitement des mélodies qui n’est pas sans lorgner parfois vers des courants moins metal – un peu de pop ou de new-age peut-être ? Quoi qu’il en soit, quels sont les critères que vous vous imposez en matière de souplesse vis-à-vis des influences que chacun a sans doute envie d’apporter ?
Le seul critère de refus d’une idée, d’un riff , d’un arrangement, c’est la pompe ou l’influence trop flagrante. Sinon, tout est permis à partir du moment que c’est bon et que ça intègre bien l’ensemble. Sur le prochain CD nous aurons de la flûte par exemple, et même une symphonie de basse ! Mais ça reste du metal, ce n’est ni pop ni new-age à mon avis. Les idées ne viennent pas du groupe dans son ensemble, puisque chaque compositeur dans le groupe (moi, Alex, Marc) apporte aux autres un morceau complètement achevé, qui doit être approuvé par les autres, et les changements sont généralement minimes, on bosse juste les parties de batteries en répétition.

Pour en revenir au son, ce côté aérien était-il voulu ? Il me semble résulter en grande partie d’une répartition très égalitaire des éléments metal et des synthés/piano au sein du mix. Avez-vous eu toute latitude de superviser la production comme bon vous semblait ? Êtes-vous entièrement comblés par le résultat ou auriez-vous souhaité sonner encore plus heavy ?
Tu sais je pense que le côté aérien dont tu parles vient plus des morceaux eux-mêmes que du son. Les morceaux sonnaient déjà comme ça sur les maquettes, et il y avait déjà une volonté de notre part de créer cette atmosphère éthérée et hypnotique. J’utilise souvent le piano dans des tonalités très aiguës pour faire éprouver une impression d’irréalité, de flottement. Le son n’a fait que le renforcer, ce côté planant, avec des réverbérations et d’autres types d’effets adaptés. Pour le mix des différents éléments, nous souhaitions une production qui mettrait un peu plus les claviers en avant. Je les trouve un peu sous-mixés sur " Talvi ", surtout sur " Floating Further ", mais ça va, je m’y suis habitué. Au niveau de la prod, nous avons entièrement fait confiance à quelqu’un d’extérieur au groupe pour les conseils artistiques et le son, ça a été une expérience intéressante, mais je ne souhaite plus travailler comme ça. Parce que l’on n'est jamais aussi bien servi que par soit même. Pour moi l’idéal serait d’avoir un ingé son qui ne se contenterait que de l’exécutif, à savoir régler le son et faire le mix selon nos instructions. Ou alors avoir un producteur très expérimenté. On avait pensé aller aux Tico Tico pour le prochain album, mais on a laissé tomber pour cette fois. Toujours est-il que les petites erreurs décelables sur " Talvi " ne passeront plus jamais, parce que ça me rend malade ! Pour résumer, le son de " Talvi " est bon, mais il aurait pu être meilleur avec un son de guitare plus lourd et des claviers un peu plus présents. Par contre je suis très content du son de batterie.

Une question peut-être toute bête, mais… qu’allez-vous faire du chant death ? Sur la majorité des titres de l’album il n’est pas présent, sur les autres loin d’être en position dominante. D’autre part il est reconnu que pas mal de fans de metal potentiels reculent encore devant les vocaux gutturaux. Sans vouloir faire d’Anthemon un groupe mainstream, n’avez-vous pas l’impression que la voix de Nathalie pourrait à elle seule couvrir le spectre des émotions recherchées ?
Il y aura un peu plus de chant death par la suite. Nous aimons ce type de chant, mais nous faisons bien attention à ne pas en abuser, pour lui conserver ce caractère exceptionnel dans notre musique. Le chant death est un contrepoint intéressant de la voix éthérée féminine, et je n’ai pas envie de le voir disparaître d’Anthemon pour le moment. Je me fiche pas mal de savoir si ça va plaire ou non, de toute façon notre public est metal dans l’ensemble, et ce type de musique n’est généralement pas accessible aux amateurs de musique mainstream. La voix de Nathalie pourrait suffire, mais comme nous cherchons à proposer une musique riche, il est intéressant d’utiliser d’autres types de vocaux. Nous allons également inclure du chant masculin clair par la suite.

J’ai lu des échos forts positifs de vos prestations scéniques. Je dois avouer que le seul groupe assimilable à Anthemon que j’ai eu l’honneur de voir en live (Darkwell) m’a anesthésié comme c’est pas permis, alors que je les trouve OK sur disque. Comment vous y prenez-vous pour captiver un auditoire ? Faites-vous preuve de dynamisme ou plutôt d’intimisme ? Jouez-vous à fond sur les effets de lumière ?
Et bien sur scène, nous sommes très dynamiques, nous ne nous comportons pas vraiment comme un groupe de doom. Marc arpente la scène, Alex headbange, Nathalie vit ce qu’elle chante, et moi j’ai un jeu de scène assez particulier… Tout ça fait que l’impact visuel du groupe est fort pour un groupe de ce style. Il faut dire qu’à part une exception, nous avons toujours joué sur scène sans les claviers. Notre musique en devient beaucoup plus agressive en live. Je ne pense pas que ce soit très bénéfique d’anesthésier le public en restant statique et en jouant sur les lumières, pour ce type de musique. Sinon les gens s’emmerdent, c’est clair. Les sensations que tu vas ressentir en nous écoutant chez toi au coin du feu ou en live seront très différentes, parce que les émotions retranscrites sur disque appèlent au calme et à la sérénité, et ce n’est pas adapté à la furie et à l’électrochoc du live. Pour en revenir aux lumières, nous n’avons de toute façon pas les moyens matériels de proposer quelque chose de spécial dans les salles dans lesquelles nous jouons.

Quelle serait l’affiche de concert idéal pour Anthemon ? Dans quelle salle ?
Devin Townsend / Anthemon / Yearning au Backstage à Munich ! ! ! ! ! ! ! :-)

Si tu devais employer trois adjectifs pour décrire chacun des membres du groupe ? N’oublie pas de t’inclure…
Hmmmm pas facile ça….
Nathalie : calme, réfléchie, sensée

Marc : introverti, motivé, lunatique
Alex : raisonnable, casanier, sensible
Nicolas : extraverti, sociable, franc
Moi (Sylvain): indépendant, instinctif, curieux

Parlons un peu de toi, Sylvain. J’ai cru comprendre, à la lecture de ta bio, que tu es un inconditionnel de Bernard Minet. Peux-tu me fredonner, comme ça à brûle-pourpoint, le refrain de Bioman ?
Tu cherches à m’humilier ? :-) (NdJ : Nooooooon…)

Plus sérieusement, que représente cet artiste dans ton épanouissement personnel en tant qu’instrumentiste ? A-t-il laissé une forte empreinte sur ta façon d’appréhender la composition musicale et ses méandres ? D’autre part, portes-tu toujours le deuil du split des Musclés ?
Ah oui, effectivement on passe aux questions sérieuses là. Bon, je t’avoue que je n'ai pas grand chose à dire sur Bernard Minet. Il est mentionné sur notre site web, parce que nous ne sommes pas des gens dépressifs, nous aimons rigoler et déconner, même si nous pratiquons un style de musique relativement sombre. Et ma grande découverte sur le web récemment, c’est le site de Bernard Minet (http://www.bernardminet.com), et je me marre avec ça tout seul ! Mais sérieusement ce mec est un bon batteur, dommage qu’il n’ait jamais fait de metal !

Et puis j’ai aussi vu qu’une des tes idoles a pour nom Devin Townsend. Je vais me faire écarteler pas mon webmaster pour oser dire ça, mais je ne suis pas du tout dans ce trip là, ou disons plutôt que je n’ai pas aimé Strapping Young Lad et que je n’ai jamais fait l’effort de me familiariser avec ses autres projets. Comment t’y prendrais-tu si tu devais essayer de convaincre une tête de mule comme moi que Mr Townsend est le meilleur ?
Ce type est génial. Il prend tout ce qui existe déjà en matière de musique et te crée quelque chose d’unique et d’inédit. Je n’ai pas trop envie de m’étendre là dessus, mais bon, en gros, c’est pour moi l’artiste qui propose la musique la plus riche, la plus passionnante et la plus aboutie sur la scène mondiale actuellement, tous styles confondus. C’est aussi un chanteur impressionnant, qui est capable de te sortir des hurlements de dégénéré comme un chant impeccable de crooner. Ses disques ne sont pas une collection de morceaux, mais des œuvres à part entière, comme des tableaux, avec une ambiance spéciale pour chacun d’entre eux. Enfin, je ne pourrai de toute façon jamais te convaincre avec des mots, il faut faire l’effort d’écouter sa musique en profondeur, plusieurs fois, pour la comprendre et t’en imprégner, ensuite tu pourras l’apprécier à sa juste valeur. Avec un peu d’herbe, ça marche un peu plus vite en général :-) (NdJ : Demain, je réessaye !)

Je parlais en ouverture de votre site internet. Aujourd’hui la présence active sur le web est un facteur quasiment obligé de la réussite d’un groupe. Toi-même, si je ne me trompe, tu arpentes assidûment les forums de discussion sur le metal. Jusqu’où ce phénomène " tout pour le web " va-t-il pouvoir être poussé selon toi ? Finira-t-on par voir disparaître les labels en tant que tels au profit de cyber-corporations gérées par les artistes eux-mêmes ? Imaginerais-tu Anthemon commercialiser un album par le biais de mp3 uniquement ?
De toute évidence, depuis l’explosion d’internet, le business de la musique a déjà énormément changé, tu peux écouter avant d’acheter, et même ne pas acheter du tout et posséder l’album. C’est clair que ce n’est pas très bon pour les groupes qui vivotent de leur musique, mais pour ceux qui n’en vivent pas c’est un super moyen de promotion. Personnellement j’ai pas mal téléchargé de mp3 cette année, mais je reviens petit à petit aux vraies valeurs, à savoir un CD dans un boîtier avec une belle pochette. Avec un CD, en plus de la musique, tu as un objet, un bel objet. Ca serait dommage que ça disparaisse, donc je ne suis pas trop pour les cyber-corporations dont tu parles. Ca serait nul de ne plus sortir que des mp3. Le seul point positif que je vois là dedans, c’est l’auto gestion de la part des artistes, qui conserveraient tout l’argent gagné, et pas seulement les miettes. Il me semble que Public Enemy le fait déjà depuis un bon moment. De toute façon on n'en serait pas là si le prix des CD n’était pas aussi prohibitif, le système de l’industrie du disque est sa propre victime.

Sans en arriver jusqu’à un tel scénario que celui évoqué dans la question précédente (catastrophe selon moi), il y a certains enseignements à tirer des ressources metal que l’on peut trouver sur le web. N’es-tu pas consterné de retrouver toujours les mêmes clivages, genre les " true " black-métalleux faisant la guerre aux " trendies ", et les mêmes clichés ? Le temps passe et les media évoluent, mais le débat ne semble pas devoir s’élever… Finalement les gens qui sont dans le vrai ne sont-ils pas ceux qui ferment leur gueule et se contentent de vivre pleinement pour leur passion sans artifices, de se bouger le cul aux concerts pour supporter les groupes avant toute chose ? Attention, je ne dis pas qu’il n’y a que des abrutis sur le web, seulement qu’il y a aussi bon nombre de donneurs de leçons qui ont oublié d’en prendre. Ton avis là-dessus en tant que musicien et surfeur à la fois ? Te paraît-il très important de rester à la disposition des fans ?
Je m’en fous pas mal des gueguerres de clan sur internet, mais en tant que surfer, j’ai un peu de mal avec les mecs qui te tiennent des discours du genre " Dimmu c’est de la merde parce qu’il y a du clavier et qu’ils sont trendy, y a que Darkthrone qui connaît les secrets du black metal art ". C’est nul, c’est pathétique, c’est con. Mais bon tu sais, ma présence sur certains forums n’a rien à voir avec mon implication dans Anthemon, je ne me présente jamais comme étant membre du groupe, je suis un anonyme comme les autres. Mais bon, il suffit de le dire une fois, et ensuite tout le monde le sait, c’est un peu emmerdant. Pour reprendre ta question, ceux qui sont dans le vrai pour moi sont ceux qui vivent leur vie sans faire chier ceux qui n’ont pas les même opinions qu’eux, point barre. Maintenant, ne pas être d’accord avec quelqu’un et en discuter, d’accord, mais ça ne se passe pas comme ça sur le web ! ! ! Mais bon, tout ça c’est du loisir au fond, c’est juste marrant, moi aussi je m’engueule avec des mecs parfois, et je le prends comme un jeu, pas comme une affaire d’état. De toute façon des donneurs de leçon et des abrutis en tout genre, tu en trouveras autant dans la vie que sur le net, la différence c’est qu’ils ont trouvé un médium d’expression plus facile avec internet. Etre à la disposition des fans, comme tu dis, effectivement c’est quelque chose d’important et d’utile, mais pas sur le web, puisque je n’y vais jamais en tant que membre du groupe. Par contre, après un concert quand on nous demande de signer le CD, je le fais sans problème, et je suis toujours disponible pour discuter 5 minutes avec n’importe qui, à partir du moment ou on m’aborde. Par contre ce n'est pas mon genre d’aller me pavaner dans la salle pour qu’on vienne me parler.

Si tu le souhaites, tu as l’opportunité de disserter ici sur tes projets personnels. Quels sont-ils et quel est leur état d’avancement ?
Tu parles de projets musicaux ? J’ai l’intention de monter un second groupe, pour faire un metal gothique plus simple et direct, en restant évidemment focalisé prioritairement sur Anthemon. Une personne qui n’est pas tout à fait inconnue dans la scène metal française est prête à me rejoindre dans l’aventure. J’ai des ébauches de 4 ou 5 compos, mais autant dire que ce projet est au point zéro pour le moment. J’espère juste avoir le temps nécessaire pour réellement le mettre en œuvre dans les mois à venir. J’ai aussi un projet de death metal hyper barré, mais là je vais tout faire tout seul, peut être même les vocaux si je m’en sens capable. J’ai déjà 4 morceaux de terminés, mais je suis un peu à court d’inspiration pour le moment, donc plutôt que de faire de la merde, je préfère attendre d’avoir des idées fraîches en tête pour me remettre sur ce projet. J’avais également dans l’idée d’enregistrer une démo de délires musicaux que j’enregistre depuis des années, mais j’ai laissé tomber, je ne suis plus du tout motivé pour le faire.

Quel regard portes-tu sur la scène française en général ? Apparemment les initiatives ne manquent pas, mais ce n’est pas pour autant que beaucoup de nos groupes arrivent à s’exporter convenablement, alors qu’ils ne sont pourtant pas plus mauvais qu’ailleurs, bien au contraire – en comparaison la scène allemande est qualitativement sinistrée, à quelques exceptions près, et pourtant on recense au moins deux fois plus de groupes teutons dans toutes les listes de distribution. Alors, quel est le problème ? Est-ce que les efforts sont trop individuels et dispersés ? Est-ce que ça tient à la timidité des " gros " labels hexagonaux lorsqu’il s’agit de signer du terroir ?
Je pense énormément de bien de la scène française, surtout dans le metal atmosphérique, gothique, doom. Il n’y a qu’a jeter une oreille sur The Old Dead Tree, The Silent Agony, Dying Tears, Liturgy Of Decay, Kemet par exemple pour s’en rendre compte. Le death français se porte très bien également, avec Inward Mind, Inheritance, Kronos, Carcariass, mais franchement il y en a beaucoup trop pour tous les citer. Une flopée de groupes hexagonaux a largement le potentiel international. Mais le hic vient des labels, et pas les labels français ! ! Nuclear Blast par exemple, refuse les groupes français, juste parce qu’ils sont français. Il y a encore cette fausse idée que les groupes français sont minables qui circule… la faute à nos ancêtres des années 80, qui par manque de professionnalisme et de qualité (à part quelques exceptions, bien évidemment, un groupe comme Killers aurait pu être la fierté nationale à l’étranger) ont attiré sur la patrie de Baudelaire un anathème éternel de la part des labels influents ! ! ! Je ne sais vraiment pas comment les groupes à potentiel vont se sortir de cette situation, si ce n’est se débrouiller avec les moyens du bord et prouver leur valeur. D’une manière générale, les labels français sont quand même plus indulgents avec les groupes nationaux que les labels étrangers je trouve.

Je crois que ce sera tout, pour cette fois du moins, car je compte bien avoir l’opportunité de te torturer à nouveau lors de la sortie de votre album. Comme il est de coutume, je te laisse le soin de conclure cette interview…
Oui alors j’espère que se sera début 2002 si nous ne prenons pas trop de retard. Je profite de cette tribune pour faire une annonce : nous cherchons un(e) clavier très bon niveau à temps plein, merci de nous contacter si vous êtes intéressé(e)s : anthemon@free.fr. Je te remercie pour cette excellente interview, et je souhaite une longue vie à Violent Solutions ! Un dernier mot pour rappeler l’adresse de notre site web : http://anthemon.free.fr

Merci, a+ !